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période; la trop grande latitude laissée aux agents d'exécution ne pourrait, suivant nous, avoir d'inconvénient réel que dans le cas où les divisions auraient une étendue trop considérable; mais la formation de ces divisions n'est plus une application de l'aménagement, c'est l'aménagement lui-même.

Nous venons de dire que l'ordre des exploitations, quant aux coupes d'ensemencement, est et doit être prescrit à l'avance, à l'entrée de chaque période. Or, si la fixation de cet ordre présente plus de difficultés pour quarante ans que pour vingt ans, cette difficulté est bien plus grande lorsque, au lieu de quarante ans, on a devant soi toute une révolution de cent vingt ans. En effet, les affectations étant fixées sur le terrain par l'aménagement, cette fixation est immuable comme l'aménagement luimême; et qu'est-ce que la fixation des affectations, sinon l'ordre des exploitations de deux en deux décennies? Par conséquent, si la détermination de l'ordre des exploitations, dans une période de quatre décennies, est plus difficile que dans une période de deux décennies, elle l'est encore bien davantage pour toute la durée d'une révolution de douze décennies, alors surtout que cette fixation étant faite sur le terrain par la formation des affectations devient par cela même immuable.

D'un autre côté, le projet d'aménagement est beaucoup plus facile avec trois périodes qu'avec six; en effet, il suffit de prime abord, et comme premier aperçu, sauf égalisation ultérieure des affectations, de classer tous les bois en trois grandes catégories : les bois exploitables, les bois d'âge moyen, et les jeunes bois; ces trois catégories donnent de suite la première, la deuxième et la troisième affectation; tandis que, par la division en six affectations, il faut s'occuper des nuances toujours plus difficiles à saisir, surtout à si long terme, et qui, une fois saisies, bien ou mal, restent invariablement fixées.

Ces difficultés s'augmentent encore lorsqu'il se trouve des parcelles peuplées de jeunes bois provenant de vieilles souches. Comment prévoir avec certitude le temps pendant lequel des peuplements de cette espèce pourront rester sur pied sans dépérir? Et, si l'on se trompe à cet égard de vingt ans seulement, comment rectifier l'erreur sans changer les affectations sur le terrain, ou tout au moins sans faire de transpositions de périodes, en avançant de vingt ans l'époque de l'exploitation de ces parcelles, et en reculant d'autant l'époque de l'exploitation d'autres parcelles pour combler le vide?

Dans l'hypothèse des périodes de vingt ans, il suffirait, pour que cette transposition d'une période à l'autre fût indispensable, de se tromper de vingt ans sur l'époque de l'exploitabilité de ces parcelles, tandis que dans l'hypothèse des périodes de quarante ans, il faudrait que l'erreur fût d'un

pareil nombre d'années pour nécessiter cette transposition, car si l'erreur commise était inférieure à quarante ans, des mutations d'une décennie à l'autre pourraient se faire sans inconvénient.

En ce qui concerne les difficultés et la longueur des comptages de révision, elles sont évidemment plus considérables, dans des affectations correspondantes à une période de quarante ans, qu'elles ne le seraient dans des périodes de vingt ans ; mais il est rare que les affectations correspondantes aux périodes de quarante ans dépassent 300 hectares : il faut pour cela que la série en ait 900.

Les comptages de révision seraient donc à faire avant l'expiration de la première décennie, sur un maximum de 225 hectares; or, l'on sait qu'il est facile à des gardes expérimentés et bien dirigés de faire, arbre par arbre et par jour, un dénombrement exact sur 20 à 25 hectares; la plus longue durée de ces travaux de révision tous les dix ans, dans une forêt de 900 hectares, serait donc de huit à dix jours.

A notre avis, l'objection sérieuse ne porterait que sur les calculs d'accroissement; mais nous pensons que, dans tout travail d'aménagement bien ordonné, il faut se méfier des calculs d'accroissement, et par conséquent n'en tenir compte que dans les limites les plus restreintes données par les expériences. Envisagés ainsi, les calculs d'accroissement, même pour un long terme, n'offrent plus d'inconvénient grave; le dixième, mis en réserve, n'a d'ailleurs d'autre raison d'être que de parer aux déficit provenant des erreurs de cubage et d'accroissement, ou de toute autre cause. Nous venons de répondre aux objections présentées contre l'établissement des périodes de quarante ans ; examinons maintenant les inconvénients des périodes de vingt ans.

La période de vingt ans offre souvent, et surtout dans les régions élevées, un inconvénient excessivement grave, c'est celui d'être trop courte pour permettre d'effectuer avec certitude, pendant sa durée, la régénération par la semence. Nous avons vu, en effet, dans le cours de notre carrière, des forêts, soit de sapins, soit de hêtres, dans lesquelles des coupes d'ensemencement avaient été faites par nos prédécesseurs depuis dix ou douze ans, sans qu'un repeuplement naturel suffisant se fût produit. Nous citerons notamment un canton de la forêt communale de Barr (Bas-Rhin), un autre canton de la forêt communale de Viller (Haut-Rhin), dans lesquels des coupes d'ensemencement de hêtres avaient été pratiquées depuis dix ou douze ans, sans qu'un repeuplement naturel suffisant se fût produit. Nous citerons encore un canton de la forêt communale de la Bresse (Vosges), peuplé de sapins, où le même fait s'est manifesté, après le même espace de temps, et cependant ces coupes avaient été faites d'après les règles de la sylviculture.

Faut-il en tirer quelques conséquences contre la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies? Nullement. La cause de cet insuccès n'est due qu'à la rigueur du climat dans ces montagnes élevées (700 à 900 mètres), où les graines ne viennent que rarement à maturité.

Saus atteindre des altitudes aussi considérables, certaines coupes des environs d'Epinal ont eu à souffrir des retards dans les repeuplements naturels; c'est ainsi que la forêt domaniale de Ternes et Fraize (inspection de Rambervillers), peuplée de hêtres mêlés de chênes, et située à 350 mètres seulement au-dessus du niveau de la mer, en plaine, à 1 kilomètre de la rivière de la Moselle, et aménagée en futaie pleine depuis 1848, vient de voir terminer la première décennie de la première période sans que les coupes d'ensemencement de cette décennie aient encore produit un repeuplement assez abondant pour permettre d'y asseoir sur tous les points les coupes définitives, avant l'expiration de la deuxième décennie, et l'on prévoit que l'on sera obligé d'entamer la deuxième affectation avant la régénération complète de la première.

Il ne faut pas perdre de vue que, dans les terrains secs et sablonneux, dans les montagnes où le climat est froid, où la végétation est lente, les semences du chêne et du hêtre ne réussissent guère que deux fois, au plus trois fois tous les vingt ans; or, comme la coupe d'ensemencement n'enlève dans les futaies régulières qu'un tiers et dans les futaies irrégulières, et particulièrement dans celles exploitées autrefois à tire et aire, qu'un quart au maximum du matériel existant, il s'ensuit que, dans une affectation que nous supposerons divisée en vingt parties égales, chaque coupe d'ensemencement, qui doit comprendre le vingtième du matériel sur pied, s'étendra sur trois ou quatre de ces parties, et qu'au bout de sept ans, dans l'hypothèse d'une période de vingt ans, la totalité de l'affectation aura été parcourue par les coupes d'ensemencement, sans qu'il soit possible de revenir sur ses pas pour effectuer les coupes secondaires, faute d'un repeuplement suffisant, d'où l'obligation d'entamer l'affectation suivante avant la régénération complète de l'affectation précédente, et cela avant qu'on se soit mis en mesure de préparer le plan d'exploitation de cette affectation suivante.

On n'aurait pas de pareilles perturbations à redouter si les périodes étaient de quarante ans au lieu de vingt ans, car on aurait devant soi treize ans au lieu de sept pour faire les coupes d'ensemencement, et il est à peu près certain qu'avant l'expiration de cet accroissement, on pourrait revenir en arrière pour effectuer les coupes secondaires, soit sur un point, soit sur un autre.

En vain objectera-t-on en faveur de la période de vingt ans que si, pendant le cours de cette période, et malgré tous les soins donnés au

terrain, les repeuplements naturels ne se sont pas produits, il faudra y suppléer par des repeuplements artificiels; nous répondrons à cette objection: d'abord que la méthode du réensemencement naturel a pour but, comme l'indique son nom, le réensemencement naturel et non artificiel des forêts, et qu'ensuite, ces repeuplements artificiels ne fussent-ils que l'exception, il faudrait, pour les opérer, se procurer des semences, et que c'est précisément le manque de semences qui s'est opposé aux réensemencements. Le commerce, il est vrai, pourrait y pourvoir pour les semences légères; mais d'où et à quel prix faire venir des centaines d'hectolitres de glands ou de faînes, alors que ces fruits ont manqué dans un vaste rayon? Quant aux plants à tirer des pépinières, on sait que ce mode de repeuplement est coûteux et d'ailleurs d'une réussite incertaine, lorsqu'on l'exécute sur une grande échelle. Le repeuplement artificiel des coupes est un moyen extrême auquel il ne faut recourir que quand tous les autres sont épuisés, et alors il sera trop tard pour que les coupes définitives sur ces repeuplements artificiels puissent être faites avant l'expiration de la période.

Dans l'hypothèse de la période de vingt ans, nous ne voyons qu'un moyen d'obtenir avec certitude, pendant cette durée, la régénération complète des affectations correspondantes, et encore ce moyen a-t-il des inconvénients. Il consisterait, pendant la période de régénération d'une affectation, à faire, dans l'affectation suivante, des coupes préparatoires à l'ensemencement, de sorte que, lorsqu'on commencerait la régénération de cette affectation, on n'aurait, pour ainsi dire, que des coupes secondaires à faire et point de coupes d'ensemencement sur un terrain absolument dépourvu de ce repeuplement; on serait alors assuré qu'un intervalle de vingt années serait suffisant pour exploiter la totalité du matériel en coupes secondaires et définitives; mais ce mode d'opérer aurait, comme nous venons de le dire, plusieurs inconvénients.

D'abord, cette régénération complète de l'affectation dans le cours de la période correspondante ne pourrait être effectuée dans la première affectation au début de l'aménagement, puisque les coupes préparatoires n'y auraient point passé; ensuite, il faudrait donner à ces coupes préparatoires un autre nom, car la science forestière a sa langue particulière, et l'on sait qu'on appelle coupe préparatoire à l'ensemencement une large éclaircie faite dans l'affectation en tour de régénération, éclaircie dont les produits font par conséquent partie de la possibilité par volume, et qui, comme l'indique son nom, a pour but, non d'obtenir un ensemencement complet, mais de le préparer partiellement; ces coupes diffèrent des éclaircies proprement dites, en ce que ces dernières s'effectuent dans les affectations autres que celles en tour de régénération, en ce que leurs pro

duits ne font pas partie de la possibilité par volume, et enfin en ce que, loin d'avoir un ensemencement partiel pour but, elles doivent au contraire être assez serrées pour s'opposer à tout repeuplement qui serait prématuré. Ce ne serait là, il est vrai, qu'un inconvénient de forme, et rien n'empêcherait de les désigner sous un nom particulier, soit celui d'éclaircies préparatoires à l'ensemencement, puisqu'elles participeraient à la fois des éclaircies et des coupes préparatoires, suivant la définition que nous venons de donner des unes et des autres.

Voilà donc déjà deux inconvénients à ce mode: le premier temporaire, puisqu'il ne se présenterait qu'une seule fois; le second peu important, puisqu'il suffirait de créer un mot nouveau pour exprimer une idée nouvelle, mais il en reste un troisième permanent, dont nous allons parler, et qui est précisément un de ceux que l'on reproche aux périodes de qua

rante ans.

Pour profiter d'une manière rationnelle des commencements de réensemencements créés par ces éclaircies préparatoires, il faudrait nécessairement pratiquer ces éclaircies dans l'ordre que doivent suivre, à l'époque de la régénération des affectations, les coupes d'ensemencement, et, pour cela, il faudrait que cet ordre fût fixé quarante ans à l'avance; c'est-àdire que les éclaircies préparatoires de la deuxième affectation fussent fixées au commencement de la première période; celle de la troisième affectation au commencement de la deuxième période, et ainsi de suite; or, si l'ordre des exploitations doit être fixé quarante ans à l'avance, en ce qui concerne les coupes destinées à produire au commencement du réensemencement, nous ne voyons pas ce qu'on gagnerait à l'établissement de périodes de vingt ans, et il est beaucoup plus simple d'établir des périodes de quarante ans d'une manière directe que de cette manière détournée.

Il est d'autres circonstances encore dans lesquelles trois périodes, et par conséquent trois affectations sont préférables: c'est lorsqu'il s'agit de forêts peu étendues. Ces cas se présentent fréquemment, et maintenant plus que jamais, à cause des forêts communales créées par les cantonnements d'usage. C'est ainsi que, depuis peu de temps, et surtout depuis six mois, nous avons dû faire l'aménagement en futaie pleine d'une dizaine de forêts dont l'étendue varie de 100 à 30 hectares; nous ne parlons pas de celles d'une contenance inférieure à 30 hectares, et pour lesquelles l'aménagement n'est qu'un jardinage avec fixation de possibilité approximative. Il est évident que, pour des forêts d'une si faible étendue, on ne pourrait proposer six affectations, ce qui réduirait chacune d'elles à une contenance tellement faible qu'une pareille proposition ne serait pas sérieuse, car des affectations de 10 à 12 hectares, correspondant à des

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