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désespoir qui n'étaient propres qu'à redoubler les alarmes, sans pouvoir être d'aucun secours ; qu'il savait bien que les magistrats seraient chargés d'une grande responsabilité, mais que le moment n'etait pas loin où, d'accusés qu'ils pourraient être en ce moment, ils deviendraient à leur tour accusateurs ; qu'enfin leurs plus dangereux ennemis n'étaient pas dans les camps des puissances alliées, mais parmi eux, et qu'on avait tout à craindre pendant les désordres d'un bombardement ou d'un siége; que leur premier devoir était de sauver leur cité pour la France, pour l'Europe, pour elle-même.

Le Maréchal était français. Son cœur généreux, déjà révolté des projets barbares formés par les émissaires du gouvernement contre une ville malheureuse, ne fut pas moins touché des désastres qu'appellerait sur elle la seule démonstration d'une défense impossible. Bien assuré que la place n'était pas tenable, il donna ses ordres pour la retraite, et sortit lui-même vers minuit, précédé ou suivi d'un grand nombre de fonctionnaires publics, laissant à la ville une entière liberté de capituler.

L'évacuation se fit dans l'ordre le plus parfait. Les habitans avaient reçu défense de sortir de

leurs maisons. Le plus profond silence régnait dans la ville. L'ennemi même ne parut point se douter de la retraite.

Le général Digeon chargé de la couvrir, fit passer le Rhône à ses troupes et à tous ses postes avant six heures du matin. Le 12.me de hussards avait balayé la gauche de la route de Vienne, où il avait rencontré quelques centaines de chevaux ennemis qui la flanquaient. Il se plaça en arrière-garde à St-Symphorien-d'Ozon, pendant que le duc de Castiglione établissait son quartier général à Vienne.

Le 22, l'armée continua sa retraite. Le général Digeon prit position à Vienne avec l'arrière-garde ; les autres divisions couchèrent au Péage de Roussillon, à Auberive et St-Rambert. La réserve, sous les ordres du général Remond, reçut ordre de hâter sa marche et de se rendre à Tain.

Le 23, le gros de l'armée occupa St-Vallier et Tain; l'arrière-garde, le Péage de Roussillon et Saint-Rambert. Ce jour-là, l'armée fit sa jonction avec la dernière colonne venue d'Espagne, qui rétrograda sur Valence et fut ensuite incorporée.

Le 24, le quartier-général s'établit à Valence; la 2.me division, et le 4.me de hussards à Tain, avec ordre de s'étendre jusqu'à Romans. Les autres corps occupaient St-Vallier et les approches du pont sur l'Isère. Cette marche, quoique exécutée

avec calme et sans précipitation, ne fut inquiétée que par quelques escarmouches sans résultat. Voici maintenant ce qui se passait à Lyon. A mesure que l'armée évacuait les postes de la ville, la garde nationale urbaine les occupait.

Un parlementaire fut envoyé vers le point du jour, au quartier-général du Prince héréditaire de Hesse-Hombourg, général en chef des troupes des alliés, pour lui donner connaissance de la retraite de l'armée française, lui demander la suspension des hostilités, et lui annoncer l'arrivée prochaine du corps municipal, avec les clefs de la ville.

Les magistrats municipaux se présentèrent en effet, mais un peu tard, et en combinant leur marche de manière à ménager le plus de temps possible à l'armée qui se retirait. Ils offrirent au Prince les clefs de la ville, et en obtinrent l'assurance verbale qu'elle serait traitée avec ménagement. Ils obtinrent encore que la garde nationale demeurerait armée pour faire le service dans l'intérieur, concurremment avec les troupes alliées. Il fut enfin convenu que l'entrée de ces troupes ne commencerait qu'à onze heures, et qu'elles défileraient entre deux haies formées par la garde nationale pour maintenir l'ordre.

A onze heures, le mouvement commença. Les premiers corps qui parurent ne présentaient guère que 20,000 combattans de toutes armes, et déjà quelques esprits ombrageux commençaient

à s'étonner de la retraite du maréchal; mais bientôt d'autres colonnes débouchant à la fois par le faubourg de la Guillotière, par la barrière St-Clair, par la route de Trévoux, étalèrent aux regards étonnés d'une foule immense, une force de 40,000 hommes, presque tous de la plus belle tenue. En peu d'heures la ville fut encombrée et des hommes, et de l'artillerie, et d'une quantité prodigieuse de bagages.

Toutes ces forces ne firent, pour ainsi dire, que

se montrer.

Il ne resta que 16,000 hommes dans Lyon. Une colonne avait été dirigée sur la Loire, et alla occuper Feurs et Clermont-Ferrand.

Une autre, commandée par le prince de Cobourg, prit la route de St-Etienne, où elle alla s'emparer de la manufacture d'armes, et où elle fit son entrée le 24.

Une troisième colonne fut dirigée sur les routes de Grenoble et Chambéry, pour essayer de couper leur retraite aux généraux Dessaix et Marchand.

La dernière, composée d'abord de 8,000 hommes de cavalerie, puis accrue de 12,000 hommes d'infanterie, fut destinée à manœuvrer sur la route de Valence.

Pendant ce temps-là, le comte de Bubna poussait des avant-postes sur le fort de l'Ecluse qu'il trouva évacué, les canons encloués, et sur St

Jullien, Dortan et Nantua, qu'il trouva aussi

évacués.

Cependant, le prince de Hesse-Hombourg suivait de près l'armée qui faisait sa retraite sur Valence, mais sans l'inquiéter beaucoup. Il établit son quartier-général à Vienne, le 24, le jour même où le maréchal porta le sien à Valence. Ce ne fut qu'aux environs de Tain qu'il commença à montrer des dispositions plus hostiles.

A cette époque, le maréchal était depuis dix jours sans nouvelles directes de Napoléon et de ses armées ; il n'en reçut que pour voir affaiblir la sienne par la dislocation la plus fàcheuse et la plus inattendue. Il eut ordre d'envoyer en poste 6,000 hommes de la seconde division d'Espagne, à Libourne, sous les ordres du général Beurmann. Quelque pénible que fût ce sacrifice, dans la situation critique où se trouvait l'armée de Lyon, le maréchal obéit. En conséquence, le général Beurmann quitta l'arrière garde à St-Vallier, passa le Rhône à Tain, avec le corps qui lui était confié, et se dirigea sur Libourne par le Puy et Clermont. Le général Digeon rentra alors au quartier-général.

C'est dans ces circonstances que le maréchal apprit qu'enfin une division d'Italie, commandée par le général Vedel, qui depuis long-temps lui avait été annoncée par l'empereur, comme formant un corps de 10,000 hommes, venait de

passer

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