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un prisonnier de guerre, l'un l'autre; mais si aucun corsaire ou autre homme des pays de l'un desdits seigneurs attentait de faire prise ou violence sur la robe ou les personnes de l'obéissance de l'autre seigneur, que puisse et soit tenu ledit seigneur du lieu, où à l'instant sera trouvé le malfaiteur, le punir comme infracteur de la paix, à l'exemple des autres, et néanmoins restituer à l'offensé ce qu'en la puissance du malfaiteur se trouvera lui avoir été pris et ôté; et si ledit malfaiteur échappait tellement qu'il ne fût pris et puni à l'heure, qu'il soit et s'entende, avec tous ses complices, banni de son pays et toute leur robe confisquée à son seigneur-souverain, lequel fera néanmoins punir le malfaiteur et ses compagnons, si jamais ils se trouvent en son pouvoir, et de ladite confiscation sera réparé le dommage, et l'offensé aura son recours, pour cet effet, aux protecteurs de la présente paix, qui seront lesdit seraskier de la part du sultan, et le grand-maître de France de la part du roi.

Item, que quand les armées de mer desdits grands-seigneur et roi rencontreront aucuns navires des sujets de l'autre seigneur, ils seraient tenus de baisser les voiles et lever les bannières de leur seigneur, afin que, étant par là reconnus, ils ne soient point rettenus ni aucunement molestés de ladite armée ni d'autre particulier d'icelle; mais, si tort ou dommage leur est fait, que le seigneur de l'armée soit tenu soudain de le réparer. Et que, si les navires particuliers des sujets desdits seigneurs se rencontrent, l'un l'autre, doivent chacun hausser la bannière de son seigneur et se saluer d'un coup d'artillerie, répondant au vrai, s'il sont demandés qui ils sont, sans toutefois que, depuis les paroles et reconnaissance, l'un entre par la force ni visite le navire de l'autre ni lui donne aucun empêchement sous quelque couleur que ce soit.

Item, qu'arrivant ès-ports et bords du grand-seigneur aucun navire des sujets du roi, par fortune ou autrement, il lui soit administré vivres et autres choses nécessaires contre un payement raisonnable, sans le contraindre à décharger pour payer le commerce, et qu'il soit laissé aller où il lui plaira, et venant à Constantinople, quand il sera pour en partir, ayant pris et payé le hudjet de l'émin et ayant été cherché et visité de la part dudit émin, qu'il ne doive ni ne puisse être visité en aucun lieu, sinon aux châteaux du détroit de Gallipoli, sans, pour ce, payer plus, ni là ni ailleurs, aucune chose pour la sortie, au nom du grand-seigneur ou de ses officiers.

Item, si quelque navire des sujets de l'un des susdits seigneurs, par fortune ou autrement, se rompait ou faisait naufrage aux lieux et juridictions de l'autre seigneur, que les personnes qui s'échapperaient de tel péril restent libres et puissent recueillir toute leur robe entièrement; et étant tous morts à un naufrage, que toute la robe qui se sauvera soit consignée audit baïle ou consul ou à leurs commis pour la rendre à qui elle appartiendra, sans que le capitaine-général de la mer, les sandjac-béy, soubachi, cadi ni autres officiers ou sujets dudit grand-seigneur en puissent, sous peine d'être punis, prendre ou prétendre aucune chose, et ils devront donner faveur et aide à ceux que touchera de récouvrer ladite robe.

Item, si quelque sujet du grand-seigneur avait perdu un esclave qui lui fût fui, tel sujet, sous prétexte de dire que l'esclave eût parlé et pratiqué en le navire ou la maison d'un sujet du roi, ne puisse contraindre le sujet du roi à autre chose qu'à rechercher au navire et en sa maison, et si l'esclave y était trouvé, que le recéleur soit débitement puni par son baïle ou consul et l'esclave rendu à son maître; et si l'esclave ne se trouvait pas au navire ni en leur maison, que lesdits sujets du roi ne doivent ni ne puissent être molestés pour cet effet et compte.

Item, qu'aucun des sujets du roi, qui n'aura habité dix ans entiers et continus ès-pays dudit grand-seigneur, ne doive ni ne puisse être contraint à payer tribut, kharadj, awari, khassabʼyé, ni faire garde aux terres voisines, magasins du grand-seigneur, travailler à l'arsenal ni à autre quelconque angarie, et qu'ès-pays du roi il soit fait le réciproque aux sujets du grand-seigneur.

Le roi de France à nommé la Sainteté du pape, le roi d'Angleterre, son frère et perpétuel confédéré, et le roi d'Écosse, auxquels se laisse d'entrer audit traité de paix, si bon leur semble, à condition qu'y voulant entrer, ils soient tenus, d'ici à huit mois, de mander audit grand-seigneur leurs ratifications et prendre la sienne.

Item, que le grand-seigneur et roi de France manderont l'un à l'autre, dans six mois, la confirmation du présent traité (N° 2) en bonne et due forme, avec promesse de l'observer et commandement à tous leurs lieutenants, juges, officiers et sujets de l'observer, sans fraude, de point en point, et afin que personne n'en prétende cause d'ignorance, depuis que les confirmations auront été données d'une part et d'autre, cette paix sera publiée à Constantinople, à Alexan

drie (N° 3), à Marseille, à Narbonne et autres lieux principaux, terrestres et maritimes de la juridiction, royaumes et états desdits seigneurs (N° 4).

APPENDICE

(N° 1). Par une double preuve, positive et négative, Hammer établit que c'est en février 1536, et non en février 1535, que le traité peut avoir été conclu. « La preuve est complète, dit Charrière, mais le savant historien << commet ici une grave erreur, qui étonne de sa part, sur un point aussi « élémentaire en histoire, et la connaissance de cette méprise rend superflue toute sa démonstration, quelqu'instructive qu'elle reste encore. « Il a oublié que tous les actes de l'histoire de France, avant la réforme du « calendrier, étendent ainsi la date de l'année précédente sur les trois pre« miers mois de l'année suivante, par l'ancienne manière de commencer « l'année à Pâques. » Hammer donne au traité la date du 8 janvier 1536. Dans sa dépêche du 4 juin 1580 (adressée à Henri III), M. de Germigny, en parlant du traité fait par La Forêt, lui assigne le millésime: MV XXXVI. (V. la note 2 qui suit.)

(N° 2).-On voit par une lettre de Rinçon, adressée au connétable le 20 septembre 1539, que cet ambassadeur avait « le double des articles et capitu«lations qu'autrefois, du vivant d'Ibrahim-pacha, le feu de La Forest avait « fait et proposé, » et qu'en décembre 1538 il en avait (je crois avoir) « mandé au roi la copie. » Dans une dépêche à Henri III,'en date du 4 juin 1580, Germigny disait ... « J'ai fait instance de faire chercher aux registres de « cette Porte une ancienne et très-avantageuse capitulation faite du temps de M. de La Forest, ambassadeur en icelle, en MVe XXXVI, dont pour « n'avoir été trouvé l'original en turc parmi les papiers de cette ambas« sade, d'autant aussi que ces gens, informés du contenu d'icelle, même « le nichandji-bachi ou chancelier, allèguent de ne la trouver, ainsi qu'ils • ont fait autrefois, j'envoie copie de la traduction ci-incluse, à ce que, si « Votre Majesté la juge bonne et utile à son service, il lui plaise commander les papiers de feu M. de Beauregard et autres secrétaires d'État « de ce temps être visités, savoir si l'original s'y trouverait, lequel lui au«rait peut-être été envoyé dès lors. » Ilenri IV écrivait à de Brèves le 11 mars 1596 ... « J'ai retenu Guitard, en intention de vous l'envoyer avec « des lettres que j'écris à ce seigneur et à ses principaux ministres pour la « reconfirmation de nos capitulations, suivant l'instance qu'il m'en fit par « celles qu'il m'écrivit peu après qu'il eût été reçu à l'empire. J'ai fait re«< chercher lesdites capitulations et n'ai trouvé, parmi les mémoires qui en « ont été gardés, que celles qui furent conclues entre le feu roi François Ier « et le sultan Suleyman, et celles qui furent confirmées du feu roi dernier • décédé et de Mourad, père de cedit seigneur; et d'autant que celles-ci se « réfèrent aux premières, j'ai estimé qu'il suffirait de vous envoyer une copie. >>

L'instrument original turc du traité de 1535 est perdu : il en est de même des originaux des diverses lettres-patentes ou capitulations. Aux archives du ministère des affaires étrangères, il n'existe que l'original turc du traité de paix conclu à Paris en 1802. Le plus ancien document officiel turc, que nous connaissions à Paris, se trouve aux archives de l'Empire : c'est l'original de la lettre adressée en septembre 1528 (V. question des LieuxSaints 1850-1853, note 2.) par Suléyman Ier à François Ier. Il y est conservé dans l'armoire de fer, où est gardé aussi le firman de 1604 en faveur des religieux de Jérusalem (V. la note précitée), lequel n'est toutefois qu'une copie authentique de l'original.

La traduction que nous donnons du traité de 1535 est celle publiée par Charrière, et qui existe aux archives du ministère des affaires étrangères, sauf les quelques légères corrections de style que, sans préjudice du sens, nous avons cru devoir y faire. Il n'y a aucune différence essentielle entre cette traduction et celles qui sont conservées aux manuscrits de la bibliothèque impériale et de la bibliothèque de l'Arsenal. Mais nous trouvons des variantes importantes dans les dispositions du traité de 1535 que donne, en substance, Mouradjea-d'Olsson, Tableau général de l'Empire ottoman. Paris, 1791, et que, par conséquent, nous jugeons utile de reproduire. D'après cet auteur, le traité contenait les stipulations suivantes: 1° qu'il résiderait un ambassadeur de France à Constantinople et un consul français à Alexandrie; 2° que les commerçants français ne payeraient pour leurs marchandises qu'un droit de douane de 5 pour cent; 3° qu'ils seraient exempts de toutes contributions pendant les dix premières années de leur séjour dans les états ottomans, mais qu'après ce terme ils seraient soumis à la capitation (kharadj) et aux taxes ordinaires awariz, khasab’yé, etc.); 4° que les autres nations européennes, comme les Anglais, les Catalans, les Ragusais, les Siciliens, les Génois, les Portugais, etc., dont les gouvernements n'étaient pas liés avec la Porte par des traités d'amitié, pourraient naviguer, sous le pavillon français, dans toutes les mers, et trafiquer, sous la protection de la France, dans tous les pays de la domination ottomane; 5° que les Français jouiraient du libre exercice de leur culte, et qu'ils feraient garder les saintslieux de la Palestine par des religieux catholiques; mais 6° il fut interdit, selon la loi mahométane, à tout Français, tout couvent, toute église latine, de posséder des biens-fonds dans les états ottomans; et 7° l'on convint que les enfants nés du mariage d'un Français avec une femme du pays seraient sujets tributaires du grand-seigneur.

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(N° 3). Nous insérons ici le hatti-chérif, par lequel Suleyman 1er confirma, en 1528, les anciens priviléges des Français (et des Catalans), en Égypte, et qui était transcrit en tête du traité de 1535. Nous avons adopté le texte de cette traduction, après en avoir comparé les manuscrits conservés aux bibliothèques impériale et de l'Arsenal, ainsi que la traduction publiée, en résumé, par Pouqueville (Mémoire historique et diplomatique, etc., dans T. X. des Mémoires de l'Institut de France, Académie des inscriptions et belles-lettres), d'après le manuscrit existant au ministère des affaires étrangères, à Paris.

Nous nous abstenons de faire connaître au lecteur la confusion qui règne au sujet de cet acte, soit dans les manuscrits soit dans les historiens que nous avons été à même de consulter, et nous espérons rétablir l'exactitude des faits et des dates en constatant que les Français (et les Catalans), à Alexandrie, avaient obtenu de l'avant-dernier sultan d'Égypte, Kansou-Ghavri (de la dynastie circassienne), divers priviléges en vertu d'un commandement du 14 rébiul-akhir 913 (23 août 1507), et que celui-ci a été renouvelé par un hatti-chérif de sultan Selim Ier, en date de Ghaza, fin-rébiul-akhir 923 (avril-mai 1517). Outre la confirmation, en 1528, de Suléyman I", il existe à la bibliothèque impériale, à Paris, (Mss. f. fr. n° 3954), la traduction d'un autre renouvellement, par Mourad III, dudit commandement en date de fin rébiul-akhir 983 (juillet-août 1575).

Hatti-chérif de Suléyman Ier en date du 20 septembre 1528 (6 moharrem 935).

Le royal et très-haut commandement de l'ordre libéral.
Le grand Dieu l'exalte et lui donne toute grâce, etc.

A tous ceux des cadi, des émir, des écrivains, des parleurs, des ministres et des présidents de l'ordre à Alexandrie, au devant desquels il se trouvera, savoir leur faisons que l'honoré consul et de bonne créance Jean Benoist de Pierre Benoist, consul des Catalans et des Français, est comparu en notre présence et nous a présenté un commandement pour les Français et les Catalans avec des conditions et des pactes qui s'observent, et nous a demandé un commandement en confirmation d'icelui avec les articles et conditions qui y sont contenus, à savoir:

Que les Catalans et Français et autres nations qui sont sous leur consulat à Alexandrie, et qui arriveront aux ports et plages soit à Alexandrie ou ailleurs, soient sûrs en toutes nos contrées, par terre et par mer, de tous nos ministres et autres nations en nos terres, comme il est convenable, en de temps de paix, avec semblable sorte de gens: voulons qu'ils aillent, viennent et demeurent sûrement, de bon gré et tant qu'il leur plaira, sans qu'aucun ne leur donne trouble ou empêchement.

Si aucun d'eux voulait acheter des marchandises qui ne soient prohibées, qu'il puisse les acheter et que personne ne soit si hardi de l'en empêcher.

Qu'ils puissent décharger leurs navires, en payant le droit de coutume, sans aucune difficulté.

Si à aucun d'eux il avait été fait quelque tort, et que les consuls voulussent qu'il allât à la Haute-Porte pour déduire, avec ses hommes ou des lettres, le fait suivi, qu'il lui soit baillé compagnie par les ministres, qui l'accompagne à l'Excelse-Porte et le ramène à son consul.

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