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des eaux, la formation des torrents, les inondations, etc. Dans ce pays comme dans le nôtre, on se plaint de la coupable et aveugle insouciance des habitants des montagnes qui, sacrifiant l'avenir au présent, refusent de s'imposer la moindre privation au profit de leurs descendants, livrent sans règle ni mesure les jeunes coupes et les pacages non-seulement à leurs bestiaux mais encore à ceux des habitants de la plaine, aux transhumants, comme nous disons. En Bavière comme en France, on réclame l'intervention de l'Etat pour prévenir de si grands désastres, et l'on demande avec énergie qu'il soit procédé non-seulement au reboisement, mais encore et surtout à l'aménagement des pâturages dans les pays de montagnes.

LES GARDES COMMUNAUX

ET LA CAISSE DES RETRAITES POUR LA VIEILLESSE.

(Suite et fin.)

La répartition des versements entre les différentes catégories de déposants fait ressortir un fait caractéristique: les dépôts collectifs sont la règle, les dépôts individuels l'exception. Ainsi, dans les 66,000 versements effectués en 1858, sont compris les dépôts effectués par les compagnies de chemin de fer, par l'entreprise générale des omnibus de Paris, par les instituteurs, par les cantonniers du service vicinal dans une douzaine de départements, et enfin par diverses autres catégories d'agents d'administrations locales. Les seules compagnies des chemins de fer d'Orléans, de l'Ouest, de Lyon, du Nord et du Midi figurent pour 27,243 dépôts dans les versements effectués à Paris.

C'est dans la prévision d'un semblable résultat que la loi a permis aux déposants d'opérer leurs versements par voie d'intermédiaire. Le législateur a pensé que les travailleurs, peu familiarisés avec les combinaisons de chiffres et avec le mécanisme des pratiques administratives, pourraient être éloignés par l'appareil des formalités exigées pour la régularité des opérations. Il fallait donc permettre, entre cette catégorie de déposants et la caisse de la vieillesse, l'entremise des chefs d'établissements industriels, des présidents de sociétés de secours mutuels, et d'autres personnes exerçant, à un titre quelconque, un droit de tutelle sur les classes moins éclairées de la société.

Dans le même ordre d'idées, il serait à désirer que des commissions fussent créées, dans le but de propager dans les classes ouvrières des villes et des campagnes la connaissance des bienfaits que la caisse de la vieillesse est appelée à leur rendre, et de semer ainsi de toutes parts des germes de prévoyance et de moralité. C'est dans une telle vulgarisation qu'est l'avenir de cette œuvre philanthropique.

La Commission de la caisse des retraites pour la vieillesse, dans son dernier rapport annuel sur les opérations et la situation de cette caisse, après avoir fait appel à la sollicitude des différentes administrations publiques ou privées, en faveur de ceux des employés qui ne relèvent pas directement de l'Etat, s'exprime ainsi au sujet des préposés communaux : << Citons encore les gardes forestiers communaux qui, au nombre d'environ 4,000, sont placés sous la direction de l'administration des forêts; dans le département de la Haute-Saône, l'autorité préfectorale a pris récemment des mesures pour que ces utiles et modestes agents fussent tous titulaires de livrets de la caisse des retraites. >>

C'est en effet dans la Haute-Saône qu'ont été prises les premières mesures pour faire participer les préposés forestiers des communes et des établissements publics au bénéfice de l'institution de la caisse des retraites pour la vieillesse. A la suite d'un voyage de M. le directeur général des forêts dans ce département, le préfet a pris, au mois de janvier 1858, un arrêté imposant aux gardes communaux une retenue périodique sur le traitement, destinée à être versée à la caisse de la vieillesse.

Cet exemple a été bientôt suivi par environ vingt départements, du consentement à peu près unanime des intéressés.

Le moment était venu de généraliser la mesure et d'établir, pour son application, des règles uniformes.

Un règlement concerté à cet effet entre l'administration des forêts et la comptabilité générale des finances a été approuvé le 26 décembre 1859 par le ministre des finances, après avoir reçu l'adhésion du ministre de l'intérieur.

Il n'entre pas dans le plan de cet article de transcrire ce règlement ni de donner l'interprétation de toutes les dispositions qu'il renferme. Le Bulletin administratif des ANNALES reproduira textuellement la circulaire détaillée que l'administration des forêts a adressée, sur ce sujet, à ses agents, le 9 janvier dernier.

On n'examinera ici que trois des points principaux de la mesure, savoir le choix de l'intermédiaire, la participation de la femme du préposé au droit à la retraite, l'importance approximative de cette retraite dans différents cas.

Les gardes ne peuvent effectuer directement leurs dépôts. Les devoirs de leur emploi ne leur laissent pas le loisir de se déplacer pour opérer les versements et pourvoir aux formalités requises. Il est nécessaire d'ailleurs qu'ils soient guidés dans l'accomplissement de ces formalités. Il fallait donc qu'un intermédiaire fût chargé de cet office dans leur intérêt. Ici se présentait une difficulté choisirait-on comme intermédiaire le receveur municipal ou un agent forestier? Le receveur municipal qui paye le garde semblerait bien placé pour retenir une part du traitement et en faire l'application au compte de la caisse de la vieillesse. Mais le receveur municipal est un comptable, et, en cette qualité, toutes ses opérations doivent être accompagnées de formalités justificatives nombreuses; il n'a pas paru qu'on dût imposer à ce fonctionnaire une semblable obligation. Il était en effet plus rationnel que l'administration en faveur de laquelle doit fonctionner la mesure pourvût à son exécution à l'aide de ses propres agents. Mais ces agents ne sont point organisés pour un maniement de fonds périodique, et on saisit sans peine tous les inconvénients qu'aurait entraînés l'existence de nombreuses petites caisses fonctionnant sans garanties suffisantes.

Le règlement a très-heureusement résolu la difficulté en partageant l'opération entre le receveur municipal et l'agent forestier. Le receveur perçoit la retenue et opère le versement; puis intervient l'agent forestier pour accomplir, en qualité d'intermédiaire légal, les formalités qui doivent donner au versement son caractère authentique. Il y a un intermédiaire par département, placé au chef-lieu et pouvant par conséquent se mettre facilement en rapport avec le receveur général qui centralise les versements et conférer avec lui toutes les fois qu'il y a lieu pour les détails de l'exécution. Le travail de l'intermédiaire est d'ailleurs fort simple: toutes les pièces qu'il doit fournir sont préparées à l'avance dans les inspections; il n'a qu'à les réunir, à les produire et à tenir note de ses opérations. Ainsi réparties, les obligations à remplir ne seront une charge pour personne et après les premières hésitations inséparables de l'application de toute mesure nouvelle, le service des pensions des gardes cominunaux fonctionnera avec la même facilité que le service des retraites pour les employés rétribués par l'État.

La loi veut que le versement fait pendant le mariage par l'un des conjoints profite séparément à chacun d'eux par moitié. Cette disposition du droit commun en matière de communauté bien qu'exorbitante, puisqu'elle autorise les époux à se créer des propres avec leurs deniers, a une portée facile à apprécier. Le législateur a voulu qu'au décès de l'un des conjoints, le fruit des épargnes faites sur le produit du labeur quotidien ne fût pas en entier perdu pour le survivant. Cette mesure a été

prise principalement dans l'intérêt de la femme, que la mort du mari laisse le plus souvent sans ressources dans les classes laborieuses. Le bénéfice des versements effectués à la caisse de la vieillesse est donc essentiellement personnel au déposant dans l'intérêt duquel ces versements ont été effectués. En stipulant pour les gardes les conditions de liquidation correspondantes, autant que possible, à la rente viagère la plus élevée, l'administration des forêts a étendu aux femmes des gardes le bénéfice de ces conditions. Il eût été sans doute plus commode de fixer une seule époque de liquidation pour le garde et pour sa femme; mais, outre que, dans bien des cas, la différence d'âge entre le mari et la femme n'aurait pas permis cette liquidation simultanée, puisque l'entrée en jouissance de la retraite ne peut avoir lieu avant l'âge de cinquante ans, il ne serait resté à la femme, la plupart du temps, qu'une pension insignifiante, en cas de décès du mari.

La loi du 18 juin 1850 donne au déposant la faculté de demander, au moment du dépôt, que le capital versé soit remboursé, à son décès, à ses héritiers ou légataires. L'exercice de cette faculté a pour effet de réduire le chiffre de la pension viagère d'environ un tiers. L'administration des forêts a stipulé, pour les préposés, l'aliénation du capital, quel que soit leur état civil. Son intention n'a pas été, en prescrivant aux préposés une épargne sur leur traitement, de leur constituer un capital accumulé, mais bien de leur ménager une retraite d'un caractère analogue à celle que les fonctionnaires de l'État reçoivent à la fin de leur carrière.

Le règlement n'a rendu la retraite obligatoire que pour les gardes ayant au moins 300 francs de traitement et moins de quarante-cinq ans au 1er janvier 1860. Cependant tous les préposés peuvent être admis au bénéfice des versements par l'entremise de l'administration. De plus, le règlement donne la faculté d'augmenter le taux des versements prescrits. Il offre ainsi aux préposés le moyen le plus commode et le plus sûr de faire fructifier leurs épargnes. La caisse de la vieillesse offre aux déposants un avantage qu'aucune compagnie d'assurances sur la vie, aucune tontine ne promettent à leurs clients. D'après les statuts de ces sociétés, les dépôts doivent être continus, à peine de déchéance. D'après les règlements de la caisse de la vieillesse, tout versement donne lieu à un contrat spécial de rente viagère au profit du déposant, indépendamment de tout versement ultérieur. Ainsi un garde qui discontinue ses dépôts, soit parce qu'il cesse de faire partie de l'administration, soit parce qu'il passe dans le service mixte ou domanial, n'en reste pas moins titulaire de son livret et de la rente viagère correspondante aux versements effectués en son

nom.

Le tableau ci-après, extrait de l'instruction distribuée aux préposés du

service communal par l'administration des forêts, fait connaître le chiffre approximatif de la rente viagère acquise dans des conditions diverses de versement et d'entrée en jouissance.

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Ce tableau a été formé d'après les tarifs officiels du ministère du commerce pour les rentes viagères, avec condition d'aliénation du capital et tenant compte pour chaque versement:

1° De l'intérêt composé du capital, à raison de 4 1/2 pour 100;

2o Des chances de mortalité en raison de l'âge des déposants et de l'âge auquel commence la retraite, calculées d'après les tables de Déparcieux.

On n'a compris dans les éléments du calcul que la retenue périodique sur le traitement. Mais le règlement porte que lors de la première nomination, ou en cas d'augmentation de traitement par avancement, il sera fait une retenue équivalente au premier douzième du traitement ou de l'augmentation annuels. Le chiffre indicatif de la rente viagère porté au tableau qui précède peut donc être considéré comme un minimum.

Il n'est pas nécessaire de faire ressortir l'importance de l'amélioration dont le service forestier communal vient d'être l'objet. Un bon recrutement lui est désormais assuré. Les communes et les établissements publics trouveront dans cette preuve nouvelle de la sollicitude de l'administration un motif de plus d'apprécier les bienfaits du régime forestier. G. SERVAL.

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