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dans les mains de l'un des plus féroces brigands du Midi. On a même dit que le portrait d'une princesse chère à son cœur et à tous les Français, lui fut ravi (1): ce sont les brillans qui vous tentent, dit le Prince au ravisseur; mais le portrait ? - Et le portrait aussi, répliqua l'autre.

Quoi qu'il en soit, toute la petite ville de Cette, au bruit vrai ou faux d'une si lâche spoliation, accourut sur le port, offrant au Prince et déposant à ses pieds, avec enthousiasme, tout ce qui pouvait lui être nécessaire pour le voyage qu'il entreprenait. Animé du même sentiment, l'un des premiers négocians de Montpellier accourut aussi, et offrit au Prince l'hommage d'un riche porte-feuille. C'est ainsi que s'honore la fortune : c'est à ce prix qu'il est permis d'en ambitionner les faveurs. Au milieu de ce déluge de bassesses, de crimes et de perversité, l'imagination a besoin de se reposer sur de semblables traits.

Ainsi se termina une entreprise non moins digne par la valeur de son illustre chef et par l'intrépidité de ses compagnons de gloire, que par son noble but, d'un plus heureux sort. Quelle révolution se fût opérée peut-être, si le Prince pénétrant jusqu'à Lyon, eût pu se réunir à cette immense majorité dont les vœux l'appelaient en secret; à ces mêmes hommes qui, en 1793, don

(1) Tableau historique, page 75.

nèrent au Roi de si éclatantes marques de leur courage et de leur dévouement! Quelle différence dans nos destinées, si en ralliant sur l'importante position de Lyon ces peuples ardens et fidèles de l'ouest et du midi, il eût pu donner aux autres le signal au moins de l'espérance! Tant de Français qui n'ont été coupables que d'avoir trop tôt désespéré de la patrie, de s'être abandonnés trop facilement à la terreur que leur inspirait Buonaparte, d'avoir trop aisément cru à la défection de l'Europe, tous ces Français, plus crédules que mal-intentionnés, auraient fui ou déserté les drapeaux de la rebellion, et le nouveau Spartacus réduit au misérable appui d'une poignée de séditieux, eût pu être ou chassé sans le secours de l'étranger, ou forcé de demander une seconde fois la vie, en descendant une seconde fois du trône.

Cette gloire semblait ètre due au héros qui, dans ce peu de jours d'une expédition brillante et malheureuse, montra autant de fermeté, de ressources, de courage, que s'il eut passé sa vie dans les camps. Toujours le premier sous les armes, le dernier à la retraite ; présent par-tout où il y avait des fatigues à supporter, des dangers à courir ; unissant à la sagesse des combinaisons la promptitude et la vigueur dans l'exécution, il faisait revivre en lui tous les héros de sa race.

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La discipline la plus parfaite acheva d'honorer ses armes ; et tandis que les agens de la faction

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ne parlaient que d'incendies, de dévastations et de massacres, ses soldats couchaient sur la dure respectaient les chaumières comme les châteaux partageaient leur bourse et leur pain avec les pauvres cultivateurs, avec leurs prisonniers. Leur mémoire sera long-temps en honneur dans tous les lieux où ils se sont montrés.

Tant de valeur et de vertu ne purent triompher de cet aveugle destin, qui, pour l'éternelle. leçon des peuples, nous réservait encore de si terribles épreuves. Le départ du Prince fut un signal de défection pour le reste du midi; Avignon, Toulon, Marseille, toute la Provence, tout le Languedoc, furent obligés de se courber devant les aigles rebelles. Un voile funèbre s'étendit bientôt sur le reste de la France. Nous fûmes sans patrie.

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CHAPITRE QUINZIÈME.

RÉSOLUTIONS du congrès. Dispositions de défenses à Lyon. Mesures révolutionnaires.-Fédération. —Le maréchal Affaires de Montmeillan et

Suchet entre en campagne.

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LES rebelles étaient à peine délivrés dés alarmes où les avait jetés la guerre du midi, que des sujets plus sérieux d'inquiétude vinrent les assaillir.

On sait que dès le 13 mars, le congrès informé de la descente de Buonaparte, avait déclaré que ce banni, «< en rompant la convention qui l'avait » établi à l'île d'Elbe, avait détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvait attachée ; qu'il s'était privé lui-même de la protection » des lois; qu'il s'était placé hors des relations » civiles et sociales, et s'était livré à la vindiete publique.»

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Si Buonaparte remonté sans résistance sur le trône, et protestant à la face de l'univers qu'il renonçait désormais à tout projet de conquête, put se flatter un moment d'en imposer à la coalition, il dut être bientôt détrompé par les deux déclarations du congrès de Vienne, du 25 mars et du 2

»

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avril dans l'une, les puissances s'engageaient solennellement « à réunir toutes les forces de leurs >> états respectifs, pour maintenir dans toute leur >> intégrité les conditions du traité de paix, pour » les garantir contre toute attaque, notamment » contre les plans de Napoléon Buonaparte, et >> contre tous ceux qui se joindraient à sa faction »; dans l'autre, elles « déclaraient qu'elles se garan>> tissaient mutuellement leurs trônes et leurs états; qu'elles regardaient la légitimité des Princes » comme la sauve-garde de la tranquillité inté» rieure des peuples; qu'elles sacrifieraient tout » pour que cette légitimité fût par-tout respectée; qu'en conséquence, elles accordaient dix jours à Napoléon Buonaparte pour quitter la France, » et rentrer dans l'île que la clémence des alliés >> lui laissait, et dix jours à l'armée française pour >> rentrer sous l'obéissance de Louis XVIII; que » ce délai passé sans que l'ordre fût rétabli, les puissances alliées proclamaient Napoléon Buona» parte et les armées françaises, ennemis irré>> conciliables de la France et de l'Europe, et >> feraient marcher les troupes combinées d'Alle» magne, d'Angleterre et de Russie, pour replacer sur son trône, un Prince que des droits im>> prescriptibles et sacrés y rappelaient. >>

»

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Le Roi de France était partie contractante dans ces déclarations.

Un million d'hommes armés les appuyaient.

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