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ou dans des réservoirs attenants, des coquillages aquatiques (lymnées, etc.), de petits vérons, chabots et autres menus fretins.

2o OEufs adhérents. L'on n'enterre pas les œufs de cette catégorie ; quand ils sont collés sur des pierres, graviers ou cailloux (comme ceux des barbeaux, chevennes, goujons, vérons, etc.), on peut les faire éclore dans des stations d'eau claire et courante; quand ils sont adhérents à des ramilles ou à des herbes (comme ceux des carpes, tanches, brèmes), on dépose ces supports dans des eaux tranquilles et même dormantes; ou bien on les enferme dans des paniers, corbeilles ou tamis doubles munis de flotteurs.

Opération en dehors des eaux naturelles. Dans certaines localités les eaux naturelles ne présentent pas toujours des conditions favorables à l'éclosion des œufs; il devient alors nécessaire d'opérer en dehors de ces eaux.

Pour les œufs libres (ceux des truites), l'incubation a lieu dans un cellier, une chambre dont l'intérieur est à l'abri de la gelée; l'on y dispose des rigoles, baquets ou ruisseaux artificiels dans lesquels l'on établit un petit courant à l'aide d'un filet d'eau provenant, soit d'une pompe, soit d'un réservoir; les œufs sont déposés sur le fond garni de gravier, ou bien sur des châssis de canevas, de toile métallique inaltérable, etc.

Pour les œufs adhérents, l'incubation peut avoir lieu en plein air, soit dans des rigoles, soit dans de petits bassins alimentés par une prise d'eau sur la rivière la plus rapprochée.

Frayères artificielles. On voit, d'après les explications qui viennent d'être données, que la méthode de fécondation artificielle compte des opérations assez délicates, et exige même une certaine habileté de manipulation. D'ailleurs il ne faut pas perdre de vue que les insuccès sont presque toujours à redouter, quand la main de l'homme agit sur la matière organisée. Aussi, dans les opérations de pisciculture, doit-on, pour en assurer le succès, se rapprocher autant que possible des faits naturels. C'est dans cet ordre d'idées que l'on a recherché s'il ne serait pas possible d'obtenir de meilleurs résultats de fécondation et d'éclosion en se rapprochant encore davantage des conditions naturelles de la fraie, de manière à rendre les opérations plus simples, plus économiques et plus sûres.

Les frayères artificielles paraissent réunir ces précieux avantages; dans leur organisation il faut prendre pour modèles les frayères naturelles, et se conformer aussi exactement que possible aux mœurs et aux habitudes des diverses espèces de poissons à l'époque de la ponte.

1° Truite, saumon et ombre. On choisit, soit des pièces d'eau ou des rigoles alimentées par des sources, soit des bras de rivières ou des ruisseaux dans lesquels l'eau ne gèle pas, reste claire, vive et courante, et se maintient en hiver à peu près au même niveau.

Si le lit est garni de gros graviers ou de cailloux, on utilise ces matériaux sur place; on se borne alors à les remuer avec une pelle ou un râteau pour en former, sous l'eau, des tas, des monticules ou de petites digues en pente douce. Il est essen tiel de bien approprier ces matériaux pour les débarrasser de toutes matières étran gères, telles que sable, terre, débris organiques, etc. En les remuant avec un râteau, surtout à quelques centimètres de profondeur, on arrive facilement à les nettoyer complétement; car le courant entraîne immédiatement toutes les matières Jes plus ténues et les plus légères. Il faut surtout que la frayère ne présente point de ces végétations aquatiques, de ces espèces de mousses ou conferves qui tapissent quelquefois la surface des pierres ou cailloux. On ménagera, à proximité des

frayères, quelques trous ou cavités sous les berges, des touffes de plantes aquatiques, des bois ou des fascines, sous lesquels le poisson aime à se réfugier et à se reposer, surtout pendant la période de la fraie. Toutes ces dispositions ont pour but d'attirer et de retenir le poisson sur les points que l'on a choisis; l'appropriation des frayères a d'ailleurs pour objet d'épargner au poisson un travail souvent long et pénible dans le nettoyage des matériaux.

Si le fond ne présente pas de matériaux convenables, s'il est, par exemple, formé de terre, de vase, etc., on y introduit du gros gravier, des cailloux ou des pierres ayant, en général, la grosseur d'une noix à celle d'un ceuf de poule; quelques brouettées suffisent pour former plusieurs frayères. La nature des matériaux est à peu près indifférente (silex, granits, grès, calcaires, etc.); cependant on devra donner la préférence aux cailloux d'alluvion et généralement aux matériaux dont les arêtes sont émoussées ou arrondies par érosion, parce que les angles trop aigus et les arêtes trop vives blessent et fatiguent le poisson quand il creuse les trous et quand il les recouvre. Ces cailloux offrent, d'ailleurs, dans leur superposition, des intervalles et des vides qui présentent de bonnes conditions pour l'incubation et l'éclosion des œufs, et pour le développement des jeunes poissons dans le premier âge. L'établissement de ces frayères artificielles a, parmi beaucoup d'autres avantages, celui de retenir les truites et les saumons dans les cours d'eau ou à proximité des cours d'eau que l'on veut repeupler. Ce résultat est très-important pour les fermiers de la pêche, qui sont exposés à voir, chaque année, à l'époque de la poute, les poissons des eaux dont ils ont la jouissance se diriger dans des affluents et aller frayer sur des points où ils sont pêchés, soit par les riverains, soit par des maraudeurs. Ces frayères ont aussi l'avantage d'assurer la reproduction dans des rivières et en général dans des eaux où la fraie ordinaire était impossible.

Il faut avoir le soin, et c'est là une règle générale, d'organiser les frayères quelques semaines avant l'époque ordinaire des pontes, et de les nettoyer au ràteau avant que le poisson ne commence à les explorer. On peut les établir à des profondeurs trèsvariables, soit à quelques décimètres, soit à plusieurs mètres sous l'eau ; mais il faut, dans tous les cas, avoir la précaution de les placer hors de l'atteinte des canards, des oies, des cygnes, et en général des oiseaux aquatiques.

2o Barbeau, chevenne, goujon, elc. Pour ces poissons, on forme, dans les endroits où l'eau est courante et peu profonde, des grèves en pente douce, des tas ou des monticules de pierres et de gravier de rivière, en ayant le soin de remuer et de nettoyer ces matériaux à la pelle ou au ràteau, de manière à les rendre bien propres et bien nets. On approprie, en même temps, la base et les alentours des monticules. On peut placer, dans les intervalles, des pieux, des piquets ou quelques branchages, qui servent à briser les courants et à abriter le poisson.

5o Carpe, brème, tanche, gardon, etc. On dispose les frayères dans une eau tranquille et douce que les rayons solaires peuvent porter à une température tiède. Les bassins ou réservoirs doivent être en cuvette; et les bords en pente douce doivent être garnis, sur certains points, de plantes aquatiques, notamment d'herbes fines, déliées, mais à tiges résistantes, et de gazons-tertres ou petits monticules garnis d'herbes et de racines déliées et dures.

L'on peut établir des frayères mobiles formées de clayonnages, de fascines, de bottes de jonc, de balais de bouleau, de bruyères, etc., que l'on pose sur les bords en plans peu inclinés. On les tient enfoncées dans l'eau soit à l'aide de piquets, soit à l'aide de pierres ou de gros gazons.

L'on se sert aussi avec avantage, notamment pour la brème et le gardon, d'une

cage ou caisse à claire-voie dans laquelle on renferme les poissons mâles et femelles avant la ponte, après y avoir placé des ramilles. Quand la ponte est terminée, on fait sortir les poissons reproducteurs en ouvrant un des côtés de la cage, et l'on conserve, à l'abri de leurs ennemis, les œufs fécondés qui couvrent les ramilles, ou bien on les enlève pour peupler d'autres eaux.

4o Brochet. On organise ses frayères dans les eaux dormantes et même stagnantes, soit avec des gazons ou mottes garnies d'herbes et de racines, soit avec des branchages et des ramilles que l'on tient en bon état de propreté.

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5o Perche. Dans les lacs, les étangs et les viviers, l'on peut récolter des œufs de perche sur des fagots ou fascines plongés dans l'eau, soit à quelques centimètres de la surface, soit à plusieurs mètres de profondeur.

Pour préparer les frayères artificielles, on met dans l'eau des mottes de joncs ou d'herbes, des fascines ou des branchages; ou, mieux encore, on pique sur les rives, à une profondeur de quelques décimètres, des branches garnies de légers rameaux, des branches de saule, par exemple. Il est toujours facile de recueillir les œufs; car il suffit de soulever les rubans avec un bâton ou une petite fourche, et de les dégager du point où ils étaient fixés. On peut aussi très-facilement déplacer et transporter les œufs; on peut ainsi les détruire ou en diminuer le nombre dans les eaux où la trop grande multiplication de la perche serait préjudiciable, car ce poisson est très-vorace.

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Le chapitre premier indique les moyens d'obtenir des œufs fécondés et de créer de jeunes poissons; mais il ne suffit pas de créer, il faut surtout savoir conserver. En effet, les sacrifices de temps et d'argent que l'on pourrait faire pour avoir des poissons à l'état d'alevin ou de fretin, et les meilleurs résultats que l'on pourrait obtenir dans cette voie deviendraient en général inutiles ou tomberaient en pure perte, si le repeuplement naturel et artificiel des eaux et si la conservation du poisson n'étaient pas protégés d'une manière très-efficace.

La première mesure à prendre est d'établir un bon service de surveillance sur les divers cantonnements de pèche, et d'étendre cette action sur toutes les eaux qui sont en communication avec ces cantonnements; car il ne faut pas perdre de vue qu'à l'époque de la ponte la plupart des espèces quittent le lit principal d'un grand cours d'eau quand elles n'y trouvent pas de conditions favorables à la reproduction, et vont frayer dans des gares, des anses, des canaux, des fossés, des étangs, des petites rivières et même des ruisseaux, où elles peuvent devenir une proie facile, soit pour les maraudeurs, soit pour des propriétaires ou riverains imprévoyants.

Les fermiers de la pêche ne sauraient trop se convaincre qu'ils seront amplement dédommagés de toutes les dépenses qu'ils pourront faire dans l'intérêt d'une bonne surveillance. L'article 26 du cahier des charges leur donne à cet égard une grande latitude, en les autorisant à établir des gardes-pêche spéciaux. Le concours de ces gardes ne peut manquer de rendre très-efficace une surveillance exercée simultanément par les gardes de l'administration, par les gendarmes et les gardes champêtres. La surveillance ainsi constituée peut réprimer le maraudage, et assurer d'ailleurs l'exécution des lois et règlements qui protégent la pêche.

Les gardes spéciaux institués par les fermiers auront, en outre, la mission d'exécuter et de surveiller les opérations de pisciculture proprement dite, c'est-à-dire tout ce qui concerne la reproduction, la propagation et l'élevage du poisson.

Parmi les mesures les plus propres à protéger le repeuplement des rivières, il en est quelques-unes qui doivent être signalées ici d'une manièrè toute particulière. 1° Usines et barrages. — Sur la plupart des cours d'eau, notamment sur les petites rivières, on construit soit des usines, soit des barrages, qui ne permettent pas au poisson de circuler librement et surtout d'aller frayer dans des endroits convenables. Il en résulte nécessairement que la reproduction de plusieurs espèces devient impossible ou du moins insuffisante, et que, par suite, le dépeuplement des eaux s'opère très-rapidement. Sans porter aucune entrave au service régulier des usines, on peut facilement concilier les exigences de ce service avec celles de la reproduction naturelle du poisson. Il suffirait, en effet, d'établir, sur les points où la libre circulation et surtout la remonte du poisson sont devenues impossibles, soit des passages libres toujours faciles à franchir par les poissons migrateurs, tels que l'alose, la lamproie, le saumon, soit des plans inclinés avec barrages discontinus qui feraient l'office de déversoirs ou qui serviraient à l'écoulement des eaux surabondantes, soit enfin des écluses que l'on tiendrait ouvertes à l'époque de la remonte ou de la descente.

Les fermiers de la pêche doivent intervenir auprès des autorités locales et particulièrement auprès des préfets, pour que l'organisation de ces passages naturels ou artificiels soit rendue obligatoire, au moins pour l'avenir, à l'égard des constructions, barrages, etc., qui seraient établis sur les cours d'eau, et qui, par leur situation, pourraient empêcher ou entraver la libre circulation et notamment la remonte ou la descente du poisson.

Dans un grand nombre de localités, les usiniers et notamment les meuniers ont établi et entretiennent soigneusement des appareils de pêche (les anguillères, par exemple) qui sont très-destructeurs. La démolition de ces appareils peut en général, et à moins d'exceptions très-rares, être requise par les autorités locales ou ordonnée par les tribunaux sur la demande des parties lésées.

2o Draguage. Le draguage bouleverse souvent et détruit les lits ou amas de graviers et de cailloux qui forment d'excellentes frayères naturelles pour plusieurs bonnes espèces de poissons, telles que truite, saumon, barbeau, etc.; il conviendrait, pour concilier les exigences du service des eaux et des usines avec celles de la reproduction des poissons, de faire dans les opérations du draguage quelques réserves sur les points essentiellement favorables à la ponte des meilleures espèces; l'intervention des fermiers de la pêche auprès des autorités locales chargées de ce service peut toujours avoir des conséquences favorables au repeuplement des rivières.

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3o Pêche en temps de fraie. La pêche en temps de fraie est prohibée par les règlements, mais, les fécondations artificielles n'étant praticables qu'à cette époque, il y aurait lieu de faire une exception à l'égard des personnes qui seraient autorisées à procéder à ces fécondations; les fermiers de la pêche doivent s'adresser, pour cet objet, au préfet du département.

4° Faucardement. Il conviendrait de ne point procéder radicalement à la coupe des herbes à l'époque de la ponte, dans les cours d'eau où frayent la carpe et la tanche, car les œufs de ces espèces s'attachent aux herbes sous l'eau; d'ailleurs, le jeune fretin y trouve un refuge et un abri dans le premier âge. Souvent le faucardage ou faucardement est prescrit par l'autorité locale pour faciliter le service de la navigation ou celui de certaines usines, et aussi pour assurer le libre cours des eaux. Dans ces conditions, les fermiers de la pêche peuvent demander que l'on maintienne en herbes, sur l'une des rives, un sixième ou un septième de

la surface totale dans les cantons favorables à la ponte. Cette réserve aurait un résultat réellement utile, non-seulement pour la fraie de plusieurs espèces et la protection de l'alevin, mais aussi pour la conservation et la propagation des larves, des coquillages et d'une multitude d'animaux qui contribuent, dans une forte proportion, à l'alimentation des poissons.

50 Oies et canards. - Parmi les animaux nuisibles, il faut compter les oies et les canards, qui, abandonnés en tout temps sur les cours d'eau, y détruisent beaucoup de frai dans les herbes, ou bien dévorent le fretin. Les fermiers de la pêche doivent intervenir auprès des autorités locales pour faire interdire la divagation des oies et des canards sur les cantons les plus exposés à leurs ravages pendant le temps de la fraie et le développement du jeune fretin. (Code pénal, art. 671, no 15.)

CHAPITRE III.

-

– ÉXPOSÉ GÉNÉRAL DES MESURes a prendre.

Pour réaliser les plus grands et les meilleurs produits possibles, les fermiers de la pêche doivent prendre les dispositions suivantes :

1° Organiser un bon service de surveillance, en établissant des gardes-pêche spéciaux et en utilisant le concours des gendarmes et des gardes champêtres;

2o Arrêter le développement et l'envahissement des mauvaises espèces, c'est-àdire de celles dont la chair est peu productive et peu estimée. A cet effet, on laisserait le moins possible de gros poissons appartenant aux espèces telles que chevennes, vandoises, gardons et brèmes, qui absorbent une grande quantité d'aliments recherchés par les bonnes espèces, et qui dévorent quelquefois beaucoup de fretin;

3o Favoriser la propagation des bonnes espèces.

Le brochet et la perche appartiennent aux bonnes espèces; la reproduction et la propagation en sont faciles. Ainsi qu'on l'a vu précédemment, il convient de ne pas leur laisser prendre trop de développement, en raison même de leur voracité. Un brochet de quelques kilogrammes dévore annuellement un nombre considérable de poissons, et attaque même des carpes adultes; ses ravages sont d'autant plus facheux, que le produit de son accroissement est loin d'ètre en rapport avec la valeur du poisson détruit.

La carpe, la tanche, le barbeau, sont des espèces peu nuisibles aux autres poissons, et se nourrissent presque exclusivement de détritus animaux et de matières végétales que les eaux naturelles contiennent généralement en grande quantité. Pour subvenir aux besoins d'un riche peuplement en carpes et en tanches, l'on peut, outre les frayêres artificielles, organiser, à proximité du cours d'eau, de petits réservoirs ou étangs d'alevinage. Pour hàter le développement du jeune fretin qui, emprisonné en grande quantité dans des espaces assez circonscrits, ne trouve point une quantité suffisante d'aliments, on aura le soin de jeter dans l'eau, au fur et à mesure de la consommation, du sang caillé, des bouses de vache, du crottin de cheval (ordinairement on pétrit ces matières avec de la terre glaise), quelques poignées de son, de grains avariés, etc., etc. Pour le barbeau, il suffira d'approprier, dans le lit même de la rivière, les frayères naturelles, et, au besoin, d'établir des frayères artificielles.

La truite peut être propagée avec avantage dans un grand nombre de cours d'eau, surtout dans les parties à courant rapide; mais le régime des eaux de plusieurs rivières n'est pas toujours favorable à la reproduction naturelle de cet excellent poisson; il sera donc indispensable d'établir des frayères artificielles, ou

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