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« vine (dont le nom soit béni) nous rende l'éxécution du bien facile ! Que « ses vues et sa volonté apparaissent au grand jour, à quoi qu'elles s'atta«< chent! Au surplus, interrogez votre envoyé sur l'état des affaires et « sur les événements, quels qu'ils soient; restez convaincu de ce qu'il « vous dira et sachez bien qu'il en est ainsi.

« Écrit dans la première décade, etc.

II. — Instructions pour Jean de La Forest, premier ambassadeur de France près la Porte, en date de Paris le 11 février 1534 (27 rédjeb 940).

La Forest que le roi envoie son ambassadeur devers le grand-seigneur, après le salut et recommandation convenable, lui présentera les lettres que ledit sieur roi lui écrit, portant créance qu'il exposera de cette te

neur :

Premièrement, que ledit sieur roi envoie icelui de La Forest son ambassadeur devers icelui grand-seigneur pour l'avertir que, par un ambassa deur du sieur Haïreddin-pacha, il a reçu d'icelui grand-seigneur pareilles lettres à celles qu'il lui avait auparavant et par une autre fois écrites, pleines de si bon vouloir, estime, grande affection, humanité et libéralité envers soi, le tout tant conforme et répondant à ce qu'il lui avait auparavant fait dire par le sieur Rinçon, son ambassadeur, qu'il lui en sait le meilleur gré qu'il lui est possible, et l'en remercie de tout son cœur, offrant de sa part le semblable et d'être toujours son bon frère et ami en toutes choses non dérogeant à la loi chrétienne.

Et d'autant que ledit grand-seigneur, par ses dites lettres, prie ledit sieur roi de lui donner ample et particulier avertissement de sa santé, prospérité et disposition de ses affaires, et qu'il lui demanderait d'icelui de La Forest, après avoir récité ce qui lui a été commandé et qu'il sait de la très-bonne santé et de la prospérité dudit sieur roi et de l'état de ses affaires, moyennant l'ordre qu'il y a donné et donne par tout événement de paix ou de guerre, dira audit grand-seigneur que ce qui semble pour le présent audit sieur roi le plus louable, nécessaire et désirable au grand-seigneur, pour cependant jouir en repos de l'honneur et du fruit de ses mémorables victoires et conquêtes, aussi pour entretenir toute la chrétienté en tranquillité, sans la susciter contre lui à la guerre, dont les fortunes et hasards sont incertains, serait une paix, laquelle ledit sieur roi, comme roi très-chrétien et zélateur du bien public, demanderait universelle. Et dès maintenant, soi faisant fort de Notre saint-père, le Pape qui est à présent, pour l'amitié et intelligence qu'il a avec lui,

du roi d'Angleterre, son perpétuel allié et confédéré, les rois de Portugal et d'Écosse, de la seigneurie de Venise et d'aucuns autres princes et potentats chrétiens, icelui sieur roi a donné charge et pouvoir exprès audit sieur de La Forest, son ambassadeur, de requérir très-instamment, traiter et accorder avec ledit grand-seigneur'icelle paix, en laquelle sera lieu au roi des Espagnes pour y être compris moyennant que, pour extirper toutes racines d'inimitié et discorde en l'avenir et pour l'établissement de ce bien de paix, dans le temps à ce précis, il se soit mis à raison et effet envers ledit sieur roi de ce qui s'ensuit, à savoir de lui restituer l'état et duché de Milan, le comté d'Ast, la seigneurie de Gènes, le ressort et souveraineté de Flandre et d'Artois et de laisser le roi Jehan paisible possesseur du royaume de Hongrie. Ce qui est à espérer que ledit roi des Espagnes ne refusera, tant pour la raison qui le veut ainsi que pour n'être réputé contraire au repos et bien publics, dont pour le titre qu'il prétend il doit être auteur et protecteur.

Toutefois, où l'on connaîtrait que le vouloir dudit roi des Espagnes serait autre, ledit de La Forest ne laissera pour ce de moyenner et conclure ladite paix entre les autres princes et potentats susdits, pour faire joindre le roi des Espagnes à raison de venir à ladite paix universelle, et satisfaire aux demandes que dessus et autres plusieurs grosses et justes querelles qu'on lui peut mettre en avant, et pour ce parvenir ne restera que le moyen de la guerre; en quoi ledit sieur roi le peut plus aisément et grièvement endommager et offendre que nul autre, tant à cause que le royaume de France, abondant de bons combattants à pied et à cheval, oppulent de vivres, garni d'artillerie, muni sur les frontières de grosses et fortes places et villes, est propice et commode pour assaillir et guerroyer le royaume de Navarre, les Espagnes, Hénaut, Flandre, Artois, le comté de Bourgogne et autres pays que tient ledit roi des Espagnes prochains et contigus audit sieur roi, qu'aussi au moyen des alliances, confédérations et intelligences que ledit sieur roi a avec les rois d'Angleterre et d'Écosse, de Danemark, les Suisses, le duc de Gueldres et plusieurs princes d'Allemagne, ayant tous particulière querelle audit roi des Espagnes, qu'ils joindraient aisément avec cette générale, sous l'autorité dudit sieur roi avec lequel davantage et puis naguère par son moyen et ses deniers qu'il a déboursés, jusqu'à troiscent mille écus, a remis le duc de Wurtemberg, son allié et ami, en ledit duché que ledit roi des Espagnes lui détenait, et dont ledit sieur roi lévera les meilleures gens de guerre qui soient en Allemagne, comme se fera des Suisses, ses pensionnaires, et du duché de Gueldres appartenant par donation audit sieur roi où il a envoyé cent mille écus et y soudoie gens de guerre. Et par là pourra aussi grandement travailler ledit roi des Espagnes, de sorte que pour vivement conduire et exécuter une bonne et grosse entreprise contre ledit roi

des Espagnes, ne serait besoin que de donner secours d'argent audit sieur roi qu'il conviendra employer pour cette guerre en si grosse somme que chacun entend assez, en manière que ledit sieur roi seul ne pourrait bonnement porter si gros faix à l'occasion des grosses et continuelles armées qu'il lui a été nécessaire longuement entretenir, et par mer et par terre, pour résister à ses ennemis ; de l'excessive rançon qu'on lui a extorqué pour la délivrance de ses enfants; des fortifications et réparations qu'il fait chaque jour à ses places et villes; de la construction et équipage de galères et autres navires; de l'ordre et payement des gens de pied et des gens qu'il tient en son royaume jusqu'au nombre de deux mille hommes d'armes et cinquante mille hommes de pied; de la quantité d'artillerie nouvellement faite et autres infinies dépenses, outre l'ordinaire entretennement de son État.

A cette cause, priera et persuadera icelui de La Forest le grand-seigneur de subvenir audit sieur roi, pour convertir à l'effet que dessus, d'un million d'or, qui ne sera pas malaisé audit grand-seigneur, pour être ses affaires constituées en toute félicité et ne lui devra être grief; considérant de quelle importance peut-être d'affaiblir et rabaisser le courage et dessein dudit roi des Espagnes qui n'aspire et ne tend, comme l'on voit, sinon à la monarchie du monde; en sorte que pour, à même temps et de tous côtés poursuivre tellement cette pointe que l'honneur, profit et victoire en demeure audit grand-seigneur et roi, sera très-expédient que ledit grand-seigneur, outre le secours d'argent ci-dessus mentionné et pendant que ledit sieur roi par terre exploitera de son côté ses forces, envoie son armée de mer en faisant même commandement au sieur Haïreddin pour courir sus et entrer premièrement en Sicile et en Sardaigne, et y établir pour roi et seigneur le personnage que ledit de La Forest a charge de nommer, lesquels crédit et intelligence ès-dites îles, qu'il pourra tenir et garder à la dévotion et sous l'ombre et appui dudit sieur roi. Et davantage reconnaîtra ce bienfait et payera, par chaque an, convenable tribut et pension audit grand-reigneur, pour le récompenser du secours pécuniaire qu'il aura donné audit sieur roi et de partie de son armée de mer, à laquelle aussi fera bon tout secours, support et faveur celle dudit sieur roi.

Et où ledit de La Forest ne pourrait induire le grand-seigneur à fournir argent audit sieur roi, à tout le moins le persuadera d'entamer la guerre au temps qui lui a été commandé, par mer et par terre, au roi des Espagnes, pour le faire condescendre à ce que dessus.

Et en tant que ledit grand-seigneur serait en délibération de plutôt faire la guerre audit roi des Espagnes par la Hongrie que par autre endroit, icelui de La Forest lui remontrera la puissance des Allemagnes, où de présent ledit roi des Espagnes a bien peu d'obéissance, lesquelles tou

tefois lors infailliblement se joindraient à lui et contribueraient pour la défense de leur pays, en façon que croyant endommager icelui roi des Espagnes, on pourrait le faire grand et accroître son courage. Mais en l'assaillant par le royaume de Naples, par la Sicile, Sardaigne ou par les Espagnes, ce sera le toucher au vif et entreprise aisée à mettre à chef, attendu mêmement que les Allemands ne se mouveront pour le péril de l'Italie, comme l'on sait et voit par expérience. Et quand ledit roi des Espagnes voudrait secourir les royaumes de Naples et autres pays dessus dits, comme il fait courir bruit de vouloir y passer, les armées de mer des susdits grand-seigneur et roi mises au-devant, seront si puissantes qu'il n'oserait entreprendre le passage, même que ledit sieur Roi par un autre endroit de terre le travaillera et mettra en telle dépense qu'il est plus que vraisemblable que, ne pouvant à tout résister, il se rangera à ladite paix universelle, en satisfaisant à ce que dessus.

Sur les choses dessus dites fera icelui de Laforest toutes autres remontrances nécessaires, advisera, traitera et accordera ce qu'il pourra tirer de plus à propos pour le service du grand-seigneur et du tout s'adressera en premier lieu au sieur Ibrahim-pacha, lui présentant les lettres de créance et déclarant l'amour et confiance dudit seigneur envers lui, suivant la démonstration qu'il en a faite de son côté.

Fait à Paris, etc.

III. Lettre d'Antoine Rinçon, envoyé français à Constantinople, au connétable de Montmorency, en date d'Andrinople le 7 février 1539 (18 ramazan 945).

Très-illustre et très-excellent seigneur, encore que je sois assuré que, par votre grande prudence, vous ne manquerez de faire mettre à due exécution tout ce que de présent j'écris au roi, si est-ce qu'en telle importance affaires je n'ai voulu omettre de vous supplier trés-humblement qu'il me soit fait réponse le plus promptement que faire se pourra, non tant pour me montrer comme j'ai à me gouverner et conduire, que pour avec meilleures et plus fraîches raisons me pouvoir entretenir et contenter ces seigneurs, lesquels, certainement et non à tort, s'étonnent beaucoup plus que moi que depuis la dépêche du 12 août faite sur l'abouchement tenu avec son excellence, mêmement en cette non moins dangereuse que suspecte mutation et trouble d'affaires, vous assurant, monseigneur, qu'il y a toujours de ces Espagnols et autres gens envieux de nous qui ne cessent malicieusement de divulguer par deça l'appointement d'entière et ferme paix entre sa majesté et ledit entrepreneur, faite directement en conspiration de la ruine de cestuy seigneur.

Encore devant-hier fut mené ici prisonnier un Mycénen (de Messine) qui a bien osé assurer que nouvellement, partout le royaume de Naples, Pouille, Calabre et Sicile, que l'on avait célébré des feux de joie en congratulation de la générale paix arrêtée entre les deux susdits princes, et que lesdits sieurs roi, empereur et pape, avec le commun suffrage de tous les autres princes et potentats de la chrétienté, aurait conclu et délibéré de se trouver à cette première vue à Naples, et que le roi se couronnerait empereur de Constantinople pour unanimement venir à la conquête de l'Europe, et continuant plusieurs autres mensonges; lesquels encore qu'ils ne soient vrais ni vraisemblables, ce nonobstant, ces seigneurs ne sont pas si bien informés du contraire que toujours il ne leur demeure au cœur quelque racine de doute et soupçon, laquelle, comme ils sont muables de pensement, selon la voix du peuple croît et décroit. Ce qui m'a excité, monseigneur, à vous supplier très-humblement de vouloir joindre icelle considération avec plusieurs autres et désormais me faire écrire un peu plus souvent que l'accoutumée, et si bien il ne se rencontrerait pas occasion d'importance pour ce faire, du moins mandez quelquefois un petit mot, tant seulement pour faire apparaître à ceux-ci du bon vouloir que le roi continue leur porter, chose tant requise que certes sans icelle il me sera fort malaisé à les pouvoir longuement entretenir et préserver de sinistres soupçons parmi les quotidiennes accusations et calomnies des envieux; qui sera le point où je me recommande tant et si très-humblement que faire puis à votre bonne grâce et souvenance, etc.

IV. Lettre d'Antoine Rinçon à François Ier, en date d'Andrinople le 27 mars 1539 (7 zilcadé 945).

Sire, dernièrement, le 22 février, j'envoyai à Votre Majesté deux dépêches, dont l'une était du 29 de janvier, qui, pour avoir été tué le porteur à mi-chemin d'ici à Raguse, avait retardé jusques alors, par lesquelles il me souvient avoir supplié et requis que, pour mieux pouvoir entretenir ces seigneurs et me prévaloir en même temps de leur amitié, il plût à Votre Majesté me faire écrire plus souvent que de coutume, tant en remontrance de sa bonne disposition et volonté vers eux, que pour m'informer comme en cette mutation des affaires j'ai ici à me guider pour le bien de votre service. Et d'autant que, depuis l'avis des entrevues faites entre Votre Majesté et l'empereur, qui me fut mandé, du 12 d'août, je n'ai rien eu de vous, Sire, hors certaines lettres recommandatoires en faveur d'aucuns Vénitiens détenus par deça en prison, et que, d'autre part, nos envieux ne cessent journellement de tâcher, par toutes sortes de

T. I.

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