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III

L'Organisation législative dans les principaux États étrangers.

Nous nous sommes placés au point de vue le plus général et, nous livrant à une étude tout à fait abstraite de la fonction législative, il semble bon de rechercher un peu partout les systèmes qu'on a pu imaginer. Quoique la France ait connu l'application des différents systèmes politiques, il est pourtant intéressant de franchir nos frontières et d'aller chercher dans plusieurs organisations politiques des éléments d'observations.

le

Parmi les peuples modernes, c'est l'Angleterre qui fournit premier exemple d'une organisation constitutionnelle.

« Le Parlement d'Angleterre n'est autre chose qu'une imitation perfectionnée de quelques États Généraux de France » écrivait Voltaire (1). Voltaire exagérait : néanmoins, on ne peut

nier

que ces deux corps apparaissent dans des conditions assez identiques, en des temps assez rapprochés, pour qu'on en puisse attribuer l'origine à des causes générales semblables.

Comme les États Généraux l'assemblée d'abord unique que le roi d'Angleterre convoque près de lui, se compose de dignitaires personnellement appelés. Les writs du 11 février 1254

(1) Dictionnaire philosophique : voir l'article : États Généraux.

ordonnent l'élection de deux chevaliers par comté pour siéger au lieu et place de tous les autres. En 1265, des writs lancés par Simon de Montfort, les comtes de Leicester et de Gloucester, au nom de Henri III, sont l'origine de la Chambre des communes, puisqu'ils convoquent aussi des représentants des comtés et des bourgs. Mais les Chambres ne furent séparées qu'à partir du XIVe siècle, en 1341. Dès lors, le Parlement. anglais est constitué sur des bases qui sont encore les siennes. Mais il va sans dire que dès lors les pouvoirs de l'État se sont développés et fixés par une longue évolution.

«En Angleterre de même qu'en France, le mandat politique » nous apparaît à sa naissance dans l'histoire comme empreint » d'une impérativité absolue, écrit M. Philipon (1) le député » durant les premiers siècles du parlementarisme anglais, » n'est autre chose qu'un fondé de pouvoirs, un chargé » d'affaires sans volonté propre et, à ce titre, il reçoit de ses » commettants des instructions nettement délimitées, qu'il lui » est formellement interdit d'enfreindre dans l'exercice de son » mandat. Son droit d'initiative personnel est nul ce sont » ses électeurs qui parlent, délibèrent, discutent et votent » par sa bouche; quant à lui, il n'a rien autre à faire » qu'à traduire le plus fidèlement possible leur volonté sou» veraine ».

On ne trouve nulle part indiqué comment disparut l'usage du mandat impératif au Parlement anglais on ne peut que faire des suppositions: tant que le Parlement ne jouit que d'un pouvoir législatif restreint, les députés purent s'accommoder du mandat limité; mais lorsque son pouvoir devint de plus en plus étendu dans le cours du xvII° siècle et qu'il arriva, après les deux révolutions de 1648 et 1688, à détenir ses vastes

(1) PHILIPON: Le mandat impératif, page 231.

attributions législatives, le mandat impératif devint impraticable et disparut tout à fait de la pratique cependant, il faut constater qu'aucun texte ne prohibe ou n'autorise le mandat impératif sur ce point comme sur tant d'autres, l'usage tient. lieu de constitution à l'Angleterre. Néanmoins, les rapports entre électeurs et députés ont à peu près disparu aujourd'hui et ce sont deux principes universellement admis en Angleterre : 1° Que le député, loin de représenter la circonscription qui l'a nommé, représente toute la nation; il peut donc discuter toutes les questions qui intéressent le pays, questions d'intérêt général ou local;

2o Que le député est entièrement libre de ses décisions en toute espèce de matières.

Chaque membre, bien que choisi par un district particulier, dit Blackstone, sert pour tout le royaume. Car la fin > pour laquelle il y est envoyé est, non pas particulière, › mais générale; ce n'est pas dans l'intérêt seul de ses cons> tituants, mais dans celui de la communauté » (1).

Le texte fondamental de la Constitution italienne est le statut du 4 mars 1848. Le pouvoir législatif appartient conjointement au roi et aux deux Chambres: Sénat et Chambre des députés.

La Chambre des députés est élue au scrutin de liste conformément aux lois électorales des 22 janvier et 7 mai 1882. Quant au Sénat, il est recruté dans les mêmes conditions que nos anciennes Chambres des pairs: nomination directe

par

le

(1) BLACKSTONE: Commentaire sur les lois d'Angleterre. B. I. chapitre II.

page 159.

roi, mais avec quelques limites concernant les personnes à choisir.

Pour les sénateurs, naturellement, le caractère de fonction publique est manifeste. Quant aux députés, la Constitution leur défend de recevoir aucun mandat impératif et cette prohibition est contenue en l'article 41 du statut fondamental de 1848 « Les députés représentent la nation en général et » non les seules provinces dans lesquelles ils ont été élus. Aucun mandat impératif ne peut leur être donné par les » électeurs ».

Donc système mixte en Italie, composé de mandat représentatif et de fonction législative.

La Constitution de l'Allemagne du Nord a fourni la plupart des principes de la Constitution du nouvel empire allemand qui fut promulguée le 16 avril 1871.

<< Le pouvoir législatif de l'Empire s'exerce par le Conseil fédéral (Bundesrath) et le Reichstag », déclare l'article 5 de la Constitution. Le Conseil fédéral est formé des représentants des États de l'empire ces représentants, ambassadeurs en quelque sorte des divers États de l'union, sont de véritables

fonctionnaires.

» Le Reichstag est nommé par le suffrage universel et direct, au scrutin secret. » Article 20.

<< Les membres du Reichstag représentent le peuple tout entier et ne sont liés par aucun mandat ni instructions. » Article 29.

Donc, on peut dire de la Constitution allemande qu'elle est un système mixte du même genre que la Constitution italienne et nous n'insisterons pas.

La loi du 21 décembre 1866 a doté l'empire d'Autriche de son organisation actuelle le Parlement y porte le nom de Reichsrath.

<< Le Reichsrath se compose de la Chambre des seigneurs et de la Chambre des députés. » Article 1.

La Chambre des seigneurs se compose de personnages qui siègent en vertu de titres héréditaires, de certaines hautes fonctions publiques, ou par la nomination impériale, ainsi qu'il est arrêté dans les articles 2, 3, 4 et 5. Les uns et les autres sont des fonctionnaires, en admettant que, par un abus digne d'un autre âge, il puisse exister des fonctions publiques héréditaires.

L'article 16 de la même loi de 1867 nous dit que « les membres de la Chambre des députés ne doivent recevoir de leurs électeurs aucun mandat impératif (instructionen)». Donc pour la Chambre des députés nous retrouvons évidemment la doctrine générale du mandat représentatif.

La Constitution belge date du 7 février 1831; la loi est votée par deux Chambres: Sénat et Chambre des représentants; les membres du Parlement ne sauraient se lier par le mandat impératif que prohibe l'article 32 de la Constitution : « Les membres des deux Chambres représentent la nation et non uniquement la province ou la subdivision de province qui les a nommés». Le système belge est donc entièrement sem

blable au nôtre.

Nous trouverions de même des prohibitions du mandat

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