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ment à l'appel, qu'afin de mettre l'avoué à portée de faire, sur l'exécution de ce jugement, les actes que la loi exige de cet officier ministériel, en l'obligeant, par l'art. 1058, à occuper sur l'exécution des jugements définitifs, lorsqu'elle a lieu dans l'année de la prononciation; qu'ainsi l'on doit décider, comme l'a fait la cour de Liége, par l'arrêt cité sur notre Question 610, que l'art. 147 ne concerne que l'exécution des jugements, et n'a aucun rapport au cours des délais de l'appel (1).

[Nous avons développé notre opinion, contraire à celle de Carré, sous le n° 608 bis. (Voyez aussi notre Quest. 613.)]

1559. Si plusieurs parties ont obtenu un jugement conjointement, et si l'une d'elles seulement en fait faire la signification, cette signification profite-t-elle aux autres, en faisant courir en leur faveur le délai d'appel?

La cour de cassation a prononcé négativement sur cette question, le 17 prair. an XII (Dalloz, t. 2, p. 91, et t. 6, p. 583; Sirey, t. 4, p. 713), en déclarant que les parties qui n'avaient pas fait signifier le jugement ne pouvaient se prévaloir des diligences faites par celle qui l'avait obtenu conjointement avec elles.

Il faut remarquer que cet arrêt, rapporté par Coffinières, dans la Jurisp. des cours souv., a été rendu par application de l'article 14 du tit. III de la loi du 23 août 1790. Mais, comme le fait observer cet arrêtiste, l'art. 443, C. proc., fixe également le délai d'appel à trois mois du jour de la signification du jugement; d'où l'on peut conclure que la question ci-dessus posée serait résolue de la même manière (2).

[Voir nos observations sur la Quest. 1565.]|

1560. Lorsqu'un jugement est rendu contre

une compagnie, et qu'il n'est signifié qu'au gérant de cette compagnie, le délai d'appel court-il contre chacun des associés?

Les auteurs du Comm. des Ann. du Not., citent un arrêt de la cour de Paris du 25 mai 1809, qui a décidé que la signification faite au gérant d'une compagnie contre laquelle le jugement était rendu produisait le mème effet que si elle était faite à chaque associé en particulier; que par conséquent les trois mois d'appel couraient, contre chacun d'eux, à compter du jour de cette signification.

les principes à l'aide desquels cette question [On trouve, t. 1, p. 327, Quest. 287 bis, doit être résolue; il en résulte que, si la compagnie defenderesse est une société civile, la chacun de ses membres, qu'autant qu'ils ont signification ne peut être valable vis-à-vis de reçu individuellement la copie. On décide autrement à l'égard d'une société commerciale, parce que celle-ci, étant un être collectif, peut recevoir collectivement, sous la raison sociale ou sous le titre anonyme qui la distingue, toutes les significations qui l'intéressent.

Un arrêt de la cour d'Orléans du 16 déc. 1813, range sur la mème ligne les sociétés contractées pour un seul objet de commerce, et que l'on nomme sociétés en participation. Ces sociétés n'ayant point de titre connu ne nous semblent pas constituer un être moral; conséquemment nous ne pensons pas qu'elles puissent recevoir collectivement la signification d'un jugement. Il est vrai que, prévoyant cette difficulté, et s'appuyant, d'un côté, du § 6 de l'art. 69, qui permet de laisser la copie au domicile de l'un des associés, et, de l'autre, de cette considération, que la décision d'un procès est un objet pour lequel les parties ont un seul et même intérêt, la cour d'Orléans décide que la signification peut être faite en

(1) Cette opinion est aussi celle de Berriat. Le système adopté par la cour de Liége, dit-il, note 42, parait plus conforme, soit aux principes, soit à la loi, puisqu'elle ne parle point de la signification préalable à avoué.

Ainsi, nous persistons dans l'opinion que nous avons émise sur la Quest. 610. Mais nous ajouterons que Berriat l'appuie d'un autre arrêt, qui est celui de la cour de Riom du 27 déc. 1800. A ce sujet, nous remarquerons que cet arrêt n'a pas décidé la question, puisque, dans l'espèce, il était constant que la signification avait été faite à l'avoué; il a seulement prononcé que celle qui avait eu lieu à personne ou à domicile, faisait courir le délai, encore bien qu'elle ne contint pas mention de la première. (Voy. Quest. 613.) Nons ajouterons qu'il faut que la signification ait lieu à la requête de la partie qui a obtenu le jugement, et non à la requête de l'avoué (Brux., 12 janv. 1812; Sirey, t. 14, p. 561; Dalloz, t. 2, p. 114); et que, dans ce cas-là même, elle ne ferait pas courir le délai, si l'exploit ne contenait pas ia mention expresse que le juge

ment a été signifié, et que la copie en a été laissée à la partie. (Cass., 3 nov. 1818; Sirey, t. 19, p. 129; Dalloz, t. 2, p. 399.)

[Cependant, nous ferons observer, avec Berriat, De quelques Règles générales de la procédure, note 11, no 1, que le mot signification ne nous paraît pas sacramentel; il suffit qu'on fasse mention que copie a été laissée. C'est ce qu'a jugé la cour de cass., le 19 nivose an XII (Sirey, t. 4, p. 59. — Voir nos questions sur l'art. 68).]

(2) Il est à remarquer qu'un arrêt de la même cour du 28 déc. 1808 (Merlin, Répert., vo Signification, p. 226), consacre une exception, relativement à la signification d'un jugement d'ordre. Cet arrêt a décidé que cette signification, faite à requête du créancier poursuivant aux divers créanciers qui s'étaient présentés à l'ordre, fait courir le délai de l'appel pour et contre chacun d'eux respectivement, parce que le créancier poursuivant l'ordre est, exclusivement à tout autre, chargé de tous les actes nécessaires pour parvenir à la confection de l'ordre, etc.

une seule copie à l'un des associés en participation.

Le premier de ces arguments porte à faux; car ce ne sont pas les associés que l'art. 69, § 6, permet d'assigner au domicile de l'un d'eux, mais bien la société : or, la société en participation, n'existant pas comme personne civile, ne peut être assignée. Ce sont les associés qui doivent l'être personnellement, ce sont eux qui doivent recevoir la signification du jugement qui les condamne; ce qui n'aura certainement pas lieu, si un seul la reçoit.

Quant au second argument, il est sans force. Qu'importe en effet que tous les associés aient un semblable intérêt à la décision du procès? Si cet intérêt n'est pas indivisible, rien ne s'oppose à ce qu'il soit jugé séparément et différemment à l'égard de chacun d'eux.]

[1560 bis. Quia qualité pour faire la signi

fication et pour la recevoir ? (1).

Pour faire la signification et pour la recevoir valablement, il faut avoir la libre administra

tion de ses biens.

Ainsi le mineur ne peut, en son propre nom, signifier le jugement qu'il a obtenu, ni recevoir la signification de celui que son adversaire a obtenu contre lui. Son tuteur a seul capacité pour cela; encore la signification qui

serait faite à celui-ci ne serait-elle valable

qu'autant qu'elle l'aurait été en même temps au subrogé tuteur. (Voir nos questions sur l'art. 444.)

De même le mineur émancipé, le prodigue, la femme mariée ne peuvent, seuls, faire ni recevoir toutes les significations: ils doivent, suivant les cas déterminés par la loi, agir et être actionnés conjointement avec leur curateur, leur conseil, leur mari. (Voy. notre Quest. 1591.)

Voici en outre quelques applications particulières du principe :

1° Un émigré ne pouvait former valablement une action judiciaire; ainsi, la signification à sa requête d'un jugement qu'il avait obtenu ne faisait pas courir les délais d'appel (cass. 25 nov. 1808; Sirey, t. 8, p. 537);

nistra

2o Le failli, étant dessaisi de l'administration de ses biens, semblerait ne pouvoir faire non plus aucune signification. Mais l'incapa cité qui le frappe n'est que relative, les créanciers de la faillite peuvent l'invoquer, les tiers n'en ont pas le droit (Lyon, 25 août 1828; Sirey, t. 29, p. 15);

5 Pour que la notification faite à la mère remariée et à son nouveau mari d'un jugement

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rendu contre un enfant mineur de la première, soit valable et efficace, il faut justifier que, depuis son nouveau mariage, la mère a été réélue tutrice (Paris, 10 mai 1810; Dalloz, t. 24, p. 206; Sirey, t. 15, p. 146);

4° Lorsqu'un mineur a, dans un procès, des intérêts distincts de ceux de son tuteur, le jugement pour faire courir les délais d'appel contre l'un et l'autre, doit être signifié au tuteur, tant en son nom personnel qu'en sa qualité de tuteur (cass., 50 mars 1825; Sirey, t. 25, p. 419);

5o La signification d'un jugement au syndic ou directeur d'une union de créanciers ne fait pas courir les délais de l'appel contre les créanciers qui n'ont pas accédé au contrat d'union (cass., 11 therm. an XII);

6° Sous l'empire de la loi du 6 brum. an v, pour qu'une signification de jugement faite à un militaire absent pût faire courir les délais d'appel, il n'était pas nécessaire qu'elle fût précédée d'un cautionnement, comme pour l'exécution. (Cass., 19 déc. 1826; Sirey, t. 27, p. 68.)

Mais nous pensons que si un changement rendu, ou mème les qualités contradictoired'état a eu lieu, depuis que le jugement a été ment posées, ce changement d'état, qui n'aura pu arrêter le jugement, ne pourra non plus, obtenu gain de cause à signifier son jugement s'il n'est pas notifié, obliger la partie qui a Elle est censée l'ignorer; il n'en est pas de la suivant ce que le nouvel état semblerait exiger. signification du jugement, complément de la première instance, comme de l'acte d'appel qui ouvre une nouvelle instance. (V. Quest. 1646 quater.) Néanmoins Talandier, no 145, croit devoir placer ces deux actes sur la même ligne. (Voy. la Quest. 1591.)]

1561. Le délai de l'appel court-il, relative

ment à un jugement qui ordonne un serment, du jour de la signification de ce jugement, ou seulement du jour de la prestation de ce serment?

On pourrait dire que le délai ne court que du jour auquel le serment est prêté, parce que c'est à cette époque seulement que le jugement fection, et que la partie condamnée a intérêt à cesse d'être conditionnel, qu'il reçoit sa perse pourvoir, puisque, sans la prestation du serment, le jugement n'aurait produit aucun effet.

Mais la cour de Brux., par arrêt du 8 juill. 1807 (Sirey, t. 9, p. 559), a considéré que le jugement était parfait dès l'instant où il avait été rendu, et que l'obligation imposée à l'une des parties de prêter le serment ne fait qu'en suspendre l'exécution. Elle a conséquemment

(1) [Voy. suprà, la Quest. 1557, et la note de décidé que le délai d'appel courait du jour de la signification du jugement. Cette décision ne

Carré.]

nous paraît pas susceptible de controverse, la prestation du serment n'étant que l'exécution du jugement qui l'a ordonné,

[Dalloz, t, 2, p. 116, à la note, adopte, avec raison, cet avis, que la cour de Pau a aussi consacré, le 17 avril 1837.]

1562. Quand un jugement est nul en sa forme constitutive et intégrale, la signification fait-elle courir le délai d'appel? Pour la négative de cette question, on peut citer Pothier, Oblig., no 869, en ce qu'il dit qu'un jugement nul, qui a été rendu contre la forme judiciaire, ne peut avoir l'autorité de la chose jugée, à moins que la nullité n'ait été couverte. Cette décision se fortifie, dirait on, de la disposition de la loi 1, § 2, liyre XLIX, tit. VI, ff. : Item cùm contra sacras constitutiones judicatur, appellationis necessitas remittitur. On conclurait de là qu'en principe un jugement nul ne peut acquérir l'autorité de la chose jugée, et que, par conséquent, il n'y a pas de délai fatal pour l'attaquer par voie d'appel.

Mais la cour de Brux., par arrêt du 7 janv. 1808 (Sirey, t. 10, p. 502; Dalloz, t. 2, p. 108), a décidé, au contraire, que, la nullité d'un jugement ne pouvant être proposée que par la voie de l'appel, la partie à laquelle ce jugement est signifié doit se pourvoir dans le délai requis. Cette décision est certaine, et ne nous parait pas absolument opposée à la doctrine de Pothier, attendu que la nullité se trouve couverte par le défaut de pourvoi dans le délai fixé par la loi; or, Pothier convient qu'un jugement nul peut acquérir l'autorité de la chose jugée, si la nullité est couverte.

Ce que nous disons ici s'applique nécessairement aux jugements qui seraient puls pour cause d'incompétence (cass., 26 therm. an IV; Dalloz, t. 2, p. 106; Sirey, t. 20, p. 470); et dans tous les cas on peut appeler d'un jugement nul, quelle que soit la modicité de l'objet sur lequel il a prononcé. (Voy. Berriat, h. t., note 11.) En effet, un jugement nul ne peut subsister; et, les premiers juges ne pouvant se réformer, il est rigoureusement nécessaire d'admettre le recours vers les juges supérieurs, s'il n'est pas susceptible d'opposition (1).

[Il est certain que tout jugement doit subsister quels que soient les vices dont il est entaché, tant qu'il n'a pas été attaqué par les voies de droit. Cette doctrine, enseignée par Merlin, Rép., vo Appel, sect. 1re, § 5, Favard, t. 1, p. 171, no 7, Berriat, id., note 11, est

(1) Ce n'est qu'une conséquence de ce que nous avons établi à la note 5 des préliminaires de ce titre, et l'on peut encore y ajouter un arrêt de Rennes du 15 mars 1809, qui décide qu'une cour d'appel n'a le droit de déclarer ses arrêts nuls ou de les réformer,

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consacrée en outre par les arrêts de la cour de cass. des 25 fév. 1812 (Dalloz, t. 2, p. 107; Sirey, t. 12, p. 207), 7 oct, 1812 (Sirey, t. 15, p. 82; Dalloz, t, 2, p. 156), et de Nimes, 30 décembre 1812 et 15 déc. 1850.

Mais, dans le dernier alinéa de la question ci-dessus, Carré semble dire qu'on pourrait appeler, pour nullité de forme, mème d'un jugement qui, au fond, aurait statué sur un objet susceptible du dernier ressort. Il appuie cette opinion de celle de Berriat. Tout ce qui nous parait résulter des expressions de ce dernier auteur, c'est que le jugement en dernier ressort ne peut non plus être regardé, dans aucun cas, comme nul de plein droit, et que les voies légales doivent être employées pour faire prononcer sa nullité, ce qui est hors de

toute contestation.

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Et pourtant il a été maintes fois décidé, notamment par la cour de cass. le 16 avril 1819 (Sirey, t. 20, p. 470), que, si ce premier appel est nul, la partie est toujours en droit d'en faire un autre, tant que trois mois ne se sont pas écoulés depuis la, signification, quel que soit le délai qui sépare ce second appel du premier. (Voy. la question suivante.)]

1562 ter. La partie qui avait relevé appel sans attendre la signification, et qui succombe avant de l'avoir reçue, ou du moins avant que les délais soient expirés, est-elle admissible à former un nouvel appel?

Oui, si elle succombe par un motif indépendant du fond, tel qu'une nullité de forme, une fin de non-recevoir, etc.

Non, si la cour a déclaré l'appel mal fondé,

qu'autant que les parties les ont entrepris par les voies que les lois leur tracent, et qu'ainsi elle ne peut faire droit à des conclusions prises, à cet égard, par le ministère public, dans l'intérêt de la lọi.

En effet, dans le premier cas, les juges d'appel n'ayant pas examiné le fond de la cause, en le leur représentant, on ne les appelle pas à juger de nouveau la même question; l'exception de la chose jugée n'est pas applicable. La partie qui aura régularisé son appel, soit en réparant la nullité qui le viciait, soit en faisant disparaître la fin de non-recevoir qui paralysait momentanément son action, sera admise à demander aux mêmes juges une décision sur le fond, qui ne leur avait pas été soumis. Tels sont les motifs de l'arrêt cité sur la précédente question.

Mais si, au contraire, le fond avait été l'objet de la décision rendue par les juges d'appel, la partie condamnée dira vainement qu'elle est encore dans les délais pour appeler. On lui répondra que la loi n'a pas voulu lui accorder la faculté de le faire deux fois; que, son premier appel une fois jugé au fond, tout est définitivement épuisé.

Voyez quelques applications de ces principes sous les Quest. 1575 bis, 1581 bis, 1586 bis, 1646 ter, etc.

1563. L'appel d'un jugement peut-il être déclaré non recevable après trente ans d'exécution, encore bien qu'il n'ait pas été signifié?

Le 14 nov. 1809 (Sirey, t. 10, p. 186), la cour de cassation a résolu cette question d'une manière affirmative, en jugeant que la cour d'appel de Riom n'avait violé aucune loi dans un arrêt par lequel elle avait déclaré non recevable, après trente ans d'exécution, l'appel d'une sentence d'adjudication suivie de la dépossession effective des parties saisies. (Voy. Sirey, t. 10, p. 187) (1).

[Telle est la jurisprudence constante de la cour de cassation, manifestée par les arrêts des 29 nov. 1850 (Sirey, t. 51, p. 13), 12 et 15 nov. 1852 ( Sirey, t. 32, p. 816).

Elle est conforme aux principes. L'art. 2262, C. civ., éteignant toute action après 30 ans, ne comprend-il pas nécessairement le droit d'interjeter appel? et si on a laissé écouler

(1) On opposait, que la signification du jugement pouvant seule faire courir le délai d'appel, et cette signification n'ayant pas eu lieu, les parties intéressées se trouvaient indéfiniment dans le délai pour se pourvoir.

Nous répondons, avec l'avocat général Daniels, dans son réquisitoire : « Qu'avant l'ordonn. de 1667, la faculté d'appeler durait trente ans, parce que l'action qui dérivait de la sentence pour l'exécuter ne se prescrivait que par ce laps de temps. On pensait que, par la raison des contraires, l'action donnée pour attaquer la sentence par la voie d'appel, ne devait pas être circonscrite par un délai plus court. Ce délai a été restreint par l'ord. de 1667, mais seulement pour le cas où la sentence aurait été signifiée. Mais, à dé

30 ans sans l'exercer, n'en est-on pas légalement déchu?

Il est essentiel de remarquer que, dans toutes les espèces jugées, il y avait eu exécution active ou passive du jugement; mais il ne faut pas, pour légitimer la solution de Carré, que cette exécution remonte à 50 ans, comme dans l'espèce par lui citée, il suffit que le jugement lui-même ait 30 ans de date et que l'exécution ait eu lieu dans cet intervalle.

S'il n'y avait pas eu d'exécution, c'est contre la partie qui l'aurait négligée que la prescription aurait couru, et son adversaire n'aurait pas besoin d'interjeter appel pour se soustraire à une exécution tardive: il lui suffirait d'opposer la prescription trentenaire qui l'aurait libéré de l'obligation à lui imposée par le jugement. ]

1564. La partie qui fait signifier un jugement dont elle se propose de relever appel, relativement à quelques chefs, doit-elle, dans l'acte de signification, se réserver la faculté d'appel?

C'est demander, en d'autres termes, si celui qui signifie purement et simplement le jugement qu'il a obtenu, est censé y avoir acquiesce?

Nous avons déjà dit (voy. Quest. 1553) que la signification du jugement est en soi un préalable de l'exécution; elle contient implicitement la déclaration que l'on entend poursuivre cette exécution, et par conséquent se conformer ou acquiescer au jugement. Ainsi, disent les auteurs du Praticien, t. 5, p. 25, une signification pure et simple rend celui au nom duquel elle est faite non recevable à attaquer la décision. (Voy. arrêt du Parl. de Paris du 15 août 1765, Denisart, au mot Appel, no 32, p. 158, et Pothier, 20 part., chap. 5, article 3, 1.)

Le Code de procédure n'ayant rien statué sur ce point de jurisprudence, les auteurs que nous venons de citer estiment que l'on doit adopter la décision de l'arrêt du parlement de Paris, conforme, d'ailleurs, à la doctrine des anciens auteurs.

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Telle est aussi notre opinion, fondée sur ce que la troisième disposition de l'art. 443 porte que l'intimé pourra interjeter appel en tout état de cause, quand même il aurait signifié le jugement sans protestation. Or, cette dis-vorables. De cet argument on pourrait conposition présuppose un principe général auquel elle fait exception, c'est-à-dire que, dans le cas où la partie qui a fait la signification du jugement n'a fait ni protestations ni réserves, elle se rend non recevable à se pourvoir par appel principal. C'est d'ailleurs ce qui a été jugé, 1o par arrêt de la cour de Trèves du 14 mars 1808 (Dalloz, t. 2, p. 41; Sirey, t. 7, p. 897); 2o par un arrêt de la cour de Brux. du 11 août 1808 (Dalloz, t. 25, p. 43; Sirey, t. 9, p. 47), puisqu'il a décidé que l'omission des protestations ou réserves, dans la seule copie de l'exploit de signification, opérait un acquiescement qui rendait l'appel non recevable. (Voy. Jurisp. des cours souv., t. 1, p. 555; | le Rép., au mot Appel, § 6, et nos questions sur la 3 disposition de l'art. 443.)

[ Pigeau, Proc. civ., liv. II, part. 3, tit. VIII, art. 1er, no 6, et Comm., t. 2, p. 12, Merlin, Quest., vo Acquiescement, § 5, Favard, t. 1, p. 175, no 12, Boitard, t. 3, sur l'art. 445, et Poncet, no 285, pensent aussi que la signification du jugement à partie, sans réserves, opère dans tous les cas un acquiescement complet, et c'est ce qu'ont jugé, indépendamment des arrêts cités par Carré, ceux des cours de Paris, 22 vendémiaire an XII, de Brux., 23 fév. 1827 (J. de B., t. 2 de 1827, p. 45), de cass., 15 nov. 1815 et 12 août 1817 (Dalloz, t. 1, p. 127; Sirey, t. 17, p. 559), de Bordeaux, 26 mai 1832, de Toulouse, 8 janv. 1856, et de Bourges, 20 fév. 1859. La même décision devrait être rendue d'après la cour de Gènes, 26 juin 1812 (Sirey, t. 14, p. 260), quoique la réserve eût été précédemment exprimée dans la signification faite entre avoués, parce que le fait de la partie détruit le fait de l'avoué. Néanmoins, on aurait égard à une réserve qui serait insérée dans les qualités du jugement (arrêt de la même cour du 7 mars 1812; Dalloz, t. 1, p. 129; Sirey, t.14, p. 239), et cela est juste, puisque, dans ce cas, le jugement portant avec lui la réserve ne peut être signifié sans que la réserve le soit aussi.

Mais Merlin, Quest. de droit, vo Acquiescement, § 7, no 2, et Talandier, no 152, 2o, n'admettent pas dans toute son étendue le principe d'où dérivent ces décisions. Ils distinguent entre les jugements qui ne contiennent qu'une seule disposition ou que des dispositions connexes, et ceux qui renferment plusieurs dispositions distinctes et indépendantes les unes des autres. Pour le premier cas, ils décident, comme nous, que la signification sans réserve rend l'appel irrecevable. Dans le second cas, ils considèrent que, les chefs distincts d'un jugement formant autant de jugements séparés,

|

on peut acquiescer à l'un, sans être censé, pour cela, acquiescer à l'autre, et que, par conséquent, celui qui signifie n'est censé le faire que pour l'exécution des chefs qui lui sont faclure que l'exécution d'une disposition n'est pas un acquiescement à l'autre; que si, en signifiant le jugement en entier, la partie faisait sommation d'en exécuter tel ou tel point, ce serait une réserve implicite à l'égard des autres. Mais lorsque la signification est pure et simple, pourra-t-on scinder l'intention de celui qui la fait? ne lui attribuer celle d'acquiescer qu'à certains égards? Ne sera-t-il pas plus vrai de dire qu'il renonce à appeler des chefs qui lui sont nuisibles, afin qu'on lui accorde plus aisément l'exécution des autres? Aussi la cour de Trèves, dans un arrêt du 10 mars 1825, rapporté par Merlin lui-même, loc. cit., condamne-t-elle la doctrine de cet auteur, en rejetant l'appel interjeté par une partie sur l'un des chefs seulement du jugement qu'elle avait signifié sans protestation.

Au reste, ce n'est qu'à la signification du jugement à partie, qu'un semblable effet doit être attribué. Celle qui a lieu entre avoués, alors même qu'elle ne contiendrait point de réserves ne serait pas prise pour un acquiescement. Car l'avoué n'a pas de mandat pour acquiescer, et ce qu'il se permettrait à cet égard ne pourrait lier la partie. Ainsi l'ont décidé les cours de Turin, 20 mai 1809 (Sirey, t. 10, p. 258; Dalloz, t. 1, p. 132), Metz, 25 juin 1819, Poitiers, 13 juin 1822, Nancy, 16 fév. 1851 (Sirey, t. 55, p. 276; Dalloz, t. 26, p. 149), Brux., 18 déc. 1850 (J. de B., t. 1er de 1831, p. 12), Lyon 19 déc. 1852, Bourges, 21 janv. 1859, et cass. 6 fév. 1808. Par la même raison, la signification sans réserve des qualités du jugement n'emporterait pas acquiescement, puisqu'elle a lieu entre avoués : d'ailleurs avant de se décider à appeler ou à acquiescer, il faut connaître le jugement, en avoir expédition; et c'est à obtenir cette expédition que tend la signification des qualités. (Cass., 20 juillet 1831.-Voy. Sirey, t. 31, 1TM, p. 282.)

Cependant la cour de Liége a jugé, avec raison, le 16 janv. 1811 (Dalloz, t. 1, p. 154), que, dans le cas où la signification à avoué suffit pour faire courir les délais, par exemple en matière d'ordre, elle doit être assimilée à la signification à partie, et être prise pour un acquiescement si elle ne contient point de réserves. La cour de cass. a jugé de mème, en matière de distribution par contribution, le 24 avril 1853 (Sirey, t. 35, p. 442).

En décidant que la signification sans réserves ôte le droit d'appeler, nous avons implicitement décidé aussi que celle qui contient des réserves le laisse subsister. C'est l'opinion que professent tous les auteurs cités en tête de ces

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