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toyens qu'elle privoit de leur état, et qu'elle réduisoit à la misère. En vain le roi fit recommander à sa commisération tant de personnes ruinées par ses décrets ou par les crimes dont la révolution étoit le prétexte. Pour flatter l'orgueil ou la basse jalousie, elle défendit de faire usage des titres de noblessé, très-souvent la juste récompense des services, ou, depuis long-temps, apanages de certaines familles, sans considérer que ces distinctions n'étant plus accompagnées de priviléges onéreux, il ne pouvoit pas être utile au peuple de les abolir, et que ceux qui les possédoient ne supporteroient pas cette injuste privation.

Pour exclure de l'armée la plupart des officiers qu'elle savoit n'être pas disposés à souffrir tous les caprices des clubs, des municipalités, des districts et des départemens, elle encouragea l'indiscipline et la révolte parmi les soldats, accusa les officiers d'avoir provoqué les violences et les insultes, comme on avoit accusé les propriétaires de fiefs d'avoir fait incendier leurs châteaux. Das la rébellion de la garnison de Nancy, les seuls révoltés du régiment de Château - Vieux subirent, suivant les loix de leur pays, le juste châtiment de leurs fautes, tandis que l'assemblée récompensa, plutôt qu'elle ne punit, les deux

régimens qui les avoient entraînés dans le crime. On fit disparoître les preuves déjà rassemblées contre les séducteurs des soldats, et l'on supprima les procédures.

Elle jeta dans la circulation une masse énorme de papiers-monnoies, qui fit disparcître le numéraire, et contraignit les créanciers à les recevoir en payement, malgré la perte de près de la moitié de leur valeur. Elle avoit promis à ceux de l'état de tout leur sacrifier; mais elle abusa de leur confiance, et détruisit les ressources qui pouvoient servir à les satisfaire. Appelée pour remédier aux déprédations de l'ancien régime, elle rendit le deficit huit fois plus considérable qu'il ne l'étoit avant les états-généraux. Elle augmenta les impôts en même-temps qu'elle anéantissoit

les moyens de les percevoir. Elle augmenta bien plus encore les dépenses, après avoir consommé des sommes énormes; elle refusa de rendre compte, et la multitude fut assez stupide pour croire que des hommes qui, malgré sa prévention en leur faveur, craignoient d'exposer leur gestion à ses regards, avoient fidellement régi ses intérêts.

Elle a fait tous ses efforts pour troubler le repos public dans les autres états. Elle a outrage tous les souverains, accueilli, avec transport,

tous ceux qui témoignoient le dessein d'exciter des révoltes dans leur patrie. A quel sort affreux elle a dévoué le comtat d'Avignon et le comtat Vénaissin, pour les soumettre à sa domination! Que d'atrocités ses funestes décrets ont fait commettre dans nos colonies, et sur-tout dans celle de Saint-Domingue! Combien elle augmenta la corruption des mœurs du peuple Français ! Elle l'a rendu l'objet de la haine et du mépris de toutes les nations; elle a fait, de la plus belle contrée de l'Europe, le séjour du crime et du désespoir.

Qu'on juge donc s'il doit être permis, en parlant des travaux de cette assemblée, de prononcer le mot de reconnoissance; si, dans la foule de ses décisions, on rencontre quelques dispositions. utiles, elle les a puisées dans les intentions manifestées par le monarque, et dans les cahiers de ses commettans; elle s'en est servi comme un malfaiteur se sert d'un aliment sain, pour envelopper le poison.

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CAPITRE XXX II I.

Que la violence et la terreur ont dicté la plupart
des résolutions de l'assemblée de 1789, et que

la majorité de ses membres ne les a jamais
librement adoptées.

QUEL eût été l'excès de l'opprobre de notre

patrie, si dans une assemblée formée non-seu-
lement des représentans des communes, mais
encore des députés particuliers du clergé et de
la noblesse, le plus grand nombre des suffrages
librement exprimés, avoient pu protéger le
crime, persécuter l'innocence, et consommer la
ruine de l'état.

Par leur propre intérêt, le clergé, les nobles,
tous les députés propriétaires devoient être les
ennemis de l'anarchie, puisqu'ils alloient en de-
venir les premières victimes. Pour exposer au
milieu de tous les désordres, la sûreté de ses
proches et de ses amis, pour faire des spécula-
tions de célébrité et de fortune, sur le déses-
poir de ses semblables, pour être témoin in-
différent des incendies et des meurtres qu'on a
soi-même provoqués, en rendant la multitude

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l'arbitre suprême des destinées de l'empire ; pour être sourd aux cris des victimes dont on a préparé les tourmens, il faut être capable de se laisser enflammer de rage par les plus absurdes récits, de se laisser persuader que les nobles et les prêtres vouloient égorger tous les autres ci1toyens, ou les faire périr par la famine; qu'ils jetoient les grains dans la rivière, et qu'ils empoisonnoient les sources; ou bien il faut avoir, à force de sophismes et d'orgueil, étouffé dans son cœur tous les principes de l'équité, décorer du nom de philosophie l'égoïsme le plus féroce, être doué de l'audace et de l'insensibilité de Catilina et de ses compagnons.

Dans l'assemblée de 1789, on trouvoit peu d'hommes aussi insensés, aussi crédule que la plus vile populace; mais on y remarqua, dès les premiers jours, dans chacun des ordres, plusieurs caractères semblables à ceux des conjurés qui voulurent à Rome massacrer les sénateurs, incendier la ville, faire révolter les esclaves et s'emparer du suprême pouvoir. Ils n'étoient pas d'abord au nombre de cinquante; mais lorsqu'ils furent ligués avec la populace, quelques députés 2 connus par leurs talens , trop foibles , trop dénués de courage, pour renoncer aux ap

plaudissemens de la multitude, et se dévouer à

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