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Il est donc très-vraisemblable que malgré les menaces du Palais - royal, la pluralité des suffrages auroit été contraire au parti démocratique, si tous les ministres eussent constamment défendu les droits de la couronne, ou que du moins ils eussent gardé le silence (1). Les royalistes

dû reconnoître sans restriction quelconque, la nécessité du libre consentement du roi, même pour les arrêtés relatifs à la constitution.

(1) M. Necker, dans l'ouvrage qu'il a publié sur son administration, a dit qu'il avoit donné l'idée du veto suspensif. On vient de voir quels en ont été les véritables inventeurs. Il a sans doute voulu dire qu'on lui devoit l'idée d'en permettre l'exercice pour un décret présenté par deux législatures, et de ne le suspendre que pour la troisième : mais long-temps avant qu'il eût indiqué cette forme, elle étoit au nombre de tous les genres de veto suspensif que le parti démocratique offroit aux députés royalistes. On l'avoit proposée publiquement au milieu de l'assemblée, pendant la discussion sur ce sujet, discussion qui précéda, de quatorze jours, la publication du rapport de M. Necker, distribué le 11 septembre. J'avois même combattu, le 5 septembre, au nom du comité de constitution, le projet du veto suspensif, jusqu'à la troisième législature; c'étoit pour les factieux un assez grand triomphe que d'arracher, par le secours des ministres du roi, une disposition contraire à tous les cahiers, et dont ils savoient bien calculer les conséquences. Il n'est pas surprenant qu ils

zélés ayant ainsi perdu la majorité, ne purent jamais la recouvrer depuis cette époque pour aucune question intéressante.

M. Necker a fait, dans son dernier écrit, l'apologie du veto suspensif; il l'a mis au nombre de

se soient montrés peu difficiles sur la durée du veto suspensif; il leur importoit peu que son effet subsistât pendant deux ou pendant quatre années; mais il leur importoit infiniment que le concours de la volonté du monarque, pour l'établissement d'une loi, ne fut pas regardé comme nécessaire.

J'ignore le motif qui a engagé M. Necker à passer sous silence les intrigues et les menaces dont il a été environné pour faire prévaloir le veto suspensif. Sa justification résultoit bien plus naturellement de ses alarmes sur le danger de susciter de nouveaux troubles. Supposons même que, d'après un examen libre et réfléchi, le ministère eût été séduit par les avantages de ce système, devoit il faire perdre aux royalistes, la majorité des suffrages, se rallier contr'eux avec les ennemis du roi, préparer à ceux-ci, par une telle victoire, de nouveaux avantages, inviter les députés à violer leurs mandats ? Leurs commettans, dont ils avoient juré de respecter les ordres, avoient déclaré qu'aucune loi ne pourroit être faite sans le corcours de l'autorité royale ; et le ministère décidoit qu'un décret présenté par trois législatures, c'est-à-dire trois fois, dans un intervalle qui ne peut excéder six ans, deviendroit, malgré l'opposition du roi, une loi de l'Etat.

ses

ses services. Voici les raisons qu'il donne en sa faveur.» Le roi n'auroit jamais pu faire usage » du veto absolu, parce que le peuple n'auroit pas >> supporté l'idée d'un obstacle perpétuel aux lois ≫ proposées par ses représentans «. Une telle prérogative est de simple décoration. Il est généra lement connu que le roi d'Angleterre ne pourroit faire usage de ce droit dans une occasion importante, sans dissoudre le parlement ; on n'en cite qu'un seul exemple. ». Il ne résulté aucun inconvénient de l'impossibilité morale de rejeter les bills du parlement, parce que la chambre des pairs garantit son autorité : mais l'assemblée de >> France n'étant formée que d'une chambre, ce » seroit un grand malheur qu'il fût-impossible au

roi d'exercer le droit d'opposition. L'unique >>moyen de rendre ce droit utilé étoit d'en fixer la duréesgafin que la nation le considérant comme momentané, le gouvernement pût en faire usage sans exciter une commotion dangereuse «. On jugera si ces raisonnemens sont sans réplique.

Je soutiens que deproi d'Angleterre est beaucoup moins dans l'impossibilité morale de refuser son approbation aux bills du parlement, que le roi de France d'exercer le vero suspensif. Si les exemples du refus du consentement royal sont si peu nombreux en Angleterre, c'est que la Tome II. F

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majorité des deux chambres s'accordant ordinairement avec l'administration, il est très - rare qu'on propose des bills contraires à ses vues, et que la chambre des pairs, en rejetant ceux qui attenteroient aux prérogatives du roi, le dispense presque toujours de les rejeter lui-même. Au surplus, si l'on ne connoît qu'un seul refus sous le règne de Georges III, on peut en citer plusieurs des règnes précédens.

Le roi d'Angleterre, après avoir rejeté un bill, ne prononceroit la dissolution du parlement que dans le cas où la majorité des membres lui paroîtroit trop opposée à ses intérêts ou trop disposée à combattre ses prérogatives.

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Il est très-vrai qu'une assemblée législative composée d'une seule chambre est extrêmement dangereuse pour le roi, et le met beaucoup plus souvent dans la nécessité de faire usage de son droit d'opposition. Ce droit, même illimité, est une bien foible barrière scontre les entreprises d'un corps aussi redoutable, et lorsqu'il est sou tenu par la multitude, chaque combat entre les deux pouvoirs doit amener une défaite pour la couronne: mais de ce qu'un veto absolu ne garan tiroit pas suffisamment les prérogatives du roi, il ne faut pas en conclure que le veto suspensif, lui soit préférable; il les garantiroit bien moins

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encore, puisqu'il laisse le monarque sans aucun moyen de défense, si trois législatures persistent à vouloir anéantir son autorité. M. Necker étoit rassuré à cet égard, par la défense qu'avoit faite la première assemblée à ses successeurs, d'altérer la constitution: mais la conduite de la législature actuelle lui aura prouvé qu'un corps mesure l'étendue de sa puissance et presque jamais celle de ses droits.

que

Est-il plus facile d'exercer un veto suspensif. que d'exercer un veto absolu? Je ne le pense pas, et je trouve que le danger est absolument le même. Dans quel cas le veto absolu peut-il avoir des suites funestes pour la couronne ? C'est lorsl'assemblée qui propose la loi, attache un grand prix à ses résolutions, et qu'elle est secon-: dées par l'opinion publique, ou qu'elle jouit de l'affection de la multitude. Alors il est à craindre, que son ressentiment ne la porte à des mesures violentes, ou que le peuple ne s'irrite d'un refus qui trompe son espoir : mais dans cette supposi tion, le veto suspensif produit des inconvéniens, semblables. Il ne blesse pas moins l'amour-propre du corps législatif; voyant suspendre ses décisions jusqu'à ce qu'elles soient adoptées par deux autres assemblées, il sera mécontent d'un obstacle qui le prive des avantages ou de la gloire qu'il se

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