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Il est vraiment singulier que la France d'aujourd'hui ne possède pas d'armoiries officielles, comme en ont toutes les nations du monde sans exception: empires, royaumes, républiques, et comme en ont aussi toutes les villes.

La cause en est, qu'au siècle dernier, notre pays changea tant de fois de régime, qu'il perdit toute tradition.

En moins de cent ans en effet, on devait voir succéder à la monarchie treize fois séculaire, toutes les formes de gouvernement: La République avec la Convention, le Directoire et le Consulat. L'Empire.

La Restauration des Bourbons avec Louis XVIII.

Le Retour de l'Empereur (Cent-Jours).

La rentrée de Louis XVIII, puis le règne de Charles X.

La Révolution de Juillet 1830 entrainant la chute des Bourbons.

La Monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe.

La République de 1848.

L'Empire de Napoléon III.

Et, enfin, la troisième République dont les évolutions sont déjà nombreuses.

Rappelons quelles ont été les armoiries officielles de la France sous ces divers régimes.

Le vieil écu d'azur fleurdelisé d'or qui remonte aux premiers Capétiens, renferma d'abord des fleurs de lis sans nombre; elles furent réduites à trois depuis Charles V.

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En 1792, la République rejeta les fleurs de lis et les remplaça par des emblèmes romains, très divers, mais dont aucun ne fut adopté définitivement. Celui qui se présente le plus souvent est le faisceau des licteurs, avec une hache ou une pique au centre, couverte du bonnet phrygien.

En même temps le coq figure soit comme l'emblème national, soit comme celui de la vigilance.

L'empereur adopta l'aigle romaine.

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Les fleurs de lis revinrent avec les émigrés.
La révolution de 1830 adopta le coq gaulois.

Louis-Philippe conserva d'abord les fleurs de lis, mais surmontées d'un lambel d'argent selon ses armes propres et parties d'azur aux tables de la Charte d'or, emblème nouveau représentant la monarchie constitutionnelle. Peu de temps après, l'écusson fran

çais n'eut plus que la charte sans les fleurs de lis. C'est à cette époque que le coq fut placé à la hampe du drapeau tricolore.

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La révolution de 1848, tout en conservant le coq et les trois couleurs, n'eut pas d'armoiries, le sceau de l'État en tint lieu au besoin; ce sceau représente, comme l'indique notre gravure, une

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déesse assise tenant un faisceau des licteurs où la hache est remplacée par une pique; la déesse s'appuie sur un gouvernail où l'on retrouve le coq.

Le second empire reprit, bien entendu, l'aigle de Napoléon Ier. Après la guerre on oublia les armoiries.

Cependant un décret du 25 septembre 1870 avait déterminé « les nouveaux types et légendes pour le sceau de l'État, timbres et cachets des cours, tribunaux, justices de paix et notaires ». Mais ces nouveaux types consistaient simplement dans la reprise du sceau de l'État de 1848, sans autre modification que celle de la légende.

La Commune de Paris abusa du faisceau des licteurs, de la hache et du bonnet phrygien.

La paix civile rétablie, on s'enquit à nouveau d'un signe symbolique pour représenter la France et, sans plus se mettre en frais d'imagination, le gouvernement jugea provisoirement suffisant de

choisir comme emblème un écusson formé d'un simple R F d'or sur fond d'azur. Mais on sait qu'en France le provisoire est ce qui

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dure le plus longtemps. C'est pourquoi les armes de la République, dont le choix n'a même pas fait l'objet d'un décret, sont depuis plus de trente ans un objet d'étonnement pour la majorité des Français.

Nous nous souvenons des quolibets dont les journaux réactionnaires saluèrent la première exposition en public du nouvel écusson. R F, cela signifiait à volonté : République Française ou Royaume Français, ou encore Rien de Fait...

Or, ce même écusson, produit hâtif et provisoire du Septennat, est encore le seul dont on dispose pour les drapeaux de l'armée, les monuments publics, ambassades et consulats, la décoration des expositions et des fêtes nationales.

La République a fêté son centenaire. La France peut espérer enfin ne plus subir de changement de régime. Il semble done que le moment serait venu de consacrer le triomphe de la République en adoptant officiellement des armoiries définitives.

Ces armoiries devraient, en une figure tres simple, symboliser la France du passé, et, telle qu'on peut se la représenter déjà, la France de l'avenir.

La déesse de 1818, avec ses attributs, est trop compliquée pour constituer un écusson armorié, qui doit être extrêmement simple pour se distinguer de loin comme les couleurs du drapeau.

Il existe cependant un emblème qui, après réflexion, pourrait parfaitement réunir tous les suffrages : C'EST LE COQ GAULOIS.

Franklin regrettait que les Etats-Unis eussent choisi pour leur écusson l'aigle chaure, oiseau de meurtre et de rapines, alors qu'il avait proposé le dindon sauvage, originaire de l'Amérique septentrionale, et que l'on trouve encore en troupes nombreuses dans les grandes plaines, bête superbe au plumage bronzé, dont l'espèce domestique, abâtardie, ne donne qu'une faible idée.

Le coq conviendrait parfaitement à notre démocratie, il est rustique et fier, dévoué aux siens jusqu'à l'abnégation, beau, galant et toujours prêt à se défendre jusqu'à la mort.

Oui, nous voudrions voir au milieu d'un écusson d'azur, un beau coq d'or, crété et barbé de gueules (rouge), becqué et membré d'argent, les ailes soulevées au moment où il lance son clair cocorico.

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Cet écu serait posé sur des drapeaux aux couleurs nationales, passés en sautoir; pour sommet une étoile entourée de rayons et enfin au-dessous, sur une banderole, la devise consacrée : LIBERTÉ ÉGALITÉ FRATERNITÉ.

Cela serait vraiment français et trancherait avec la banalité des aigles, des léopards et des lions héraldiques des autres nations.

Les lignes qui précèdent, sauf quelques modifications, furent publiées en septembre 1892, dans notre Journal « Le Collectionneur », au lendemain des fêtes magnifiques du centenaire de la République française.

L'idée, qui arrivait à point, fut remarquée: toute la presse s'en occupa, approuvant ou critiquant parfois avec violence. Ce qu'on reprochait surtout au coq, c'était d'être orléaniste.

On vit éclore plus de cent projets d'armoiries françaises. Il fut même question d'organiser un concours.

De toutes parts, on nous adressait des communications que le défaut de place nous empêcha seul de publier dans notre petite revue et nous fùmes obligé de répondre par circulaires aux questions qui nous parvenaient tous les jours.

Ces réponses, les propositions d'armoiries que publiaient les grands journaux, enfin la polémique soulevée par notre proposition nous obligèrent à des recherches de documents, à des études dont le présent ouvrage est le résultat.

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