Page images
PDF
EPUB

ratione materiæ: or, dans le cas d'une telle incompétence, il n'y a d'autre voie à suivre que celle du déclinatoire. "

Nous n'admettons pas ce principe. Pigeau, Comm., t. 1, p. 635, enseigne avec raison, que le règlement de juges a lieu dans le cas des deux incompétences, personnelle ou matérielle.

Et pourquoi n'aurait-il pas lieu? est-ce qu'il ne peut pas arriver que le déclinatoire ne soit point admis? On a, il est vrai, la ressource de l'appel. Mais si les deux tribunaux ne dépendent pas de la même cour, cette ressource est illusoire. Le conflit peut s'établir entre les deux cours comme entre les tribunaux inférieurs. Enfin, n'est-il pas dans l'esprit de la loi, lorsqu'elle offre aux parties la voie du règlement de juges, de leur éviter les lenteurs et les incertitudes de la procédure à laquelle Foucher veut les soumettre? Nous croyons donc certain que les parties ont l'option entre ces deux voies, comme l'enseigne Carré, Quest. 728, sur l'art. 171, C. proc.

Passant à la connexité, Foucher fait observer que si elle suffit pour donner lieu au règlement de juges entre deux tribunaux civils, il n'en peut être de même lorsque l'un des deux est un tribunal consulaire; parce que, bien qu'il puisse y avoir des rapports entre l'une et l'autre cause, elles n'en doivent pas moins être jugées séparément à cause de leur nature diverse, commerciale et civile. Le mode de procéder est différent devant les deux juridictions, d'autres principes y sont admis, la qualité des parties n'y est plus souvent la même. Le renvoi des deux affaires devant l'une des deux juridictions saisies, aurait, dit-il, pour résultat de confondre tous

(1) Nous ferons observer ici qu'une fois le règlement prononcé, la voie du déclinatoire ne serait plus admise; car ce qui a été décidé irrévocablement par l'autorité compétente ne saurait être remis en question. Il y a, d'ailleurs, une foule de cas dans lesquels l'autorité qui aurait prononcé le règlement se trouverait être celle-là même qui serait chargée de statuer sur l'appel du jugement intervenu sur le déclinatoire proposé après Ja prononciation du règlement; or cette autorité ne pourrait se réformer.

Mais supposons qu'au lieu de demander d'abord le règlement de juges, on cût opposé un déclinatoire qui eût été rejeté sur l'appel; n'en résultera-t-il pas que la cause sera pendante en deux tribunaux? Ne pourra1-on pas alors recourir au règlement de juges?

Nous ne pensons pas, ainsi que nous l'avons dit sur la 728e Quest., que cette faculté soit accordée à la partie qui a succombé sur l'appel, si toutefois le tribunal, qui aurait décidé sur cet appel que les premiers juges garderaient la connaissance de l'affaire, était aussi celui auquel on devrait porter la demande en règlement de juges. Ici notre opinion est fondée sur cette raison, que nous avons déjà donnée, qu'un tribunal ne peut se réformer lui-même.

Il en serait autrement, si le tribunal d'appel n'était pas le même que celui auquel le règlement de juges devrait être demandé. [Carré, comme on le voit, se

ces principes et de faire juger par le tribunal civil des matières commerciales, ou rice versa. Cette seconde partie de l'opinion de Foucher, nous paraît admissible. (Voy. notre Quest. 1527.)]

1322. Dans tous les cas où la même affaire ou une affaire connexe se trouve soumise à deux tribunaux différents, est-on nécessairement obligé de former une demande en règlement de juges?

Nous croyons que deux voies se présentent à la partie qui ne veut plaider qu'en un seul tribunal: premièrement, elle peut proposer son déclinatoire, et appeler, en cas de rejet (voy. art. 454); secondement, elle peut former sa demande en règlement de juges devant l'autorité compétente (1).

[Cette opinion, partagée avec raison par Pigeau, Comm., t. 1, p. 634, et Thomine, no 414, a été consacrée par un arrêt de la cour de Nanci, du 26 avril 1827, qui décide que la voie du règlement n'est point forcée, mais facultative.] 1323. Le Code de procédure a-t-il dérogé à la disposition de l'ordonnance de 1757, qui autorise la partie qui a été déboutée d'un déclinatoire par elle proposé, sans qu'il y ait eu conflit entre deux tribunaux, à se pourvoir en reglement de juges devant la cour de cassation?

L'art. 19 de l'ordonnance de 1737, porte que la partie qui aura été déboutée d'un déclinatoire par elle proposé dans la cour ou dans la juridiction qu'elle prétendra incompétente, et de la demande en renvoi dans une autre cour ou dans une juridiction d'un autre res

range ici à l'opinion par laquelle nous avons essayé de modifier sa solution, sur le no 728.]

Mais si l'on a, pour éviter de plaider devant deux tribunaux, les deux voies que nous venons d'indiquer, nous devons avertir de l'inconvénient que pourrait entrainer la préférence donnée au déclinatoire sur le règlement; c'est qu'il se pourrait que celui des deux tribunaux, relativement auquel la demande en renvoi, ou, en cas de rejet, l'appel n'est point suspensif, continuat d'instruire et passât au jugement; que, d'un autre côté, le demandeur en renvoi ayant succombé dans son appel, fût obligé de soutenir une seconde fois le même procès devant le tribunal qu'il aurait voulu décliner. L'on doit conclure de là que deux ou plusieurs tribunaux étant une fois saisis d'un différend, la demande en règlement est le plus sûr parti qu'on puisse prendre.

Mais lorsque, sur le déclinatoire proposé par l'une des parties, les premiers juges se sont dépouillés de la connaissance du procès, le défendeur au déclinatoire ne peut se pourvoir en règlement de juges. En ce cas, la voie d'appel est la seule qui lui soit ouverte. (Cass., 25 therm. an XII; Sirey, t. 7, p. 879, et 16 brum. an xi!!; Sirey, t. 7, p. 980, 1165 et 1012.)

[La raison en est frappante; c'est qu'alors il n'y a plus de conflit, l'un des deux tribunaux s'étant dessaisi.]

sort, pourra se pourvoir au conseil (aujourd'hui ¡ t. 25, p. 196, et 30 mai 1827, Sirey, t. 27, cour de cassation). p. 425.-V. infrà, notre Quest. 1526 quater.) C'est par suite du même principe que la cour de Paris avait jugé le 23 therm. an xII (Dalloz, t. 5, p. 282; Sirey, t. 7, p. 944), qu'il n'y a pas lieu à règlement de juges lorsqu'il s'agit de la compétence respective de deux tribunaux qui appartiennent à des puissances indépendantes.] 1324. Mais la demande en règlement serait

Il est évident qu'en ce cas il n'existe point de conflit entre deux tribunaux, puisqu'un seul est saisi de la contestation; or, l'art. 363 suppose un tel conflit : cet article est donc étranger au cas prévu par l'ordonnance, qui n'a subi aucune dérogation, et qui, conséquemment, doit être suivie. Par suite de conséquences, il y a lieu à se pourvoir en règlement de juges devant la cour de cassation, ainsi qu'elle l'a décidé par arrêt du 30 juin 1807.

elle recevable, ainsi qu'il vient d'être dit, si le jugement qui aurait rejeté le déclina toire avait statué sur le fond?

Non, parce que l'article de l'ord. de 1757, cité sur la précédente question, n'autorise les parties déboutées du déclinatoire proposé par elles devant des tribunaux de première instance ou d'appel, à se pourvoir en règlement de juges à la cour de cassation, qu'autant qu'il a été statué sur le déclinatoire seulement, et que le fond est à juger; le règlement de juges suppo

ultérieurement. (V. Cass., 21 niv. an XIII, et 22 vend. an XIV, 50 juin 1807; Dalloz, t. 5, p. 276; Sirey, t. 8, p. 229; 17 mars 1812, 7 août 1817; Dalloz, t. 5, 278; Sirey, t. 19, p. 68.)

Et cette décision n'est pas spéciale au cas de règlement de juges qu'autorise l'art. 19 de l'ord. de 1757; elle s'étend aussi à celui auquel donnent lieu les conflits prévus par l'art. 365, C. proc., en sorte qu'on ne peut plus se pourvoir par cette voie, lorsque l'un des deux tribunaux saisis a statué sur le fond par jugement passé en force de chose jugée (cass. 14 fév. 1828; Sirey, t. 28, p. 573); à plus forte raison lorsque tous les deux ont rendu ce jugement sur le fond. (Cass., 25 mai 1815. Dalloz, t. 5. p. 294, Sirey, t. 15, p. 596, et 17 juill. 1823.) Favard, t. 4, p. 794, no 3, et p. 795, no 3, et Thomine, no 416, enseignent la même doctrine. Ce dernier auteur ajoute, avec raison, que dans le cas où les deux tribunaux ont jugé différemment le fond, il ne reste plus que la voie de cassation, pour contrariété de jugement, suivant l'art. 504, C. proc. civ.

[Deux nouveaux arrêts de la cour de cassation ont consacré la même doctrine; ils sont sous les dates des 20 janv. 1818 (Dalloz, t. 5, p. 445; Sirey, t. 18, p. 211), et 14 mars 1826 (Sirey, t. 26, p. 409). Elle est embrassée d'ailleurs par Favard, t. 4, p. 795, no 4, et Dalloz, t. 5, p. 276. Favard et Carré, loc. cit., Lois de la compét., font observer qu'il en résulte cette singularité, que, dans cette hypothèse sans doute unique, notre législation admet trois de-sant nécessairement des contestations à décider grés de juridiction; car l'art. 19 de l'ordonnance permet de former le pourvoi en règlement, non-seulement après le jugement qui rejette le déclinatoire, mais encore après le rejet de cette même exception, par arrêt soit infir- | matif, soit confirmatif de la décision des premiers juges. (Cass., 24 vend. an x, et 12 vend. an x1; Dalloz, t. 10, p. 441; Sirey, t. 3, p. 21.) Cet arrêt fut rendu sur les conclusions conformes de Merlin (voy. Quest., v° Domicile, § 4). Mais comme la disposition de l'ord. de 1737 sur laquelle elle s'appuie doit être restreinte dans ses termes, il s'ensuit que la faculté du règlement n'est accordée qu'à la partie qui demande son renvoi devant une autre cour supérieure, ou devant un tribunal dépendant d'un autre ressort; ainsi que l'a jugé la cour de cassation, le 19 juill. 1828 (Manuel de la cour de cassation, de Godard de Saponay, p. XLVI, édit. de Tarlier, et Bull. de cass. de Belgique, t. 1er, p. XLVI de l'introduction); si la juridiction devant laquelle le renvoi serait demandé était dans le même ressort, on n'aurait d'autre recours que celui de l'appel et du pourvoi en cassation suivant les formes ordinaires, formes à la vérité beaucoup plus longues et plus coùteuses que celles du pourvoi en règlement de juges; c'est au reste ce que la même cour a décidé le 15 avril 1817 (Dalloz, t. 5, p. 282; Sirey, t.17, p. 231), et le 28 déc. 1829 (Sirey, t. 50,p.12). Remarquons que la cour de cassation ne puisant son pouvoir, pour le renvoi d'un tribunal à un autre ressortissant de deux cours différentes, que dans la juridiction et la suprématie qui lui appartiennent sur tous les corps qui font partie de l'organisation judiciaire du royaume, il s'ensuit qu'on ne peut s'adresser à elle par la voie du règlement pour faire renvoyer devant l'autorité administrative ou devant un tribunal étranger.(Cass., 25 janv.1825, Sirey, CARRÉ, PROCÉDURE CIVILE. TOME 111.

On décide même que la voie du règlement est interdite, lorsque les deux demandes sont devant divers tribunaux, l'une en première instance, l'autre en degré d'appel, parce qu'alors le défendeur peut opposer que le fond a déjà reçu jugement dans l'un des tribunaux. (Cass., 14 juin 1815; Dalloz, t. 5, p. 295; Sirey, t. 16, p. 270.)

Le jugement sur le déclinatoire, lorsqu'il est passé en force de chose jugée, élève également une fin de non-recevoir contre la demande en règlement : la cour de cass. l'a ainsi jugé, le 30 janv. 1817 (Dalloz, t. 5, p. 279; Sirey, t. 17, p. 111); le contraire a lieu en matière de conflit négatif. (Voir la Quest. 1319ter, suprà.) Mais l'adjudication préparatoire d'un immeu

13

ble saisi n'étant pas un jugement définitif sur l'instance en saisie immobilière, il s'ensuit que lorsqu'elle a eu lieu dans l'un des deux tribunaux où cette instance se poursuit simultanément, elle n'est pas attributive de juridiction et ne forme pas obstacle à une demande en règlement de juges. (Cass., 25 avril 1832; Sirey, t. 32, p. 378.)

1325. Cette règle doit-elle recevoir son application, même dans le cas où la partie n'aurait pas contesté sur le fond?

Un arrêt de la cour de cassation du 17 mars 1812 (Sirey, t. 12, p. 304) suppose nécessairement la négative, puisqu'il déboute le demandeur en règlement, attendu qu'il avait, en cause d'appel, contesté sur le fond, au lieu de se borner au déclinatoire, comme il l'avait fait en première instance; d'où suit évidemment que, s'il n'avait pas élevé cette contestation, la cour ne lui eût pas appliqué la règle ci-dessus posée. D'un autre côté, la question a été formellement résolue dans le même sens, par un autre arrêt du 20 juill. 1815 (Sirey, t. 15, p. 379), lequel déclare que le droit de se pourvoir en règlement de juges ne peut être enlevé par un tribunal qui prononcerait sur le fond, auquel le demandeur en renvoi n'avait ni conclu ni plaidé. Mais un arrêt intermédiaire rendu par la même cour, le 12 juill. 1814 (Sirey, t. 14, p. 172), déclare que la régie qui autorise à »se pourvoir en règlement de juges, lorsque » l'exception d'incompétence a été rejetée, ne s'applique pas au cas où la contestation a été, >> en même temps que la compétence, jugée au » fond, tant en première instance qu'en appel, » attendu qu'il ne peut plus y avoir lieu à rè» glement de juges, toutes les fois qu'il n'y a » plus de contestation à juger. »

[ocr errors]

Sur cet arrêt, Sirey fait observer qu'il a été rendu dans une espèce où le demandeur en renvoi n'avait aucunement défendu au fond, et n'avait point étendu au mal jugé l'appel qu'il avait interjeté.

Si cette observation était entièrement exacte, il y aurait une opposition formelle entre cet arrêt et celui du 20 juillet 1815. Mais nous remarquons que le demandeur en règlement avait interjeté appel tant du jugement qui avait prononcé sur le déclinatoire, que du jugement qui avait statué sur le fond: alors peu importait qu'il eût ou non défendu au fond, puisqu'il avait saisi la cour de la contestation, par cet appel au fond.

Au contraire, dans l'espèce de l'arrêt de 1815, l'affaire n'était pas en appel, et le demandeur en règlement n'avait point conclu au fond. Il n'y a donc aucune contradiction entre les différents arrêts que nous venons de citer; ils sont conformes aux principes, et avertissent une partie qui a opposé un déclinatoire en première instance, qu'elle doit se borner à ap

peler du jugement, ou de la disposition du jugement qui prononce sur le déclinatoire, pour, en cas de rejet, obtenir règlement devant la cour de cassation.

[Un autre arrêt de la cour de cass., du 8 juillet 1814 (Sirey, t. 15, p. 15), a encore jugé dans le même sens. Nous approuvons ces decisions, avec Favard, t. 4, p. 794, no 5.] 1326. Ne doit-on recourir au règlement de juges, conformément à l'art. 363, qu'autant que la cause serait pendante à deux tribunaux non ressortissant à la méme autorité supérieure?

Autrement Ne doit-on pas se borner à opposer le déclinatoire, lorsque la cause est pendante à deux tribunaux ressortissant à la même autorité supérieure?

Delaporte, t. 1, p. 534, et les auteurs du Comm. inséré aux Ann. du Not., t. 2, p. 435, enseignent que, si la cause est pendante à deux tribunaux ressortissant à la même autotorité supérieure, il y a lieu de proposer le déclinatoire, et non de recourir au règlement de juges. Ils n'admettent le conflit que dans le cas où deux tribunaux indépendants, et qui ne ressortissent pas à la même autorité, s'obstinent à retenir la même affaire.

Mais les tribunaux de première instance sont indépendants les uns des autres, quoique dans le ressort de la même cour d'appel; et, s'ils sont dans celui de deux cours différentes, ne sont-ils pas soumis, pour ce qui concerne la demande en règlement de juges, au même supérieur commun, à la cour de cassation?

La loi nous semble repousser la distinction des auteurs que nous venons de citer; et toutes les fois qu'il y a lieu de demander le règlement, on peut, à la vérité, essayer de l'obtenir par la voie du déclinatoire, en courant les risques que nous avons indiqués dans la 1322° Quest., à la note, mais on peut aussi former directement la demande en règlement de juges, conformément à l'art. 363.

[La doctrine de Carré est aussi celle de Pigeau, Comm., t. 1, p. 653, de Demiau, p. 271, de Favard, t. 4, p. 797, n° 1, de Thomine, n° 414, et la nôtre.]

[1326 bis. Si le conflit existe entre deux tribunaux de degré inégal, par exemple entre un juge de paix et un tribunal civil de première instance, par qui doit-il étre statué?

Un arrêt de la cour de Rouen du 5 fév. 1818 (Sirey, t. 18, p. 129), a décidé que, dans ce cas, c'était à la cour de cassation et non à la cour d'appel à vider le conflit. Le motif sur lequel se fonde cet arrêt, est pris de ce que la cour royale n'a pas une égale juridiction sur les deux tribunaux en conflit, puisque l'un relève d'elle pour les appels tandis que l'autre,

le juge de paix, n'en ressortit point; et la même doctrine est enseignée par Dalloz, t. 5, p. 276. Par une extension de ce principe, quelques personnes ont prétendu que le conflit entre deux tribunaux ressortissant de la même cour ne pouvait être vidé que par la cour de cassation, lorsqu'il s'agit d'une affaire non sujette à l'appel; parce qu'alors les tribunaux ne relèvent plus de la cour, qu'ils ont une juridiction souveraine, et que leurs sentences ne peuvent être attaquées que par le pourvoi en cassation.

[ocr errors]

C'est à la cour de cassation qu'il appartient de faire cette désignation, comme elle l'a jugé elle-même, les 5 déc. 1815 (Sirey, t. 16, p. 146), 8 avril 1818 (Dalloz, t. 2, p. 95, Sirey, t. 22, p. 217), 4 déc. 1821, 1er avril 1823 (Sirey, t. 25, p. 255), et 18 janv. 1825.)] [1326 quater. Y a-t-il lieu à règlement de juges par la cour de cassation, lorsque le conflit s'élève entre le pouvoir judiciaire et l'administration?

Cette question a toujours été décidée pour Cette raison nous paraît en opposition di- la négative, lorsqu'il s'agit d'un conflit positif. recte avec l'une des dispositions de l'art. 365. On peut voir notamment les arrêts des 14 Ne prévoit-il pas en effet le cas où le conflit a germ. an x1, 8 vent. an XII, 22 vend, an xiv, lieu entre deux juges de paix non ressortissant 26 nov. 1806 et un décret du 21 sept. 1810 du même tribunal? Est-ce à la cour de cassa-(Dalloz, t. 5, p. 272; Sirey, t. 4, p. 125). L'artion que la connaissance en est attribuée? Non, rêt du 22 vend. an xvi est surtout remarquac'est à la cour royale; et pourtant aucun des ble, en ce que le grand juge lui-même avait deux juges de paix ne ressortit de cette cour; déféré à la cour de cassation la décision du leurs décisions ne peuvent jamais lui être dé- conflit existant entre les deux autorités, ce qui ne l'empêcha pas de se déclarer incompétente. (Voy. suprà, la Quest. 1323 in fine.)

férées.

On voit donc que c'est aux rapports hiérarchiques des tribunaux entre eux et non pas à la circonstance que l'un relèverait immédiatement de l'autre pour les appels de ses jugements, que la loi s'est attachée pour attribuer la juridiction de conflit. Il faut en conclure, contrairement aux opinions mentionnées plus haut, que cette juridiction n'appartient pas moins à la cour royale, lorsque le conflit existe entre deux tribunaux de son ressort, encore que l'un soit plus élevé en degré que l'autre, encore que, relativement à la contestation qui pend a juger, l'un des deux ou tous les deux soient juges souverains.

à

Mais, en matière criminelle, les principes ne sont pas les mêmes. Il existe à cet égard des règles spéciales tracées par les art. 526 et 540, C. crim., et développées par la jurisprudence. (V. Dalloz, vo Règlement de juges, et deux nouveaux arrêts de cassation des 30 mars et 16 fév. 1837.)

C'est donc au conseil d'État qu'il appartient de statuer, comme le font observer Pigeau, Comm., t. 1, p. 635, Favard, t. 4, p. 793 et yo Conflit, Thomine, no 417, et Carré, Lois de la Compét., 2o part., liv. II, tit. V, art. 297 (1).

Une ordonnance du 1er juin 1828 (Sirey, t. 28, p. 321), determine les cas où cette espèce de conflit peut être élevé et les formes qui doivent être suivies.

Il est de jurisprudence constante au conseil d'État, qu'avant de l'élever, le préfet doit proposer le déclinatoire devant les tribunaux ; c'est une formalité qui ne peut être supplééé par l'exception d'incompétence proposée par les parties elles-mèmes. (Ordonn. des 26 mai et 2 juin 1837.)

Toutefois, lorsque le conflit est négatif, c'est-à-dire lorsque le pouvoir judiciaire et le pouvoir administratif se déclarent respectivement incompétents, la partie qui pense que les tribunaux civils sont incompétents a le choix [1326 ter. Y a-t-il lieu à règlement de ju- de se pourvoir devant le conseil d'État en règes, lorsque, depuis l'introduction de l'in-glement de juges, ou de demander à la cour stance, le tribunal auquel elle avait été de cassation l'annulation de l'arrêt qui a proportée cesse de faire partie du royaume? noncé l'incompétence. De Cormenin, yo Con, Oui; il est nécessaire alors de désigner le tri-fits, énumère avec soin les diverses posibunal ou la cour devant lesquels l'instance tions dans lesquelles peuvent se trouver les sera continuée, et les décisions que rendrait le parties sur un conflit négatif.] tribunal étranger n'auraient aucune valeur entre les parties demeurées françaises, si toutefois il ne s'agissait pas d'une matière réelle dont la situation de l'objet litigieux eût attribué la connaissance aux juges premiers saisis.

(1) [* D'après la constitution belge, art. 106, c'est la cour de cassation qui prononce sur les conflits d'attributions, d'après le mode réglé par la loi. Cette loi, dont le besoin ne s'est guère fait sentir, grâce au

[1326 quinquies. Quel est le tribunal qui doit rester saisi ?

Cette question étant plutôt du domaine de la compétence que de celui de la procédure, il

principe de nos institutions qui ont rendu à chaque pouvoir ses justes prérogatives, n'a pas encore été soumise à la législature.]

LIVRE II. —

n'entre pas dans notre plan de la traiter. Nous | bunal. Nous pensons que, dans l'espèce de nous bornerons à renvoyer nos lecteurs à Dal- l'art. 564, bien différente de celle qui a fait loz, vo Règlement de juges. l'objet de notre 1272° Quest., en ce que la partie adverse n'est point encore assignée, on peut, ou suivre l'opinion de Hautefeuille, ou remettre la requête au greffe.

Au reste, les notions les plus simples sur ce point sont celles que donne Pigeau, Comm., t. 1, p. 639. Il faut suivre, dit-il, les règles de la compétence, de la connexité ou de la litispendance, selon que la demande en règlement est fondée sur une incompétence, une connexité, ou une litispendance. Ces règles ont été déjà exposées sous leurs articles respectifs.]

ART. 364. Sur le vu des demandes formées dans différents tribunaux, il sera rendu, sur requête, jugement portant permission d'assigner en règlement, et les juges pourront ordonner qu'il sera sursis à toutes procédures dans lesdits tribunaux.

Tarif, 78. [Tar. rais., nos 276 et 277.] - Ord. de 1669, tit. II, art. 4 et 5, et art. 7 et 8 de celle de 1737, suprà, art. 65. - [Devilleneuve, vo Règlement, no. 32 Carré, Compétence, 20 part., liv. II, tit. V, art. 296.-Locré, t. 9, p. 240.]—(Voy. FORMULES 319, 320 et 321.)

et 33.

CCCIV. La demande en règlement de juges, non sujette à l'essai de conciliation, est d'abord formée par une requête que le demandeur présente au tribunal ou à la cour qui doit connaître du conflit. Cette requête, appuyée des pièces justificatives, est répondue par un jugement portant permission d'assigner: le même jugement peut ordonner qu'il sera sursis à toute poursuite et procédure, tant sur l'une que sur l'autre des demandes en conflit; ce qui ne manque jamais d'arriver, quand les juges entrevoient que la demande en règlement est sérieuse.

1327. La requête par laquelle la demande en règlement est formée doit-elle étre lue en audience publique?

Puisque la permission d'assigner en règlement de juges doit être accordée par jugement, aux termes de l'art. 364, il faut que la lecture de la requête soit faite à l'audience publique, et que les juges délibèrent sur cette requête de la même manière qu'ils le font pour une cause qui est plaidée devant eux. (V. Comm., Ann. du Not., t. 2, p. 436.)

[Ne suffirait-il pas que, remise au président ou à l'un des juges, celui-ci en fit le rapport à l'audience, comme le dit Favard, t. 4, p. 797, n° 1?]

1328. Comment le tribunal est-il mis à

portée de statuer sur la requéte?

On est dans l'usage, dans quelques tribunaux, de laisser donner lecture de cette requête par l'avoué qui l'a souscrite; dans d'autres, et c'est l'opinion de Hautefeuile, p. 196, cette requête est remise au président, qui en fait part au tri

[Ceci confirme l'observation que nous venons de faire sur la précédente question.] 1329. La requête doit-elle être communiquée au ministère public?

Les auteurs du Comm. inséré aux Ann. du Not., t. 2, p. 456, disent qu'encore bien que l'art. 83, § 4, veuille que le ministère public porte la parole dans les causes en règlement de juges, son intervention serait inutile dans le jugement dont il s'agit en l'art. 364, parce qu'il n'a pour objet qu'une voie préparatoire pour parvenir à l'instance à laquelle la demande en règlement doit donner lieu.

Nous remarquerons que l'art. 83 ne distingue pas, et qu'il peut exister des raisons pour lesquelles le ministère public pourrait s'opposer, soit à l'assignation au règlement, soit au sursis qui serait demandé par la requête.

Aussi, la plupart des auteurs disent-ils que la requête est communiquée au ministère public, qui met au pied la déclaration de n'entendre empêcher ou de s'opposer. (Voy. Pigeau, t. 1, p. 119, no 148, Hautefeuille, p. 196.)

[C'est aussi, et avec raison, l'opinion de Pigeau, Comm., t. 1, p. 656, Favard, t. 4, p. 797, no 1, et Thomine, no 417.]

1330. Les juges auxquels la requête est présentee peuvent-ils refuser la permission d'assigner en règlement?

Selon Demiau, p. 272, il suffit qu'on exhibe différend est soumis à plusieurs tribunaux, au tribunal deux exploits qui établissent qu'un pour qu'il soit obligé, sur ce seul fait, d'accorder la permission d'assigner devant lui en règlement de juges. Cet auteur se fonde sur ces termes impératifs de l'article: il sera rendu jugement.

Nous croyons bien aussi que le tribunal est obligé d'accorder la permission d'assigner, lorsqu'on lui présente deux exploits de demande qui établissent clairement qu'un même différend se trouve soumis à deux ou à plusieurs tribunaux. Décider autrement, ce serait prononcer arbitrairement et contre la disposition textuelle de la loi; mais il n'en est pas moins vrai que le tribunal peut refuser la permission d'assigner, s'il est convaincu, à l'inspection des deux exploits, qu'il ne s'agit pas, soit d'une même demande, soit d'une demande essentiellement connexe à une autre (1).

(1) C'est par cette considération surtout, que nous avons résolu d'une manière affirmative la question qui

« PreviousContinue »