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la rivière et de couper le pont. La brigade Estève perdit de son côté, 200 des siens, outre le colonel du 23.o léger et deux chefs de bataillon. Toutefois le but essentiel qui était de se maintenir en communication avec le général Marchand, fut rempli. Tous les efforts des alliés se concentrèrent enfin sur Grenoble, menaçant de forcer le passage de l'Isère sur divers points, mettant ainsi les Français dans la nécessité de multiplier leurs mouvemens, et de tenir leur ligne renforcée par-tout. D'ailleurs le général Marchand tenait lui-même le prince de Hesse-Hombourg en échec, par des positions très-fortes entre Grenoble et Rive, et lui présentait dans la plaine de la Buisserate, une bataille qui n'était pas acceptée.

Pendant que les armées manoeuvraient ainsi sur les deux rives de l'Isère, de simples paysans, et une faible garnison arrêtaient les progrès des autrichiens dans le Bugey.

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Cette garnison était celle de Pierre-Châtel, petit fort situé sur la rive droite du Rhône, entre Belley et Seyssel elle n'était composée que de 200 artilleurs et de quelques vétérans. Elle soutint et repoussa plusieurs attaques, contint l'ennemi, et eut l'honneur de conserver au Roi cette petite place qui ne se rendit point, après même que Lyon fut occupé.

Les paysans qui partagèrent cette gloire, furent ceux du vallon et des montagnes de St.-Rambert et Torcieu.

Réunis dans les mois de février et mars 1814, au nombre de trois ou quatre cents, et conduits par quelques officiers retirés, ils prirent une forte position entre Ambérieux et le village de Torcieu, sur le penchant d'une montagne escarpée, appelée les Balmettes, à l'embouchure de la gorge. Là, après avoir coupé le chemin, fait des retranchemens à droite et à gauche de la petite rivière de l'Albarine, on les vit amonceler des rochers sur le sommet des pentes qui dominent le défilé, et menacer ainsi d'un péril imminent, les troupes qui seraient assez téméraires pour entreprendre de le forcer. Ces paysans, pour la plupart mal ariés, firent voir ce que peuvent entreprendre des hommes animés par l'amour de leur pays, et qui défendent leurs foyers. Les autrichiens, faisant mine de franchir le défilé, éprouvèrent dans plusieurs petits combats des pertes assez considérables; ils eurent au moins 50 hommes tant tués que blessés; et les habitans de leur côté, retranchés dans des rochers inaccessibles, en furent quittes pour un blessé.

Les Autrichiens abandonnèrent le projet de s'emparer de la gorge, quoiqu'il fût important pour leurs subsistances et même pour leur sureté, d'occuper cette partie du Bugey, et d'établir des communications directes entre Ambérieux et Seyssel.

Ce ne fut qu'après la reddition de Lyon que

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les paysans se retirèrent. Ils obtinrent, par forme de capitulation, que le pays ne serait soumis qu'aux fournitures ordinaires de vivres, et qu'il ne serait fait aucune recherche contre ceux qui avaient pris part à la défense du défilé.

CHAPITRE HUITIEM E.

RECONNAISSANCE et proclamation de Louis XVIII à Lyon. Déclaration de cette ville sur les principes de la monarchie. Députations.

CETTE longue guerre, comme toutes celles qui depuis tant d'années désolaient l'Europe, paraissait toujours étrangère à la maison de Bourbon. L'étranger était toujours reconnu des rois et des peuples; la paix lui était toujours offerte ; les traités qui unissaient les princes confédérés n'avaient point encore pour objet de l'éloigner du trône; et la France, première victime d'une politique aveugle, la France parvenue par l'excès même du malheur à la veille d'une révolution qui allait tout changer, était loin de concevoir la pensée qu'aucun changement fût possible.

Mais les grandes crises, en faisant taire les illusions, ramènent quelquefois les hommes, par une lumière soudaine, à un juste sentiment de leurs vrais intérêts, aux salutaires conseils de la raison qu'ils ont méconnue. Les alliés, en pénétrant sur le sol français, s'étaient facilement convaincus que le feu sacré, l'antique amour de la nation pour ses rois, n'était pas éteint; qu'il avait été comprimé par la politique étrangère, encore

plus que par les baïonnettes de Buonaparte; que dans l'excès de ses maux, la France tournait en silence ses regards attristés vers cette ile rivale, qui possédait dans l'objet de nos regrets l'unique gage du salut commun; qui depuis long-temps n'avait qu'un mot à dire pour rendre la paix et le bonheur au continent, et qui ne disait pas ce mot.

Avertis par l'expérience du passé de ce qu'ils avaient à craindre d'un homme aussi redoutable que l'était Buonaparte, si par quelque prestige il parvenait à armer le peuple en sa faveur, les alliés commencèrent enfin à comprendre que leur cause pouvait trouver un utile appui, ou tout au moins une favorable diversion, dans l'apparition des Bourbons sur les frontières, et ils consentirent de briser les chaînes qui, depuis plus de vingt ans, retenaient ces illustres proscrits hors du monde politique. Mais soit qu'ils craignissent de pousser leur ennemi à des mesures de désespoir, soit que la confédération ne fût point encore fixée sur le sort qu'elle réservait à la monarchie; les puissances se bornèrent à rouvrir aux princes légitimes, le chemin du trône, sans paraître d'ailleurs prendre aucun intérêt à leurs espérances et à leurs droits.

Trois Princes de la famille royale profitèrent des circonstances pour franchir la mer qui les séparait du peuple français. M. le duc d'Angoulême se dirigea vers les Pyrénées, dans le dessein d'observer et diriger les mouvemens du midi. M. le

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