Page images
PDF
EPUB

exemples du reste de l'armée. Tout se rallia autour de Louis XVIII; tout lui jura fidélité.

Voici l'énergique proclamation que le maréchal Augereau fit, dans ces conjonctures, à ses compagnons de gloire (1).

<< Soldats! le sénat, interprète de la volonté >> nationale, lassé du joug tyrannique de Napoléon » Buonaparte, a prononcé, le 2 avril, sa déchéance » et celle de sa famille.

» Une nouvelle constitution monarchique, forte » et libérale, et un descendant de nos anciens >> Rois, remplacent Buonaparte et son despotisme.

» Vos grades, vos honneurs, vos distinctions

» vous sont assurés.

>> Le corps législatif, les grands dignitaires, les » maréchaux, les généraux, et tous les corps de » la grande-armée, ont adhéré aux décrets du » sénat, et Buonaparte lui-même a, par un acte » daté de Fontainebleau, le 11 avril, abdiqué » pour lui et ses héritiers, les trônes de France » et d'Italie.

» Soldats, vous êtes déliés de vos sermens; vous > l'êtes par la nation en qui réside la souveraineté ; » vous l'êtes encore, s'il était nécessaire, par l'ab>> dication même d'un homme qui, après avoir » immolé des millions de victimes à sa cruelle » ambition, n'a pas su mourir en soldat.

(1) Le 16 avril.

>> La nation appelle Louis XVIII sur le trône : » né Français, il sera fier de votre gloire, et » s'entourera avec orgueil de vos chefs. Fils » d'Henri IV, il en aura le cœur, il aimera le >> soldat et le peuple.

>> Jurons donc fidélité à Louis XVIII et à la >> constitution qui nous le présente, arborons la >> couleur vraiment française, qui fait disparaître » tout emblême d'une révolution qui est fixée; et » bientôt vous trouverez dans l'administration de >> votre Roi et de votre patrie, une juste récom>> pense de vos nobles travaux. »

Le lendemain, la 4. division de l'armée, commandée par le général Marchand dans le département de l'Isère, fit aussi publier son adhésion.

Il ne resta plus au maréchal, dans ces circonstances, qu'à régler la dislocation de son armée. Une convention conclue à Paris (1), avait arrêté que les alliés occuperaient toute la route de Grenoble à St-Tropez. Le maréchal se conforma à cette disposition, et fit les siennes en conséquence.

Ainsi se termina une campagne ouverte sous les auspices les plus sinistres, et couronnée, contre toute attente, par des merveilles sans exemple dans l'histoire; campagne où vingt rois offrirent le spectacle aussi neuf que touchant d'une famille de frères; où la guerre, pour la première fois,

(1) Le 23 avril.

n'eut

n'eut pour but que d'arrêter l'effusion du sang dont la terre, depuis trop long-temps, était inondée; où le salut des vaincus devait être l'unique trophée des vainqueurs, le seul prix de la victoire.

Peu de personnes savent que dans ce moment fortuné où les armes tombaient de toutes les mains, où l'Europe s'abandonnait à l'ivresse d'une paix si heureuse et si inespérée, une intrigue audacieuse qui échoua pour lors, et qui n'eut que trop de succès dix mois après, manqua de rallumer subitement la guerre, et de remettre la France en combustion (1). Voici comment.

Buonaparte, pour se rendre à l'ile d'Elbe, devait traverser les provinces du midi, sous la surveillance de quatre commissaires choisis par les souverains alliés.

Sa route avait d'abord été marquée par Grenoble, les Hautes-Alpes et St-Tropez. Les troupes autrichiennes disséminées sur cette ligne, devaient lui servir d'escorte.

Buonaparte obtint de la condescendance des alliés, que sa route serait changée, et qu'il se dirigerait vers le lieu de son exil, par Valence où était l'armée de Lyon.

Aussitôt des agens secrets sont distribués à la

(1) Nous tirons ce récit de notes confidentielles qui nous ont été remises par un illustre témoin de cette entreprise.

fois sur la route de Valence et sur celle d'Italie, pour y ménager des intelligences à Buonaparte, et pour préparer des voies à l'exécution des vues ultérieures de ses amis.

Plusieurs de ces émissaires parurent au quartiergénéral, à Valence, du 10 au 13 avril. Ils cherchèrent à corrompre et soulever l'armée en y semant de l'argent et de fausses nouvelles, en jetant des doutes sur la loyauté des chefs, en représentant Napoléon comme vainqueur de tous ses ennemis, et tout prêt à punir ceux qu'ils appelaient des traîtres. Plusieurs de ces artisans de discorde, arrètés et interrogés par le grand prévôt de l'armée, furent chassés hors des cantonnemens qu'elle occupait.

Au travers de leurs dénégations, on put comprendre que le projet de Buonaparte était de révoquer son abdication au moment où, ayant passé l'Isère, et n'ayant plus que les quatre commissaires pour escorte, il serait parvenu dans les lignes de l'armée française; que son plan était de se lier, par les moyens intermédiaires que ses agens auraient disposés, au prince Eugène qui commandait l'armée d'Italie; d'appeler à lui les armées des maréchaux ducs d'Albufera et de Dalmatie qui étaient dans le midi, et de recommencer avec toutes ces forces, la lutte dans laquelle il venait de succomber.

La conviction du Maréchal s'accrut encore, et

il put penser que cette trame avait des ramifications très-étendues, lorsque, dans les mêmes circonstances, le Prince Lieutenant-général le fit prévenir par un aide-de-camp arrivé à Valence le 20 avril, de se tenir sur ses gardes, et d'observer attentivement les desseins du dangereux banni.

Lié désormais à la cause du Roi par l'honneur et ses sermens, le Maréchal n'hésita point sur ce qu'il avait à faire. Il crut devoir se fortifier de l'appui des troupes alliées, et convint avec le prince de Hesse-Hombourg, qu'un détachement autrichien se rendrait au quartier-général de Valence, sous prétexte de rendre les honneurs au souverain dépossédé, mais en effet, pour se placer entre Buonaparte et l'armée française: ce qui fut exécuté le 23 au soir, veille du jour marqué pour l'arrivée de Buonaparte. En même temps, le Maréchal éloigna ses troupes de la ligne que devait tenir le voyageur, et les dirigea sur la rive droite du Rhône. Le 24, elles se mirent effectivement en marche, traversèrent le fleuve, prirent les positions qui leur avaient été indiquées sur l'autre rive.

et

Le prince de Hesse, de son côté, par excès de précaution, avait fait demander qu'on admît à Valence, un peu plus de troupes que le Maréchal ne l'avait proposé, et sans attendre la réponse, fit filer aussi sur la rive droite du Rhône, deux bataillons du régiment de Brody, ainsi qu'une di

« PreviousContinue »