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Le péril était pressant, et la résistance d'autant plus aveugle, qu'au milieu de la stupeur dont la France avait été frappée à l'apparition de Buonaparte, et dont il avait si habilement profité, il n'était pas difficile de démêler que les Bourbons conservaient un nombre infini de partisans, et qu'il inspirait lui-même plus de terreur que d'intérêt. Il ne résolut pas moins de soutenir une lutte si insensée, au risque d'ensevelir la France sous ses ruines.

Les moyens qu'il employa furent les mêmes qu'il avait toujours mis en usage, le mensonge et le despotisme.

Son premier soin fut de dissimuler aux Français l'orage qui grondait sur sa tête, et qui eût pu répandre la terreur parmi ses amis, l'espérance parmi les royalistes. Par son ordre, les journaux gardèrent d'abord le silence sur toutes les déclarations du congrès; puis, lorsqu'on fut assuré qu'elles avaient trompé la vigilance de la police, en se répandant par la voie du commerce, on s'appliqua à jeter des doutes sur leur authenticité: l'impudence fut portée au point qu'à l'époque du 29 mars seize jours après le premier acte du congrès, lui-même fit publier, sous la forme d'un rapport fait au conseil des ministres, un écrit où l'on ose dire que « cette déclaration paraît apocryphe; qu'il faut la classer au nombre de » ces pièces fabriquées par l'esprit de parti, et par

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ces folliculaires qui sans mission se sont, dans ces derniers temps, ingérés dans toutes les affaires » de l'état ; que cette pièce est émanée de la léga» tion du comte de Lille à Vienne; laquelle » légation a ajouté au crime de provoquer l'assas»sinat, celui de falsifier la signature des membres » du congrès. »

Cette dégoûtante supposition fut répétée le 2 avril sous le titre de rapport des présidens du conseil d'état, dans le conseil des ministres. Ce ne fut que le 13 avril, et sous la forme d'un troisième rapport fait par le duc de Caulaincourt, qu'on avoua la nouvelle confédération; mais toutefois en jetant encore un voile sur les actes du 25 mars et du 2 avril, qui, à cette époque pourtant, n'étaient pas moins connus que le premier.

En même temps Buonaparte fit publier, selon son usage, toutes sortes de nouvelles et de contes absurdes, pour persuader au peuple la prochaine dissolution de la ligue qu'il ne pouvait plus désavouer : à l'en croire, on n'attendait plus à Paris que le comte de Lichtenstein pour publier les secrets accords de l'Autriche; Murat avait déjà traité avec cette puissance; le Piémont, l'Espagne et la Pologne étaient en insurrection ; les armées de la Saxe, de la Belgique refusaient de marcher ou désertaient; 30,000 Prussiens étaient en sédition et ré→ trogradaient; la Russie et l'Angleterre se disposaient à la paix; le prince Talleyrand était arrêté ; toute

l'Europe, enfin, allait prendre une nouvelle face.

Ces impostures, sans produire beaucoup d'effet, ne laissèrent pas de séduire ou d'intimider quelques citoyens. Toutefois, il y en eut peu qui prirent la peine de voter sur l'acte additionnel aux constitutions, et encore y eut-il division sur l'acceptation. On a cité à cette occasion un trait de fermeté qui, à raison de la condition de son auteur, appartient à l'histoire. Quelques personnes pressaient le concierge de la cour royale d'accepter l'acte additionnel : j'ai refusé, dit-il dans son langage, de signer contre Louis XVI, a plus de vingt ans ; je n'irai pas signer aujour d'hui contre toute sa race. Celui du tribunal civil imita cet exemple, en disant je ne signe pas ce que je ne comprends pas.

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D'un autre côté, le serment qu'on exigea des fonctionnaires publics, trouva aussi beaucoup de réfractaires.

On refusait même assez généralement d'arborer la cocarde tricolore ; il fallut trois proclamations, beaucoup de menaces, et l'exemple de quelques amendes pour y déterminer la plupart des habitans. La garde nationale, à son tour, n'était guère mieux disposée pour l'usurpateur. On l'excitait à marcher, ou tout au moins à former des bataillons mobiles levés dans son sein. Elle déclarait qu'instituée pour défendre ses foyers, elle ne prendrait point rang dans l'armée active. On

voulut user de violence, pour l'obliger de faire un choix ou de tirer au sort: cette prétention excita de la résistance et du tumulte. Plusieurs officiers, grenadiers et chasseurs furent arrêtés, d'autres obligés de fuir; mais le corps demeura inébranlable dans son refus. Cette scène orageuse se passa au palais St. Pierre ; elle força les factieux de renoncer à cet enrôlement.

Bien loin de servir la rebellion, un grand nombre d'habitans de la cité et du département, pour servir la cause du Roi, formèrent un corps sous le nom de Chasseurs de Henri IV, sous les ordres du comte d'Espinchal, qui tint la campagne dans le Forez jusqu'après la capitulation de Lyon. On arrêta dans le temps à Oullins, plusieurs citoyens qui s'y étaient rendus pour se joindre à ce corps.

Ce qui mérite d'être particulièrement remarqué, c'est que de tous les membres du corps municipal qui ayant pris part à la fameuse séance du 8 avril, avaient été ensuite écartés de cette administration, ou avaient donné leur démission, aucun ne prit du service sous l'usurpateur, quoique plusieurs d'entr'eux y fussent vivement sollicités; aucun n'accepta l'acte additionnel; aucun ne lui prêta serment (1).

(1) Ceux qui se sont trouvés dans cette position, sont: MM. de Sainneville, de Cazenove, de Laurencin, de Varax,

Mais rien ne montra mieux quel était l'esprit de la ville et du département, que le petit nombre des électeurs qui se présentèrent aux assemblées électorales le 12 mai. De 227 membres dont était composé le collége de département, on n'en put réunir que 74, en sorte qu'on ne parvint pas même à y faire des élections valides ; tandis que lorsqu'au mois d'août suivant, le même collége fut convoqué par le Roi, il réunit 185 électeurs. Les proportions furent à peu près les mêmes pour le collége d'arrondissement; encore est-il juste de remarquer que dans les assemblées du 12 mai, une grande partie des électeurs ne se présentèrent qu'avec l'intention très-louable de s'opposer à de mauvais choix, et qu'en effet ils tombèrent tous, sinon sur des Roya listes, au moins sur des hommes qui étaient d'ailleurs estimés.

Aussi, la police de Buonaparte, tout en exaltant l'esprit libéral qu'elle se vantait de trouver à Lyon, se montrait-elle très-ombrageuse : elle défendait de sonner le tocsin en cas d'incendie. Par ses placards, par son journal, elle se plaignait sans cesse de machinations secrettes, de complots, d'amas de munitions et d'armes; elle signalait comme en 1793, les prêtres et les châteaux; elle faisait des visites do

de Chaponay, de la Chassagne, Guerre, Masson-Mongez et Falsan aîné.

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