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peu disposée en sa faveur, et l'on ne parvint, à lui procurer le plus grand nombre des suffrages, qu'en affirmant, par parole d'honneur, que M. le duc d'Orléans renonceroit à la présidence, au moment même où elle lui seroit déférée. Cet engagement fut tenu, et une nouvelle élection donna cette place à M. l'archevêque de Vienne.

Il fut décidé, le 6 juillet, qu'on formeroit un comité de trente membres, un pris dans chaque bureau , pour rediger un plan d'ordre de travail sur la constitution. Aucun ecclésiastique ne fut nommé. L'observation en fut faite dans l'assemblée. Aussitôt les membres des communes demandèrent qu'on élût six commissaires dans le clergé. Les députés ecclésiastiques le refusèrent. Ils dirent qu'ils avoient concouru à tous les choix, qu'ils en étoient satisfaits et n'en désiroient point d'autres. Nouvelles instances inutiles de la part des communes. Ces combats d'honnêteté se terminèrent par des témoignages d'estime et de confiance entre les députés des différens ordres. Cette scène touchante, si propre à flatter l'espoir de tous les bons citoyens, fut consignée dans le procès-verbal, et l'on eut grand soin, dans toutes les nominations qui suivirent, de placer un nombre proportionné de membres du clergé et de la noblesse.

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Un député ayant proposé d'annuller les clauses impératives que renfermoient plusieurs mandats, presque tous ceux qui défendirent son opinion se fondèrent sur le principe que tout devoit étre soumis à la pluralité des suffrages, et qu'ainsi une clause contraire à la majorité des cahiers, devoit être regardée comme nulle. Personne n'osa prétendre que l'assemblée pût contredire les vœux du plus grand nombre de ses commettans. L'assemblée craignit tellement de manquer au respect qu'elle devoit à leurs volontés que, dans la séance du 8 juillet, il fut dit qu'il n'y avoit pas lieu à déliberer. Elle crut que si quelques-uns de ses membres, chargés de clauses impératives, ne pouvoient en obtenir la révocation auprès de ceux qui les avoient élus, elle ne s'y trouvoit point intéressée, parce que son activité ne pouvoit être suspendue par l'absence de quelques représentans de bailliage.

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CHAPITRE XX X.

Nouveaux obstacles à la modération, et nouveaux avantages pour les factieux.

LE zèle en faveur de la séparation des ordres existoit encore dans une partie de la cour, du clergé et de la noblesse. On vouloit, du moins, faire exécuter la déclaration du 23 juin, qui conservoit cette séparation pour l'avenir, et la maintenoit en 1789 pour toutes les questions importantes.

Déjà, le 2 juillet, un membre du clergé avoit, au nom de la minorité des membres de cet ordre, protesté qu'ils ne s'étoient rendus dans la salle commune, que pour y traiter des affaires d'une utilité générale, conformément à la déclaration du 23 juin, sans préjudice du droit qui appartenoit au clergé, suivant les lois constitutionnelles de la monarchie, de s'assembler et de voter séparément pendant la présente session.

Le 3 juillet, on avoit répandu des billets imprimés, pour inviter les députés de la noblesse à se rassembler dans le lieu de leurs anciennes séances. Cent trente-huit députés s'y étoient ren

dus

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dus, et quatre-vingt-neuf avoient signé un acte où l'on reconnoissoit comme maximes invariables et constitutionnelles, la distinction des ordres, leur indépendance, la forme de voter par ordres où l'on disoit qu'on n'avoit entendu

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pas

se départir de ses principes, mais seulement adopter la déclaration du 23 juin. On croyoit donc entrevoir la possibilité de son exécution; et cette espérance chimérique ne résultoit que des ordres donnés pour faire avancer des troupes.

Il étoit bien naturel qu'on prît des mesures pour maintenir le repos public à Paris et à Versailles› mais le calme, rétabli par la réunion des ordres, auroit dû produiré des changemens dans les précautions projetées. Il auroit suffi d'augmenter les garnisons, afin de prêter main forte pour F'exécution des jugemens des tribunaux. Il existoit peut-être des moyens d'attacher a leur devoir les gardes-françaises; et si l'on eût persisté à former un camp pour en imposer aux factieux, pour leur prouver qu'on étoit prêt à se défendre, il auroit fallu le placer à une certaine distance, afin de ne pas alarmer sur la liberté des états-généraux, et de ne pas donner des prétextes à la calomnie contre les intentions du roi. Le rassemblement d'une armée auprès de Tom II.

- B

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Paris, étoit généralement désaprouvé. On ne
parvenoit qu'avec beaucoup de peines à se pro-
curer les grains nécessaires pour la subsistance
des habitans de la capitale, et les approvision-
nemens pour les troupes ne pouvoient qu'aug-
menter la disette. La plupart des Français ne
devoient-ils pas considérer avec 'terreur les
forces militaires dont leurs représentans étoient
environnés ? Ceux-ci pouvoient-ils, sans se plain-
dre, délibérer, au milieu des armes ? Les soldats
eux-mêmes incertains du genre de service auquel
on les destinóit, disposés depuis six mois comme
les autres citoyens à des sentimens d'affection
et de confiance pour l'assemblée de Versailles,
quand ils verroient leur marche condamnée.
par elle
ne seroient-ils pas tentés de croire
leur rébellion légitime? Et si des ambitieux con-
cevoient le projet de les séduire par des dis-
tributions d'argent, par d'autres moyens de
corruption; si pour les égarer, on tâchoit de les
convaincre, que leur défection séroit un acte
de patriotisme qui leur mériteroit la reconnois-
sance des états-généraux, comment resteroient
ils fidèles observateurs des règles de la disci-
pline et soumis aux ordres du roi?

Mais en quelque partie du royaume, qu'on

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