Page images
PDF
EPUB

couronne. Le premier roi qui lera la bannière de Saint-Denis fut Louis-le-Gros lorsqu'il partit en 1124 pour repousser l'empereur d'Allemagne, Henri V, qui se proposait d'assiéger Reims; celui-ci se retira sans combattre. Cet heureux résultat fut attribué au mérite miraculeux de l'oriflamme et lui acquit une grande réputation, d'autant plus que Saint-Denis était considéré comme le patron de la France.

D'après les plus anciens auteurs, l'oriflamme était d'abord un simple étendard à trois queues, disent les uns, à deux queues, disent d'autres. sa couleur était rouge et il avait, autour, des houppes de soie verte.

Du Cange a dit :

Il est hors de doute qu'elle était faite comme les bannieres de nos églises, que l'on porte ordinairement aux processions, qui sont carrées, fendues en divers endroits par le bas, ornées de franges, et attachées par le haut à un bâton de travers qui les tient étendues, et est soutenu d'une forme de pique.

Cette oriflamme que Saint-Louis emporta dans la croisade de 1248 fut certainement perdue à la bataille de la Massoure; i en fut donc fait ultérieurement des copies, c'est l'avis du P. Daniel :

« Il parait hors de doute que Saint-Louis ne rapporta pas l'oriflamme de son expédition d'Egypte... et de plus cet étendard n'étant pas de matière incorruptible, on en substituait un autre quand il était usé (1), »

Sur un vitrail de Notre Dame de Chartres, datant du

(1) P. Daniel, Milices françaises.

XIe siècle, l'oriflamme est une sorte de drapeau attaché à une pique et déchiqueté aux trois quarts de sa longueur en cinq queues ou banderoles inégales. Il est rouge uni.

Celui que donne le manuscrit des Célestins au XIVe siècle est en forme de drapeau ordinaire, avec frange; l'étoffe est rouge, ornée ou damassée.

Enfin, nous reproduisons ici une troisième forme, d'après la miniature des Chroniques de Froissart qui se rapporte au chapitre où il est question de la bataille de Rosebecque (1382). On a vu un croquis de cette miniature page 263.

Cette oriflamme, très différente des précédentes, est rouge, bordée d'or, et porte l'inscription: JOIE SAINT-DENIS, également.

en or. Froissart en parle dans le récit de la bataille de Rosebecque et son appréciation est très intéressante à recueillir car elle montre bien le rôle réconfortant que l'on attribuait à ces insignes de dévotion:

« Cette oriflamme (1) est une illustre bannière et enseigne, qui fut envoyée du ciel par grand mystère; elle est en manière de gonfanon, et de grand confort à ceux qui la voient. Encore montra-t-elle ce jour-là ses vertus; car toute la matinée il avait fait une si grande brume et si épaisse qu'à peine pouvait-on se voir l'un l'autre ; mais dès que le chevalier qui la portait la déploya et leva en haut la hampe, cette brume tomba sur-le-champ et s'éclaircit, et le ciel fut aussi pur, aussi clair, et l'air aussi net qu'on l'eût jamais vu auparavant cette année-là ce dont les seigneurs de France furent bien réjouis.

Je fus alors informé par le seigneur d'Esconnevort qu'il vit, et ainsi firent plusieurs, quand l'oriflamme fut déployée et la brume tombée, une colombe blanche qui volait à plusieurs reprises sur la bataille du roi, et quand elle eut assez volé et qu'on allait s'engager et combattre avec les ennemis, elle alla se poser sur une des bannières du roi, ce qu'on tint à grand signe de bien ».

De 1124 à 1386, dit M. L. de Bouillé, l'oriflamme fut levée 21 fois et portée dans 4 croisades et 17 guerres contre les ennemis de la France. En 1412 et 1414 elle figura dans les guerres civiles; elle fut alternativement arborée par la faction des Bourguignons et par celle des Armagnacs ou Orléans, et quoiqu'elle fut encore levée en 1415, 1450 et 1465 dans des guerres contre l'étranger, son emploi dans les luttes intestines entre français lui fit probablement perdre son crédit aux yeux de la nation, avant même l'époque où des troupes régulières remplacèrent les armées ou milices féodales.

Après Louis XI. l'oriflamme n'est plus mentionnée qu'en 1504 dans un inventaire du trésor de Saint-Denis qui parle d'un étendard que les religieux nommaient l'oriflamme; trente ans plus tard, dans un autre inventaire de ce même trésor, on trouve cette mention :

a

« Un étendart d'un cendal fort épais, fendu par le milieu en façon d'un gonfanon, fort caduque, enveloppé autour d'un bâton couvert d'un cuivre doré et un fer long et aigu au bout ».

Un demi-siècle plus tard l'oriflamme était devenue la proie des mites.

(1) Chroniques de Froissart, français moderne de Madame de Witt).

Bannières des paroisses. Les seigneurs féodaux engageaient leurs bannières personnelles des chevaliers, leurs vassaux, qui amenaient avec eux des troupes d'autres chevaliers, bacheliers, écuyers et hommes d'armes. Les seigneurs ajoutaient à ces armées, lorsqu'ils en avaient besoin pour une guerre importante, des bandes ou troupes engagées dans les provinces voisines, voire même à l'étranger.

Suzerains et vassaux étaient turbulents, indisciplinés et ne bataillaient que lorsqu'ils y trouvaient un intérêt direct.

La suzeraineté suprême du roi était fictive, aussi voit-on, en 1090, Philippe Ier chercher à se créer une armée indépendante des grands vassaux. Il fut amené ainsi à leur opposer le peuple qui souffrait si cruellement des rapines et de l'insolence des seigneurs et de leur soldatesque. Telle fut l'origine de l'affranchissement des communes.

Les armées féodales étaient presque exclusivement composées de cavalerie; Philippe er ordonna que les évêques s'entendraient avec les bourgeois pour lever des milices à pied, lesquelles iraient combattre sur l'ordre direct du roi, ayant leurs curés en tête et portant la bannière de la paroisse. Le P. Daniel croit qu'antérieurement à cette ordonnance,

[ocr errors]

les crucifix portés au bout d'un long manche dans les processions, n'avaient pas de bannières et qu'alors seulement

on en aurait ajouté comme signes de ralliement en service de guerre. Cette opinion est discutable, toujours est-il que les bannières des paroisses présentèrent toutes sortes de formes, aucune n'ayant été prescrite; on comprend même l'utilité de ces différences qui constituaient autant de signes de ralliement; on ne s'explique même pas comment, sans cela, eussent pu évoluer ces multitudes qui n'avaient pas de costumes militaires ni la hiérarchie actuelle des grades.

[ocr errors]

Bannière royale fleurdelisée. Les oriflammes que nous avons étudiées au commencement de ce chapitre, aussi bien la cape de Saint-Martin, la Romaine de Charlemagne, l'étendard de Saint-Denis n'ont pas un caractère national. Il nous faut arriver aux bannières royales fleurdelisées, pour trouver un emblème stable qui, du reste, se mêlera constamment à d'autres, mais leur survivra.

A quelle date ont commencé à être employées les fleurs de lis sur des bannières ? Nous avons étudié cette question dans le chapitre des emblèmes (page 319) auquel nous renvoyons le

lecteur.

Il est certain qu'antérieurement au vie siècle plusieurs historiens ont eu l'occasion de citer la bannière royale, mais ils

[ocr errors]

n'ont pas jugé à propos d'en donner la description, et il faut arriver au règne de Philippe-Auguste pour trouver abondam

« PreviousContinue »