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Viguier ont dû prouver à M. Garat ses inconsé

quences.

Au reste l'affaire a été renvoyée au comité de constitution, réuni au comité des recherches, pour présenter un projet de décret dont M. d'Autrec est la cause, mais c'est un des plus délicats de la Constitution.

Sans doute les représentans des peuples doivent être inviolables, mais ce sacré caractere doit être limité, & pour le tems, & pour les lieux, & pour les circonstances. Autrement, la nation doit craindre de voir le corps législatif métamorphosé en despote. Ce qui est arrivé à Rome, à Londres, peut arriver en France. Sans doute le représentant d'un peuple libre doit être libre & inviolable pour ses opinions. Mais quand il s'agit d'un delit, qu'il est prouvé, il est sous le glaive de la loi. Oui s'il arrivoit qu'un représentant fut pris en flagrant délit, il est de Fessence de la liberté qu'il soit árrêté, autrement tout seroit perdu, & ce seroit ouvrir la porte à l'impunité la plus déraisonnable.

La fermentation qui régnoit dans la capitale inquiétoit les citoyens: une distinction stipulée par cet amour naturel à l'homme d'être connu pour avoit fait une belle action, avoit attiré aux vainqueurs de la Bastille d'es querelles avec les autres soldats-citoyens de l'armée parisienne. Le maire de Paris est venu à bout de couper le mal dans sa racine. Il s'est présenté à la barre de l'assemblée nationale, où, après avoir fait un discours analogue aux circonstances, un des vainqueurs de la Bastille a lu l'arrêté suivant:

Les vainqueurs de la Bastille, reconnus dans les procès-verbaux de vérification faits de l'auto

rité de la commune, & déposés aux archives de la nation, convoqués en assemblée générale dans l'église des Quinze-vingts, & présidés par M. le maire, assisté de leurs commissaires, instruits que le décret, par lequel la premiere assemblée nationale a récompensé leurs services, sert d'intrument à l'aristocratie expirante, pour chercher à soufler le feu de la guerre civile, & à animer les uns contre les autres, les conquérans de la liberté, c'est-à-dire, la garde nationale de Paris & les cidevant gardes-françoises contre leurs freres d'armes & concitoyens. Les vainqueurs de la Bastille, trop glorieux déjà de ce que le 14 juillet, le jour où ils ont pris la Bastille, a été choisi par l'assemblée nationale pour l'époque de la liberté conquise & de la confédération générale de toute la grande famille; considérant que l'honneur est dans l'action du 14 juillet, bien plus que dans les récompenses; qu'ils sont assez honorés d'avoir su les mériter pour pouvoir se passer de distinctions qui n'aujouteroient rien à leur patriotisme, & que le sacrifice qu'ils vont faire doit rétablir la tranquillité publique ; considérant que si l'assemblée nationale doit faire respecter ses décrets, & ne peut souffrir qu'il y soit dérogé, les vainqueurs de la Bastille seuls peuvent consentir à ce qu'il soit porté atteinte à celui qui leur a été accordé, ont unanimement arrêté de charger M. le maire & leurs commissaires de porter à l'assemblée nationale la déclaration solemnelle qu'ils font de renoncer, si l'intérêt de la constitution l'exige, à tous les honneurs dont ils ont été couverts par le décret du 19 de ce mois, notamment à une place distinguée parmi leurs

freres d'armes, lors de la fédération du 14 juillet, & lors de formation des gardes nationales, ce à quoi ils avoient déjà solemnellement chargé leurs commissaires de renoncer, & à quoi ceuxci avoient renoncé en leur nom, le jour même du décret; ils sont bien sûrs qu'on n'accusera pas. les vainqueurs de la Bastille de faire cette démarche la crainte des menaces : le reste de par leur sang qui n'a point coulé sous les murs de la Bastille, ils étoient prêts, s'il l'eût fallu, à le répandre pour le maintien des décrets. Le vrai sentiment de la gloire & du bien public l'a emporté dans leur ame déjà exercée à tout sacrifier pour la patrie. Et l'on dira: Ceux qui ont pris la Bastille, T'ont prise pour établir la constitution : ils ont été comblés d'honneurs nationaux; ils ont su y renoncer pour le maintien de la constitution; & ce dernier coup abattera la derniere tête de l'hydre.

Et à la fin de la délibération, l'un d'eux M. Hulin, a détaché son ruban & la médaille accordée par la commune aux ci-devant gardesfrançoises, & qui lui avoient été donnée : il a annoncé qu'il alloit la reporter au comité de MM. les gardes, en déclarant que s'il faisoit cette démarche, ce n'étoit pas qu'il ne fût trèshonoré de porter une marque de patriotisme mais qu'il ne vouloit point une distinction qui n'étoit pas commune à ses freres d'armes, lorsqu'ils renonçoient aux leurs.

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Au même instant, M. Léonard Bourdon, l'un des commissaires, a fait recueil de tous les rubans des vainqueurs de la Bastille, dont ils vont faire hommage sur l'autel de la patrie il les a présentés en effet.

M. le président a répondu : Messieurs, déposer sur lautel de la patrie, par amour de la paix, par l'amour de l'égalité, les palmes que vous avez cueillies & les marques distinctives \ que l'on vous avoit accordées, est une action plus grande & plus glorieuse encore que de les avoir méritées. On reconnoît en cela que le civisme & le courage sont inséparables de vos coeurs. L'assemblee 1 rendra en considération l'arrêté que vous lui présentez, & elle ne peut qu'applaudir aux se timens qui vous ont fait vous présenter devant elle aujourdhui & vous permet d'assister à a séance. Les vainqueurs ont été se placer à gauche parmi les représentans Ceci a donné occasion à M. Menou de faire la motion de détruire tous les ordres, & de créer un ordre national. Cette motion a fait beaucoup de mécontens, & n'a point eu de succès; elle n'est pas mûrę.

MM. Roederer & Moreau de Saint-Mery ont fait la motion suivante, qui a été décrété unanimement « L'assemblé nationale, touchée des motifs qui engagent les braves citoyens vainqueurs de la Bastille à se présenter devant elle, accepte la renonciation cu'ils font des distinctions qui leur avoient été accordées : l'assemblée nation ale décrete qu'il sera fait une mention honorable de leur généreux sacrifice. >>

La séance a fini à 4 heures.

LE HODEY.

De l'Imprimerie du RÉDACTEUR

Place du

Palais-Royal, au coin de la rue Fromenteau.

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ASSEMBLÉE NATIONALE

PERMANENT E.

Séance du 26 juin 1790.

APRÈS la lecture du procès-verbal de la derniere séance, l'assemblée a confimé le choix des électeurs du département de l'Yonne sur le cheflieu du septieme district: la ville de Fécamp a été autorisée à s'imposer 3000 liv., & celle de Beaucé à continuer, comme par le passé, la perception des droits dans son franc-marché.

M. Merlin a exposé que l'assemblée électorale du département du nord va avoir lieu à Douay; qu'une partie des électeurs attachée à l'ancien régime a dessein de protester contre les innovations; qu'il y avoit à craindre que le peuple ne se portat à quelques excès contre eux, si les commissaires du roi n'étoient spécialement autorisés à faire exécuter les décrets; en conséquence, il a proposé & fait adopter le décret suivant:

DÉCRET.

«L'assemblée nationale déclare que les commissaires nommés pour le département du nord,. sont chargés, lors de la formation de l'assemblée électorale, de tenir la main à l'exécution des décrets de l'assemblée nationale, & notamment à l'article 6 du décret du 26 mai dernier. >> M. Gossin a rendu compte des réclamations Tome XIII. No. 2. B bis

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