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On m'oppose que M. d'Albert est dans une position toute particuliere; que cette démarche inspirera de la confiance à ses subordonnés. Ces raisons ne peuvent balancer le mal que causeroit une violation des principes. D'ailleurs, le citoyen françois qui a l'honneur d'être choisi pour chef, doit être assez honoré par cela même qu'il sert la patrie. Au reste, j'espere que la flotte actuelle ne rendra point à la France tous les services qu'on a lieu d'en attendre, la paix subsistera. Je conclus à ce qu'il n'y ait aucune distinction.

On m'a très-mal interprêté, a répliqué M. de Campagny; je ne demande pas que M. d'Albert paroisse à la fédération, mais bien le com mandant de l'escadre. C'étoit demander la même chose en des expressions différentes; mais au moins la derniere pétition est un peu plus générale; aussi l'a-t-on accueillie avec le plus grand empressement: on crioit tumultueusement, aux voix, aux voix. En vain MM. Muguet, Charles de Lameth ont-ils voulu se faire entendre, leur voix a été étouffée, le décret enlevé par une tumultueuse majorité. Quand il a été prononcé que M. le commandant de l'escadre paroîtroit à la fédération pour prêter le serment civique au nom de la flotte qu'il alloit commander, M. Muguet a fait entendre l'amendement qu'il vouloit y apposer, c'étoit de faire admettre aussi un officier de chaque grade; mais on a rejeté cet amendement.

On est passé à l'ordre du jour, après avoir assoupi une petite querelle particuliere qui s'est élevée entre deux de messieurs les secrétaires :

Ma

l'ordre du jour étoit un rapport sur la ville de Haguenau. M. Broglie a dit:

MESSIEURS,

La ville de Haguenau, ainsi que toutes les autres villes d'Alsace, étoit, sous l'ancien régime gouvernée par des magistrats qui remplissoient tout à la fois les fonctions de juges & celles d'officiers municipaux. En cette derniere qualité, ils administroient les deniers provenans des revenus de la ville, & ils en étoient comptables. L'usage & les réglemens prescrivoient impérieusement qu'ils rendissent tous les ans leurs comptes; & cependant depuis l'année 1786, les magistrats de Haguenau s'en étoient dispensés sous différens prétextes.

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La nouvelle municipalité, légalement élue s'est occupé de l'examen de cette comptabilité, & il est résulté de cette révision, qu'il y avoit dans la caisse un déficit de plus de 200 mille liv., & que les emprunts contractés successivement au nom de la ville de Haguenau par l'ancienne magistrature, s'élevoient à une somme de près de deux millions.

,

A peine ce tableau effrayant de la situation des finances de la ville de Haguenau fut-il devenu public, qu'une partie des anciens magistrats crut devoir sortir de la ville. Le receveur nommé par eux fit l'abandonnement de ses biens & pri La fuite; la municipalité de son côté se crut autorisée, sur le réquisitoire du procureur de la commune, à rendre un décret par lequel elle déclaroit les anciens magistrats solidairement res

ponsables du déficit de leur caisse, & ordonnoit une saisie provisoire de leurs biens & effets.

Cette saisie ayant reçu son exécution, les anciens magistrats porterent leurs réclamations au Conseil souverain d'Alsace, qui ordonna la main levée de la saisie.

Les anciens magistrats, après avoir obtenu la main levée de la saisie, ont présenté une pétition à l'assemblée nationale, dans laquelle ils demandent que l'examen de leur compte & de leur gestion soit envoyé à l'assemblée administrative du département du Bas-Rhin.

Cette pétition est conforme aux principes & à vos décrets, & paroît devoir être accueillie.

Les anciens magistrats de Haguenau, qui, en qualité de comptables, ne pouvoient prétendre à celle d'administrateurs, sont cependant parvenus à faire nommer le sieur Schwendt, un d'entre eux, membre du département.

Cette élection, dont l'effet seroit inévitablement de rendre les anciens magistrats juges & parties, lors de la révision de leurs comptes, est arguée de nullité par la municipalité de Haguenau, en vertu de l'article 2 du décret des 20 & 23 mars, & 19 avril dernier.

Cette demande paroît devoir être décidée contre le sieur Schwendt, par le simple exposé des faits & du texte formel de la loi.

Pour exciter votre juste sollicitude, il suffit de vous énoncer trois faits principaux :

Premiérement, la municipalité de Haguenau a été troublée, le 16 de ce mois, dans ses fonctions, par une insurrection du peuple; la maison commune a été forcée, le poste qui la gardoit

le

a été mis en fuite, les officiers municipaux ont été menacés & dispersés par la violence, greffe a été enfoncé, tout ce qu'il contenoit a été pillé, & des papiers importans pour la comptabilité des anciens magistrats, ont disparu au même moment.

Secondement, cette violence préparée depuis plusieurs jours par des insurrections partielles dans le peuple, & par des écrits incendiaires, a été commise au moment même où plusieurs des anciens magistrats, depuis longtems absens de la ville, y sont rentrés, au moment où une partie de la milice nationale s'étoit rendue à la confédération de Strasbourg; au moment enfin, où, malgré l'opposition & la défense formelle de la municipalité, il venoit de se former illégalement un corps de milice nationale assez puissant & assez nombreux pour rendre inutiles & insuffisans les efforts de la garde nationale soumise à la municipalité, & pour l'effrayer, à force de menaces & de violences, au point d'obliger seize officiers à donner leur démission, que la municipalité a sagement refusée.

ter,

Troisiémement enfin, la municipalité de Haguenau ainsi dépouillée du moyen & des forces qui lui seroient nécessaires pour se faire respec& pour délibérer librement est certainement très-fondée à invoquer l'appui de l'assemblée nationale & à demander en particulier qu'il soit envoyé au plutôt dans cette ville, maintenant en proie à l'anarchie la plus dangereuse, un régiment de cavalerie françoise, qui puisse agir à la réquisition de la municipalité, & con

tribuer par ses ordres au rétablissement de la paix.

« L'assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, & avoir examiné les pieces qui constatent: 1°. les difficultés qui se sont élevées entre la nouvelle municipalité de Haguenau & les anciens magistrats de cette ville. 2o. La nullité de l'élection du sieur Schwendt, administrateur comptable, à la place de membre du département du Bas-Rhin.

3°. Les troubles qui ont eu lieu les 16 & 17 de ce mois dans la ville de Haguenau, & les violences qui ont été exercées contre les officiers municipaux de cette ville.

4°. L'illégalité de la formation de la nouvelle milice nationale de Haguenau.

Considérant que le maintien de l'ordre public est particuliérement intéressé au libre exercice des fonctions attribuées aux officiers municipaux, au respect porté à ceux qui les exercent, & à la plus parfaite soumission de tous les citoyens françois aux décrets émanés du corps législatif acceptés & sanctionnés par le roi, a décrété & décrete: 1°. Que le président se retirera par-devers le roi, à l'effet de supplier sa majesté de donner les ordres nécessaires, pour qu'il soit informé, sans aucun retard, des troubles qui ont été excités dans la ville de Haguenau, des vio lences qui ont été commises contre les officiers municipaux, ainsi que de l'enlevement des pa-, piers, lors du pillage du greffe, & pour que les auteurs, fauteurs & complices de ces excès soient poursuivis, jugés & punis, suivant la rigueur des loix.

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