Page images
PDF
EPUB

tourbeux ou marécageux, ce qui se rencontre fréquemment en montagne. En pareil cas, on peut souvent, pour les drains les moins longs, faire usage de bourrées et de fascines, en vue de faire écouler l'eau et d'assécher le sol, mais ce ne sont là que des drains provisoires, et encore faut-il avoir soin de les rapprocher plus que d'autres. Il ne faudrait pas les employer dans un terrain léger ou sablonneux, car tous les interstices seraient promptement remplis par le sable ou la boue. Dans les sols tourbeux, si on peut se procurer à bon marché des ardoises ou des pierres plates, c'est le cas de s'en servir pour la confection des drains; les plus unies forment le fond, d'autres sont placées de champ, à droite et à gauche, d'autres, enfin, sont superposées, comme couverture. Une bonne précaution, pour prévenir l'introduction du sable, consiste à répandre sur les drains ainsi établis une couche de petites pierres ou de gros gravier d'un pied environ d'épaisseur.

Un large drain doit toujours contourner la base de la montagne pour recevoir l'eau des hauteurs et empêcher qu'elle se répande à travers la plaine. Les drains principaux creusés sur les plateaux et les versants se vident tous eux-mêmes dans ce drain circulaire, qui doit être muni d'issues convenables pour déverser les eaux dans la rivière.

Quand on juge que celle-ci ne peut, à raison de ses nombreuses sinuosités, écouler avec une rapidité suffisante les eaux provenant du drainage, c'est le cas d'en redresser le cours. On comble en partie le vieux lit avec les terres provenant du nouveau, et on y exécute des plantations d'osiers.

Il est bien entendu que les rayons du soleil traversent l'atmosphère sans la réchauffer, la chaleur étant donnée à la terre par l'absorption et la réfraction des rayons qui la frappent. Après le drainage, le premier soin pour la mise en valeur des montagnes sera donc de disposer le terrain de telle sorte qu'il profite largement de la chaleur ainsi départie et soit, en outre, protégé contre la violence des vents. Plus l'action constante du soleil pourra être maintenue sur un point, sans influence perturbatrice des grands courants, plus ce point s'échauffera. Ainsi, le seul moyen d'améliorer le climat, c'est le boisement, c'est-à-dire que des plantations d'arbres ou des créations de massifs doivent être disposées de telle sorte qu'elles constituent un abri pour les champs et pour les herbages.

Mais avant qu'on ne plante le terrain exigera souvent un amendement considérable. Là où il est léger, sablonneux, on y ajoutera de l'argile ; s'il est tourbeux, on le mélangera d'argile, de gravier et de chaux; enfin, on lui donnera un degré convenable de consistance. Les plantations seront faites des essences qui prospèrent le mieux dans les situations élevées,

essences que j'ai déjà décrites. Une fois terminées, elles devront couvrir plus de la moitié du pays drainé, à l'exception des vallées.

La plus grande partie des versants exposés au nord sera boisée, car, selon toute probabilité, elle serait impropre à produire d'autres céréales que le seigle ou l'avoine, encore est-il douteux qu'ils viennent régulièrement à maturité. Quant au froment, il exige une forte chaleur, doit atteindre une maturité complète, d'où il faut conclure que les situations élevées et notamment celles à l'aspect du nord, ou à l'est, ne lui sauraient convenir.

Une large plantation entourera le plateau; on pourra la faire d'une profondeur moindre en regard du sud. Une fois l'emplacement des champs déterminé, on les divise par des rangées d'arbres de douze à quinze yards (1) de largeur, et on n'assigne à chacun d'eux, sauf dans les situations favorables, qu'une médiocre étendue, peut-être serait-il désirable que cette étendue n'excédât guère quatre acres (2). Quand le roc fait saillie, sur les hauts mamelons où le sol est pauvre, la couche végétale peu épaisse, on plante en massifs; le pin d'Ecosse convient particulièrement pour de telles situations et produit d'ailleurs un heureux effet, par le vigoureux contraste de son feuillage avec celui des autres arbres.

On amende considérablement les herbages destinés aux bêtes à laine ou au gros bétail, si on y répand des graines fourragères unies à une composition formée de terre fraîche et d'un engrais actif et suffisamment chaud, tel que des os pilés. Le résultat sera encore meilleur si, préalablement, on a remué le sol avec une houe lourde et tranchante, ou une pioche taillée de manière à fendre le gazon.

S'il y a nécessité de créer des abreuvoirs pour le bétail, dans les pâturages où il n'existe pas de sources, on y creuse des trous d'une capacité convenable, auxquels on donne une forme semblable à celle d'une cuiller et qu'on revêt d'un enduit d'argile; un drain dirigé sur chaque abreuvoir y apportera toujours un volume d'eau suffisant, pour peu que l'on ait eu soin de creuser à un point assez bas. Quelques arbres plantés au bord de l'eau préviendront l'évaporation par leur ombrage. Un enduit bien posé ne doit pas avoir plus de six ou huit pouces d'épaisseur (3). Enfin, on garnira de pierres le côté par lequel le bétail devra s'approcher pour boire.

Pendant leur jeunesse, les arbres ne sauraient être laissés sans protection, surtout à la lisière des massifs qui est toujours la partie la plus exposée; on y pourvoit très-aisément au moyen de banquettes ou parapets de gazon et de terre, hauts de cinq à six pieds et larges de trois à quatre pieds. Dès que les arbres sont de taille à pouvoir se passer de pro

[blocks in formation]

tection, on jette bas les banquettes et on en répand la terre sur le sol voisin qu'elle améliore; on leur substitue alors de légers poteaux reliés entre eux par des fils de fer, sauf à la limite de la propriété, où, quand la pierre abonde, on en profite pour construire des haies sèches.

En opérant sur une grande échelle, on sera conduit à créer des chemins; et comme, dans un pays pierreux, les matériaux sont presque toujours à portée, il conviendra de bien établir tout d'abord ces voies nouvelles, afin que, de longtemps, elles n'exigent d'autres réparations que le comblement des ornières, une ou deux fois par année.

Je ne saurais trop recommander ici à tous les propriétaires désireux d'appliquer les procédés que j'ai décrits, de n'en confier l'exécution qu'à des hommes d'une capacité reconnue. J'insiste par-dessus toutes choses pour qu'ils se procurent d'abord un plan géométrique des lieux, sur lequel, après un nivellement exact, on figurera tous les drains à établir, ainsi que les projets de champ, plantations, lisières, massifs et autres travaux, le tout accompagné d'un devis à l'appui. Au vu de ces données, il sera facile d'évaluer l'ensemble de la dépense ou le prix des améliorations partielles qu'on voudrait exécuter en premier lieu, et on s'épargnera, pour l'avenir, bien des ennuis et des mécomptes.

Que d'entreprises commencées avec ardeur et résolution ont été ensuite abandonnées avec dégoût! Tantôt un point de départ mal choisi, des travaux mal entamés, conduisent à des obstacles imprévus qu'on ne peut surmonter; tantôt on s'aperçoit, après coup, que la dépense excédera grandement le chiffre qu'on s'était fixé. On se serait épargné ces désagréments et mille autres, en observant la règle que je viens de poser. Le prix du projet est insignifiant, et il sert à édifier le propriétaire, une fois pour toutes, sur la possibilité de l'entreprise; il peut, selon son goût et ses ressources, la mener tout d'une traite ou procéder par opérations successives; il est certain d'atteindre le but vers lequel il marche, et de donner à son œuvre le degré de perfection qu'il s'est proposé dès le principe; on ne le verra pas, tâtonnant à l'aveugle, changer et rechanger ce qu'il aurait fallu clairement comprendre d'abord, et fermement arrêter avant de passer à l'application.

Bien des personnes supposeront peut-être qu'en pareille matière les résultats ne suffiront pas pour compenser les déboursés. C'est une erreur. Sans tenir compte de la valeur des champs et des pâturages, les plantations seules donneront, au bout de peu d'années, un ample dédommagement.

Pour planter en montagne et sur les pentes rapides, on ouvre des fosses horizontales, suivant les contours du terrain, et ne descendant jamais verticalement du sommet à la base, afin de prévenir l'éboulement des

terres. Ces fosses ne forment pas des lignes droites, mais sinueuses, et les plants y sont disposés de telle sorte que ceux de deux rangées voisines alternent entre eux, se donnant mutuellement le plus d'abri et le moins de couvert possible. On plantera serré, surtout à la limite des massifs et au bord des lisières. Les sujets de diverses essences seront distribués suivant la nature du sol, et devront avoir de quatre à cinq pieds de hauteur, au moment de la plantation. Procéder, en pareil cas, au moyen de semis, serait d'un résultat incertain, car beaucoup d'espèces d'arbres sont très-délicates dans leur première jeunesse et requièrent les soins les plus attentifs, qui, par la suite, se montrent très-robustes, capables de braver toutes les intempéries et de prospérer partout, même en des lieux arides et stériles.

J. CASTEL,
Garde général des forêts.

(Traduit de l'anglais de Blenkorn.)

LA LIBERTÉ D'EXPORTATION DES PRODUITS FORESTIERS.

Dans les numéros de mai et de juin derniers, les Annales forestières ont donné, sous forme de résumé, l'exposé des motifs du projet de loi concernant la libre sortie des écorces de tan, de bois à brûler, du charbon de bois et de chènevottes et des perches.

Ce projet de loi, délibéré et adopté par le Conseil d'Etat dans sa séance du 5 mars 1860, comprenait un seul article ainsi conçu :

« Est levée la prohibition qui frappe, à la sortie de l'empire, les écorces à tan, les bois à brûler en bûches et en fagots, les charbons de bois et de chènevottes et les perches.

« A compter de la promulgation de la présente loi, l'exportation de ces produits aura lieu en franchise de droits. >>

Soumise à l'examen du Corps législatif, par décret du 13 mars 1860, la question a trouvé cette assemblée toute préparée à lui faire un favorable accueil.

Les mesures projetées ne faisaient, en effet, que reproduire en partie les amendements proposés à des sessions antérieures, par les commissions chargées d'étudier les projets de lois relatifs au défrichement des bois des particuliers.

Déjà lourdement grevée par l'interdiction du défrichement, la propriété

forestière réclamait depuis longtemps, à titre de compensation, le libre écoulement de ces produits. Un décret du 5 décembre 1857 avait donné un commencement de satisfaction à ces légitimes réclamations, en supprimant tous les droits à la sortie sur les bois de construction et d'industrie, excepté en ce qui concerne le chêne exporté par mer et le bois de noyer brut ou scié.

Mais cette mesure ne faisait que desserrer les entraves qui gênaient l'exportation, sans lui donner la liberté dont elle avait besoin.

On devait s'attendre à voir s'élever contre le nouveau projet de loi les intérêts privés que favorisait la prohibition.

C'est contre la liberté d'exportation des écorces à tan qu'ont surgi les réclamations les plus nombreuses et les plus vives. De presque tous les points de la France ont été lancés des mémoires concluant au moins à ce que la levée de la prohibition fût remplacée par l'établissement de tarifs protecteurs.

Selon les auteurs de ces mémoires, la France ne produirait pas autant d'écorces qu'on le croit et qu'on l'a dit; aussi le prix de cette matière première s'accroît-il à mesure que se développe l'industrie de la tannerie. L'écorce, qui se vendait en forêt 5 fr. 40 c. les 100 kilogrammes en 1830, vaut aujourd'hui 14 francs, prix bien suffisamment rémunérateur pour la propriété forestière.

D'autre part, l'Angleterre, qui manque d'écorce pour ses tanneries et qui la paye jusqu'à 20 francs à l'étranger, se hâtera de profiter de l'abaissement de nos barrières douanières pour s'emparer du marché français et enlever à notre industrie les ressources de son alimentation.

Ces objections ne sont que spécieuses. Si l'on recherche quelle pouvait être la relation entre le prix de l'écorce en France et en Angleterre à différentes époques, on trouve de telles variations qu'on est amené à conclure que les contestations soulevées à ce sujet sont sans intérêt. Le point important du débat était l'influence que les achats probables de l'Angleterre, qui doit être le principal pays d'exportation des écorces, pourront exercer sur le marché français. Or, l'Angleterre importe annuellement 30,000 tonnes d'écorces. En supposant que la France seule doive lui fournir cette quantité, il restera encore à l'industrie française plus de matière première qu'elle n'en pourra consommer; car les appréciations les plus modérées portent à plus de 100,000 tonnes la quantité d'écorces que la France est susceptible de produire.

Les alarmes de notre industrie ne sont donc aucunement fondées, et elle ferait assurément preuve d'une bien grande faiblesse si elle continuait à redouter l'issue d'une lutte dans laquelle les meilleures chances sont pour elle.

« PreviousContinue »