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14,000 hommes venus encore du midi à Grenoble, en plusieurs divisions, avec une nombreuse artillerie, prennent la route de Turin, au lieu de celle de Lyon.

que

Dans cet état d'abandon, les habitans des campagnes fuient de tous côtés, avec leurs familles, leurs bestiaux et leurs effets les plus précieux; ils viennent chercher à Lyon, un asile, pendant qu'au contraire un grand nombre de Lyonnais s'en éloignait par toutes les issues. Le Rhône, ses ports et tous les chemins sont encombrés des richesses fait évacuer le commerce; plus de cent millions de marchandises ou d'effets précieux, sont exportés au loin ou enfouis dans la terre ; d'opulentes maisons de commerce et de banque qui avaient résisté aux premières commotions, sont réduites à interrompre leurs payemens; les ateliers, les magasins achèvent de se fermer; l'argent se retire brusquement dans les mains d'un petit nombre de capitalistes, ou est mis en réserve pour un avenir si menaçant, et cesse de circuler; la vie sociale, en un mot, semble s'éteindre. La confusion est encore augmentée par une multitude oisive et avide de nouvelles, qui obstrue les rues, les places et les quais; par les agitations de la malveillance, toujours prête à profiter des momens de trouble; par les justes inquiétudes que donnent à l'autorité quarante mille ouvriers sans travail; par la difficulté enfin d'entretenir les

subsistances dans une cité si populeuse dont toutes les communications étaient menacées.

Mais l'autorité reposait dans des mains vigilantes, fermes et sages.

Le département avait alors pour préfet le comte de Bondi, magistrat plein de zèle, dont l'administration dirigée par l'amour le plus éclairé du bien et par un attachement particulier pour la ville, tempérait avec bonté et avec modération tout ce qu'avaient de trop rigoureux les actes arbitraires du gouvernement.

Le corps municipal, pour réunir toutes les lumières et tous les efforts, s'était constitué en conseil de mairie, où toutes les résolutions de quelque importance étaient discutées et arrêtées chaque jour.

A la tête du corps était le comte d'Albon, dont le sincère dévouement aux intérêts de la cité lui donna plus d'une fois des droits à la reconnaissance publique.

Parmi les adjoints, celui sur qui reposait la police, portion si importante de l'administration publique, sur-tout dans de telles circonstances était M. Charrier-Sainneville, magistrat dont les talens éprouvés, les sages conseils, l'activité et la fermeté rendirent à la ville les plus éminens services, et la sauvèrent souvent des plus grands dangers.

Un autre adjoint, M. le comte de Laurencin,

chargé plusieurs fois des missions les plus délicates, et quelquefois des travaux les plus ingrats, mais toujours supérieur à toutes les difficultés, par ce zèle a qui tout est facile, par cet esprit, ce tact français qui le distinguent si heureusement, rendit aussi à son pays les plus importans

services.

A côté d'eux se plaçaient avec un égal dévouement, MM. de Casenove, de Varax, et plusieurs membres du conseil muncipal, qui montrèrent un zèle d'autant plus respectable, que dans la position particulière où ces magistrats se trouvèrent, leurs services étaient de nature à demeurer plus obscurs sans en être moins réels.

Enfin, la vigilance des magistrats avait pour appui une garde nationale dont le zèle et l'activité incomparable était au-dessus de tous les éloges, dont la soumission aux règlemens et aux habitudes militaires aurait fait honneur au régiment le mieux discipliné.

Tels furent ceux qui dans ces momens critiques, et au milieu de tant d'esprits diversement agités, surent maintenir le même ordre, la même sécurité que dans les temps les plus calmes et dans les circonstances les plus prospères.

Cependant, le gouvernement revenu de sa première stupeur, dépêcha le sénateur Chaptal à Lyon, investi d'une espèce de dictature sans bornes, mais dont ce commissaire n'usa, il faut

*

le dire, qu'avec la plus louable réserve ; il est juste de remarquer que toujours d'accord avec l'autorité locale, toujours sage et modéré, il ne la fit servir qu'à presser les réquisitions et les armemens qui étaient le principal objet de sa mission, sans persécuter ni inquiéter personne.

Bientôt tous les chevaux de selle furent mis en réquisition.

La levée d'un corps franc, sous les ordres de M. Gustave de Damas; celle d'un corps de chasseurs à pied et à cheval, sous le nom de légion lyonnaise, commandé par M. de Maisonneuve ; un appel aussi aux anciens militaires, furent successivement autorisés.

La garde urbaine s'organisa pour le service intérieur, et obtint du sénateur 1200 mousquetons, qui jusqu'alors lui avaient été refusés.

Enfin, le commissaire ordonna pour dernière mesure la levée en masse de tous les citoyens du département. On ne s'apercevait pas que la précipitation, l'incohérence forcée de tant d'ordres en auraient seules empêché l'exécution, si d'ailleurs elle eût été possible.

A ces levées en masse, à ces provocations d'une défense si contraire aux anciens usages de la guerre, le généralissime prince de Schwartzenberg opposait (1) un ordre du jour, dont l'exemple

(1) Le 8 janvier 1814.

lui avait été donné dans de pareilles conjonctures par les Français: il fait publier que «< tout habi

>>

tant des villes et des campagnes pris les armes à » la main, qui ne pourra justifier qu'il fait partie » de l'armée ennemie, sera puni de mort; que » toutes les villes dans lesquelles l'armée rencon» trera de la résistance de la part des habitans, >> seront, pour servir d'exemple, livrées aux » flammes; que les personnes et les propriétés >> des citoyens paisibles seront respectées. »

C'est dans ces circonstances que le général Bubna, après quelques hésitations sur sa marche, après avoir tour à tour abandonné et repris Seyssel, pris et abandonné Annecy, Lons-le-Saunier, reprend l'offensive, fait d'un côté une fausse attaque à Châlons-sur-Saône, qui se défend et le repousse, pénètre d'un autre à Chambéry qui ouvre ses portes, et marchant entre ces deux points, dirige ses principales forces sur la ville de Bourg.

Le 10 janvier, il arrive à St-Etienne-duBois, où il rencontre un petit corps d'observation qui ne l'arrête pas long-temps et se retire après un léger combat.

Le 11, aux approches de la ville, il est arrêté à la tête de 15,000 hommes, par un faible détachement de troupes de ligne que soutenaient quelques habitans, le préfet à leur tête (1): un com(1) M. le barou Rivet.

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