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goum, elle n'a pas été résolue in terminis. Il
semble résulter de l'arrêt que l'interrogatoire,
en ce cas, n'est pas prohibé. (Gaz. des Trib.,
18 fév. 1827, no 437.) Efin, nous devons signa-
ler une décision de la cour de Montpellier du
6 fév. 1810 (Sirey, t. 14, p. 351), d'après la-
quelle la partie qui a prêté, en première in-
stance, un serment supplétif sur certains faits,
peut, en cause d'appel, subir un interrogatoire
sur les mêmes faits. Ce n'est qu'à l'égard du
serment décisoire que l'art. 1563, C. civ., pro-
hibe la preuve de fausseté. ]
1227. Peut-on ordonner l'interrogatoire
dans un tribunal de commerce?

[C'est aussi la doctrine de Demiau, p. 235; Prat., t. 2, p. 276, Pigeau, art. 1o, no 4 de ce titre, Favard, t. 3, p. 113, no 2, Dalloz, t. 18, p. 164, no 3, et Thomine, no 575; mais Pigeau et Dalloz, loc. cit., restreignent, avec raison, la faculté de l'interrogatoire dirigé contre un acte public, aux faits qui ne seraient pas de nature à inculper la véracité des attestations faites par l'officier rédacteur, dans la limite de ses attributions. Ainsi l'inscription de faux serait nécessaire pour contester le fait de la numération réelle des espèces, rapporté dans un acte notarié comme ayant eu lieu au vu et su du notaire (voy. nos observations sur la Quest. 1225); mais l'interrogatoire suffirait pour établir que cette numération n'est qu'un jeu con- Les formalités prescrites par le présent titre venu entre les parties soi-disant contractantes, pour l'interrogatoire ont fait croire qu'il ne et que les espèces sont immédiatement rentrées pouvait avoir lieu dans les tribunaux de comdans les mains de celui qui les avait fournies. merce, qu'il suffisait d'ailleurs, pour atteindre Dans la consultation que nous avons rapportée le même but, de recourir à la comparution persous l'art. 119, Quest. 502 bis, Carré, tout en sonnelle autorisée par l'art. 428. Nous réponrepoussant la voie de la comparution, admet dons que l'art. 119 autorise aussi la comparului-même l'interrogatoire. Pigeau, Comm., t. 1, tion dans les tribunaux civils d'arrondissement, p. 581, ajoute que l'interrogatoire peut être et cependant la loi y admet en outre l'interroordonné dans une matière intéressant l'ordre gatoire : il n'y a aucune raison à alléguer pour public, telle qu'une séparation de corps; mais qu'il en soit autrement dans les tribunaux de avec cette remarque que l'aveu, en ces circon- commerce. Quant aux formalités, il résulte stances, ne peut, s'il est isolé, constituer une seulement de ce que le ministère d'avoué n'est preuve complète contre l'interrogé. Ce motif fait pas admis dans ces tribunaux, et de ce que la croire à Thomine, no 375, que l'interrogatoire ne procédure y est essentiellement sommaire, doit être nullement admis dans ces sortes de qu'elles doivent recevoir, dans leur application, causes. Nous nous rangeons à l'avis de ce der-les modifications qu'indiquent ces différences nier auteur, en l'étendant à toutes les questions dans la forme de procéder. Aussi Pardessus n'ad'état. (V. notre Quest. 1223.) La difficulté t-il pas balancé à déclarer qu'une partie peut spéciale à la séparation de corps s'est présentée être interrogée sur faits et articles dans les devant la cour de Paris, le 17 fév. 1827, et, tribunaux de commerce. Tel est aussi l'avis de malgré les efforts de l'habile avocat, Me Plou- Locré (Esprit du C. de comm.). Il se fonde,

1810 (Dalloz, t. 18, p. 166, et t. 27, p. 231; Sirey, t. 11, p. 282, et t. 12, p. 19), a décidé qu'il y avait lieu à accueillir une demande tendante à faire interroger une partie sur le fait qu'il y avait eu une transaction verbale sur l'objet de la contestation, nonobstant l'art. 2044, C. civ., qui exige que les transactions soient prouvées par écrit, et qui conséquemment en prohibe la preuve testimoniale.

[ Cette dernière opinion est embrassée, avec raison, par Favard, t. 3. p. 113, no 2, et Dalloz, t. 18, p. 164, no 4. En effet, une interpellation à la bonne foi de la partie interrogée ne saurait avoir aucun des inconvénients qu'on serait fondé à reprocher au témoignage d'autrui. D'ailleurs l'aveu d'une partie et un témoignage ordinaire ont des effets biens différents : le juge est obligé de croire au premier; il n'est pas tenu d'ajouter foi au second. Aussi, ce système a-t-il été consacré par un arrêt de la cour de cass. du 18 mars 1818 (Dalloz, t. 10, p. 321, t. 18, p. 167, et t. 25, p. 487; Sirey, t. 18, p. 274), qui a déclaré admissible l'interrogatoire d'un légataire universel sur des faits qui tendaient à établir l'existence d'un fideicommis tacite. La cour de Lyon, le 16 juill. 1827 (Sirey, t. 28, p. 54), a également admis l'interrogatoire, pour établir l'existence d'une convention verbale en matière de société. Les motifs du jugement, adoptés par la cour, sont très-remarquables.

Ces motifs admettent néanmoins quelques-unes des exceptions signalées dans le mémoire de Morin, et que nous avons nous-même adoptées (Quest. 1225). ]

Enfin, la cour de Paris et celle de Rennes ont encore décidé que l'on peut admettre l'interrogatoire pour anéantir la foi d'un acte authentique, quoiqu'on opposât que l'on ne pouvait s'élever contre le contenu d'un pareil acte que par la voie de l'inscription de faux.

Néanmoins, la même cour de Rennes, par arrêt du 6 août 1812, 1re ch., a admis une exception, relativement à un bait verbal qui n'avait pas encore reçu d'exécution. En adoptant les motifs des premiers juges, elle a décidé que, nonobstant l'art. 324, la partie qui nierait le bail ne pouvait être soumise à l'interrogatoire sur faits et articles, mais seulement au serment, conformément à l'art. 1715, C. civ., auquel l'art. 324, C. pr., n'a point dérogé.

Ces décisions nous semblent difficiles à concilier; et nous estimons que la dernière ne peut être suivie, attendu que la loi, en admettant l'interrogatoire en toutes matières sans distinction, a suffisamment annoncé qu'elle entendait que l'aveu qui peut en résulter suppléât à tous les autres genres de preuve qu'elle eût interdits.

[V. nos observations à la suite de la Quest. 1226. Nous n'allons pas aussi loin que Carré, en ce qui concerne la foi due aux actes authentiques.]

avec raison, sur ce que l'art. 324 admet l'in-, terrogatoire en toutes matières, et par conséquent dans les affaires commerciales.

[Cette opinion, que nous approuvons, est aussi celle de Dalloz, t. 18, p. 169, no 1, et de Thomine, t. 1, p. 529. (V. Rouen, 18 mars 1828 (Sirey, t. 28, 2o, p. 174); Nîmes, 4 mai 1829 (Sirey, t. 50, p. 388).]

1228. Pourrait-on demander l'interrogatoire, dans une matière sur laquelle il n'y aurait pas d'instance?

Non, sans doute; il faut toujours qu'il y ait une instance engagée. (V. Jousse et Rodier, sur l'art. 1er du tit. X de l'ord.) Cela résulte d'ailleurs, dit Berriat, h. t., no 8, des termes les parties, dont se sert l'art. 324: or, dans le langage de la procédure, il n'y a point de parties sans instance (1).

En effet, le mot instance exprime aujourd'hui le procès engagé par un exploit de demande devant le tribunal qui doit juger cette demande en définitive; il ne désigne plus, comme autrefois, et surtout en Bretagne, le procès lié par la contestation en cause, c'est à-dire par le premier préparatoire rendu sur les conclusions des parties.

C'est pourquoi la question, controversée sous l'empire de l'ordonnance, et qui était celle de savoir si l'interrogatoire pouvait être demandé avant la contestation en cause, ne saurait se reproduire sous l'empire de notre Code actuel. (V. la Quest. 1231.)

[Nous ne croyons pas qu'on puisse élever le moindre doute sur cette solution.]

1229. Peut-on demander l'interrogatoire en cause d'appel, quand la demande n'en a pas été formée en première instance? On a dit, pour la négative, que les juges d'appel ne sont pas juges d'instruction, que leur mission est bornée à l'examen du bien et du mal jugé du premier tribunal; que, pour apprécier un jugement, il faut le prendre dans l'etat où il a été rendu; qu'autrement, l'appel produirait une instance nouvelle plutôt qu'une cause d'appel.

On répond, avec raison, par cet axiome si souvent invoqué au barreau: In appellationibus non deducta deduci, non probata probari possunt, axiome consacré par la disposition de l'article 464 de notre Code, qui, en

défendant de former sur l'appel aucune nou. velle demande, autorise celles qui servent de défense à l'action principale, et, par conséquent, tout interlocutoire qui tend à donner une instruction plus ample que celle qui aurait eu lieu devant les premiers juges, et, en un mot, à réparer les omissions faites, sous ce rapport, en première instance (2).

[Favard, t. 3, p. 114, no 5; Dalloz, t. 18, P. 169, n° 2, et Thomine, no 375, partagent, avec raison, cet avis.]

1230. Si une partie a requis l'interrogatoire en première instance, et que son adversaire ne l'ait pas subi, celui-ci serait-il recevable à se faire interroger en cause d'appel?

On pourrait, pour la négative, argumenter de la disposition de l'art. 331, qui n'admet la partie qui a fait défaut à subir interrogatoire, qu'autant qu'elle se présente avant le jugement.

Or, dirait-on dans l'espèce actuelle, le jugement a été rendu : la partie qui devait être interrogée a donc, par une juste induction de l'article précité, perdu le droit de prêter l'interrogatoire qui lui était prescrit. (V. Demiau, p. 241.)

Mais la raison de décider autrement, c'est que, par l'effet de l'appel, la contestation est remise dans le même état où elle était avant le jugement de première instance, puisqu'il s'agit de savoir si ce jugement sera confirmé ou infirmé. D'ailleurs, comme le dit Duparc-Poullain, t. 9, p. 458, no 9, et comme nous l'avons dit aussi sur la question précédente, on peut, faites lors des premières instructions. La partie en cause d'appel, réparer toutes les omissions qui, ayant fait défaut au procès-verbal d'interrogatoire, ou qui, ayant refusé de répondre, offrirait en cause d'appel de subir l'interrogatoire, ne ferait pas autre chose que développer des moyens de défense ou en fournir de nouveaux : elle est donc recevable dans cette offre, dont l'effet sera de faire cesser toutes les présomptions de vérité des faits que les premiers juges auraient tirées de son silence (3).

[On peut voir l'arrêt que Carré cite en note à l'appui de son opinion. Mais on trouvera au même endroit, un arrêt de la cour de Montpellier du 24 nov. 1818 (Dalloz, t. 18, p. 175), qui décide implicitement le contraire. Il faut remarquer à ce sujet: 1o que

(1) Ainsi, par exemple, on ne pourrait, en bureau de pax, demander à interroger une partie sur faits et articles, parce que l'essai de conciliation n'est pas une instance, mais un préliminaire d'instance.

(2) Au surplus, la loi n'a point limité aux premières instances la faculté qu'elle donne aux parties de se faire interroger respectivement. Ses expressions sont générales, elles embrassent le procès dans toute l'étendue de sa durée, aussi longtemps qu'il existe: or,

le jugement n'a pas éteint le procès; s'il a été suivi d'appel, l'interrogatoire peut donc avoir lieu. (V. Rodier, sur l'art. 1er du titre X de l'ord., et le procèsverbal, tit. XVI, art. 4; Dufour, dans ses Confér., t. 1, p. 196, les Quest. de Lepage, p. 214.)

(3) C'est aussi ce qui a été décidé par un arrêt de la cour de cass. du 13 niv. an x. (Sirey, t. 7, p. 1073; Dalloz, t. 18, p. 175. - V. Rép., vo Interrog., no 4, et Berriat, p. 312.)

Telle a été l'opinion que la cour de Brux. a consacrée par un arrêt du 22 juillet 1809 (Dalloz, t. 18, p. 171).

Mais nous remarquerons, sur cet arrêt, que les écrits de griefs ne sont point d'obligation rigoureuse, ainsi que nous le prouverons sur l'art. 462. Il en est d'eux, sous ce rapport, comme des écrits de défense (voy. art. 78 et 79): on peut poursuivre l'audience sans les avoir signifiés. De là, nous concluons que l'interro

l'arrêt de cass. a été rendu sous l'empire de | eu lieu, pour que les juges puissent admettre l'ord. de 1667, et celui de Montpellier, de- l'interrogatoire; et, par suite de conséquences, puis la promulgation du Code de procédure; l'interrogatoire en cause d'appel ne peut être 2o que la cour de Montpellier, tout en confir- ordonné avant que l'appelant ait signifié ses mant au fond le jugement qui, à défaut de griefs, et que l'instruction de la cause ait comcomparution de la partie, avait tenu les faits mencé. pour constants, ne parait pas toutefois s'être déterminée par la même considération, et que si elle a, en définitive, condamné la partie qui avait négligé de se présenter en première instance pour subir interrogatoire, les motifs de cette condamnation, pris dans des raisons de droit civil et dans les faits résultant des débats de l'audience, n'auraient pas sans doute été changés par l'interrogatoire s'il avait eu lieu. Ainsi, il serait possible que, dans d'autres circonstances, la même cour eût rendu une déci-gatoire peut être demandé indépendamment de sion différente, et qu'elle eût hésité à tenir des faits purement et simplement pour avérés, sur le motif que la partie n'aurait pas comparu devant le premier juge pour se faire interroger, et quoiqu'elle offrit sur l'appel de réparer cette omission. Nous ne pensons pas en effet qu'il y ait de raison plausible pour juger à cet égard, sous notre Code, autrement qu'on ne le faisait sous l'ord. de 1667.

Lepage, p. 218, 7° Quest., et Favard, t. 5, p. 116, no 9, partagent cet avis.] 1231. L'interrogatoire peut-il étre ordonné, en cause d'appel, avant que l'appelant ait signifié ses griefs, et que l'instruction de la cause ait commencé devant la cour d'appel?

La solution de cette question dépend du sens qu'on doit donner aux mots en tout état de cause, employés dans l'art. 324. Suffit-il que l'instance soit introduite, et la cause mise au rôle, pour que les parties aient le droit d'user de la faculté accordée par cet article? On répond que, dans cet état de la procédure, l'interrogatoire serait absolument sans objet, puisqu'il doit porter sur des faits que les juges ne peuvent connaître qu'à la suite d'une discussion contradictoire sur les moyens respectifs des parties.

D'ailleurs, l'interrogatoire sur faits et articles n'est qu'un moyen supplétif, qué le législateur fournit aux parties pour parvenir à la découverte de la vérité: il faut donc avoir tenté de la découvrir par les moyens ordinaires; il faut donc qu'une instruction préparatoire ait

(1) Nous nous rapprocherions toutefois de la décision de la cour de Brux., en ce sens que nous pensons que le tribunal pourrait, sans y être obligé, surseoir à ordonner l'interrogatoire qui serait demandé avant l'expiration du délai pour fournir les premiers écrits de griefs ou de défenses, parce qu'il est possible que, dans ses écrits, la partie fasse des aveux qui dispenseraient de la voie dispendieuse des interrogatoires. (. Serpillon, sur l'art. 1er du tit. X de l'ord.) Mais,

l'existence de ces écrits, puisque autrement ce serait les rendre nécessaires (1).

[C'est également l'opinion de Coffinières, J. Av., t. 14, p. 717, et la nôtre. Toutefois, Pigeau, Comm., t. 1, p. 581, est d'avis, avec raison, que l'interrogatoire ne peut être demandé avant l'expiration des délais de l'assignation, soit que l'assigné ait ou non constitué avoué, et il cite un arrêt d'Orléans du 10 juillet 1812 (Sirey, t. 14, p. 101), rendu dans ce sens, sur une consultation qu'il avait délibérée.] 1232. Pourrait-on ordonner l'interrogatoire jusqu'au jugement définitif, et même au moment des plaidoiries?

Ces mots, en tout état de cause, prouvent, dit Berriat, p. 312, qu'on a le droit de faire interroger jusqu'au jugement; mais l'article veut que ce soit sans retard de l'instruction ni du jugement. Or, ne serait-ce pas retarder le jugement, que d'ordonner un interrogatoire au moment où les avocats ou avoués des parties sont présents à l'audience pour y plaider la cause? Cependant la cour de Rennes, par arrêt du 12 avril 1809, n'en a pas moins ordonné un interrogatoire en semblable circonstance. Elle a considéré que les expressions de l'article s'entendaient en ce sens que la partie qui obtenait de faire interroger son adversaire devait y faire procéder sans abuser des délais, de manière à retarder le jugement.

Il serait possible que cette décision isolée ne fût pas admise généralement; on pourrait opposer que la partie qui, dès l'introduction de l'affaire, a pu faire usage de la faculté de re

nous le répétons, la loi n'attachant plus aucun effet à ce qu'on appelait autrefois la contestation en cause, nous ne croyons pas que le juge soit tenu de refuser un interrogatoire qui serait demandé avant le délai donné pour la signification des écrits dont nous venons de parler, encore moins d'exiger que cette signification ait été faite. (V. Rodier, sur l'art. 1er du tit. X de l'ord., et le Prat., t. 2, p. 279; Demiau, p. 236.)

[Ces observations nous paraissent justes. ]

quérir l'interrogatoire, doit avoir à s'imputer la faute de ne l'avoir pas fait en temps utile (1). [C'est d'après cette considération parfaitement juste qu'ont été rendus les arrêts cités par Carré, à la note, et ceux des cours de Caen, 15 juin 1825, Bourges, 23 nov. 1830 (Sirey, 1. 31, p. 156), Poitiers, 29 nov. 1831, Liége, 13 juill. 1855 (Sirey, t. 36, p. 61), et cass., 13 janv. 1856, qui tous ont jugé que l'interrogatoire pouvait être refusé s'il était demandé tardivement.

[Pigeau, Comm., t. 1, p. 281 et 282, Berriat, h. t., note 7, Thomine, no 375, approuvent cette décision. Toutefois Favard, t. 5, p. 114, pense, avec raison selon nous, qu'en supposant cet arrêt juste dans les circonstances où il a été rendu, il serait difficile de le considérer comme reposant sur une règle générale. L'admission de l'interrogatoire est nécessairement subordonnée aux circonstances, à quelque période de la cause qu'il soit demandé.]

1234. Le délai prescrit par un jugement pour faire procéder à un interrogatoire est-il fatal?

nous l'avons dit sur la 1232° Quest., qu'afin d'empêcher que la mauvaise foi ne s'en fasse un moyen pour entraver la marche de la procédure et retarder la condamnation.

Pigeau, art. 2 de ce titre, dit bien que cette demande peut avoir lieu jusqu'au jugement de la cause, ce qui est une interprétation large de ces mots de l'art. 324, en tout état de cause. L'art. 524 n'a pas prescrit de terme fatal Mais c'est toujours sans préjudice du droit dans lequel l'interrogatoire doive avoir lieu, et qu'ont les tribunaux de s'y refuser, lorsqu'ils s'il dit qu'il sera ordonné sans retard de l'inpensent que cette procédure retarderait inuti-struction ni du jugement, ce n'est, comme lement le jugement de la cause. ] 1233. Mais pourrait-on ordonner l'interrogatoire après un jugement de partage. On disait, pour l'affirmative, devant la cour de Rennes, qu'un jugement de partage n'est point une décision définitive; qu'il constitue conséquemment une période de la cause dont une partie peut profiter, si, avant son expiration, elle trouve un temps suffisant pour faire interroger son adversaire; que si la question à juger est difficile, ainsi que semble l'indiquer le partage des juges, l'interrogatoire offrait un moyen d'écarter les difficultés, en faisant sortir de la bouche même de la partie une condamnation dont les éléments ne se trouvaient point dans les pièces du procès, mais seulement dans les replis de la conscience de l'adversaire. On répondait que l'instruction de la cause est terminée lors du jugement ou de l'arrêt qui a déclaré le partage; qu'ainsi, il ne doit plus être permis aux parties de changer l'état de la contestation, en commençant une instruction nouvelle.

Ces moyens ont prévalu, et par arrêt du 11 avril 1809 (Sirey, t. 12, p. 311), la cour de Rouen rejeté la demande en interrogatoire, attendu que la cause doit se présenter devant les juges appelés pour vider le partage, dans le même état où elle était lors du jugement qui l'a déclaré.

(1) Mais cette question n'est pas d'une grande importance; car, en disposant que l'interrogatoire sera fait sans retard de l'instruction ni du jugement, la loi nous paraît plutôt donner un conseil aux juges, qu'énoncer une règle prohibitive de laquelle ils ne pourraient s'écarter lorsque l'équité et les circonstances l'exigeraient. Tout ce que prétend le législateur, dit Demiau, p. 236, consiste en ce que la faculté des interrogatoires ne puisse jamais être une arme dont la chicane puisse abuser; à cela près, il dépend du juge de céder à quelques considérations de circonstances, parce qu'on ne peut jamais lui faire un reproche d'avoir ordonné l'interrogatoire afin de pro

Mais on ne pourrait inférer de cette restriction que celui qui a obtenu de faire interroger sa partie adverse fût tenu de le faire dans un délai que le tribunal aurait prescrit, tellement qu'en cas de défaut il ne pût être relevé. Le contraire résulte mème de l'art. 331, qui porte que celui qui a fait défaut sur l'assignation sera interrogé, s'il se présente avant le jugement, en payant les frais encourus pour son défaut.

On ne voit en effet aucune raison de refuser le même avantage à celui qui a obtenu de faire interroger sa partie adverse, d'autant plus que cette faculté est ici en sa faveur, et qu'il peut arriver qu'il lui ait été impossible de faire procéder à l'interrogatoire dans le temps prescrit.

Il suit de là, ainsi que l'a jugé la cour de Brux., le 11 février 1809 (Sirey, t. 14, p. 41), qu'un tribunal ne peut déclarer forclose de la faculté de faire procéder à un interrogatoire la partie qui ne l'a pas fait dans le terme fixé, et que la seule peine qu'il serait en droit de lui infliger pour son retard serait de la condamner aux dépens que ce retard aurait occasionnés.

[Cette décision est approuvée, avec raison,' par Favard, t. 5, p. 116, no 9.]

noncer avec une plus grande connaissance de cause. Sous ce rapport, l'arrêt de la cour de Rennes peut n'être pas sujet à la critique.

Au reste, la même cour, 2e ch., avait jugé, par arrêt du 21 déc. 1812, que l'interrogatoire ne peut être demandé lorsque les plaidoiries sont terminées, et qu'il a été rendu jugement préparatoire qui ordonne un délibéré et fixe le jour auquel le jugement définitif sera prononcé; et la cour de cassation, par arrêt du 30 déc. 1813 (Sirey, t. 15, p. 160), a confirmé cette décision. NOTA. On voit que ces deux arrêts viennent à l'appui des observations qui précèden t.

On remarquera sans doute que cette décision n'aurait pas lieu si le tribunal avait fixé le délai sous peine de déchéance.

[A moins qu'il ne crût convenable d'accorder une prorogation, ce qui peut avoir lieu même en matière d'enquête où les délais sont plus rigoureux.]

1235. La même partie peut-elle demander, dans le même procès, plus d'un interrogatoire?

De ce que l'art. 1er du tit. X de l'ord. permettait aux parties, comme le fait l'art. 324 du Code, de se faire interroger en tout état de cause, c'est-à-dire pendant tout le cours de l'instruction, les commentateurs concluaient que la même partie pouvait demander un second interrogatoire, mais sous la condition qu'il fût relatif à d'autres faits, ou du moins à des faits explicatifs de ceux qui avaient été l'objet du premier. (V. Rodier sur cet article, et Duparc-Poullain, t. 9, p. 455.)

Nous ne saurions trouver aucune raison de décider autrement sous l'empire du Code, et telle est aussi l'opinion qu'émettent les auteurs du Prat., t. 2, p. 279, et Demiau, p. 245.

[Ainsi que Favard, t. 3, p. 115, no 5, Merlin, Rép., vo Interrog., § 16, et Dalloz, t. 18, p. 171, no 18, dont nous partageons le sentiment sur ce point. ]

1236. Un interrogatoire sur faits et articles, demandé par l'une des parties et subi par l'autre, est-il un obstacle à l'admission de la preuve testimoniale?

Cette question a été décidée pour la négative par deux arrêts de la cour de cass., l'un du

6 frim. an XIII (Dalloz, t. 18, p. 177; Sirey, t. 5, p. 680; Pasicrisie à cette date), l'autre du 9 fév. 1808 (Sirey, t. 8, p. 215); et ces décisions sont d'autant plus remarquables que l'interrogatoire avait été subi sous la foi du serment. Cette circonstance n'a pas empêché d'admettre la preuve par témoins, parce qu'on a considéré que l'on ne pouvait appliquer à un tel serment les règles du Code civil relatives au serment judiciaire (1).

(1) Nous prouverons, dans nos questions sur l'art. 533, que l'interrogatoire ne peut être précédé du serment de la partie qui le subit. L'on doit donc, à plus forte raison, décider que l'interrogatoire ne fait obstacle à l'admission d'aucune preuve autorisée par la loi, et qu'il ne doit être considéré que comme une voie d'instruction qui, suivant les expressions de Rodier, vient, au contraire, au secours des preuves qui ne sont pas concluantes. (V. Rodier, ubi suprà, et Prat., t. 2, p. 280.)

(2) Mais en matière sommaire et commerciale, l'interrogatoire est demandé à l'audience, et non par requête. (Locré, t. 1, p. 545.)

[En matière ordinaire, le tribunal est suffisamment autorisé refuser un interrogatoire, sur faits et articles, par cela seul que la demande n'a pas été formée |

[C'est, avec raison, l'opinion du Prat., t. 2, p. 280, de Favard, t. 5, p. 115, no 5 bis, et de Dalloz, t. 18, p. 171, n° 17. Nous ajouterons que le plus souvent l'interrogatoire sur faits et articles est demandé pour qu'on puisse s'en servir comme d'un commencement de preuve par écrit. (V. la Quest. 1262.)]

ART. 325. L'interrogatoire ne pourra être ordonné que sur requête (2) contenant les faits, et par jugement rendu à l'audience : il y sera procédé, soit devant le président, soit devant un juge par lui commis.

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Tarif, 70 et 79. [Tar. rais., nos 244 et 245.] — Ord. de 1667, tit. X, art. 1er. [Devilleneuve, vo Interrogatoire, nos 16 à 22.-Locré, t. 9, p. 157, 234, 298.] (Voy. FORMULES 284 et 285.)

CCLXXI. On remarquera, sur cet article, que la comparution des parties en personne peut, ainsi que la plupart des moyens d'instruction que nous avons traités jusqu'ici, être ordonnée d'office, et qu'il en est autrement de l'interrogatoire (3).

[Pigeau, art. 5 de ce titre, et Comm., t. 1, p. 584, Favard, t. 5, p. 115, Prat., t. 2, p. 278, Dalloz, t. 18, p. 164, no 1, et Boncenne, no 585, pensent aussi qu'à la différence des autres voies d'instruction, celle-ci ne peut ètre ordonnée d'office; la raison en est qu'elle culiers non révélés par les débats, que la parne se fonde que sur l'existence de faits partitie seule connaît et à l'utilité desquels elle est censée renoncer si elle ne demande pas ellemême l'interrogatoire.]

1237. Comment doivent être présentés les faits, dans la requête à fin d'interrogatoire?

Ils doivent être exposés de manière que le tribunal soit en lieu de connaître s'ils sont pertinents, et de juger avec connaissance de cause si l'interrogatoire doit être ordonné.

[En effet, il est de principe qu'aux juges appartient l'appréciation souveraine des faits articulés. Ils peuvent, suivant les circonstances,

par requête contenant les faits. (Rennes, 26 déc. 1811; Dalloz, t. 18, p. 172.)

(3) Par une juste conséquence, le tribunal ne pourrait, en accordant la permission d'interroger, ajouter de nouveaux faits à ceux qui auraient été présentés dans la requête il semble done qu'il ne pourrait recevoir des parties les renseignements qu'il jugerait utiles, qu'en ordonnant la comparution personnelle, aux termes de l'art. 119. Mais, sans recourir à ce moyen, il peut les obtenir indirectement, au moyen de la faculté que l'art. 533 donne au juge-commissaire d'interroger d'office sur des faits qui n'auraient pas été compris dans le jugement.

[Cette observation est pleine de justesse. (V. l'arrêt de Nimes du 15 oct. 1827, cité sous la quest. 1237, in fine.]

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