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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

SÉANCE DU JEUDI
JEUDI 7 FÉVRIER 1901

SOMMAIRE. Procès-verbal M, Peschaud.

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Excuses. Adoption: 1o du projet de loi tendant à autoriser la ville d'Aubenas (Ardèche) à établir diverses taxes en remplacement de ses droits d'octroi partiellement supprimés; 2o du projet de loi autorisant la ville de Saint-Jeande-Maurienne (Savoie) à percevoir des licences municipales et une taxe sur les loyers. Communication d'une demande d'interpellation de M. Bourrat au ministre des travaux publics, sur la situation financière des compagnies de chemins de fer et sur les mesures à prendre pour que la dette des compagnies, provenant de la garantie d'intérêt, soit remboursée à l'Etat: M. le ministre des travaux publics. -Fixation à la suite des autres interpellations. Suite de la discussion: 1o du projet de loi relatif au contrat d'association; 2o de la proposition de loi de M. Cuneo d'Ornano; 3° de la proposition de loi de M. Charles-Gras et plusieurs de ses collègues; 4o de la proposition de loi de M. Lemire et plusieurs de ses collègues, concernant le droit d'association. Article nouveau de M. Fernand de Ramel et autres MM. Fernand de Ramel, Trouillot, rapporteur. Retrait. Article nouveau de M. d'Iriart d'Etchepare: M. d'Iriart d'Etchepare. Retrait. Article nouveau de M. Vidal de Saint-Urbain et autres: MM. Vidal de Saint-Urbain, le rapporteur. Rejet, au scrutin. Art. 6, devenu article 7 (nouveau texte): MM. Cuneo d'Ornano, le rapporteur. Adoption. - Art. 7, devenu art. 8 (nouveau texte). Adoption du paragraphe 1er. Paragraphe 2: M. Lemire. Adoption. Paragraphe 3. - Amendements: 1o de M. Alicot et autres; 2o de M. Julien Goujon : MM. Alicot, le rapporteur, Lerolle, Julien Goujon, Lemire. Scrutin sur l'amendement de M. Alicot. Pointage. Rejet. Nouvel amendement de M. Julien Goujon: MM. Julien Goujon, le rapporteur. Rejet, au scrutin. - Amendement de M. Laurent Bougère: MM. Laurent Bougère, le rapporteur, Massabuau. Rejet, au scrutin. Demande de renvoi à la prochaine séance. Rejet, au scrutin. Sur le paragraphe 3 MM. Paul Beauregard, le rapporteur. Adoption. Sur l'ensemble de l'article: MM. Thierry, le rapporteur, Lemire. Adoption, au scrutin, de l'ensemble. Dépôt, par M. le ministre de l'intérieur, de deux projets de loi concernant la commune de la FageSaint-Julien et la ville de Périgueux. Dépôt par M. Morel, au nom de la commission des octrois, de trois rapports sur les projets de loi concernant l'octroi des villes de Tulle, Cambrai et Paray-le-Monial. Dépôt par M. Guyot-Dessaigne, au nom de la commission de l'armée, d'un rapport sur le projet de loi modifiant l'article 200 du code de justice militaire. Dépôt par M. Beauquier, au nom de la commission de la chasse, d'un rapport sur le projet de loi portant modification de l'article 4 de la loi du 3 mai 1844 sur la chasse. Dépôt par M. Guillain, au nom de la commission du budget, d'un rapport sur la proposition de loi de M. Audiffred, ayant pour objet la création d'une caisse des recherches scientifiques. Dépôt, par MM. Monfeuillard et Mirman, d'une proposition de loi tendant à ouvrir un crédit extraordinaire de 100,000 fr. à titre de secours aux cultivateurs de quinze communes de l'arrondissement de Reims dont les récoltes ont été ravagées par les campagnols. Dépôt, par M. Albert-Poulain, d'une proposition de loi tendant à la réforme de la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail.

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PRÉSIDENCE DE M. PAUL DESCHANEL

président donne lecture.)
Voici le texte de ces projets :

pour les associés et beaucoup plus de garan- | taires, les deux projets de loi dont M. le ties pour les sociétés. Les intentions que nous prête M. le rapporteur peuvent être dans son esprit, mais je tiens à déclarer qu'elles ne sont ni dans l'esprit de M. Resecré-nault-Morlière ni dans le mien. (Très bien ! très bien! au centre.)

La séance est ouverte à deux heures. M. de l'Estourbeillon, l'un des taires, donne lecture du procès-verbal de la séance d'avant-hier mardi.

M. le président. La parole est à M. Peschaud sur le procès-verbal.

M. Peschaud. A la fin de la dernière séance, les derniers mots de M. Trouillot, en réponse à l'amendement déposé par M. Renault-Morlière et par moi, et défendu par M. Victor Gay, m'ont échappé au milieu du

bruit.

M. le rapporteur, d'après le compte rendu sténographique, a soutenu que notre amendement avait pour but de donner une prime à ceux qui manquaient aux promesses faites. C'est absolument le contraire de ce que nous avons demandé. En effet, nous avons réclamé beaucoup plus de liberté

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« Art. 1er. En remplacement de droits d'octroi supprimés, la ville d'Aubenas (Ardèche) est autorisée à s'imposer, à partir du 1er janvier 1901:

«1° Une surtaxe sur l'alcool;

<< 2o Une taxe sur les chevaux et mulets; 3o Une taxe d'habitation; «4° Une licence municipale. «Art. 2. La surtaxe sur l'alcool sera de 15 fr. par hectolitre d'alcool pur contenu dans les eaux-de-vie, esprits, liqueurs, absinthes et fruits à l'eau-de-vie.

« Cette surtaxe est indépendante du droit de 15 fr. établi à titre de taxe principale. << Art. 3. La taxe sur les chevaux et mulets est due pour tous les chevaux et mulets existant dans la commune; elle est

--

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«<< Art. 1or. En remplacement de ses droits d'octroi, la commune de Saint-Jeande Maurienne (Savoie) est autorisée à établir à son profit, à partir du 1er janvier 1901, des licences municipales et une taxe sur les loyers d'habitation.

<< Art. 2. Les licences municipales se composent :

«< 1o D'un droit fixe de 30 fr. par débitant

de boissons; ce droit sera réduit de moitié pour les débitants vendant exclusivement des boissons hygiéniques;

« 20 D'un droit proportionnel égal à 30 p. 100 de la valeur locative des locaux occupés.

«Les prescriptions du décret du 16 juin 1898, portant règlement d'administration publique sur l'assiette et la perception des licences municipales prévues par l'article 4 de la loi du 29 décembre 1897, sont appli

cables à la ville de Saint-Jean-de-Maurienne, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions qui précèdent.

<< Art. 3. La taxe sur les loyers est fixée

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à 120 p. 100 du montant total de l'impôt, ner une nouvelle lecture de la disposition
personnel-mobilier en principal.
additionnelle à l'article 5 que nous avons
cru devoir proposer pour apporter plus de
précision et de clarté dans la loi qui est sou-
mise à vos délibérations.

<< Le produit de la taxe, ainsi déterminée chaque année, sera réparti au prorata des loyers matriciels servant de base à la contribution mobilière des contribuables de la commune.

« Art. 4. Les frais d'impression et d'expédition des états-matrices des rôles, ainsi que les frais de confection et de distribution des avertissements, sont à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Maurienne. >>

DÉPÔT D'une demande d'INTERPELLATION

M. le président. J'ai reçu de M. Bourrat une demande d'interpellation sur la situation financière des compagnies de chemins de fer et sur les mesures à prendre pour que la dette des compagnies, provenant de la garantie d'intérêt, soit remboursée à l'Etat.

Quel jour le Gouvernement propose-t-il pour la discussion de cette interpellation?

M. Pierre Baudin, ministre des travaux publics. Le Gouvernement prie la Chambre de vouloir bien inscrire cette interpellatiou à la suite de celles qui figurent déjà à l'ordre du jour.

Je fais remarquer tout de suite que le texte du projet est muet sur les unions ou fédérations d'associations. et qu'il s'explique assez mal en ce qui concerne les branches, établissements, annexes ou groupements divers que peut comporter une association. Il faut donc un texte précis qui indique jusqu'où peut légalement s'étendre le rayonnement des associations et le lien existant entre ses divers organes; et comme il ne peut être douteux que ce rayonnement est sans limite, il conviendrait de reconnaître, dans un texte précis, que les fédérations et unions d'associations sont légalement permises, afin d'éviter toute équivoque,

C'est ce qui justifie l'utilité de notre article additionnel dont je crois devoir vous rappeler le texte :

<< Les associations légalement constituées pourront se fédérer entre elles. Ces unions, pour jouir des droits énoncés à l'article 5, devront faire le dépôt et la déclaration prescrits par l'article 4 de la présente loi. Elles joindront à cette déclaration la liste des

M. Bourrat. J'accepte la fixation propo- groupes qui constituent l'union. » sée par le Gouvernement.

Quelques brèves explications suffiront à

M. le président. Il n'y a pas d'opposi- établir le droit d'union des associations tion?... que nous vous prions de consacrer par ce texte.

L'interpellation sera inscrite à la suite de l'ordre du jour spécial du vendredi.

SUITE DE LA DISCUSSION DU PROJET ET DES
PROPOSITIONS DE LOI RELATIFS AU CON-
TRAT ET AU DROIT D'ASSOCIATION

M. le président. L'ordre du jour appelle
la suite de la discussion : 1o du projet de loi
relatif au contrat d'association; 2o de la pro-
position de loi de M. Cuneo d'Ornano; 3° de
la proposition de loi de M. Charles-Gras et
plusieurs de ses collègues; 4o de la propo-
sition de loi de M. Lemire et plusieurs de
ses collègues, concernant le droit d'asso-
ciation.

La Chambre s'est arrêtée, avant-hier, à l'article nouveau que M. de Ramel demande d'introduire après l'article 5, devenu l'article 6.

Cet amendement porte les signatures de MM. de Ramel, Paul Lerolle, de GailhardBancel, Delpech-Cantaloup, de La Ferronnays, Gayraud, Derrien, de l'Estourbeillon, de Rohan et Pozzo di Borgo. Il est ainsi conçu :

<< Les associations légalement constituées

pourront se fédérer entre elles. Ces unions,
pour jouir des droits énoncés à l'article 5,
devront faire le dépôt et la déclaration
prescrits par l'article 4 de la présente loi.
Elles joindront à cette déclaration la liste
des groupes qui constituent l'union. »><

La parole est à M. de Ramel.

M. Fernand de Ramel. Messieurs, je vous demande la permission de vous don

Je rappelle que le principe de l'association a été défini dans l'article 1er et que cette définition porte que l'association est la mise en commun des connaissances et de l'activité de l'homme dans un but autre que celui de partager des bénéfices. L'homme isolé est sans force et sans appui, le groupement des hommes fait leur force et leur permet d'atteindre un but licite qu'ils ne réaliseraient pas seuls.

--

C'est l'exercice d'un droit naturel qu'en résumé vous reconnaissez. (Très bien ! très bien! à droite et sur divers bancs au centre.) Si vous le réglementez au point de vue de la mainmorte, de la personnalité civile, et sur ce point je fais les plus expresses réserves (Très bien! à droite), mais je ne veux pas discuter en ce moment cette réglementation restrictive, car elle fait l'objet de dispositions subséquentes que nous aurons à examiner à propos des articles suivants du projet de loi, tout au moins cette réglementation que vous appliquez à la constitution de la personnalité civile, à l'acquisition

de biens immobiliers et à d'autres points sur lesquels vous légiférez d'une façon ex

cessive et arbitraire, vous ne l'appliquez pas au nombre des associés ni à la zone dans laquelle l'association peut exercer son

activité. Nulle part dans votre projet, aucunement dans votre esprit, il n'apparaît que vous ayez voulu restreindre les associations à un nombre de personnes déterminé, cela n'est pas douteux, pas plus que vous n'avez voulu restreindre

l'exercice de leur activité à une zône déter- | c'est-à-dire des agrégations diverses qui ne | pas admettre le principe de la fédération minée. C'est l'évidence même, et il est clair seront pas limitées à l'arrondissement. Ceci que vous ne pouviez faire autrement sans résulte de votre texte même et n'est pas détruire complètement le droit d'association contesté ces agrégations, ces établisseque vous proclamiez dans l'article 1er. ments pourront se multiplier à l'infini, tout en restant dans la dépendance et sous la direction de l'association centrale représentée par ses administrateurs qui ont fait la déclaration.

Par conséquent, nous nous trouvons en présence d'une loi dont la disposition essentielle reconnaît la possibilité d'étendre à l'infini le nombre des adhérents aux associations et de faire rayonner l'activité des associations dans une zone sans limite sur toute l'étendue du territoire français. Il semble donc que par une conséquence logique vous devez admettre l'union des associations qui n'a pour effet que d'augmenter le nombre des associés et l'étendue de leur zone d'action.

Ce qu'il y a de particulièrement curieux dans le projet de loi du Gouvernement et de la commission, c'est qu'il n'a que des velléités de reconnaissance du droit d'association, mais qu'il est plein de réticences et de craintes. A peine a-t-il posé un principe comme celui de l'article 1er qu'il y contredit dans les articles suivants; si bien qu'en réalité le projet paraît plus inspiré par la crainte, par la peur des associations que par la confiance en elles.

M. Cuneo d'Ornano. Dites: par la peur même des associations laïques !

M. Fernand de Ramel. J'entends bien : par la peur même des associations laïques, des associations de toutes sortes. (Très bien! très bien! à droite.)

M. Cuneo d'Ornano. Par la peur de toutes les libertés. (Très bien! sur les mêmes bancs. Bruit à gauche.)

M. Fernand de Ramel. La peur de la liberté d'association est dans le projet de loi beaucoup plus apparente que la confiance en elle. Il faut cependant que nous obtenions de la clarté et que nous jetions quelque lumière sur la confusion qu'engendre cette frayeur. Il faut que nous sachions quelle sera la situation d'une association qui a fait sa déclaration au chef-lieu d'arrondissement, comme le veut l'article 3, et qui voudra ensuite se développer.

Que pourra-t-elle faire? Sera-t-elle restreinte à la circonscription de l'arrondissement où elle a été déclarée, sans pouvoir étendre au delà son action par ses adhérents? Non, évidemment. Vous n'avez pas pu avoir un instant cette pensée. Vous n'admettez pas non plus que cette association n'ait qu'un seul établissement où elle puisse exercer son action et ses efforts dans le but qu'elle s'est proposée. Cela est si vrai que dans l'ancien article 4, qui est devenu l'article 5,vous dites, en parlant des associations et de la déclaration auxquelles elles sont soumises :

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Mais quelles seront la situation et le rôle de ces établissements? Ils auront une certaine autonomie, ils auront leurs centres d'activité, leur zone d'action; ils auront leurs ressources; s'ils sont placés sous la dépendance administrative et sous la direction centrale de l'association, ils n'en seront pas moins toujours des établissements comme vous le dites vous-même dans l'article 5; ce seront des agrégations, des sous-associations qui auront une indépendance suffisante pour développer leur activité, quel que soit leur nombre. C'est une véritable décentralisation dans l'association. (Très bien! très bien!)

C'est là ce qui résulte de votre article 5. Eh bien, voulez-vous me dire, s'il vous plaît, la différence sensible qu'il y aura entre ces établissements ou ces agrégations dépendant de l'association qui a fait sa déclaration, et les associations diverses, ayant fait chacune leur déclaration, qui s'unissent dans un but commun et dont l'union ou la fédération, après la déclaration indiquée dans notre amendement, aura la même personnalité civile, restreinte ou non, que l'association elle-même ? Prenez garde! on va, par le silence de la loi, créer des difficultés d'application et constituer, par là peut-être, des manquements à la loi sur lesquels il sera très difficile d'être éclairé.

Comment distinguerez-vous entre l'union, la fédération, qui semble interdite par le silence de la loi, et ces agrégations ou établissements divers relevant de la même association, qui sont incontestablement permis? Est-ce que, suivant l'interprétation et le caprice, ces établissements, à raison de leur activité propre sur certains points, à raison de leur développement en tant que succursales, seront considérés comme des associations isolées et seront entrepris pour leurs relations avec l'association centrale, parce qu'ils constitueront avec elle une sorte d'union ou de fédération? Il sera bien difficile de distinguer entre cette décentralisation de l'association dont les éléments ou agrégations auront une activité propre ou des ressources propres, et l'association unie à une autre par les liens de la fédération. (Très bien! très bien! à droite.)

des associations? En somme, veuillez vous le rappeler, ces associations ne peuvent exister qu'à la condition qu'elles soient licites; leur union ne pourra exister qu'à la condition que le but de cette union soit licite ; l'union de ces associations sera soumise à la déclaration; elle n'offre, par conséquent, aucun danger.

Laissez-moi vous indiquer maintenant tous les inconvénients qu'offrirait le silence de la loi sur la faculté de fédération ou la négation de cette faculté qu'on tenterait d'en déduire.

D'abord, permettez-moi de vous faire remarquer, monsieur le président du conseil, que vous vous mettriez en contradiction avec vous-même.

En effet, dans le projet de loi que vous avez déposé, en 1899, sur les associations syndicales, vous n'avez pas hésité à admettre le principe des unions. Je lis dans l'article 5 de ce projet, du 14 novembre 1899, la disposition suivante qui consacre la légalité des unions en fédération :

« Art. 5. Les dispositions de l'article 4 sont applicables aux unions de syndicats, qui devront, en outre, faire connaître les noms des syndicats qui les composent. Ces unions pourront ester en justice; elles pourront posséder les immeubles qui sont nécessaires à leurs bureaux, à leurs réunions, à leurs bibliothèques, etc., etc. >>

Par conséquent, dans la loi sur les associations syndicales, vous admettez expressément le principe des unions ou fédérations.

Vous avez déposé le même jour le projet de loi sur les associations, et vous restez muet sur ce point! Vous paraissez vouloir une confusion que je considère comme pleine d'embûches et que j'ai voulu vous contraindre à dissiper par ma proposition. (Très bien! très bien! à droite.)

D'ailleurs, le projet du conseil d'Etat sur les associations, projet mûrement délibéré, qui a fait l'objet de longues discussions au sein de cette éminente Assemblée et qui porte la date du 3 juin 1899, proclame à plusieurs reprises le principe des unions d'associations.

Je lis dans l'article 1er de ce projet :

« L'existence légale est acquise à une association ou union d'associations par l'accomplissement des formalités prévues au présent article...

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Voilà le principe posé; au cours du projet je trouve d'autres indications relatives à ces unions.

Comment se fait-il donc qu'ayant voulu

Il est essentiel d'être précis sur ce point vous-même les unions et fédérations pour et d'éviter toute équivoque.

J'ai établi, sans contestation possible, qu'il résulte de l'article 5 nouveau la possibilité pour les associations d'avoir, en dehors même de l'arrondissement où a été faite la déclaration et quel que soit le nombre des personnes, des agrégations ou établissements divers. Dès lors, pourquoi ne

les associations syndicales, que le conseil d'Etat ayant proposé la constitution des unions et fédérations pour les associations, vous restiez muet sur ce point dans votre projet de loi? Laissez-moi vous dire qu'en agissant ainsi, non seulement vous vous mettez en contradiction avec vous-même, mais encore que vous vous éloignez beau

coup de la législation des pays qui jouis. sent de quelque liberté.

Dans un pays monarchique, en Angleterre, les unions et fédérations d'associations existent et se développent. Il suffit de nommer, pour que chacun ait ce souvenir présent à l'esprit, le syndicat de la fédération des mécaniciens qui compte 497 branches ou associations fédérées. Vous ne pouvez donc pas rester silencieux et vous devez, par la logique même des choses, admettre la fédération des associations qui résulte en fait, dans une large mesure, des dispositions de l'article 5 que nous avons voté.

Mais cet article laisserait subsister des embûches que je redoute et qui pourraient donner lieu à de fâcheuses difficultés si on interprétait le silence de la loi sur les fédérations comme une prohibition, et c'est pour cela que j'ai présenté un texte formel que je vous propose d'adopter pour éviter toute équivoque dans l'interprétation.

Si vous considérez l'association du Club | M. de Ramel. Ces associations peuvent-elles alpin, vous trouvez la même situation; vous se fédérer entre elles? C'est ce que M. de voyez, sur certains points du territoire, des Ramel demande de décider, et il nous le organisations autonomes qui s'agrègent, se demande, à notre sens, fort inutilement, réunissent dans une union, une fédération car cela ne peut être contesté. des clubs alpins. Comment agirez-vous visà-vis de ces sociétés ?

Nous avons, dans l'article 4 devenu l'article 5, indiqué que « toute convention Etant donné que l'article 1er de la loi en d'association qui voudra acquérir la capadiscussion consacre un principe de liberté cité juridique devra être rendue publique et montre que vous avez la prétention de par le soin des fondateurs. La déclaration poser comme règle le droit d'association préalable en sera faite à la préfecture du sans limitation de personne et sans limita- département ou à la sous-préfecture de tion de zone d'action, vous ne pouvez pas l'arrondissement où l'association aura son maintenir, sans l'éclairer, un texte de loi siège social. Elle fera connaître le titre et qui apporterait une entrave même à des l'objet de l'associa ion, le siège de ses étaorganisations existantes qui, par leur na-blissements, et les noms et professions et ture, leur nécessité, sont de véritables fédérations.

Vous voterez donc l'article additionnel que j'ai l'honneur de vous proposer, d'abord parce qu'il est conforme à la logique et à la rigueur des choses, ensuite parce qu'il est nécessaire, pour définir la situation J'ai dit que la logique des choses vous des associations et leurs relations entre conduisait à admettre le principe de l'union elles, ou la situation des associations et de et de la fédération. Permettez-moi, sans leurs émanations sous la forme d'établisseinsister davantage, car je crois la dé- ments divers répartis sur le territoire. monstration suffisante, - de vous montrer Vous l'admettrez aussi parce qu'il se que tous les jours vous vous heurterez à borne à reproduire le principe écrit dans la des difficultés matérielles si vous n'admet-loi tez pas ce principe.

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Ne voyez-vous pas autour de vous actuellement un nombre considérable d'associations qui constituent des fédérations? Prenez les sociétés fédérées de tir. Ce n'es pas à cause de leur titre que let vocatble société » leur est légalemen applcable; elles ne constituent que des associations et ne se sont pas formées dans le but de partager des bénéfices. Quand je dis donc « sociétés fédérées de tir », c'est comme si je disais «< associations fédérées de tir ». Direz-vous que la loi ne les permet plus?

Voyez les Prévoyants de l'Avenir dont les diverses circonscriptions ont leur constitution propre, recueillent elles-mêmes leurs souscriptions, possèdent ou louent les locaux dans lesquels elles délibèrent sur leurs intérêts.

Regardez les caisses rurales fédérées qui ont leur autonomie propre, leurs souscriptions propres, leurs conseils d'administration, qui font des opérations spéciales et n'en sont pas moins fédérées et réunies

dans un effort commun et par un lien commun avec d'autres associations et avec un centre directeur.

sur les syndicats de 1884, et mieux encore dans le projet de 1899; enfin, parce qu'il rentre tellement dans la nature des choses que le conseil d'Etat lui-même a consacré le droit de fédération en tête même du projet qu'il a élaboré.

Pour toutes ces raisons, vous voterez la proposition que nous vous soumettons. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Georges Trouillot, rapporteur. J'indique brièvement à la Chambre les raisons pour lesquelles la commission n'a pas cru devoir accepter l'amendement de M. de Ramel, raisons qui me paraissent de nature à donner à notre collègue une entière satisfaction.

Les articles que nous avons votés jusqu'ici distinguent deux sortes d'associations, celles qui se fondent sans déclaration et celles qui, après une déclaration régulière, auront, dans une certaine mesure, la capacité juridique.

Auxquelles de ces associations s'applique l'amendement de M. de Ramel? Il ne saurait évidemment s'appliquer aux associations qui n'ont pas de capacité juridique et que l'absence de déclaration prive d'exisM. Gayraud. La loi de 1884 avait déjà tence légale. Nous sommes, je crois, d'acadmis le principe des syndicats.

M. Fernand de Ramel. Assurément, et le projet de 1899 le confirme et le développe.

Si vous prenez l'association des Dames françaises, celle du Souvenir français, vous voyez autant d'associations autonomes, unies entre elles, fédérées entre elles, existant dans chaque département et poursuivant un but commun. Elles ont un lien commun qui est un lien fédératif.

cord sur ce point. Il est certain en effet que les associations qui n'ont pas de vie légale, de capacité juridique, ne sauraient à aucun degré se fédérer entre elles. Ce qu'on a fait sur ce point a consisté à supprimer les dispositions de l'article 291 et suivants du code pénal et la loi de 1834, qui faisaient de l'association non autorisée un délit.

C'est donc seulement aux associations déclarées que s'appliquerait le texte de

domiciles de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ou de sa direction »>.

Que résulte-t-il de ce texte? C'est que pas plus que la loi n'a entendu limiter le nombre des associés, elle n'a entendu limiter le nombre des établissements d'une association et de ceux auxquels d'une façon plus ou moins directe elle voudrait se ramifier. M. Cuneo d'Ornano. Très bien! très bien!

M. le rapporteur. Qu'est-ce qu'une fédération? La fédération peut s'entendre d'une communauté de direction; elle peut s'entendre aussi d'une communauté d'intérêts. Où M. de Ramel a-t-il vu que, d'une façon quelconque, soit la communauté de direction, soit la communauté d'intérêts fussent interdites dans un article qui, au contraire, précise qu'on devra faire la déclaration de tous les établissements, de tous les noms, professions et domiciles des directeurs ou administrateurs et que tous les changements survenus dans l'administration ou la direction devront être déposés et déclarés comme l'ont été les statuts?

Son amendement est donc inutile. (Très bien! très bien! à gauche.)

M. Fernand de Ramel. Une association qui fait une déclaration a un but unique; mais d'autres associations peuvent avoir des buts divers et se réunir dans un but commun. (Très bien! très bien! à droite et au centre.)

M. le rapporteur. Tout ceci peut et doit être déclaré, et cela résulte du texte même que nous proposons.

Ces explications doivent donner entière satisfaction à l'honorable M. de Ramel. Notre loi tend, en effet à créer la liberté d'association, et non à la restreindre.

C'est la raison pour laquelle la commission a repoussé l'amendement de M. de Ramel et pour laquelle elle demande à la Chambre de confirmer sa décision. (Très bien! très bien! à gauche.)

M. Fernand de Ramel. Après les explications de M. le rapporteur, fournis au nom de la commission, je n'ai plus aucune raison pour insister et demander le vote de la disposition additionnelle que j'ai présentée. Il me donne, en effet, entière satisfaction, car il reconnaît expressément qu'une association peut avoir non seule

ment des établissements divers, mais des agrégations diverses réparties sur le territoire et liées entre elles pour réaliser un but commun. De plus, sur mon interruption, par laquelle je faisais remarquer que l'association qui a fait la déclaration peut n'avoir qu'un but unique, et les autres agrégations des buts divers, il a reconnu que ces agrégations ou établissements divers pourraient vivre en communauté d'intérêts et en union avec l'association déclarée dont ils dépenderaient.

C'est la fédération qui est reconnue par M. le rapporteur moins le mot ; j'accepte donc son interprétation qui était indispensable pour la clarté de la loi et que je suis heureux d'avoir provoquée et, comme elle me donne entière satisfaction, je retire mon amendement. (Très bien! très bien! à droite et au centre.)

M. le président. L'amendement est retiré.

Nous passons à un amdndement de M.

d'Iriart d'Etchepare tendant à introduire, après l'article 6 devenu l'article 7, un article nouveau ainsi conçu :

<< Les associations qui auront fait leur déclaration et dont le but consiste dans le

développement des sports de toute nature, les exercices de tir et de gymnastique pourront être autorisées par décret à constituer entre elles des fédérations nationales ou régionales.

«En ce cas elles bénéficieront des avantages énoncés à l'article 5.

« Les fédérations pourront être dissoutes par décret. >>

La parole est à M. d'Iriart d'Etchepare. M. d'Iriart d'Etchepare. En présence des déclarations faites par M. le rapporteur au nom de la commission, qui permettent à toutes nos unions, notamment à l'union des sociétés de tir, à l'union des sociétés de gymnastique et à l'union vélocipédique de France d'exister légalement, je retire mon amendement. J'espère que, dans le décret qui sera plus tard promulgué, on expliquera devant quelle juridiction il faut déposer les statuts de la fédération.

M. le président. L'amendement est retiré.

Nous arrivons à l'article nouveau proposé par MM. Vidal de Saint-Urbain, Perreau, Alicot, Fournol, Claudinon, Pascal, amiral Rieunier, Brindeau, Drake, Ermant, Gaffier et Monsservin.

Cet article nouveau est ainsi conçu: « Les délits prévus par la présente loi seront déférés à la cour d'assises.

« Dans les cas prévus par le paragraphe 1er de l'article 6 et par le paragraphe 1or de l'article 12, la cour d'assises sera seule compétente pour prononcer la dissolution de l'association. Le jury sera interrogé sur la question de savoir si l'association est illicite et, en cas de réponse affirmative, la cour pourra prononcer la dissolution.

« L'inculpé, s'il est domicilié, ne pourra être arrêté préventivement. »>

1901. SENAT, SESSION ORD. ANNALES, T. I. (NOUV. SERIE, ANNALES, T. 63.)

La parole est à M. Vidal de Saint-Urbain.

M. Vidal de Saint-Urbain. La Cham

bre abordera prochainement l'examen d'une série d'articles fixant la procédure à suivre pour déférer aux tribunaux soit les auteurs des délits créés par cette loi, soit la dissolution des associations. Il importe donc dès maintenant de rechercher quelle devra être cette procédure.

Le but de notre amendement est triple.

cette loi, si vous la votez, n'instituera que des délits. D'après les règles générales, soit dans le cas de l'article 8 qui sera tout à l'heure discuté, soit dans le cas de l'ardevra toujours poursuivre devant la juticle 12 qui le sera ultérieurement, on

ridiction correctionnelle.

Nous vous demandons de changer cette procédure et, par dérogation à la loi, de décider que ce sera devant la juridiction de la cour d'assises, devant la juridiction populaire (Applaudissements au centre et sur divers bancs), devant la juridiction qui représente le pays et devant laquelle tout gouvernement qui a confiance dans la loi

prévus par la loi que vous discutez en ce Nous demandons d'abord que les délits moment soient déférés à la cour d'assises. Nous demandons, en second lieu, que lors- politique qu'il fait doit porter les infrac

que la dissolution de l'association sera réclamée, ce soit à la cour d'assises également qu'elle doive être réclamée. En troisième lieu, enfin, nous demandons qu'à l'égal de ce qui se passe en matière de presse il n'y ait pas lieu, en matière d'association, à détention préventive. Tels sont les trois points de notre amendement. Je ne ferai pas, vous le comprenez, d'autre préambule.

Au début de cette discussion, l'un des orateurs les plus éminents de cette Chambre disait que, dans une matière aussi grave que celle que nous discutons, il fallait aller droit au but. Si cela était vrai au début de la discussion, alors que la Chambre n'était pas encore fatiguée par de longues séances et que cette parole sortait de la bouche du grand orateur dont je parle, combien à plus forte raison est-ce vrai maintenant que nous avons consacré plusieurs séances à la discussion de cette loi et que la Chambre a devant elle l'un de ses membres qui ont le plus grand besoin de sa bienveillance! (Applaudissements sur divers bancs.)

J'arrive donc immédiatement à la discussion du premier paragraphe de mon amendement.

Ce premier paragraphe est ainsi conçu: « Les délits prévus par la présente loi seront déférés à la cour d'assises ». C'est la reproduction du texte de l'article 45 de la loi sur la presse.

Je n'ai pas besoin de rappeler à la Chambre les règles générales en matière de poursuites pénales. Si j'en dis quelques mots, c'est uniquement pour servir de point de départ à ma discussion et pour pouvoir abréger les observations qui suivront.

La Chambre sait très bien qu'il y a trois juridictions chargées de réprimer les infractions à la loi pénale la juridiction de simple police, la juridiction correctionnelle et la juridiction de la cour d'assises. Les contraventions sont renvoyées à la simple police, les délits à la police correctionnelle et les crimes à la cour d'assises.

Si on examine l'article 7 devenu l'article 8 que vous n'avez pas encore voté, on remarque que, dans les propositions de la commission, on ne vous demande d'établir ni des peines de simple police ni des peines criminelles; on ne prévoit que des peines correctionnelles. Par conséquent,

tions à cette loi.

M. Antide Boyer. Voulez-vous nous dire en quoi cette juridiction est « populaire »>? Le peuple en est exclu.

M. Vidal de Saint-Urbain. Vous dites que le peuple en est exclu? Nous en parlerons, mais la majorité de la Chambre croit encore, il me semble, que c'est la juridiction la plus populaire, en ce sens que c'est le peuple lui-même qui examine, par ses mandataires, les faits qui lui sont déférés. (Interruptions et dénégations à gauche.) La juridiction de la cour d'assises et par conséquent toutes ses décisions, indirectement, mais d'une façon très sûre, émane du peuple. (Très bien! très bien! sur divers autres bancs au centre et à droite.)

Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, qu'une dérogation de cette nature a été apportée. En effet, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, en 1881 les délits de presse ont été déférés à la cour d'assises. Nous verrons, de plus, dans un instant, qu'on peut soutenir qu'il n'y a nullement là une dérogation et que le jury est bien la véritable institution démocratique et qu'elle a été, dans la pensée du législateur qui l'a établie, la base de tous les jugements importants en matière répressive. (Très bien ! très bien!)

Qu'a-t-on fait en 1881? Vous vous rappelez la situation on sortait des luttes du 16 mai; la République était victorieuse, elle avait vaincu tous ses adversaires, il fallait qu'elle tînt les promesses qu'elle avait faites et qu'elle donnât quelques libertés. Parmi les libertés réclamées par tous les républicains, il y en avait deux qui dominaient toutes les autres : la liberté de la presse et la liberté d'association. Ces deux libertés, en effet, sont liées absolument l'une à l'autre.

Liberté de la presse, cela veut dire liberté de penser, d'exprimer sa pensée par l'écrit ou par la parole. Liberté d'association, cela veut dire liberté d'associer la pensée des uns et des autres pour en tirer quelque avantage en vue du bien public. Par conséquent, ce sont deux libertés essentiellement liées entre elles et il fallait nécessairement affranchir ces deux choses la presse et l'association.

En 1881, messieurs, on s'est préoccupé immédiatement d'affranchir la presse, et on

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