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table, mais en gardant le fonds, l'escompte est seul applicable. La raison en est que le propriétaire, qui se réserve le fonds, est bien obligé de le concéder pendant tout le temps nécessaire pour conduire les bois à l'exploitabilité; parce que, encore, l'acquéreur achète non-seulement la superficie existante, mais aussi les feuilles qui existeront lors de l'exploitation, avec la plus-value des bois. Si, dans un pareil cas, on se demandait quelle est la valeur actuelle du fonds pour le propriétaire, ne faudrait-il pas calculer cette valeur d'après le produit que le fonds fournira quand il sera devenu libre, et l'escompter pour le temps qui doit encore s'écouler jusqu'à l'exploitation? Cette valeur escomptée variera, et sera d'autant plus forte qu'on se rapprochera du terme où le propriétaire rentrera dans la possession du fonds. La réunion de ces deux quantités donnera bien évidemment la valeur actuelle, fonds et superficie, de la forêt, et c'est précisément cette marche logique qui constitue toute la méthode d'estimation par l'escompte.

Nous concluons donc en disant que nous rejetons les annuités et que nous préférons l'escompte, parce que :

1o Les annuités sont illogiques, irrationnelles ; qu'elles sont dangereuses en ce qu'elles faussent l'esprit, lui donnant des fictions pour des réalités;

2o Le calcul par l'escompte est plus simple et plus facile à appliquer; il suffit de comparer les deux méthodes pour s'en convaincre ;

3o L'escompte peut s'appliquer à tous les cas d'estimation, sans excep tion; il n'en est pas de même des annuités qu'il faut au moins rejeter dans le cas signalé par M. Claude Vignon.

Nancy, le 26 juillet 1860.

G. BAGNERIS,

Répétiteur du cours d'économie forestière à l'Ecole de Naney.

ÉTUDES SUR LES PRINCIPALES ESSENCES FORESTIÈRES.

LE HÊTRE.

(Suite et fin.)

La marche de l'accroissement du hêtre, l'âge et les dimensions qu'il peut atteindre sans se détériorer, varient tellement avec la nature du sol, qu'il est prudent de ne pas tenir grand compte des chiffres que l'on trouve à cet égard dans les traités spéciaux. Dans les sables riches

en humus, cette essence a une croissance rapide pendant sa première jeunesse et, presque toujours, les brins de vingt à trente ans percrus dans ces conditions dépassent en longueur et en diamètre ceux de même âge qui se trouvent sur les meilleurs terrains argileux. L'influence de ces derniers terrains sur la végétation ne se fait réellement sentir qu'à partir de l'âge ci-dessus indiqué, et va, pour ainsi dire, toujours en augmentant. Sur les terrains de grauwake notamment et sur le muschelkalk argileux, il n'est pas rare de trouver des hêtres de cent quatre-vingts à deux cents ans parfaitement sains et formant encore des couches concentriques très-épaisses. C'est ce qui explique pourquoi on trouve dans ces sortes de terrains des arbres de cette essence ayant de si belles dimensions. Les choses se passent tout différemment dans les terrains sablonneux. Là, le hêtre n'atteint guère l'âge de cent vingt ans sans que le cœur se gâte. La carie qui se manifeste par la coloration en brun de cette partie de l'arbre commence à la souche, puis elle gagne peu à peu, jusqu'à ce que la tige soit presque entièrement gâtée. Naturellement, l'épaisseur des couches concentriques et, par suite, la production ligneuse diminuent de plus en plus, et les arbres n'atteignent que des dimensions restreintes.

D'après ce qui précède, on conçoit que l'on puisse classer les terrains. propres au hêtre, suivant leur qualité, avec une exactitude suffisante. Il suffit pour cela d'observer avec quelque soin les dimensions et l'état plus ou moins sain de quelques sujets isolés parvenus à un âge assez avancé.

Dès qu'un hêtre est atteint de la carie, ses branches commencent à se couvrir de lichen, et l'on ne tarde pas ensuite à voir celles du houppier mourir les unes après les autres. Mais il est une autre maladie à laquelle cette essence est bien plus exposée dans les terrains sablonneux que dans les sols argileux et profonds. Nous voulons parler de cette espèce de brûlure (rindenbrand) que les rayons du soleil font subir à l'écorce des hêtres qui sont tout à coup placés dans un état isolé, brûlure qui, le plus souvent, entraîne leur mort. Il est à remarquer qu'elle se produit bien plus souvent chez les sujets venus sur sol sablonneux, ce qui est d'autant plus extraordinaire que leur écorce est plus épaisse que celle des hêtres venus en terrain argileux.

Mais ce qui démontre le mieux combien la végétation du hêtre est peu vigoureuse dans les sols sablonneux, c'est l'effet qui se produit quand un peuplement, ayant souffert d'un couvert trop prolongé, en est tout à coup débarrassé. On voit d'abord les petites branches de la cime se dessécher et mourir presque immédiatement après la disparition du couvert, et le brin lui-même ne tarde pas à suivre leur exemple. Pareil fait ne se produit pas dans les terrains argileux. Le jeune peuplement brusquement

mis à découvert, les brins languissent il est vrai pendant quelque temps, leurs feuilles jaunissent; mais la succulente nourriture qu'ils reçoivent du sol leur donne peu à peu, sous l'action des rayons solaires, une nouvelle vigueur; les couches concentriques deviennent plus épaisses, ce qui fait affluer aux extrémités des rameaux une quantité de séve de plus en plus grande. Il faut donc conclure de ce qui précède que c'est surtout dans les terrains sablonneux qu'il faut pratiquer les coupes, de telle sorte que les jeunes peuplements ne soient pas brusquement soumis à une insolation presque toujours funeste.

Il est à remarquer aussi que le hêtre repousse de souche et drageonne beaucoup moins bien dans les terrains sablonneux que dans les sols particulièrement propres à cette essence. Coupé à l'âge de trente ans, une tige ne donne déjà plus que de rares rejets.

Les dangers auxquels sont généralement exposés les plants de hêtre pendant leur première jeunesse sont bien plus à redouter dans les premiers terrains que dans les derniers. Une seule journée de chaleur suffit souvent pour dessécher complétement les feuilles du jeune recru.

Il est à remarquer, en outre, que ceux-ci supportent moins bien le couvert que ceux qui poussent sur un sol fertile et frais. Si le couvert est trop fort, ils deviennent comme des tiges de chanvre, ne présentant à leur extrémité qu'un petit nombre de feuilles. Il ne faut donc pas que les coupes sombres, faites dans les massifs assis sur des terrains sablonneux, soient trop serrées, et comme, d'un autre côté, les coupes un peu trop claires peuvent aussi entraîner de fâcheuses conséquences, il en résulte que le forestier ne saurait apporter trop de soin dans le martelage de ces coupes.

Les gelées printanières sont fort à craindre sur les terrains de sable où la couche de feuilles mortes fait défaut. Les faînes, sous l'influence du calorique que ces terrains renferment à un plus haut degré que les autres, germent de bonne heure, et les cotylédons sont quelquefois gelés avant d'être complétement formés. Aussi est-il rare que les coupes de réensemencement réussissent dans les massifs placés dans de telles conditions, à moins cependant que l'on ne prenne la précaution de défoncer le sol de manière à recouvrir les faînes, ce qui retarde l'époque de leur germination.

Les larves de hanneton sont bien moins à redouter dans les terrains argileux que dans les terres sablonneuses; elles causent souvent aux jeunes hêtres de graves dommages. Elles mangent non-seulement les racines des tout jeunes hêtres, mais encore font périr des tiges ayant déjà atteint une hauteur d'un et même de deux mètres. Favorisées dans ces derniers terrains par la mobilité du sol, elles peuvent parcourir facilement, en les ravageant, plusieurs mètres carrés, et comme les graminées ou

elles

autres plantes de cette nature y sont ordinairement assez rares, s'attaquent avec d'autant plus d'avidité aux racines des jeunes plants. Il y a lieu toutefois de faire remarquer que le nombre des hannetons diminue sensiblement à mesure que l'on s'élève au-dessus des plaines, et que l'on ne trouve presque plus de ces insectes dès qu'on arrive à 400 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Aussi les dégâts qu'ils occasionnent dans les forêts en montagnes sont-ils peu importants.

Les limaçons causent aussi quelquefois de graves dommages dans les coupes d'ensemencement, en mangeant les cotylédons, et c'est surtout dans les sols argileux, qu'ils préfèrent, que ce danger est à redouter.

Il ne faut pas songer à mélanger, dans les terrains sablonneux, le hêtre avec des essences telles que les érables, le frêne, le sapin, l'épicéa qui, en montagne, s'associent naturellement avec lui. Dans de semblables conditions, c'est le chêne qui vit, sans contredit, le mieux avec le hêtre, et des massifs mélangés convenablement de ces deux essences donnent incontestablement d'excellents résultats. Elles ne se nuisent, en effet, l'une à l'autre sous aucun rapport. Le chêne, il est vrai, ne tarde pas à dépasser le hêtre en hauteur; mais comme, dans les terrains sablonneux, la première de ces essences se développe peu en branches, que son feuillage est peu épais, il s'ensuit que les brins du hêtre ne souffrent nullement d'un semblable voisinage. On remarque même que ceux-ci ont une végétation plus vigoureuse que si le massif était à l'état pur. Dans les bons terrains de sable, à sous-sol argileux, on peut quelquefois, avec grand avantage, fixer à quatre-vingts ou cent ans la révolution du hêtre, à cent soixante et deux cents ans celle du chêne à l'expiration de celle établie pour le hêtre, on exploite tous les sujets de cette essence; la coupe terminée, on repeuple le terrain en hêtre, et cette opération n'est nullement contrariée par le couvert des chênes réservés; puis, à la prochaine révolution, on exploite chênes et hêtres, pour recommencer ensuite ainsi que nous l'avons dit (1).

En résumé, on ne saurait trop recommander d'élever, dans les terrains sablonneux, le hêtre en mélange avec le chêne.

Il y a souvent avantage aussi de mélanger le hêtre avec le charme. Ce dernier est moins sensible à la lumière et à la gelée que le hêtre; il est moins exigeant au point de vue de la qualité du terrain; dès son jeune âge, il couvre et fume très-suffisamment le sol; le peu de développement qu'il prend en hauteur ne lui permet pas de dominer le hêtre; toutes ces qualités réunies font que l'on doit souvent l'employer, comme essence d'abri, pour repeupler les places vides en hêtre. A cet effet, on repique d'abord

(1) Ce sont les forêts à deux étages, telles qu'on les exploite dans le Spessart.
SEPTEMBRE 1860.- 4e SÉRIE. —T. VI.
T. VI.-20

le terrain avec des plants de charme, puis, quand ils se sont suffisamment développés, on plante ou l'on sème le hêtre, qui ne tarde pas à se développer sous leur abri tutélaire. On fait disparaître ensuite le charme sous forme d'éclaircie, à soixante ou quatre-vingts ans, et à partir de cette époque le hêtre reste à l'état pur jusqu'au terme assigné pour sa révolution, Le mélange du hêtre et du bouleau se fait souvent tout naturellement dans les terrains sablonneux et il y présente généralement des inconvénients, parce que cette dernière essence a une tendance marquée à supplanter la première. Pareil fait ne se produit pas dans les terrains argileux ou calcaires, plus favorables à la végétation du hêtre. Nous croyons done qu'il ne faut pas épargner le bouleau dans les coupes de nettoiement, sauf à laisser çà et là quelques tiges qui augmenteront plus tard le produit des éclaircies.

Le mélange du pin et du hêtre n'est pas en général à recommander. Le pin, en effet, dès sa première jeunesse, prend un développement beaucoup plus grand que le hêtre, qu'il domine et écrase, C. V.

(Traduit de l'allemand du docteur Pfeil,)

BULLETIN FORESTIER.

Les adjudications vont commencer pour les coupes de bois soumis au régime forestier. Le résultat n'est pas douteux, on vendra. Les acheteurs, toujours nombreux, sont très-disposés à prendre, car ils ont réalisé des bénéfices sur l'exploitation de l'année, et ils comptent sur une campagne non moins bonne pour 1861 (1).

Les bois à brûler sont en faveur on parle de 110 à 120 francs le décastère sur les ports.

Les bois blancs se relèvent par continuation et sans secousse; ils ont atteint peu à peu le prix de 70 francs, et s'y tiennent fermes.

Les charbons sont en baisse pour la consommation de Paris. La vente en gros est descendue à 5 francs les 240 litres livrés sur waggons hors barrière.

Les charbons destinés à la métallurgie sont à l'état de la plus complète incertitude; le cours des fontes ne peut se fixer; on fabrique le moins possible; on n'ose pas vendre, on n'ose pas acheter. Là sera la seule

(1) Il résulte des renseignements qui nous parviennent de divers côtés que les adjudications de bois qui ont eu lieu jusqu'à présent ont réussi au delà de toute espérance. C'est là un fait que nous nous empressons de constater. (Note de la Rédaction.)

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