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son président, doit lui adjoindre deux de ses membres, lorsqu'elle le charge de se retirer pardevers le roi. Sans doute vous bannirez dans les formes de la sanction & de l'acceptation ces expressions de la servitude, qui ne peuvent plus convenir à une nation libre. Je demande que vous chargiez vos commissaires de conférer avec le comité de constitution sur le plan qu'ils ont à vous proposer. L'assemblée s'est rendue à ce vœu de la modestie, comme l'a très-bien observé M. Prieur, pour en rendre compte dans le plus court délai.

M. le Brun a passé à son rapport sur les finances. Il a donné des détails sur les payeurs des rentes de l'hôtel-de-ville, & a proposé de décréter, qu'à compter des arrérages échus au premier juillet 1790, les payeurs de rentes acquitteront toutes les rentes quelconques du clergé, des anciens états, de l'ancienne compagnie des Indes, des titres d'offices supprimés, &c.

M. d'André, appuyé par M. Prieur & plusieurs autres membres, a combattu cet article: il contient, a-t-il dit, une injustice évidente. Comment peut-on imaginer de forcer les créanciers à donner leur confiance, à éprouver des retards & des risques sans nombre, des chicanes multipliées, tandis qu'il est simple que chacun soit payé dans son district? - C'est favoriser l'agiotage, dit M. Prieur. Plusieurs créanciers, a dit M. Mougins, ont stipulé qu'ils seroient payés chez eux. On ne peut violer leur contrat. Enfin, l'ajournement a été prononcé.

Quand on parle de finances tout est ténébreux jusques à la voix du rapporteur. Tout est obscur

en finances. Seulement l'assemblée économise. Il a été décidé « que le traitement des payeurs de fentes seroit pour chacun de 9 mille livres, & 3 mille livres pour les frais de bureaux. >>

M. Moreau, avocat de Tours: Ce traitement est trop modique. Ils sont responsables. M. de. la Chaise Ces receveurs ont des jouissances de fonds, ils savent en tirer partie. M. le Brun: ils n'ont aucune jouissance de fonds; car si un receveur reçoit trop une semaine, on lui retient l'autre. On doit avancer ici qu'il ny a point de reviremens de fonds.

M. la Tour-du-Pin a écrit à M. le président pour solliciter l'assemblée qu'elle veuille bien prononcer sur le paiement des objets arriérés dans le département de la guerre, & notamment sur ceux qu'on ne peut différer à payer sans mettre la chose publique en danger; de ce nombre est tout ce qui a rapport aux fourages, fournitures faites par les géoliers aux prisonniers, frais de voitures, chauffage & casernement, les deux sols par lieues, accordés aux soldats.

La séance s'est levée à trois heures.

Séance du 5 juillet 1790.

M. Delley a lu le procès-verbal de la séance de samedi soir.

Quelques membres ont réclamé contre la teneur du décret qui porte que le commandant de l'escadre sera tenu de se rendre à Paris pour jurer, &c.

M. Delley a répondu qu'aucun secrétaire ne se permettoit de rédiger les décrets, & que

ce décret avoit été rendu par l'assemblée dans les propres termes qu'il avoit rapportés.

M. Bouche & plusieurs autres membres se sont joints à lui; & le décret n'a subi aucun changement.

M. Robespierre a donné lecture du procèsverbal de la derniere séance.

M. Mathieu de Montmorency a demandé d'ajouter à la formule du serment qui va être prêté par toutes les troupes : Nous jurons de ne jamais prendre les armes pour aucune querelle de religion.

Cette addition a été renvoyée au comité de constitution, pour en rendre compte incessam

ment.

A l'occasion du décret relatif aux payeurs des rentes, l'assemblée a ordonné, sur la motion de M. d'André, amendée par M. Camus, que le comité des finances fera imprimer un état dé-' taillé des appointemens des employés dans les différens bureaux & des frais de bureau, & en même tems un tableau comparatif de ces appointemens en 1740, 1761 & 1790.

M. le président a annoncé que le résultat du scrutin élevoit à la présidence M. de Bonnay. Il a réuni 307 voix, M. de Menou 101, M. de la Rochefoucault 82, M. de Cazalès 47.

M. l'ex-président a prononcé un discours analogue à la circonstance, & qui a été siguliérement applaudi.

M. de Bonnay a dit :

MESSSIEURS,

La nouvelle marque de confiance dont vous m'honorez ne m'inspirera point une présomption

déplacée, & l'éclat des circonstances, en ajoutant à ma reconnoissance pour vos bontés, ne m'aveuglera pas sur vos véritables motifs.

J'ai peut-être eu le bonheur de vous donner quelques preuves de zele, & vous avez voulu les récompenser.

Je vous ai montré une exactitude rigide à faire observer les loix de votre police intérieure & vous avez senti qu'au moment où vous alliez paroître, j'oserai dire , aux yeux de la France entiere, qu'il est plus nécessaire que jamais de respecter avec scrupule des réglemens que vous, avez faits, & que vous ne pouvez enfreindre qu'au détriment de vos travaux & de votre gloire.

Enfin, Messieurs, vous avez peut-être es-. péré que parmi les fautes que vous aurez encore me pardonner, je pourrois, à l'aide de mon premier essai, éviter du moins celles de l'inexpérience.

Tels sont les titres sans doute auxquels je dois, vos suffrages; mais si l'honneur que j'ai déjà eu de les obtenir, si l'indulgence que vous avez alors daigné m'accorder, me donnent aujourd'hui le droit de vous parler avec quelque franchise, j'oserai vous dire, Messieurs, que jamais l'assemblée nationale n'est si auguste, qu'elle n'obtient jamais mieux le respect & la confiance, que lorsqu'attentive & recueillie, elle écoute froidement les discussions, permet les opinions les plus opposées, & que du sein d'une délibération réfléchie, elle fait sortir les décrets, dont la sagesse persuade tous les esprits.

Qu'il me soit permis, Messieurs, de vous

inviter, au nom du bien public qui souffre de vos moindres fautes, de vos moindres pertes de tems, au nom de la nation qui attend de vous son bonheur, au nom de la liberté que vous êtes venus établir, & de vous inviter, dis-je, à l'ordre & à la paix.

Les circonstances exigent impérieusement le sacrifice de toutes les rivalités & la réunion de tous les bons esprits; il est tems, il est nécessaire que tous les membres de l'assemblée se rapprochent, qu'ils marchent tous au même but, & ce but doit être le bien général.

J'y concourrai, Messieurs, en m'efforçant moimême de diriger vers lui la marche de vos délibérations; je serai secondé par vous, & cette pensée peut seule me donner la confiance dont j'ai besoin, pour parcourir de nouveau une carrière difficile.

que

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Mais si, dans quelques momens orageux, le choc des passions se faisoit encore entendre, s'il alloit jusqu'à troubler l'ordre que vous desirez tous, & vous m'ordonnez de maintenir; si des volontés du moment & passageres s'opposoient à l'exécution de vos volontés réfléchies & constantes, alors même, Messieurs, fort de vos propres loix, fort de ma conscience, & des intentions que je vous connois, je saurois en appeler de l'assemblée nationale à elle-même, & je ne craindrois point d'encourir sa défaveur d'un moment, pour mériter à jamais son estime.

Les deux discours ont tellement réuni les suffrages de l'assemblée qu'elle en:a ordonné l'impression, en votant les remerciemens d'usage à l'ex-président,

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