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qui certainement sont impropres à donner des tissus fins; et dans la classe des laines surfines, des laines dont le produit est loin de pouvoir s'appeler surfin. Nous avons essayé de corriger ces imperfections; mais après un mûr examen, nous avons été détournés de tout changement par la juste crainte d'annuler presque entièrement, dans la main de la douane, la garantie résultant du droit de préemption, garantie déjà altérée par les combinaisons mêmes du tarif, et seule défense légale cependant contre la fausseté des déclarations. Quoi qu'il en soit, c'est de ces imperfections mêmes que résulte l'abus dont nous avons parlé, et qui consiste à obtenir, sans même s'écarter de la vérité dans les termes, la prime la plus élevée pour des tissus fabriqués avec des laines qui n'auraient dû que le droit inférieur, et qui n'ont, par conséquent, pu subir qu'une aggravation de prix proportionnée à ce même droit. L'abus cessera en faisant dépendre la quotité de la prime de la qualité même de l'étoffe exportée, calculée sur sa valeur connue dans le commerce. C'est ce que nous avons l'honneur de vous proposer.

Nous avons exposé l'année dernière les considérations qui nous déterminèrent à vous proposer l'abrogation d'un article de la loi du 27 juillet 1822, en vertu duquel les sucres étrangers obtiennent, à leur exportation après le raffinage, le remboursement du droit acquitté à leur entrée. Ces considérations étaient puisées, d'une part, dans l'intérêt de nos colonies, lesquelles, fournissant aujourd'hui plus de sucre que n'en réclame notre consommation intérieure, se trouvent ainsi en état de pourvoir aussi à nos moyens de vente au dehors en sucres raffinés; et, d'autre part, dans un abus inhérent à la loi inême, et qui consiste à obtenir la prime comme si l'on avait réellement fabriqué des matières étrangères, tandis que l'on n'a mis en œuvre que des matières françaises. Il est bien vrai que cet abus est jusqu'à un certain point compensé par la charge qui résulte, pour le raffineur, de l'obligation de payer préalablement les forts droits sur les matières étrangères qu'il livre à la consommation en échange des matières françaises, qui sont effectivement l'objet de l'exportation; mais il n'en demeure pas moins constant qu'il nait de cette double combinaison une sorte de mensonge légal, indigne d'une législation bien entendue; et que, de plus, toute la portion de sucres étrangers consommée chez nous à la faveur de ce mensonge altère dans une égale proportion le débouché que les sucres de nos colonies trouveraient sur notre propre marché.

pour nous le prix de la livre de sucre à cinq ou six sous plus haut qu'elle ne coûte ailleurs; qu'il en résulte dans nos consommations une atténuation qui diminue nos jouissances, et réduit le revenu que procurent au Trésor les taxes justement imposées sur l'une des consommations qui peuvent le mieux le supporter: c'est un inconvénient, sans doute; mais c'est au prix de cet inconvénient que se trouve, dans l'état actuel de leurs cultures, la conservation d'établissements auxquels se rattachent de hautes considérations de politique et de puissance; et nos états de commerce font foi, d'ailleurs, que cet inconvénient n'est pas sans d'importants dédommagements, sous le double rapport du débouché de nos produits de tout genre, et de l'activité d'une navigation en ce point exclusive.

Quoi qu'il en puisse être, nous devons à nos industries de laisser intactes leurs chances de relations utiles avec les consommateurs du dehors; et c'est ce que nous avons entendu faire lorsque nous avons proposé, en 1825, de porter à 120 fr. par 100 kilogrammes de sucre fin la prime à payer, tant à titre de remboursement de droits qu'à titre de compensation de prix, lors de l'exportation de ces mêmes sucres.

Des calculs produits à cette époque devant votre commission lui firent penser que 130 francs étaient nécessaires pour que l'indemnité fût complète. Cela pouvait être vrai alors, en considérant le prix comparatif auquel s'étaient élevés les sucres bruts de nos colonies. Mais nous avons dû nous mettre en présence des prix actuels, et il nous a paru que, dans une prime de 120 francs, se trouverait pour nos raffineurs, heureusement arrivés au point de ne craindre aucun autre désavantage, une équitable compensation à celui dont nous avons reconnu juste de les affranchir.

Les innovations proposées dans les dispositions réglementaires du projet de loi sont l'objet des articles 12, 16, 19, 20, 21 et 22.

Le premier autorise l'admission et le séjour en entrepôt dans les ports, comme si elles y arrivaient par mer, des marchandises dont le transit est permis par nos lois lorsqu'elles sont présentées par les frontières de terre, mais à la charge de passer à l'étranger immédiatement après leur arrivée au point de sortie déterminé par l'expédition. Déjà, l'année dernière, nous avions proposé d'adoucir cette disposition de rigueur, en les autorisant à séjourner dans les ports d'entrepôt réel pendant trois mois avant de consommer la réexportation. Ce n'était que légaliser une tolérance que l'administration a dù prendre sur elle d'établir, sous peine de rendre le transit à peu près impossible, toutes les fois que la sortie devrait s'effectuer par mer. Aujourd'hui, nous croyons devoir substituer à cette simple tolérance toutes les facultés de l'entrepôt lui-même. N'est-il pas conséquent, en effet, lorsque, dans la vue d'un mouvement commercial jugé profitable, nous appelons certaines marchandises à emprunter sur notre territoire pour aller chercher des consommateurs au dehors, que nous agrandissions cet appel, et par suite ce profit, en permettant à ces mêmes marchandises, sous des précautions et des garanties semblables, de venir s'offrir à la vente dans nos ports, comme il leur est déjà donné par nos lois de s'y présenter en arrivant par mer? Quel est le but de la législation dans ce dernier cas? D'étendre nos moyens de trafic, en offrant aux étrangers qui visitent nos ports, aussi bien qu'à nos propres armateurs, une plus grande variété Que le privilége réservé à nos colonies porte de produits, plus de choix et de facilité dans les

Nous eûmes le soin de vous avertir en même temps que du retour à l'ordre des choses existant avant l'année 1822 résultait impérieusement la nécessité d'ajouter, lors de l'exportation, à la restitution des droits perçus sur les sucres français soumis au raffinage, une prime qui ne peut être moindre que la différence entre le prix de faveur que nous procurons sur nos marchés aux sucres de nos colonies, et celui auquel s'obtiennent les sucres analogues sur les marchés étrangers. A défaut d'une telle compensation, le raffineur français, se trouverait infailliblement déshérité, par le seul fait de nos lois, de la part qui lui appartient naturellement dans les consommations étrangères en sucre raffiné: et cette part est pour nous en première ligne sur les marchés du Levant, de plusieurs Etats d'Italie, de la Suisse et de l'Allemagne méridionale.

assortiments. Notre proposition tend à atteindre ce but plus sûrement. Elle a aussi pour objet d'exercer un acte de bon voisinage envers des Etats moins heureusement placés que nous, et qui nous sauront gré de favoriser ainsi leurs moyens d'échanges.

L'importance commerciale de la ville de Lyon, et la facilité de ses communications avec certaines contrées étrangères qui viennent volontiers s'y approvisionner, lui ont valu l'établissement d'un entrepôt réel de denrées coloniales et de toutes marchandises étrangères non prohibées et non fabriquées. avec faculté de les réexpédier en transit à l'étranger. Cinq de nos ports dans l'Océan, un seul dans la Méditerranée, Marseille, sont autorisés à alimenter cet entrepôt. La même faculté est vivement sollicitée par le port de Cette, le second de nos ports de commerce dans cette dernière mer. Il nous a paru d'autant plus équitable de déférer à ses instances, que déjà, sous des rapports plus graves, cette ville, et celle de Montpellier, dont les opérations maritimes s'effectuent par le port de Cette, souffrent de certains priviléges dont il a été jugé convenable, en 1817, de mettre en possession le port de Marseille, dans des vues de bien général, et aussi comme une compensation des avantages autrefois attachés à une franchise désormais incompatible avec la situation nouvelle du commerce.

Les articles 19 et 20 sont uniquement destinés à remplir une lacune dans la législation relative à la décharge et au rapport des acquits à caution délivrés soit pour les mouvements d'un entrepôt sur un autre, soit pour assurer la réexportation des marchandises prohibées. L'administration des douanes, forcée aujourd'hui d'invoquer, pour pouvoir punir la fraude ou la contravention dans ces sortes d'expéditions, des lois qui n'ont avec elles qu'une analogie plus ou moins contestable, demande des dispositions spéciales et positives. Il nous a semblé qu'il y avait profit pour le service et pour le commerce lui-même à ce que rien ne demeurat incertain dans les rapports de l'un avec l'autre.

L'ile de Corse est soumise au régime des douanes; mais avec des exceptions diverses. Les principales consistent dans une réduction considérable des droits dont certaines marchandises exotiques sont frappées sur le continent de la France, et dans certaines formalités ou précautions, sous la garantie desquelles seulement les denrées venant de cette ile sont reçues en franchise dans les autres ports français, comme produit de son sol. Ces exceptions ont pour cause la faiblesse nécessaire du service dans une île qui n'a pas moins de deux cent cinquante lieues de côtes, et à la garde de laquelle il est impossible de préposer plus de deux cent cinquante hommes, sous peine de se jeter dans des dépenses qui dépasseraient de beaucoup toutes perceptions possibles. On conçoit ce qu'est un pareil service, comparé avec celui des côtes de France, do it la défense est calculée sur cinq ou six hommes par lieue. Aussi, la contrebande se fait-elle dans ce pays, malgré le zèle des préposés et le dévouement des chefs, avec une scandaleuse impunité; et ses effets ne sont pas seulement de soustraire des perceptions au Trésor, mais aussi de priver notre sol et nos fabriques d'un de leurs débouchés naturels; et de plus, de nous laisser incertains si les produits envoyés de la Corse en France proviennent réellement de son sol, ou s'ils ne viennent pas usurper notre consommation après s'être naturalisés par la fraude dans les ports de

l'ile. Ce mal est grave et demande un prompt remède. Le seul qui nous ait paru efficace consiste à établir sur les côtes de ce pays un régime mixte, qui ajoute aux moyens de surveillance légalement en pratique sur nos frontières maritimes quelques unes des garanties spéciales que la loi a dû donner au service des douanes sur nos frontières de terre. C'est ce qui vous est proposé par les articles 21 et 22 du projet de loi. Ce sera un état de choses exceptionnel, mais appliqué avec discrétion, dans une lieue du littoral seulement, et à un pays où le tarif lui-même est exceptionnel et de faveur.

Il nous reste à vous parler des fers: car vous avez sans doute pressenti, Messieurs, que c'est sur le silence du projet de loi à l'égard de cette partie importante de nos tarifs, que nous nous sommes réservé de nous expliquer, en commençant ce dis

cours.

Il serait superflu de rappeler ici les considéra- · tions et les calculs qui, après avoir déterminé en 1814 une taxe de 15 francs par cent kilogrammes sur les fers étrangers, quelque fût leur mode de fabrication, portèrent en 1822 le gouvernement et les Chambres à élever cette taxe à 25 francs pour ceux fabriqués à la houille et au laminoir. Il nous suffit de faire remarquer, ce que chacun de vous, Messieurs, peut retrouver dans les discussions de l'époque, qu'en demandant pour nos établissements métallurgiques une garantie plus assurée du prix de 50 francs environ qui était jugé leur être encore nécessaire, il était loin de notre pensée d'entendre imposer indéfiniment à la France la condition d'un prix aussi élevé.

Nous savions trop bien tout ce que la durée trop prolongée d'une telle condition pouvait avoir d'onéreux pour notre agriculture, notre marine et nos fabrications de tout genre: mais nous pensions, en même temps, qu'il était plus sage et plus profitable de chercher un adoucissement de prix dans le développement fortement excité de la concurrence intérieure, que de le demander prématurément à la rivalité du dehors; rivalité qui, dans ses facilités nouvelles, frappant de mort le travail national, détruisant nos établissements actuels, et refoulant les capitaux prêts à s'engager dans les améliorations pratiques dont l'exemple était si près de nous, ne manquerait pas de nous faire payer cher un jour l'allégement que, pour un temps, elle aurait procuré à nos consommations. Nous n'ignorons pas surtout que le germe de ces ameliorations, qui ont vain à nos voisins l'inappréciable avantage de produire le fer à meilleur marché qu'aucun autre pays du monde, existait déjà parmi nous; que de grandes entreprises étaient projetées pour obtenir la fonte par le coak, le fer par la houille et le laminoir: et nous ne craignîmes pas d'exprimer T'espoir que cette direction nouvelle, encouragée par le constant appui de la législation, amènerait, dans un délai dont l'activité française ne permettait pas de reculer bien loin le terine, une baisse progressive qui rapprocherait les prix intérieurs de ceux actuellement offert par Tetranger.

Jusqu'à quel point ces espérances se sont-elles réalisées ?

Quelle est notre situation présente?
Quelle perspective nous offre l'avenir?

Tel a du être l'objet de Los recherches et de nos meditations.

En 1823 et 1824, les prix du fer sont restés plutôt au-dessous qu'au-dessus du prix de 50 francs: mais dans le cours de 1825, ils se

sont, par une progression rapide, élevés jusqu'à 65 francs; et, bien que depuis quelques mois ils semblent tendre vers la progression contraire, ils ne sont pas encore descendus au-dessous de 54 à 55 francs.

C'est de cette hausse inattendue que nous avons dû d'abord rechercher les causes, examinant surtout quelle part il en fallait attribuer au tarif qui affecie les fers étrangers.

En première ligne s'est offert à nous le rapide accroissement qu'ont pris, au milieu de nos progrès de tout genre, les innombrables fabrications dont le fer est l'aliment. Nous avons dû remarquer aussi la consommation de ce métal s'enrichissant d'une branche toute nouvelle, par l'élan donné à la fabrication des machines; et au même moment, la mise en œuvre immédiate, par l'opération du moulage, d'une portion de la fonte précédemment livrée aux affineries pour être convertie en fer, restreignant d'autant l'approvisionnement de ces mêmes affineries: d'où il est advenu que la rivalité des producteurs entre eux s'est atténuée de tout ce que l'extension des besoins jetait de concurrence parmi les acheteurs.

De plus, et à cet instant-là même, le marché voisin éprouvait une secousse dont le contrecoup ne pouvait manquer de se faire sentir sur le nôtre; c'est-à-dire que le fer de la GrandeBretagne, qui, en 1822, 1823 et 1824, s'était maintenu dans ce pays au taux de 7 à 8 livres sterling par tonneau, s'élevait à 15 livres, et revenait ainsi dans nos ports, avec la charge du droit, au prix de 68 francs les 100 kilogrammes, prix bien éloigné de celui qui, en 1822, avait servi de base á la fixation de nos taxes.

C'est de ces combinaisons simultanées qu'est résultée pour nos maîtres de forges la faculté d'étendre leurs profits au delà du cercle dans lequel la legislation avait entendu les circonscrire; et cette faculté, dont l'usage n'eût rien eu que de naturel, nous regrettons de devoir dire que, dans notre opinion, ils en ont abusé.

Il est juste, toutefois, de remarquer que d'autres circonstances aussi se sont produites, qui ne leur auraient pas permis de se contenter des anciens prix; et ces circonstances, qui se rattachent aux conditions mêmes de la fabrication, sont, d'une part, le chômage des usines pendant la longue sécheresse de l'été dernier, et, de l'autre, le renchérissement du bois nécessaire pour la double opération de la fusion et de l'affinage.

Le chomage produit par l'influence de la saison est un dommage purement accidentel, en même temps qu'il peut tarder longtemps à se reproduire ; et l'on ne saurait contester qu'il est légitime que le producteur en fasse supporter le poids au con

sommateur.

Le renchérissement des bois, qui, selon les informations que nous avons eu soin de recueillir, peut être évalué au tiers, et, dans quelques localités, à moitié en sus des prix de 1822, est un mal dont rien n'annonce la prochaine atténuation et auquel il semble, au contraire, que le temps ne fera qu'ajouter une aggravation nouvelle: et ce fait seul, si propre à empirer la condition de nos usines dans leurs rapports avec la concurrence étrangère, nous ferait une loi d'apporter dans la révision de nos taxes une extrême circonspection; surtout si l'on considère que, du prix de 15 livres sterling par tonneau, auquel il s'était élevé, le fer anglais est déjà redescendu à 10 livres, et que si, comme tout porte à le croire, il retourne par la même progression au taux des années antérieures à 1825, lequel taux lui per

mettrait de s'offrir dans nos ports à 48 francs, le droit actuel ne laisserait plus à notre industrie, surchargée qu'elle serait du renchérissement des bois, un degré de protection égal à celui qui, en 1822, fut jugé indispensable à son existence.

Est-ce à dire, Messieurs, que nous nous retrouvions encore en présence de cette alternative déplorable à laquelle nous nous étions flattés d'échapper, savoir, de payer indéfiniment le fer 50, 55 fraucs peut-être, ou de ne tenir le bon marché que des mains de l'étranger, c'est-à-dire qu'en exposant notre avenir à toutes les vicissitudes des marchés extérieurs, sans parler même des prévisions qu'une guerre maritime pourrait entraîner à sa suite? Telle serait, il faut bien le dire, notre situation, si le bois ne pouvait être suppléé par un autre combustible dans la fabrication du fer: mais heureusement cette supposition est loin de la réalité; et c'est ainsi que nous sommes ramenés à examiner ce qu'il y a de fondé dans les prévisions qui déterminèrent le tarif de 1822.

Ces prévisions eurent d'abord pour objet l'introduction en France de l'affinage à la houille et au laminoir: or, nous possédons dès ce moment trente-cinq établissements de ce genre, dont la production annuelle est, à dater de l'année présente, évaluée à 70 millions de kilogrammes, et quinze autres s'élèvent en ce moment même, qui promettent, dans un avenir fort rapproché, une production nouvelle de 30 millions de kilogrammes: en sorte que, jusqu'à ce jour, la naturalisation parmi nous des nouvelles méthodes a créé pour la France une puissance de production prochaine de 100 millions de kilogrammes de fer, sans parler de l'accroissement qu'a pris en même temps l'ancienne fabrication au bois et au marteau.

Que si nous voulons suivre également la marche de cette dernière fabrication, et connaître l'ensemble de nos progrès dans l'une et l'autre voie, il nous faut comparer les résultats généraux de 1825 avec ceux de 1818, la seule des années antérieures pour laquelle paraissent avoir été recueillis des documents officiels.

Il apparait de ces documents qu'à cette dernière époque (1818), la production du fer au bois, le seul que l'on fit alors en France, était de 80 millions de kilogrammes.

Or, ce mème produit s'est élevé en 1825 à 96 millions de kilogrammes; à quoi ajoutant 44 millions de kilogrammes obtenus à la houille dans les nouvelles usines, dont nous évaluons le produit prochain à 100 millions de kilogrammes, nous trouvons, pour l'année 1825, une production totale de 140 millions:

D'où il résulte que, depuis 1818, il s'est produit une augmentation de 60 millions de kilogrammes, c'est-à-dire d'une quantité égale aux trois quarts de la production de cette époque; que dans cette augmentation, les forges au bois ont pris une part de 16 millions, fait assez remarquable en présence du renchérissement de ce combustible; que le reste doit être porté au compte des affineries à la houille et au faminoir, c'est-àdire d'établissements dont l'essai remonte à peine à 1822; que, par conséquent, et ces derniers établissements croissant chaque jour en nombre et en importance, la fabrication du fer ne doit rencontrer prochainement en France aucune limite que celle de nos besoins; s'il est vrai, d'ailleurs, que la houille abonde sur notre sol, et que l'exploitation de ce minéral ne demeure point sta tionnaire, ainsi qu'il est impossible d'en douter,

lorsque l'administration des mines nous apprend que le nombre des houillères concédées en 1824 et 1825, et de celles dout la concession est déjà demandée pour 1826, ne s'élève pas à moins de 76.

Il est toutefois encore une condition sans laquelle on compterait vainement sur une fabrication indéfinie du fer, et par conséquent sur cette large concurrence intérieure dont l'absence est encore aujourd'hui pour nous un grand dommage, et dont nous n'avons pas craint de dire cependant qu'il est sage d'attendre le bon marché; c'est la possibilité de se procurer la fonte, qui en est la inatière première, d'abord en quantité suffisante, ensuite à des prix modérés. Seulement nous croyons en avoir dit assez pour être autorisés à conclure, dès ce moment, que lors même que l'accomplissement de cette condition ne devrait pas se trouver sur notre propre territoire, ce qui serait sans doute un grand mal, ce ne serait pas dans une modification du tarif des fers qu'il faudrait chercher le remède, mais que ce serait la fonte qu'il faudrait alors rapprocher de nos affineries nouvelles, par une réduction des droits d'entrée sur les fontes étrangères.

Restait donc pour nous le devoir de rechercher ce que nous offre le présent et ce que nous promet l'avenir, sous le rapport de la production intérieure de la fonte.

En France, la quantité de bois applicable aux créations métallurgiques est grande sans doute, mais cependant limitée, et il est permis de croire qu'elle ne saurait suivre le rapide mouvement d'ascension que nos besoins toujours croissants impriment de toute nécessité à la fabrication. Il est bien vrai que, l'affinage à la houille se répandant chaque jour davantage sur tous les points du royaume, une bonne partie de la quantité de bois que consomme la fabrication du fer se trouvera déversée sur celle de la fonte, et abaissera d'autant la barrière que la rareté relative du combustible végétal opposerait à l'extension de nos hauts fourneaux. Mais ce secours-là mème, dans l'état de progression où se trouve la double consommation du fer et de la fonte, serait très probablement insuffisant; et nous pourrions encore nous attendre à un déficit, peut-être même assez considerable, dans la production de cette matière première, si le bois devait en demeurer le seul aliment.

Mais il n'en est pas ainsi, et nos espérances ne sont pas plus déçues quant à l'emploi de la houille dans la fusion du minerai, qu'elles ne l'ont été dans l'introduction des nouveaux procédés d'affi

nage.

La fusion à la houille, dont il n'existait aucune trace dans ce pays antérieurement à 1822, est aujourd hui exploitée dans sept fourneaux qui n'ont produit à leur naissance que 4 ou 5 millions de kilogrammes de fonte, mais qui sont montes pour en produire, dès cette année, 15 millions : ét de plus, il se prépare pour l'année courante vingtcinq usines du même genre, dont la fabrication future peut être evaluée, en se tenant dans les bornes d'une appréciation moderée, à 45 millions de kilogrammes au moins.

Rapprochons maintenant, ainsi que nous l'avons fait en nous occupant des fers, l'ensemble des résultats actuels, de ceux qu'a présentés l'année 1818; et nous trouverons que la production de la fonte, qui ne s'était pas elevée à cette époque à plus de 114 milions de kilogrammes, a été, en 1825, de 192 millions, dans lesquels la fusion, à l'aide du coak, n'entre encore que pour 3 millions.

D'où l'on voit que, de 1818 à 1825, la fabrication de la fonte présente une augmentation d'une quantité égale aux trois quarts de l'ancienne fabrication, c'est-à-dire semblable à celle que nous avons constatée plus haut pour le fer; et que la presque totalité de cette augmentation, 73 millions sur 78, appartenant encore à la méthode au bois, tandis que la fusion à la houille s'offre à nous avec un produit prochain de 50 à 60 millions, sans compter ses développements ultérieurs probables, cette branche de l'industrie métallurgique reçoit aussi en France une impulsion toute nouvelle, que, dès lors, elle est appelée parmi nous aux mêmes destinées que la fabrication du fer, c'est-à-dire, à une production qui n'aura d'autres limites que celles de la commission.

Nous l'avouerons, Messieurs; en présence de tels faits, recueillis avec scrupule, et, nous ajouterons franchement, avec une prédisposition peu favorable à une classe de producteurs qui, selon nous, use trop largement des avantages de sa position, nous nous croirions coupables de rien proposer qui pût arrêter un essor si fécond en éléments de travail, suspendre la mise en valeur de tant de richesses demeurées trop longtemps stériles dans les entrailles de notre sol, compromettre tant de capitaux récemment engagés sur la foi de nos lois, paralyser tant d'autres capitaux encore prêts à se confier en elles, détruire enfin tant d'espérances, acquises au prix de si longs sacrifices, et refouler pour toujours peut-être, au moment même où elle s'offre à nous, cette concurrence intérieure, seul gage permanent de la modération des prix; résultat auquel doit tendre toute législation bien entendue, et dont elle ne semble s'écarter pour un temps que pour mieux en garantir la durée.

Messieurs, dans les questions que nous venons de traiter devant vous, nous avons simplement déduit, sans essayer de les justifier, les principes dans lesquels nous en avions cherché la solution. Deux raisons nous ont permis d'en user ainsi : l'une, qu'à d'autres époques nous avons assez nettement exposé nos doctrines; l'autre, que ces doctrines sont déjà écrites dans les lois des dix dernières années.

On les a quelquefois accusées d'être prohibitives. On dit vrai, si par là on entend que nous considérons comme un devoir d'égaliser chez nous les conditions du travail avec les conditions du travail étranger, de ne pas livrer sans défense notre agriculture et nos fabriques aux avantages naturels ou acquis des autres peuples, de regarder enfin le marché de la France comme un marché de préférence pour tous les producteurs français. On se trompe, si l'on veut dire que nous tendions à rendre ce marché exclusif. Nous savons qu'une rivalité extérieure, sagement pondérée, a aussi ses avantages; qu'elle tend à rendre les perfectionnements plus rapides, la nécessité des économies plus palpable : et sans faire ici une distinction trop souvent invoquée, peut-être, entre le consommateur et le producteur, parce que partout le plus grand nombre est à la fois l'un et l'autre, nous reconnaissons qu'il importe à tous que le prix des choses consominées soit modéré, parce que tous alors voient s'étendre leurs facultés de produire et de consommer, c'est-à-dire leurs moyens de travailler et de jouir. Nous savons de plus qu'un pays tel que la France n'est pas seulement appelé à commercer avec luimême, et que, pour trouver chez les autres le débouché de son superflu, il faut qu'il rende aussi gon marché accessible à leur superflu. Aussi

n'avons-nous jamais considéré le secours des tarifs, lorsqu'il excède certaines limites, que comme un moyen temporaire, mais indispensable, offert à la production française, de se mettre, autant que la nature des choses le permet, en équilibre avec la production étrangère, et d'arriver ainsi progressivement à lutter, sans trop de désavantage, sur les divers marchés du monde, en même temps qu'elle garderait toujours, à l'abri de droits raisonnablement protecteurs, une juste préférence sur notre propre marché.

Quelquefois aussi l'on a taxé ces doctrines de fiscalité. Le mot est commode, mais est-il juste? et ceux qui l'emploient se rendent-ils bien compte à quels droits ils l'appliquent? ont-ils bien considéré que presque toujours ces droits, contre la hauteur desquels ils s'élèvent, ont précisément pour but, et presque toujours pour effet, d'atté

nuer les recettes du fisc, en écartant du marché les objets qu'ils affectent? « Prenez garde, nous « répètent-ils souvent, deux et deux ne font pas « quatre. » Mot spirituel et vrai, lorsqu'il s'adresse à des taxes dont l'excès a pour effet de tarir des consommations, soit indigènes, soit exotiques, auxquelles l'Etat demande un revenu, et telles, par exemple, que ces dernières années en ont vu réduire, au grand profit du fisc, dans un pays voisin; mais mot qui n'est plus qu'un non sens, lorsqu'il s'applique à des taxes plus nominales que réelles, et dans l'assiette desquelles la loi veut précisément que quatre ne soient plus que deux, ou que deux ne soient plus qu'un. Qu'on étudie nos tarifs, et l'on verra que parmi nos taxes, les premières sont à l'abri du reproche de fiscalité, et qu'appliqué aux secondes, ce reproche n'est qu'un éloge mal exprimé.

PROJET DE LOI.

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