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a-t-on dit, de plus de douze cents: là chacun de ces frénétiques jure entre les mains de ses complices, de déchirer la convention militaire, de renouveler la guerre et de soutenir un siége, espé→ rant entraîner par la crainte, une partie de la population aux redoutes. Teste arrive encore, et pour la seconde fois, conjure d'un seul mot le plus terrible orage. Peut-être ne fait-il que l'ajourner ; car toutes ces agitations se liaient à un plan profondément combiné, dans le cas de l'occupation de la capitale celui d'une insurrection armée et d'une guerre de partisans dans les montagnes de Bourgogne, de Haute-Alsace, d'Auvergne et de Vivarais. Ce ne pouvait être en effet sans dessein que s'étaient réunis à Lyon comme de concert, plus de 1000 officiers à demi-solde accourus ou chassés du midi, autant de Piémontais ou d'Italiens, une foule de mutins de l'armée des Alpes et de déserteurs de la garde impériale échappés au désastre de Waterloo : c'étaient ces séditieux qui entretenaient l'effervescence populaire, qui donnaient le signal et l'exemple de tous les excès; et il est difficile de dire où ils se seraient arrêtés, sans la convention militaire par laquelle le maréchal Suchet ouvrit aux alliés les portes de la ville.

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CHAPITRE DIX-SEPTIÈME.

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REDDITION de Lyon. Rétablissement de l'autorité royale. -Fin des troubles.

Conclusion.

CEPENDANT les destinées de la ville n'étaient pas

tout à fait abandonnées aux hasards des événemens. Le comte de Chabrol qui, au jour de l'invasion, le 10 mars, avait été l'un des derniers à quitter son poste, et ne l'avait quitté qu'après que la ville fut occupée (1), avait été aussi le premier à y rentrer. Parti de Paris, le 27 juin, il parvint à s'introduire secrètement dans Lyon, pour y observer les événemens et y servir, autant qu'il le pourrait, la cause des Bourbons. Il dut être épouvanté

que

(1) M. de Chabrol était occupé dans son cabinet à donner les ordres exigés par les circonstances, lorsqu'un officier de la garde nationale accourut auprès de lui et lui donna connaissance de l'irruption du 4. de hussards. Il n'eut le temps de se jeter dans une voiture, sans avoir pu mettre en sureté ses effets les plus précieux, même sans argent, et de prendre au galop le chemin de Vaize. Il fut arrêté à la barrière, et obligé de rétrograder avec trois voitures du gouverneur qu'on avait aussi retenues. Revenu à Pierre-Scize, il y trouva deux officiers de hussards avec qui il s'expliqua. Ils donnèrent l'ordre de le laisser passer.

de l'état d'une ville livrée aux fureurs d'une solda tesque effrénée, d'une foule d'étrangers et d'inconnus qui ne respiraient que le désordre, d'un club dont les séances et les fougueuses déclamations rappelaient les scènes démagogiques de 1793. Le mal dut lui paraître d'autant plus grand que tous les mouvemens étaient conduits par un agent supérieur de la police, homme dangereux, qui joignant à une grande audace ce langage tribunitien, cette élocution facile et forte, si puissante sur la multitude, exerçait la plus redoutable influence.

Sur quelques indications puisées par la police dans le service des postes du dehors, la présence du comte de Chabrol à Lyon fut bientôt soupçonnée. Mais dans une ville où le Roi comptait tant de serviteurs fidèles, il ne fut pas difficile à ce magistrat de se dérober aux recherches. Toutefois il ne pouvait se livrer qu'avec une grande circonspection aux inspirations de son zèle. Il ne laissa pas d'avoir de fréquentes communications avec plusieurs royalistes très-dévoués, et particulièrement avec le comte de Fargues, ex-maire.

L'un de ses premiers soins fut de s'assurer des dispositions du maréchal Suchet. Il lui envoya un homme de confiance, M. Conrad, ingénieur des ponts et chaussées, qui le trouva peu rassuré sur la discipline de son armée, mais personnellement disposé à éviter une inutile effusion de sang,

et épargner à la ville les désordres et les horreurs d'un siége sans objet. Ces lumières aidèrent le comte de Chabrol à combattre les derniers efforts des factieux.

Aussitôt que la convention militaire eut été conclue, il avait réclamé du maréchal Suchet et du comte de Bubna le droit de reprendre ses fonctions qui n'avaient été suspendues que par la force; mais les factieux de leur côté avaient cherché à en imposer aux deux généraux sur l'esprit de la ville. Ils étaient presque parvenus à leur persuader que l'on ne pouvait y maintenir la tranquillité et la sauver des horreurs d'une guerre civile, qu'en y conservant les autorités actuelles et le drapeau tricolore. On avait même réussi à faire insérer dans la capitulation un article favorable à la première de ces prétentions. Des hommes plus exaltés encore, étaient allés plus loin; les uns avaient osé proposer de prendre une cocarde étrangère ; d'autres, venus d'un pays voisin, étaient allés jusqu'à insinuer que l'on pourrait distraire la ligne du Rhône et de l'Isère au profit de la Savoie, qui céderait Alexandrie et la ligne de la Sésia à l'Autriche. Et c'étaient des hommes. armés, disaient-ils, au nom de l'honneur français et pour l'indépendance nationale, qui faisaient ces lâches propositions!

Elles eurent le sort qu'elles méritaient; mais les premières demandes avaient été soutenues avec

tant d'audace et de perfidie, qu'elles manquèrent. de triompher. On sut même qu'une proclamation attribuée, justement ou non, au comte de Bubna, et qui les confirmait, devait être imprimée dans la nuit du 15 juillet, et publiée avec profusion.

Informé d'une résolution si inattendue, si peu conforme aux actes du congrès de Vienne, le comte de Chabrol ne pouvait se faire à l'idée de voir la ville de Lyon conserver des couleurs qui ̧ allaient la séparer du reste de la France et de son Roi; il était impossible en effet de se dissimuler qu'il n'y eût dans cette mesure une combinaison pleine de perversité, une sorte de signal et d'appui pour le parti de l'opposition en France, un prétexte peut-être pour l'étranger de frapper de réquisitions sans bornes, une cité qui paraîtrait persévérer dans la révolte, ou qui aurait l'air de vouloir composer avec l'autorité du prince que l'Europe avait rendu au royaume.

Il accourut auprès du comte de Bubna à son quartier-général de Bron; il lui représenta qu'on l'avait trompé en lui peignant la population de Lyon comme opposée au gouvernement royal; que la conservation des autorités instituées par l'usurpateur, offrirait un contraste singulier avec le but et les projets de la coalition; qu'il allait reprendre ses fonctions, et rétablir de suite les autorités instituées par le Roi; qu'il attendait de la loyauté de ce général qu'il ne ferait rien pour

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