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ils ont fait voile pour la France, & doivent débarquer au Havre. Ce que l'on soupçonne est vrai, de pareils soldats sont indignes, & du nom de soldat & du nom françois. Heureusement encore que les vaisseaux qui étoient en rade, & les habitans des campagnes n'ont point été en butte aux mains forcenées qui ont détruit la ville; on le doit aux soins des officiers qui se trouvoient dans le port & en rade.

M. Dillon, gouverneur de cette isle infortunée, est monté à la tribune pour présenter, au nom du comité des rapports, un projet de décret, dont l'esprit étoit calqué sur une pétition des habitans de Tabago auprès de sa majesté. Sans asyle, sans vivres, sans armes, disent-ils, nous supplions votre majesté de venir à notre secours, de nous accorder 1°. une nouvelle garnison de 300 hommes, 300 barils de farines, autant de viandes salées. Le projet de decrét étoit conforme, si ce n'est qu'il portoit 400 barils aulieu de 300, & de farine & de viande.

On marquoit quelque empressement de conserver le décret, lorsque M. de la Chaise s'est élevé contre les détails y mentionnés comme contraires aux principes. L'opinant a été interrompu assez brusquement par M. Cocherel, qui s'est écrié J'estime qu'il faut envoyer à Tabago des troupes étrangeres, sans quoi on ne remediera point au mal. Du reste, j'appuie M. de la Chaise.

M. Moreau de Saint-Méry: Personne n'ignore que les isles du Vent sont dans la plus grande fermentation; les ministres n'y jouissent pas dune grande confiance. Si l'assemblée ne s'expli

quoit pas sur la nature des secours à y envoyer, il pourroit arriver encore de nouveaux troubles, soit qu'on trouve qu'ils fassent trop ou trop peu.

M. de Crillon: Ce que vient de dire le préopinant ne m'empêche pas de croire qu'il est contre votre constitution de spécifier le nombre d'hommes que le pouvoir exécutif doit envoyer dans telle ou telle partie de l'empire, l'état des secours qu'il y fera passer. Vous devez vous borner à requérir sa surveillance.

M. de Gouy d'Arcy a communiqué une lettre à lui écrite à bord de la frégate la Vestale, dans la rade de Saint-Domingue, qui donne des lumieres sur l'insurrection des troupes aux Antilles. Elle porte que les compagnies d'artillerie en garnison au Cap, se sont mutinées, sous prétexte qu'on emploie une barre pour les retenir en prison is pouvoient s'en échapper auparavant. Ils ont député 30 d'entr'eux à la municipalité, & ont menacé de mettre le feu au port & aux poudrieres. Aussi-tôt la municipalité a requis les troupes patriotiques & réglées. Elles ont marché sur trois colonnes, les officiers municipaux à la tête, & ont entouré le parc d'artillerie. Les compagnies interdites n'ont pas fait de résistance: elles ont livré 10 d'entr'eux, comme les auteurs de la révolte. Deux ont été pendus sur le champ. On attribue ces mouvemens aux recrues nouvellement débarqués, qui sont de trèsmauvais sujets.

Tout cela ne seroit pas arrivé, a ajouté M. de Gouy, si le ministre avoit voulu nous croire au mois de juillet dernier. Nous lui disions alors que dans ce moment d'effervescence & d'exal

tation de toutes les têtes, il étoit dangereux de completer les corps en garnison aux isles; que ce seroit y faire passer le même esprit. Il est encore intéressant aujourd'hui de suspendre tout envoi de recrues dans nos colonies.

M. Barnave Notre position actuelle est hors du cas ordinaire où, si la constitution étoit achevée, s'il y avoit un fond établi pour les événemens imprévus, le ministre pourroit en disposer sans consulter le corps législatif, sauf la responsabilité. Mais rien de tout cela n'existe encore. Il faut donc autoriser le ministre à faire un emploi extraordinaire de fonds. Voici le décret que je vous propose en conséquence. L'assemblée l'a adopté comme suit, après lui, avoir accordé la priorité sur celui de M. de Dillon.

DÉCRET.

« L'assemblée nationale, délibérant sur la lettre adressée à son président par le ministre de la marine, décrete que son président se retirera par-devers le roi, pour le supplier de faire passer incessamment à la colonie de Tabago les moyens de substistance & de défense demandés dans la pétition des colons.

M. Camus est venu ensuite présenter une rédaction en trois articles du premier article des patronages laïcs, rédaction qu'il venoit de faire, de concert avec M. Martineau, en accordant leurs opinions respectives. De son côté, le comité en a présenté une nouvelle. La discussion s'est r'ouverte de plus belle sur ces deux rédactions. M. Treilhard a appuyé de toutes ses for

ces celle du comiré. Enfin, après beaucoup de débats, l'assemblée a renvoyé à demain, & a levé la séance à trois heures & demie.

Séance du soir, premier juillet.

Dans cette séance il a été fait plusieurs pétitions. Les armuriers se sont présentés pour demander un dédommagement pour les armes qui leur ont été enlevées au mois de juillet 1789. Si l'assemblée étoit un cops de commerçans, la réponse à faire à la communauté des armuriers seroit facile :

Allez, vous êtes une ingrate;

Ne tombez jamais sous ma patte.

La différence, c'est que le principe de la Fontaine doit s'appliquer en raison inverse.

La section des Filles Saint-Thomas, après les les complimens d'usage, a demandé à l'assemblée qu'elle voulût bien décréter que tous les membres du corps diplomatique, employés au service de France, auprès des cours étrangeres, fussent tenus d'envoyer par écrit leur serment civique.

:

Cette pétition a été métamorphosée en motion par les noirs delà des allégations & un prétexte de refuser d'admettre & d'entendre une députation de la majorité des sections de la capitale cependant, au grand désagrément de quelques membres, cette députation a été admise.

L'orateur a exposé avec autant de vérité que d'énergie combien il seroit avantageux & nécessaire de différer les opérations des élections jus

ques après la fédération. Les motifs de ces délais sont aussi sages que plausibles. La précipitation dans ces élections, la fermentation qui regne dans la capitale, les intrigues & les bassesses de certains personnages pour se faire continuer, le triomphe & la radieuse sécurité des ennemis de la chose publique ont engagé les districts à différer les élections jusques après la fédération. M. Alexandre de Lameth a soutenu fortement la pétition, a développé très-énergiquement les raisons sus - énoncées, & proclamé ouvertement toutes les menées du moment faites pour effrayer & écarter de la capitale une grande partie des citoyens.

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M. Gossin, au nom du comité de constitution, a lu un projet de décret, tendant à faire différer jusques au 20 juillet prochain, toute opération relative aux élections de la capitale; M. Alexandre de Lameth portoit ce délai jusques au premier août. M. Martineau a partagé le différend, & il a été décidé :

Décret relatif au délai des élections de la capitale.

L'assemblée nationale décrete que le roi sera supplié de donner les ordres pour que les opérations prescrites par le décret du 25 juin, ne commencent qu'au 25 juillet. »

Je passe quelques faits particuliers pour venir à un décret fort intéressant. Les honnêtes robins, toujours pénétrés des principes de la constitution, vouloient célébrer l'anniversaire de l'ere de la liberté , par le sacrifice de quelques têtes exaltées dans les journées des 14 & 15 jaillet; mais l'assemblée n'a point pensé comme les robins ; elle a prononcé :

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