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vés, un combat d'un genre tout nouveau commença. Pendant que les tirailleurs occupaient la garnison dans ses batteries, par un feu des mieux nourris, des monceaux de rochers roulèrent sur les bâtimens et les bastions, ne laissant aucun abri à l'ennemi qui se hâta de capituler. Les canons, les munitions, les approvisionnemens, et 130 prisonniers furent la proie du vainqueur.

Le général Bardet, sans perdre un seul instant, continua sa marche sur Genève, après avoir laissé une faible garnison dans le fort, et alla coucher à Fargès, à quatre lieues de cette ville. Les généraux Marchand et Dessaix n'en étaient qu'à deux lieues. Les 2. et 4. divisions se trouvèrent ainsi réunies en ligne, et, sur tous les points, l'armée de Lyon prenait l'attitude la plus imposante.

CHAPITRE SIXIÈME.

MARCHE du général Bianchi et du prince de Hesse-Hombourg sur Mâcon. Retraite du duc de Castiglione sur Lyon. Mesures atroces ordonnées par le gouvernement. Le maréchal attaque Mâcon. Combat de St-George. -Bataille de Grange-Blanche.

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LA marche du duc de Castiglione sur Genève et le Jura, les rapports qu'elle paraissait avoir avec la direction que Buonaparte avait prise depuis le combat de Montereau vers le sud entre la Suisse et l'Yonne, inquiétaient les alliés sur les suites de cette double manœuvre, et sur le sort de leur armée du sud.

Pour secourir cette armée, et en même temps pour frapper des coups capables d'abréger la guerre, ils résolurent de marcher sur Lyon avec de grandes forces, bien sûrs d'entraîner tout le midi dans la chute de cette importante ville s'ils parvenaient à s'en rendre maîtres, et résolus de prendre le Maréchal à revers s'il ne rétrogradait pas pour la couvrir. En conséquence, ils détachèrent de la grande armée, tant le corps autrichien du général Bianchi, et les différens corps qui se trouvaient autour de Dijon, que le 1.er corps de réserve commandé par le prince Philippe de Hesse,

qui se trouvait alors en avant de Bâle : espèce de dislocation qui, en affaiblissant la grande armée dans un moment où Napoléon menaçait de l'attaquer, pouvait au premier coup-d'œil paraître singulière, mais qui était combinée avec une diversion inattendue et décisive que l'armée de Silésie s'apprêtait à faire sur la Marne, et qui en effet ne tarda pas de s'exécuter.

Ces forces étaient sans proportion avec celles du Maréchal. La division Bianchi ne pouvait être moindre de 12,000 hommes; les troupes disposées aux environs de Dijon surpassaient 15,000 hommes; le corps de réserve du prince de Hesse n'était pas moindre. Si l'on y ajoute les renforts de troupes légères qui traversaient la Suisse pour s'y joindre, et qui arrivaient chaque jour, tels que cosaques, vélites, hongrais, monténégrins; si l'on tient compte du reste des troupes qui faisait face au Maréchal à Genève et dans le Jura, l'on ne saurait porter à moins de 60,000 hommes, l'armée qui allait marcher à la conquête de Lyon.

Son artillerie se composait de cent bouches à feu. Une partie considérable de cette armée fut transportée en poste sur la route de Mâcon. Bientôt cette ville fut occupée.

De ce point, l'ennemi dirigea une colonne de 4000 hommes sur la Loire, la route du Bourbonnais et Roanne, où elle fut contenue par la garde nationale.

Il en dirigea une autre sur la ville de Cluny, qui fut investie le 7 mars, à six heures du matin, par 1200 hommes. M. de Damas qui s'y était enfermé avec ses partisans, avec une compagnie du 144., une compagnie de la garde nationale du Cher, la compagnie départementale de Saône et Loire, 22 dragons et 30 hommes d'infanterie légère, M. de Damas soutint le feu des ennemis jusqu'à huit heures du soir, leur faisant essuyer une perte considérable et les obligeant de se replier. Toutefois ne doutant point que la ville ne fût attaquée le lendemain avec des forces plus considérables, il l'évacua dans la nuit, et fit sa retraite sur Charolles avec ses bagages. Les journaux du temps, suivant la tactique qui fut toujours employée par les agens de Buonaparte supposèrent, pour exaspérer les esprits, que la ville fut mise au pillage, pendant toute la nuit et toute la journée du lendemain (1); que Jouvence, petite ville à trois lieues de là, avait aussi été pillée de fond en comble. La vérité est qu'il n'y fut commis

aucun excès.

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La ville de Mâcon servit particulièrement de point d'appui aux alliés, pour répandre leur cavalerie légère dans la Bresse-Mâconnaise, et pousser leurs patrouilles jusqu'à St-Amour, sur les der

(1) Voyez particulièrement le journal de Lyon, du 12 mars 1814, n.o 29.

rières du Maréchal. Lui-même, il fut attaqué à Poligny, le 4 mars, par un corps qui fuyait auparavant, et qui tout-à-coup faisant volte-face sous la protection des nouvelles forces envoyées contre l'armée de Lyon, fut vigoureusement repoussé.

Pendant que les alliés manœuvraient ainsi sur les deux rives de la Saône, l'armée de Silésie, commandée par le général Blücher, se portait inopinément sur les derrières de Buonaparte en lui dérobant une journée de marche, en jetant des ponts sur l'Aube et se dirigeant sur Sézanne. Buonaparte qui depuis quatre jours était resté, on ne sait comment, immobile à Troyes, entre l'armée du prince Schwartzenberg et les armées du nord (1), instruit enfin du mouvement subit de l'armée de Silésie, se vit obligé de quitter Troyes avec sa garde, le 27 février (2), longtemps avant aucun mouvement rétrograde du maréchal Augereau; il se retira précipitamment et coucha le même jour au petit village d'Herbisse, à deux lieues au-delà d'Arcis-sur-Aube ; il se dirigea le lendemain 28 sur Sézanne par Fère Champenoise, rejetant jusqu'à Vertus la cavalerie légère de Tettenborn, établissant son quartier-général au château d'Esternay, entre la

(1) Du 24 au 27 février. Voyez l'histoire de la campagne de 1814, par M. Alphonse de Beauchamp, livre 10.

(2) Même histoire, même livre, tome 2, page 51..

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