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ont été moins négligés, mais beaucoup plus
défigurés. Cette ville et celle de Grenoble
ont été si calomniées sous le règne des mo-
dernes ligueurs, que des écrivains aussi re-
commandables par la pureté de leurs principes
que par leurs talens, ont cédé à cette préven-
tion, et ont fort maltraité ces deux villes et
leurs magistrats: ici, on accuse celle de Gre-
noble d'une lâche et infame trahison, et l'on
suppose que << tant de la
des soldats que
part
» de celle des habitans, c'était une affaire
» concertée d'avance avec les rebelles (1);
» là on atteste que Buonaparte trouva à Lyon
> des magistrats infidèles, une populace ef-
» frénée, des opinions subordonnées à une
> foule de petits intérêts, des jeunes gens de
» la garde nationale à cheval qui lui offrirent
> leurs services, etc. » (2)

Témoin à Lyon et comme citoyen et comme membre de l'administration municipale, des événemens qui s'y sont passés en 1814,

(1) Histoire de la conjuration du 20 mars, page 72. Tableau historique des événemens qui se sont passés à Lyon depuis le 20 mars, sans nom d'auteur, page 13.

(2) M. Gallais, pages 143, 149, 417.

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ou dont cette ville a été l'objet ; témoin encore de ceux de 1815, quoique je fusse alors étranger à l'administration; voisin de Grenoble où j'ai toujours conservé des relations qui me sont aussi chères qu'honorables, je n'ai pu voir avec indifférence que des erreurs si affligeantes pour l'intérêt même de la bonne cause, fussent accueillies sans examen, et qu'elles prissent de la consistance en demeurant sans réponse, sur-tout d'après les opinions très-respectables de ceux qui les propagent aujourd'hui.

J'ai essayé de remplir quelques lacunes de l'histoire de 1814, et de rectifier quelques erreurs de celle de 1815. C'est l'objet de cet écrit.

Tout le monde regrettera, mais moins encore que moi, que des plumes plus exercées ne se soient pas emparées de cette tâche : elle eût été remplie avec beaucoup plus de talent, mais non pas avec plus d'amour pour la vérité. Je l'ai cherchée cette vérité, le premier devoir de l'historien, avec une constance qu'aucun obstacle n'a pu lasser, qu'aucune prévention n'a pu trahir. J'ai pris ma devise et ma règle dans Tacitę: Sinę irá et studio.

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Toutefois, je ne me suis point dissimulé la
difficulté du sujet. J'habite et j'écris au milieu
de plusieurs des auteurs qui ont pris part à ce
grand drame, et des témoins qui en ont pu sui-
vre la marche ; je vais parler sous leurs yeux,
et, ce qui est pis, en présence de passions ou de
préventions mal éteintes : peut-être n'aurai-je
jamais dit assez pour les uns, et toujours trop
pour les autres; peut-être ce qui sera la vérité
pour certains personnages,
personnages, n'aura-t-il pas
le
même caractère aux yeux des autres; peut-
être malgré moi aurai-je le malheur de blesser
plus d'une prétention et plus d'un amour-
propre. Ce n'est pas mon intention; mais
après tout, je ne dois pas n'en inquiéter. Je
ne compose ni une satire ni une apologie;
j'expose les faits tels qu'ils sont venus à ma
connaissance; je les livre au public sans les
juger; je tâcherai d'en parler comme s'ils
s'étaient passés dans un autre siècle et dans
un autre pays. Chacun les appréciera. Heu-
reux, comme l'a dit un homme célèbre, si en
racontant nos fautes, nos malheurs et les évé-
nemens inattendus qui nous ont rendus à nos
Rois, à la véritable gloire, à nous-mêmes,

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je pouvais faire en sorte que tout le monde eût de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son Prince, sa patrie, ses lois; qu'on pút mieux sentir son bonheur, dans chaque gouvernement, dans chaque poste où l'on se trouve (1).

Je rapporterai dans le cours de cet écrit, plusieurs pièces importantes, les unes comme preuves de ce que j'avancerai, les autres comme monumens historiques. Celles qui par leur nature ou leur longueur, ne pourraient entrer dans mes récits sans inconvénient, trouveront leur place à la fin.

(1) Montesquieu.

CAMPAGNES

DE LYON,

EN 1814 ET 1815,

OU MÉMOIRES sur les principaux événemens militaires et politiques qui se sont passés à Lyon et dans quelques contrées de l'Est et du Midi de la France, à l'occasion de la restauration de la monarchie.

CHAPITRE PREMIER.

INTRODUCTION. Elévation et décadence de Buonaparte. Sa retraite sur le Rhin après les campagnes de Moscow et de Leipsik. Apprêts de la campagne de 1814. - Etat Les alliés passent le Rhin.

de la France.

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UN N étranger, un soldat: un soldat heureux élevé des derniers rangs de l'armée au pouvoir suprême, a vu en peu d'années s'accumuler sur sa tête, tout ce que la fortune a de plus éclatant dans ses faveurs, de plus terrible dans ses disgraces.

Pour monter au trône, il n'avait eu, pour ainsi dire, qu'à paraître. Lasse d'une orageuse et sanglante anarchie; toujours déchirée ou menacée au

A

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