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L'art. 1166, C. civ., donnant aux créanciers la faculté d'exercer tous les droits et actions de leur débiteur, quelques auteurs en ont conclu que le créancier pouvait intervenir dans toutes les instances où figure son débiteur, pour veiller à ce qu'une défense sérieuse on légitime soit employée, parce qu'il y a intérêt à ce que les droits de son débiteur soient reconnus. Une pareille conséquence ne nous parait pas résulter des termes de l'art. 1166, qui semblent exclusivement s'appliquer aux cas où le débiteur néglige d'exercer ses droits, ou collude avec son adversaire au préjudice du créancier.

Mais qu'est-il besoin du principe contenu dans l'art. 1166 pour décider la question qui nous occupe? Aucune loi a-t-elle jamais tracé des limites à la capacité de l'intervenant? Non, sans doute, et dès lors on ne peut à priori lui fixer des conditions.

Il suffit, d'après nous, qu'il puisse justifier d'un intérêt quelconque à l'issue de la contestation, pour que son intervention soit admise; peu importe d'ailleurs la nature de cet intérêt, né ou à naître, futur ou actuel, certain ou probable, distinct de celui de son débiteur ou confondu avec lui, le créancier qui voudra intervenir n'aura jamais à craindre qu'on lui oppose la prohibition d'un texte législatif, ou d'un principe de droit, puisqu'il n'en existe pas sur la matière.

Ce sera donc aux tribunaux, avec leur pouvoir discrétionnaire, à apprécier, dans chaque espèce, si l'intérêt allégué est réel ou supposé, si l'intervention du créancier a un but légitime ou vexatoire; à réprimer toute tentative que l'équité n'avouerait point, à accueillir toutes celles qui seraient faites dans les vues d'un intérêt bien compris.

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l'intervention qu'autant qu'elle est nécessaire pour prévenir les fraudes, ou suppléer à la négligence du débiteur, on devrait, ce nous semble, faire supporter les frais à la partie qui succomberait, ou au moins à celle qui aurait, par son fait, nécessité l'intervention. Mais ceux qui, adoptant notre doctrine, déclarent la faculté d'intervenir complétement illimitée, décident que le créancier interviendra à ses frais, toutes les fois qu'il le fera par simple mesure de précaution, et sans que son intervention soit justifiée par le besoin de prévenir des fraudes, ou de défendre des intérêts compromis par ceux qui s'en étaient charges, ainsi que l'art. 882 le décide expressément pour le cas qu'il prévoit; disposition que la cour de cassation a appliquée, le 27 août 1838 (Sirey, t. 38, p. 810), non-seulement au coût des actes que signifie le créancier intervenant dans un partage, mais encore aux frais des significations qui lui sont faites à lui-même de tous les actes de poursuite.]

[1270 ter. Dans une poursuite en expropriation forcée, l'un des créanciers peutil intervenir sur la demande en nullité de saisie formée par la partie saisie contre le saisissant?

Oui: et tel est l'avis de Merlin, Rép., vo Saisie immob., §6, art. 2, t. 50, p. 220, qui appuie son opinion sur un arrêt de la cour de cass. du 26 déc. 1820 (Sirey, t. 22, p. 36), lequel arrêt décide positivement que les créanciers inscrits ont le droit d'intervenir tant que l'instance en expropriation forcée n'est pas terminée. C'est aussi ce qui a été jugé depuis par la cour de Pau, le 21 fév. 1824 (Dalloz, t. 15, p. 222), et par la cour de cass., le 19 juill. mème année. (V. Merlin, Rep., vo Intervention, § 1o, no 6, t. 16, Tel paraît être l'avis de Merlin, qui s'ex- p. 19; Dalloz, t. 24, p. 410; Sirey, t. 24, prime ainsi, vo Intervention, § 1er, no 5 bis, 2o: p. 270.) Cependant la cour de Toulouse a pre« On ne doute pas que, pour prévenir toute tendu que l'intervention des créanciers n'était collusion entre son débiteur et l'adversaire pas recevable, parce que leur présence individe celui-ci, ou même la négligence que le pre-duelle dans l'instance en expropriation forcée mier pourrait mettre dans la défense de ses droits, il ne puisse intervenir dans l'instance ouverte entre l'un et l'autre ; et c'est ce que décide, pour un cas particulier, mais par un motif applicable à tous les cas, l'art. 882 du Code civil. »

Réduite à ces termes, la question, comme on le voit, n'est plus qu'une question de fait, qu'il appartient aux juges de chaque cause de décider suivant les circonstances. Aussi n'estil pas étonnant que l'on trouve des arrêts en sens divers. Non-seulement cela doit être, les circonstances ne pouvant pas toujours être les mêmes; mais encore l'étude de ces arrêts n'est d'aucune importance pour la théorie.

Mais on demande qui doit supporter les frais de l'intervention du créancier?

Dans le système de ceux qui n'admettaient

était inutile, puisqu'ils y étaient représentés par le poursuivant, qui est leur mandataire légal. Mais Merlin n'approuve pas ce motif. De ce qu'un créancier est représenté par son débiteur dans le procès soutenu par celui-ci, et de ce que, par suite, il est non recevable à former tierce opposition au jugement qui termine ce procès, il n'en résulte pas, dit-il, qu'il soit inadmissible à intervenir tant que l'instance est indécise. Pourquoi donc en serait-il autrement du créancier inscrit, dans une procédure en expropriation forcée? C'est, a-t-on dit, parce qu'il peut se faire subroger aux droits du poursuivant. Il le peut, sans doute, mais seulement lorsqu'il y a de la part de celui-ci collusion, fraude ou négligence, ce qui n'est pas toujours facile à prouver. On ne peut donc rien conclure contre l'intervenant de cette fa

culté qu'il tient de la loi. (Art. 722, C. proc.) D'ailleurs, il est certain, en droit, que le privilége introduit par une loi spéciale n'empêche pas celui à qui il est accordé de recourir au bénéfice de la loi générale. Par conséquent, il faut dire que le droit particulier de demander la subrogation n'est pas un obstacle à l'exercice de l'intervention, qui est de droit commun, et qui ne peut être refusé, comme nous l'avons dit sur les deux précédentes questions, à celui qui a un intérêt quelconque à la contestation. La circonstance qu'il est représenté par un de ceux qui sont déjà parties en cause, ne saurait donc être pour lui une exclusion. Et d'ailleurs c'est un principe qu'on pourrait aisément contester dans l'espèce. Les créanciers n'ont pas en effet des intérêts identiques avec ceux du poursuivant. Il est facile, au contraire, de s'apercevoir que ces intérêts peuvent aisément se froisser et devenir opposés l'un à l'autre, principalement lorsqu'il s'agit de créanciers hypothécaires dont le rang est subordonné à l'inscription. Sile poursuivant est l'un des premiers inscrits, peu lui importe que l'immeuble soit porté à sa véritable valeur, pourvu que sa créance soit payée. A l'égard mème des créanciers chirographaires, si on trouve les moyens de les désintéresser ou de leur faire un certain avantage, on pourra aisément obtenir des faveurs qui porteront préjudice à leurs cocréanciers. Les divers créanciers ne peuvent donc ètre censés suffisamment représentés par l'un d'entre eux dans la poursuite d'expropriation, et devraient donc avoir la faculté d'y intervenir pour surveiller leurs droits, alors même qu'on mettrait à cette intervention d'autres conditions que l'existence d'un intérêt quelconque. Mais cette exigence nous paraît illégale, un intérêt possible nous semble suffire; et certes on ne peut nier que cet intérêt n'existe à l'égard du créancier dans l'instance en expropriation des biens de son débiteur.

Ces raisons ont déterminé l'arrêt de la cour de Paris du 18 août 1808 (Dalloz, t. 18, p. 181), qui a décidé que, lorsque le jugement qui ordonne la vente n'a point été rendu avec le créancier et qu'il n'y a point acquiescé, il peut, s'il est inscrit, intervenir dans la contestation; celui de la cour de Nanci du 18 déc. 1826, qui dé- | clare un créancier hypothécaire recevable à intervenir dans l'instance engagée entre son débiteur et un autre créancier hypothécaire, en radiation de l'inscription de celui-ci; et celui de la cour de Colmar du 26 juill. 1833 (Sirey, 1. 54, p. 168), qui donne à l'adjudicataire le droit d'intervenir dans l'instance qui s'élève entre le saisissant et le saisi sur la conversion

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de la saisie en vente volontaire (1). Au reste, toutes les fois qu'une intervention a lieu sur une poursuite en saisie immobilière, il doit être sursis à l'adjudication définitive jusqu'à l'issue de l'appel du jugement qui adjuge l'intervention. C'est ce qu'a jugé la cour de Bruxelles, par arrêt du 19 juin 1823. (J. de B., 1823, 2o, p. 27.)

Lorsque la vente volontaire d'un immeuble grevé d'hypothèques est attaquée par un tiers, le créancier inscrit peut, si le prix stipulé est insuffisant pour couvrir sa créance, intervenir aussi dans l'instance pour faire déclarer la vente purement et simplement nulle. Il ne peut être écarté sous le prétexte que, si la vente venait à être déclarée valable, il serait toujours à même de la faire résoudre par une surenchère. Il en est, pour le créancier inscrit, dans le cas d'une vente volontaire, de la faculté qu'il |a de surenchérir, comme, dans le cas d'une instance en expropriation forcée, de celle qu'il a de demander la subrogation au poursuivant. L'une ne peut donc, pas plus que l'autre, faire obstacle à l'intervention. Telle est l'opinion textuelle de Merlin, vo Intervention, § 1er, no 3 bis, 6o. Elle est conforme à un arrêt de la cour de Bruxelles du 15 juin 1822, que cet auteur rapporte et qu'on trouve aussi au J. de B., t. 2 de 1822, p. 161.]

[1270 quater. Doit-on admettre la demande en intervention de celui qui, n'étant pas partie, et n'ayant aucun intérêt dans le procès, se prétend injurié dans les mémoires signifiés, ou bien dans les plaidoiries?

Cette question ne peut être résolue qu'au moyen d'une distinction que l'art. 25 de la loi du 17 mai 1819 commande de faire entre les injures résultant de faits inhérents à la cause, et celles qui sont fondées sur des faits étrangers à la cause. A l'égard des premières, cet article, par respect pour le droit de la défense, dispose qu'elles ne donneront jamais lieu à aucune action en diffamation ou injure; quant aux secondes, elles pourront donner ouverture soit à l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsqu'elle leur aura été réservée par les tribunaux, soit, dans tous les cas, à l'action civile des tiers.

Cet article ne statue pas directement sans doute sur la recevabilité de l'intervention des tiers dans l'instance dont la poursuite a donné lieu aux injures dont ils se plaignent; mais, en nous apprenant dans quels cas ces tiers peuvent ou non intenter une action séparée et principale en réparation, il nous fait connaître

(1) [La cour de cass. a jugé le contraire, le 8 janv. 1835 (Sirey, t. 33, p. 84); mais cette décision ne nous paralt pas équitable. Celles que nous venons de citer,

au texte, sont encore confirmées par les décisions analogues des cours de Montpellier, 30 déc. 1816 (Dalloz, t. 18, p. 182), de Meiz, 10 fév. 1821.]

les cas où bien certainement leur intervention en cause ne doit pas être admise. Car il est évident que celui à qui la loi refuse l'action directe n'aura pas, à plus forte raison, le droit d'exercer, par voie d'intervention, cette action qui ne lui appartient même pas dans les conditions ordinaires.

Ainsi, depuis la loi de 1819, l'intervention des tiers qui se prétendent injuriés ne devrait pas être reçue, si les faits dont ils se plaignent étaient utiles à révéler dans l'intérêt de la cause; car, en pareille circonstance, ils n'auraient pas le droit d'intenter une action séparée en réparation, comme l'a jugé la cour de cass. le 23 nov. 1835 (Sirey, t. 36, p. 314).

Mais avant cette loi, lorsque la distinction qu'elle introduit n'existait pas, lorsque les tiers pouvaient toujours se plaindre, par action principale, des faits injurieux, afférents ou étrangers à la cause, que l'on produisait devant le tribunal où elle était pendante; et aussi, depuis la mise en vigueur de cette loi, lorsque, s'agissant de faits étrangers à la cause, l'action civile séparée leur est toujours permise, l'on demande si le droit d'intervention dans la cause où les fails ont été produits doit aussi leur appartenir?

La cour de Rouen a été saisie deux fois de cette question à peu de jours d'intervalle, et elle l'a jugée différemment. Dans le premier arrêt, du 25 mars 1807 (Dalloz, t. 18, p. 186), il s'agissait d'injures dirigées contre l'un des avocats de la cause, et la cour a admis sa demande en réparation formée par intervention. Dans le second arrêt, du 29 nov. 1808 (Sirey, t. 12, p. 208), ce n'était pas un avocat, mais une personne tout à fait étrangère à la cause qui se prétendait injuriée; la cour n'a point accueilli son intervention.

précier ces imputations, et de juger si elles excèdent ou non les bornes d'une légitime défense, que celui devant lequel l'une des parties les a mises en avant. >>

De ce que l'intervenant, dans la seconde espèce, ne se bornait pas à conclure à la suppression du mémoire imprimé, mais de ce qu'il demandait en outre des dommages-intérêts, il n'en résultait pas que l'intervention fût non recevable. En effet, si l'art. 1056, C. proc., ne donne pas expressément aux juges saisis d'une cause dans laquelle des mémoires calomnieux ont été imprimés, le droit de prononcer des dommages-intérêts, du moins il ne le leur refuse pas; et la cour de cassation a jugé, le 22 nov. 1809 (Sirey, t. 10, p. 88), que ce pouvoir leur appartenait et résultait virtuellement du droit de déclarer des écrits calom

nieux.

Cependant Favard, t. 5, p. 119, approuve l'arrêt que combat Merlin. Ce qui touche surtout Favard, c'est que, quel que soit le jugement à intervenir, il ne peut porter préjudice aux droits et actions du tiers calomnié: il aura toujours le droit de demander la réparation des injures dont il se plaint; mais il devra, selon cet auteur, agir par action principale.

Ne vaut-il pas mieux que le tout soit terminé par une seule décision? Et quel est d'ailleurs, comme le dit Merlin, le tribunal plus à portée de juger un délit d'outrages, que celui qui en a été témoin?

La cour de Grenoble, par un arrêt du 5 avril 1827, avait, en conséquence de cette doctrine, admis l'intervention d'un tiers diffamé; mais le 9 août 1828, elle a au contraire déclaré cette intervention irrecevable, en donnant pour seul motif qu'aucune intervention ne doit être reçue que de la part de ceux qui auraient le droit Il est difficile de concilier ces deux arrêts, de former tierce opposition. Enfin, le 28 janv. quoique la cour ait essayé de le faire en disant 1832 (Sirey, t. 32, p. 644), elle a persisté dans que, dans la première espèce, la partie inter- sa dernière jurisprudence, en rejetant l'intervenante étant un avocat de la cause, injurié à vention formée par des experts dans le but raison de ses fonctions, c'était là un délit pré- d'obtenir la suppression de mémoires injutorial, dont la connaissance était réservée au rieux, produits dans la cause qui avait donné tribunal devant lequel il avait été commis; lieu à leurs opérations. Quoi qu'il en soit, l'omais il ne semble pas que cette circonstance pinion de Merlin, qui est aussi la nôtre, a été ait dù changer le principe et dénaturer la ques- consacrée par les arrêts de la cour de cassation tion. C'est là, du moins, l'avis de Merlin, Rép., des 3 brumaire et 5 messidor án x (Sirey, t. 7, t. 50, p. 222 et suiv., qui pense que les deux p. 1016), 18 prairial et 18 messidor an XII décisions auraient dû être uniformes, c'est-(Sirey, t. 4, p. 168), et 16 avril 1806, et enà-dire que, dans les deux cas, l'intervention seignée par Thomine, no 389 et 1272, et Boidevait être admise. «Il est de principe, dit-il, tard, t. 2, p. 8. Enfin, un arrêt de la cour de que continentia causæ dividi non debet, et Toulouse, du 13 mars 1839, a implicitement que, par suite, la connexité qui existe entre accueilli le même système en recevant l'indeux affaires est un motif suffisant pour áttri- tervention du tiers et en lui accordant des buer la connaissance de l'une au juge saisi de dommages-intérêts. Un autre arrêt de la même l'autre; or, rien de plus connexe que la cause cour du 7 nov. 1838 (Sirey, t. 58, p. 875), dans laquelle il a été fait à un tiers des impu- avait admis l'intervention d'un avoue qui se tations outrageantes, et la demande du tiers prétendait injurié par les mémoires de la paroutrage en reparation de ces imputations; il tie adverse. (Voy. pourtant la Quest. 1681 n'y a même pas de tribunal plus à portée d'ap- ter.)]

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[1270 quinq. Une partie qui n'a pas le droit d'intervenir peut-elle néanmoins obtenir acte d'une déclaration qu'elle fait en justice?

Le 16 mai 1812, la cour de Rennes s'est prononcée pour la négative en jugeant qu'un individu qui a reçu un acte d'appel pour un parent ne peut constituer avoué, à l'effet de conclure à ce qu'il lui soit décerné acte de sa déclaration de rétracter l'acceptation de cet exploit d'appel.

Mais le 11 juillet de la même année, dans une espèce identique, elle a décidé le contraire.

Sans critiquer cette dernière décision, nous pensons qu'elle ne doit pas tirer à conséquence, parce que vraisemblablement elle a été déterminée par des circonstances de fait. En règle | générale, les jugements n'interviennent qu'au profit des parties qui figurent dans l'instance, et ce n'est qu'à celles-ci qu'il faut reconnaître le droit de conclure et de requérir acte des déclarations qu'elles peuvent faire. Il y aurait de trop graves inconvénients à le permettre aux tiers. Indépendamment des embarras journaliers que ce système introduirait dans l'administration de la justice, à combien de sur

prises et de dangers n'exposerait-il pas la

conscience des magistrats! Gardons-nous d'offrir de telles facilités à la chicane.]

1271. Est-il des cas où l'intervention puisse étre forcée?

Les dispositions du paragraphe que nous expliquons paraîtraient supposer que l'intervention serait toujours volontaire; mais il est des cas où l'on peut forcer un tiers à interve

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nir dans un procès. Tel est, par exemple, celui où un individu, à raison de l'intérêt qu'il aurait à l'objet de la cause principale, serait recevable à former tierce opposition au jugement à intervenir dans cette cause. On l'assigne alors en déclaration de jugement commun, afin de prévenir le nouveau procès qu'il pourrait intenter en se rendant tiers opposant. (V. Merlin, Rép., vo Intervention.)

Mais ce que nous venons de dire ne suppose pas que l'action en déclaration de jugement commun doive toujours être formée incidenment; elle peut être principale, et c'est ce qui arrive quand on a omis de mettre le tiers intéressé en cause, avant la décision du procès (1).

[Favard, t. 5, p. 119, no 2, Dalloz, t. 18, p. 180, nos 1 et suiv., Thomine, no 387, et tous les auteurs avec eux reconnaissent la légalité de la procédure en déclaration de jugement commun, quoique le Code soit muet sur ce point. Nous pensons, avec Berriat, tit. de l'Intervention, § 2, qu'elle doit être intentée par exploit à domicile, mais qu'elle est dispensée du préliminaire de conciliation, toutes les autres règles de l'intervention ordinaire lui étant applicables.]

1272. Suffit-il, pour former l'intervention,

d'une requéte signifiée d'avoué à avoué, et ne faut-il pas, en outre, que cette requête soit remise à un juge, pour être répondue par le tribunal?

Quoique l'art. 339 dise seulement que l'intervention est formée par requête, sans qu'il soit ajouté, comme en plusieurs autres articles, et notamment en l'art. 406, que cette requête sera une requête d'avoué à avoué, il n'est pas

(1) La question que nous venons d'examiner exige que nous fassions connaître ce que l'on entend par demande en déclaration de jugement commun, dans quel cas elle a lieu, quels en sont les effets et la forme.

Cette demande est une action formée contre un tiers, afin de faire prononcer contre lui les mêmes condamnations que l'on poursuit, ou qui déjà ont été prononcées contre une autre partie.

Cette demande a conséquemment lieu par rapport à un jugement à intervenir, ou bien par rapport à un jugement rendu.

Dans le premier cas, elle a pour objet de forcer un tiers à se rendre partie dans une contestation pendante entre deux personnes; de sorte que, le jugement à rendre étant prononcé avec ce tiers, celui-ci ne puisse pas ensuite l'attaquer par la voie de la tierce opposition. C'est dans ce cas seulement que l'action forme un incident, en ce qu'elle produit une intervention passive ou forcée de la partie contre laquelle elle est formée.

Dans le second cas, la demande en déclaration de jugement commun a pour objet de faire prononcer qu'un jugement rendu entre deux personnes aura effet contre un tiers, de même que si ce tiers y avait été partie. Cette demande est principale, et conséquem

ment elle doit être sujette au préliminaire de conciliation, à la différence de la première, qui en est dispensée comme l'intervention. (V. suprà, art. 49.]

On a le droit d'exercer cette action toutes les fois qu'un tiers aurait droit de former tierce opposition contre un jugement rendu ou à rendre. (V. infrà, sur l'art. 474.) C'est ce qui aurait lieu, par exemple, dans le cas où une maison, possédée en indivis par plusieurs personnes, est réclamée par une autre; si celui qui réclame n'a intenté son action que contre l'un des copossesseurs, chacun des autres ayant le droit de se rendre tiers opposant pourrait être assigné en déclaration de jugement commun.

Le Code n'ayant rien prescrit sur les formes à suivre pour former cette demande, il nous semble que, dans les deux cas où elle est formée, elle doit l'être par requête, avec assignation à personne ou domicile, à laquelle on joint copie des titres. S'il s'agit de forcer le tiers à intervenir, il est nécessaire que le libellé de l'exploit lui fasse connaître l'état de l'instance dans laquelle on entend le rendre partie; si, au contraire, l'action est principale, il faut signifier le jugement que l'on prétend faire rendre commun. Du reste, lorsque cette demande est formée incidemment, elle doit être soutenue, contestée et jugée conformément aux règles de l'intervention volontaire. (V. Berriat, ib.)

LIVRE II.

douteux cependant que, l'intervention étant une demande incidente de sa nature, à fin de comparution d'un tiers dans une cause déjà engagée entre des parties qui ont nécessairement leurs avoués, c'est à ceux-ci qu'elle doit être signifiée déjà chargés de la cause, ils sont à portée de voir si l'intervention est bien ou mal fondée, et conséquemment en état d'y défendre. (V. Rodier, sur l'art. 28 du tit. XI de l'ord., Quest. 1re, Comm. inséré aux Ann. du Not., t. 2, p. 405, et Demiau, p. 248.) Cependant, Denevers (voy. Supplément, 1809, p. 40), et Hautefeuille, p. 186, disent que la cour de Colmar, par arrêt du 22 fév. 1809 (Sirey, t. 14, p. 435), a décidé que la demande en intervention ne peut être formée par requète d'avoué à avoué, attendu que la demande en intervention est une demande faite directement à la justice; que le mot requéte suppose qu'elle est destinée à lui être présentée, et qu'elle doit conséquemment être remise à un des juges, pour en être fait rapport et être répondue.

Il est essentiel de remarquer ici qu'il ne résulte point de là que la cour de Colmar ait jugé que la requête ne doit pas être faite par acte d'avoué à avoué, mais seulement qu'elle aurait décidé que l'intervention n'est formée que par la présentation de cette requête au tribunal; c'est d'ailleurs ce qui est exprimé dans l'arrêt même. On y lit, en effet, que, si la loi a voulu que la signification des requêtes fût faite d'aVoué à avoué, on ne doit pas en conclure qu'elle ait entendu dispenser les parties de les présenter à la cour ou au tribunal à qui elles sont adressées.

de la cour de Colmar ait trouvé peu d'approbateurs parmi les jurisconsultes, elle a été embrassée par la cour de Riom. dans un arrêt du 8 mai 1829 (Sirey, l. 29, p. 296). Et cependant, le 2 janv. de la même année, la même cour avait jugé le contraire. (Sirey, t. 29, p. 54.) Il est vrai qu'en déclarant recevable l'intervention formée par une requête non répondue, la cour de Riom n'avait pas cru pouvoir se contenter, pour appuyer sa décision, du motif que la loi n'exige nulle part la présentation de la requête à un juge; elle avait ajouté que, quand cette présentation serait exigée, il y avait dans l'espèce une fin de non-recevoir contre la nullité qui résulterait de l'omission de cette formalité. Mais, dans son arrêt du 8 mai, la cour a avancé que, lorsque la loi prescrit ou autorise une demande quelconque par la voie de la requête d'avoué, elle suppose nécessairement que la requête doit être suivie d'une ordonnance signée du juge. Elle avait porté la même décision par le même motif, à propos d'une requête en péremption, le 17 avril 1826. (Sirey, t. 27, p. 213. — Voy. nos questions sur l'art. 400.) Ce motif nous semble détruit par le texte des divers articles qui spécifient les cas où l'ordonnance du juge est nécessaire pour l'introduction d'une demande, l'abréviation des délais (C. de proc., art. 72, 558,1057, etc.): toujours pour des significations à faire à la partie, mais nulle part on ne lit dans le Code de proc., que, dans une instance liée, une requête d'avoué à avoué sera ordonnancée par un juge. D'ailleurs, de quelle utilité serait cette ordonnance que le juge ne serait pas maitre de refuser, puisque la partie tient directement de la loi, le droit dont elle réclame l'exercice? Frustrà impetratur à judice quod à lege conceditur.

Si le législateur eût voulu qu'on suivit cette marche, il s'en serait expliqué; il eût dit, comme le fait observer Carré, que la requête serait remise au président, qui ferait son rapport ou commettrait un des juges à cet effet : or l'art. 359 se borne à dire que l'intervention est formée par requête. D'ailleurs la loi n'exige un jugement sur l'intervention que dans le cas où elle est contestée (art. 341); dès lors com

Mais est-il bien juste de dire que l'intervention ne peut être formée qu'autant que la requète a été remise à un juge, pour en être fait rapport et être répondue? Nous ne le pensons pas, et peut-être serions-nous fondé à dire que l'usage est conforme à notre opinion. De ce que le législateur veut que l'intervention soit formée par requête, il n'en résulte pas, selon nous, que cette requête doive être répondue sur le rapport d'un juge; si la loi l'eût voulu, elle s'en fût exprimée; elle eût dit que la requête serait remise au président, qui en ferait rapport ou commettrait à cet effet un des juges.ment admettre que la requête doive être réSi, d'ailleurs, la loi n'exige un jugement sur l'intervention que dans le cas où elle est contestée (voy. art. 341), comment admettre que la requête doive être répondue à l'audience? Aussi nul des commentateurs du Code n'a-t-il donné de décision semblable à celle de la cour de Colmar. (Voy. nos questions sur les articles 364, 492 et 493) (1).

[Quoique la doctrine consacrée par l'arrêt

(1) Remarquons qu'il n'est pas besoin d'autant de requêtes d'intervention qu'il y a d'instances liées entre

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pondue à l'audience? La raison indique assez que c'est aux avoués qu'elle doit être signifiée; car l'intervention est une demande incidente de sa nature, et qui se rattache à une instance déjà engagée; les avoués de la cause ont besoin de la connaître puisqu'ils doivent y défendre. Aussi l'usage général est-il contraire à cette doctrine. Pigeau, Comm., t. 1, p. 600, en donne une raison plus péremptoire encore

les parties principales. (Rennes, 15 mai 1812, [ et 14 août 1811.)]

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