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commandaient les circonstances, en apportant d'abord des retards et des tempéramens à l'exécution de ses ordres, le ministre voulut être obéi (1). Une émeute en fut la suite: elle se porta sur l'hôtel de la direction des droits-réunis ; et sans la fermeté que montra le commissaire extraordinaire, à la tête de la garde nationale; sans les pacifiques exhortations du préfet et de l'adjoint chargé de la police, qui, seuls et sans armes, se jetèrent au milieu des mécontens, ce mouvement eût pu être suivi de plus d'un malheur. Toutefois, il est juste de remarquer que jusque dans les excès de cet égarement, le respect et l'amour du peuple pour le Roi ne se démentirent point: les cris de vive le Roi! ne cessèrent de se faire entendre en même temps que les cris à bas les droits-réunis !

Enfin, la retraite des alliés et la paix générale achevèrent de rendre les Lyonnais, comme tous les Français, à leurs travaux, à leurs espérances, à eux-mêmes; les commissaires extraordinaires furent rappelés, et M. de Noailles laissant à Lyon des souvenirs et une estime que le temps n'a point effacés (2), emporta le plus doux fruit de sa mission, la certitude que le Roi n'avait point de

(1) Lettre du directeur général des contributions indirectes, du 16 juin.

(2) M. de Noailles a été nommé l'année suivante à la chambre des députés, par le département du Rhône.

sujets plus dévoués que les habitans de cette ville. La ville trouva à son tour le prix de ses bons

sentimens, dans la faveur que lui firent successivement MADAME, duchesse d'Angoulême, et MONSIEUR, Comte d'Artois, de l'honorer de leur présence.

MADAME était aux eaux de Vichy dans le mois de juillet. La ville de Lyon s'empressa de lui envoyer des députés chargés de lui offrir l'hommage de l'amour et de la vénération de ses citoyens, de solliciter de sa bonté qu'elle daignât combler les voeux de tous les habitans, en se montrant au milieu de ce peuple fidèle.

MADAME ayant bien voulu céder aux instances de la ville, y fit son entrée le 6 août.

Les apprêts et le cérémonial de la réception furent réglés avec toute la pompe dont il fut possible d'environner le personnage auguste qui en était l'objet.

MADAME arriva vers deux heures et demie à la barrière de Vaise. Elle avait déjà trouvé sur ses pas, en avant et fort loin de la ville, une grande partie de la population, à pied, à cheval, en voiture, et, par les premiers transports dont elle fut témoin, elle avait pu juger des sentimens dans lesquels elle était attendue.

S. A. R. fut complimentée à la Tour-de-Salvagny par le comte de Bondy, préfet, et par M. de Varenne-de-Fénille, sous-préfet de Lyon. Elle y

trouva la garde nationale à cheval, qui fut admise à l'honneur d'escorter la voiture de S. A.

MADAME fut reçue à Ecully par le maréchal duc de Castiglione, gouverneur-général, accompagné des lieutenans-généraux Albert, Marulaz et Margaron, des maréchaux-de-camp Ducasse et Cochois, et de plusieurs officiers-généraux ou d'étatsmajors.

MADAME fut ensuite reçue à Grange-Blanche par une députation de la cour royale, qui était déjà allée lui offrir ses premiers hommages à Roanne, et qui était composée de M le président et chevalier Nugue, de MM. Dubost, Ravier-duMagny, Gauthier-de-Coutance et Denamps, conseillers; de MM. Bouthillon-de-la-Servette et Roche-de-Longchamp, conseillers-auditeurs; de MM. Midey, premier avocat-général, et Janson, substitut.

Le maire, les adjoints et le conseil municipal attendaient S. A. R. à la porte de Vaize, où ils eurent l'honneur de la complimenter par l'organe du maire.

A droite et à gauche d'un arc de triomphe élevé à la porte de Vaize, et dans les amphitéâtres qui y avaient été disposés, se trouvèrent un grand nombre de fonctionnaires publics, de chevaliers de St-Louis ou de la légion-d'honneur, d'officiers retirés ou réformés, les députés de toutes les corporations, les restes des braves qui avaient servi

au

au siége de Lyon, ayant à leur tête un de leurs anciens officiers, M. de Savaron. Ce cortége était encore embelli par une prodigieuse affluence de dames et de demoiselles des premières familles.

Les élèves de l'école de dessin et des beaux arts, revêtus de costumes antiques qui rappelaient les beaux temps de la chevalerie et des tournois, étaient rangés au devant de l'arc de triomphe, portant des bannières emblématiques, ornées de devises et de vers à la louange de MADAME.

Les élèves de toutes les pensions de demoiselles étaient disposées de distance en distance, pour saluer MADAME ou la complimenter.

S. A. R. ayant daigné accepter à la porte de Vaize, une calêche découverte, attelée de six chevaux blancs, que la ville lui avait fait préparer, fit son entrée, entourée du plus brillant cortége, entre deux haies de garde nationale et de troupes de ligne, au bruit de nombreuses salves d'artillerie, au son de toutes les cloches, au milieu des acclamations d'un peuple immense dont les flots se pressaient sur ses pas.

Au moment où MADAME passa devant un temple érigé sur le pont du change, la porte s'ouvrit et laissa apercevoir le feu des trépieds, environné d'un grand nombre de jeunes demoiselles. L'une d'elles, mademoiselle Rubichon, présenta à S. A. R. une tige de lis et des couronnes tressées de la

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main de ses jeunes compagnes, et lut un compliment en ver's.

Parvenue au port du Temple, MADAME fut complimentée par ces braves de la corporation des portefaix, qui s'étaient distingués par tant de dévouement et de valeur, à la journée mémorable du 29 mai et au siége qui en fut la suite. Elle daigna leur adresser, en réponse, des paroles pleines de bonté.

S. A. R. fut enfin reçue à l'archevêché, par quatre-vingts des principales dames de la ville, ayant à leur tête madame la maréchale duchesse de Castiglione, les comtesses de Bondy, d'Albon et de Laurencin, et mesdames de Varax, de Vauxonne et de Casenove. Cinquante demoiselles lui offrirent des fleurs et des couronnes; les chants, les concerts, toute sorte de fêtes terminèrent cette belle journée.

MADAME séjourna à Lyon, le 7 et le 8 août.

S. A. R. saisit, avec une bonté touchante, toutes les occasions de dire des choses flatteuses, aux Lyonnais et aux personnes qui lui étaient présentées. Je crains, disait-elle au maréchal Augereau, en racontant au Roi ce que j'ai éprouvé, de lui inspirer le regret de n'avoir pas été à ma place.

Le 9 août, MADAME reprit le chemin de Paris,

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