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CHAPITRE TROISIÈME.

CONSEIL tenu à Lyon sur les moyens de défense. Le maréchal Augereau à Valence. Le sénateur Chaptal à Clermont. Parlementaire Autrichien à Lyon.

de cet événement.

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Suites

A PEINE échappé aux désastres de Leipsick, le maréchal Augereau avait reçu de Buonaparte le 7 janvier, l'ordre de prendre à Lyon le commandement de l'armée qui devait défendre cette partie du territoire : la France étant menacée d'invasion, ce guerrier crut plus que jamais entendre la voix de la patrie. Dès le lendemain il se mit en route, porteur d'un état de situation qui le mettait à la tête d'une armée de 60,000 combattans, mais qui était toute entière à lever. Le Maréchal qui l'ignorait, ne laissa pas de représenter, avec sa franchise toute militaire, qu'on prenait cette détermination un peu tard; que les alliés, d'après leur marche en Suisse, pouvaient arriver à Lyon avant lui, puisqu'il n'existait aucuns corps français sur leur passage. On lui répondit qu'en ce cas il se replierait sur Paris. Telle était la tranquillité d'ame ou plutôt l'illusion dans laquelle se reposait cet Empereur jadis si actif et si prévoyant.

A peine arrivé à Fontainebleau, le Maréchal reçut, d'un courrier qui passait, le faux avis que déjà les alliés occupaient Lyon. Il n'en tint nul compte, connaissant bien la valeur de ces fausses alarmes qui toujours précèdent de beaucoup la marche des armées.

A Nevers, le courrier de la malle et d'autres voyageurs lui confirmèrent la même nouvelle; il douta encore et ne continua pas moins sa route toutefois en rallentissant sa marche pour s'assurer des dispositions des esprits dans les départemens qu'il lui restait à traverser, et qui étaient pour la plupart chargés de fournir des renforts à l'armée de Lyon.

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A Roanne (1), il put considérer la prise de Lyon comme semi-officielle, lorsqu'il apprit par des magistrats de la Cour qui s'y étaient réfugiés, les mouvemens du 12, et les ordres d'évacuation qui en avaient été la suite.

Il ne laissa pas de poursuivre sa route, se faisant précéder d'un courrier qui devait en toute hâte revenir sur ses pas, et l'instruire du véritable état des choses.

Il reçut enfin, à la hauteur de Tarare, les éclaircissemens qu'il désirait, et fit son entrée à Lyon le 14, à onze heures du soir.

A l'instant même, le Maréchal convoqua chez

(1) Le 13 janvier.

lui le lieutenant-général Musnier, commandant la division active, et le général Saint-Sulpice, colonel du 4. régiment des gardes-d'honneur, pour prendre connaissance de l'état et des forces de la place. C'est alors qu'il put voir à quel point on l'avait abusé par le chimérique état de situation qui lui avait été remis.

Le lendemain matin, il appela auprès de lui tous les chefs des autorités civiles et militaires, les officiers même de la garde nationale. Leur étonnement à tous fut grand lorsqu'on reconnut que les forces qu'avait cru trouver le Maréchal à Lyon, y étaient attendues de lui-même : le découragement qu'avait déjà jeté dans tous les esprits la perspective d'une guerre sans fin, fut porté à son comble. Les Lyonnais se défendraient, disait-on, ils feraient les mêmes efforts, les memes sacrifices qu'en 1793, si quelques chances de salut pouvaient se mêler à leur résistance: mais sans aucun espoir d'un meilleur avenir, sans armes, sans artillerie, sans approvisionnemens et presque sans munitions, sans un seul écu dans les caisses publiques, sans aucunes fournitures assurées pour le service, et lorsque la population avait perdu l'élite de sa jeunesse par ces levées anti-sociales qui depuis si long-temps désolaient l'empire, il ne paraissait ni juste, ni généreux d'appeler sur une cité fumante encore des ruines d'un long siége, les horreurs d'une guerre nouvelle.

Ne trouvant ainsi dans Lyon aucuns moyens de parer au danger, le Maréchal instruisit le gou

vernement de l'état des choses, sans en rien déguiser. Il convint en même temps avec le commissaire extraordinaire Chaptal, de faire évacuer ce qui restait de caisses publiques, les militaires malades, les prisonniers de guerre, les prisonniers d'état en grand nombre qui, du fort de PierreChâtel, avaient été transférés à Lyon, et en un mot, tout ce qui tenait à l'administration de la guerre, ainsi qu'aux administrations civiles. Ils arrêtèrent pareillement de se retirer en personne, l'un à Clermont, pour y presser la formation et l'envoi des bataillons de gardes nationales, et pour mettre en œuvre toutes les ressources qui pouvaient exister sur la rive droite du Rhône et la rive gauche de la Loire; l'autre à Valence, pour y recueillir tous les dépôts qui pouvaient se trouver dans le midi, et se mettre en communication avec les généraux Marchand et Dessaix, qui commandaient dans les départemens de l'Isère et du Mont-Blanc. Valence, par sa position sur la rive gauche et presque au confluent du Rhône et de l'Isère, sur les routes de l'Italie et du midi, au centre de la 7. division qui faisait partie des commandemens du Maréchal, offrait d'ailleurs un point militaire de réunion, et permettait d'y former, en cas de besoin, une ligne de défense sur l'Isère.

Le Maréchal, en s'éloignant, avait ordonné au général Musnier, de ne porter sur la route de Villefranche que des postes d'observation; d'occuper lui-même, avec sa petite troupe, toutes les positions en avant du faubourg St-Clair, qui était le point de réunion marqué par l'ennemi; de ne céder le terrain qu'à un nombre très-supérieur, et après avoir fait toute la résistance possible. Il lui avait enjoint de suivre dans sa retraite, s'il y était forcé, le chemin le plus court, pour aller se rallier à la tête du faubourg de Vaize, à l'embranchement des routes de Bourgogne, de Bourbonnais et de Forez, et, s'il ne pouvait s'y maintenir, de suivre la route de St-Etienne soit pour en couvrir la manufacture, soit parce que ce pays montagneux et difficile présentait mille points d'appui à une défense avantageuse. Le mouvement ordonné avait aussi pour but de contenir l'ennemi par la crainte de pénétrer, avec trop peu de monde, dans une cité populeuse, qui, à l'approche des secours qu'allait chercher le Maréchal, pouvait se soulever contre les troupes qui l'auraient occupée, et les mettre dans un grand péril.

Il paraît qu'une combinaison si judicieuse ne fut point sentie et demeura sans effet. Le jour même du départ du Maréchal et du Commissaire, le général Musnier s'étant assuré de l'immense supériorité des forces autrichiennes, fit sa retraite

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