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le plus les innovations. Plusieurs des membres du comité avoient cependant les systêmes les plus démocratiques, et n'avoient été choisis dans les bureaux, que parcequ'ils n'avoient pas encore fait connoître leurs opinions ; mais ils avoient tenté vainenient d'obtenir la préférence pour un plan plus conforme à leurs vues.

Depuis plusieurs jours, quelques membres des communes se plaçoient parmi ceux du clergé et de la noblesse ; ils furent invités, dans la séance du 10 juillet, à garder leurs places ordinaires et à laisser aux premiers ordres celles qui leur étoient réservées; nouvelle preuve de l'esprit de modération qui dominoit encore.

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Le roi répondit aux remontrances qu'on lui avoit présentées, qu'il avoit rassemblé de troupes pour maintenir le bon ordre, et que si leur présence causoit encore de l'ombrage, il consentiroit à transférer les états-généraux à Noyon ou à Soissons. Sur cette réponse, celui qui avoit présenté le projet d'adresse, pressa l'assemblée d'exiger le départ des troupes. Il ne fut pas même écouté. Un député de la noblesse s'écria qu'on devoit s'en rapporter avec confiance aux vertus et à la parole du roi, et l'on s'occupa d'autres objets.

L'assemblée parut donc satisfaite de la réponse du roi. Les factieux furent désespérés de ce contre-temps. Mais on ne profita point de ce bonheur. Il falloit rester en observation, et pour arrêter la corruption des soldats, les éloigner de quelques lieues, leur prescrire des exercices militaires, exciter leur émulation par la présence et les récompenses du souverain.

CHAPITRE XX X I.

Comment l'anarchie se propage dans tout le

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royaume.

N s'obstinoit à présenter au roi la séparation des ordres comme l'unique soutien de son trône. On lui disoit qu'il étoit de sa dignité que les formes ordonnées le 23 juin fussent exactement suivies. On ne fut point arrêté par les adresses sans nombre que recevoit chaque jour l'assemblée, pour la féliciter sur la réunion des ordres et sur sa résistance à la déclaration du 23 juin. Ces adresses étoient alors librement délibérées par les anciennes municipalités, par une foule de citoyens de toutes les parties du royaume, Ies corps administratifs de plusieurs pro

et par

vinces.

On pensa qu'un grand appareil militaire disposeroit les esprits à l'obéissance, et que la multitude seroit frappée de terreur. On fit tous les préparatifs les plus propres à la répandre; et lorsqu'on crut avoir donné, des ressources de l'autorité, une idée assez formidable, M. Necker reçut l'ordre de sortir de France, et

MM. de Saint-Priest, de Montmorin et de la Luzerne reçurent celui de quitter le ministère.

Il étoit impossible de choisir un moyen plus prompt et plus efficace pour exciter le mécontentement dans tout le royaume. Déjà M. Necker, après son premier ministère, avoir été accompagné dans sa retraite par les regrets de la plupart des citoyens. Il n'avoit point perdu leur confiance, et les alarmes qu'avoit occasionnées, dans la ville de Versailles, le bruit répandu, quelques instans, le 23 juin, de son prochain départ, indiquoit assez l'effet que son éloignement pouvoit produire.

Comme les ministres s'étoient déclarés pour la réunion des ordres, on ne pouvoit attribuer leur disgrâce qu'à un changement absolu de systême au sujet des états-généraux. On avoit vu s'aplanir tous les obstacles qui avoient si longtemps suspendu leurs délibérations on les croyoit parvenus à ce terme heurexx où le bien s'opere sans efforts, et l'on s'en félicitoit d'autant plus qu'on l'avoit acheté par de cruelles inquiétudes. Qu'il étoit dangereux de troubler de nouveau les espérances du peuple !

Ceux qui conseilloient le monarque, avoient' vu l'orage qu'ils alloient exciter: mais ils étoient convaincus que le repos public pourroit être

assuré par la force militaire. Les troupes furent mises en mouvement; les passages sur les routes de Paris à Versailles interceptés. Les précautions prises pour la défense furent regardées, par le peuple, comme des moyens d'attaques.

La commotion fut affreuse à Paris. Pour prévenir les plus grands malheurs, plusieurs dé putés proposèrent de supplier le roi de rappeler les ministres. Sur la nouvelle de la défection d'une partie des soldats, l'insurrection de la populace, l'assemblée demanda l'éloignement des troupes et l'établissement des gardes bourgeoises. Elle offrit d'envoyer à Paris plusieurs de ses membres pour contribuer au rétablissement de l'ordre. Personne ne se prêsenta pour combattre ces résolutions, et dans la députation qui fut chargée de les porter au roi, se trouvoient des prélats de l'ancienne minorité du clergé es des gentils-hommes de l'ancienne majorité de la noblesse.mal en

Si le roi eût ordonné lui-même des gardes bourgeoises, comme l'assemblée le désiroit, il auroit eu de grands avantages, que bientôt il ne put reprendre, ceux d'en régler la composition, d'en exclure la populace, et d'en nommer les

officiers.

Le roi refusa. L'assemblée donna non-seule

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