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sent toujours assez singuliérement. L'homme qui parle est toujours sûr d'avoir la majorité qui ne l'écoute pas. Un député de Bayonne jasera avec son voisin quand il s'agit de fixer le siege épiscopal dans le département du Pas de Calais, & réciproquement. Je crois servir mes lecteurs en n'entrant point dans des redites.

M. de la Touche avoit demandé la parole pour communiquer ce qui suit, au nom de M. d'Orléans ; il l'a obtenue à deux heures passées. D'abord Topinant a lu une lettre à lui adressée, conçue

en ces termes :

Je vous prie, Monsieur, de mettre le plutôt possible, & en mon nom, sous les yeux de l'assemblée nationale, les faits dont l'exposé est ci-dessous.

Ensuite il a fait lecture de la lettre dont il étoit chargé de donner connoissance à l'assemblée. Le 25 du mois dernier j'ai eu l'honneur d'écrire au roi pour prévenir sa majesté que je me disposois à me rendre incessamment à Paris ; ma lettre a dû arriver à M. de Montmorin, le 29 du même mois. J'avois depuis pris en conséquence congé du roi d'Angleterre, & fixé mon départ à aujourd hui 3 juillet après midi. Mais ce matin, M. l'ambassadeur de France est venu chez moi m'a présenté un Monsieur qu'il m'a dit être M.

de Boinville, aide-de-camp de M. de la Fayette, envoyé de Paris par son général, le mardi 29, pour une mission auprès de moi. Alors ce M. de Boinville m'a dit, en la présence de M. l'ambassadeur, que M. de la Fayette me conjuroit de ne pas me rendre à Paris; & parmi plusieurs motifs qui n'auroient pu fixer mon attention, il m'en a présenté un plus important, celui des troubles qu'exciteroient des gens mal-intentionnés, qui ne manqueroient pas de se servir de mon nom. Le résumé de ce message & de cette conversation est certifié par M. l'ambassadeur de France dans un écrit dont j'ai l'original entre les mains, & dont copie signée de moi est ici jointe. Sans doute je n'ai pas dû compromettre légérement la tranquillité publique, & j'ai pris le parti de suspendre toute démarche ultérieure ; mais ce n'a pu être que dans l'espoir de m'expliquer.

J

A l'époque de mon départ pour l'Angleterre, ce fut M. de la Fayette qui me fit le premier annoncer de la part du roi la proposition de me charger de la mission que sa majesté desiroit me confier. Le récit de la conversation qu'il eut avec moi à ce sujet, est consigné dans un exposé de ma conduite, que je me proposois de rendre public seulement après mon retour à Paris; mais que, d'après ce nouvel incident, je prends le parti de pu

blier aussi-tôt, comme aussi d'en déposer l'original sur le bureau de l'assemblée. On y verra que parmi les motifs que M. de la Fayette me présenta pour accepter cette mission, un des principaux fut que mon départ ôtant tout prétexte aux mal intentionnés de se servir de mon nom pour exciter des mouvemens tumultueux dans Paris lui, M. de la Fayette, en auroit plus de facilité pour maintenir la tranquillité dans la capitale; & cette considération fut une de celles qui me déterminerent. Cependant j'ai accepté cette mission, & la capitale n'a pas été tranquille; & si en effet les fauteurs des tumultes n'ont pu se servir de mon nom pour les exciter, ils n'ont pourtant pas craint d'en abuser dans vingt libelles tâcher d'en fixer les soupçons sur moi.

, pour

Il est enfin tems de savoir quels sont les gens mal intentionnés dont toujours on connoît les projets, sans cependant pouvoir jamais avoir aucun indice qui mette sur les traces, soit pour les punir, soit pour les réprimer; il est tems de savoir pourquoi mon nom serviroit, plutôt que tout autre, de prétexte à des mouvemens poplaires; il est tems enfin qu'on ne me présente plus le phantôme, sans me donner aucun indice. de sa réalité.

En attendant, je déclare que depuis le 25 du

mois dernier, mon opinion est, que mon séjour en Angleterre n'est plus dans le cas d'être utile aux intérêts de la nation & au service du roi. Qu'en conséquence je regarde comme un devoir d'aller reprendre mes fonctions de députés à l'assemblée nationale; que mon vœu personnel m'y porte; que l'époque du 14 juillet, d'après les décrets de l'assemblée, me semble m'y rappeler plus impérieusement encore, & qu'à moins que l'assemblée ne décide d'une façon contraire, & ne me fasse connoître sa décision, je persisterai dans ma résolution premiere. J'ajoute que si, contre mon attente, l'assemblée nationale jugeoit qu'il n'y a lieu à débérer sur ma demande, je croirois en devoir conclure qu'elle juge que tout ce qui m'a été dit par le sieur Boinville, doit être considéré comme non-avenu, & que rien ne s'oppose à ce que j'aille rejoindre l'assemblée dont j'ai l'honneur d'être membre.

Je vous prie, Monsieur, après avoir fait connoître les faits à l'assemblée, d'en déposer sur le bureau le présent détail, signé de moi, & de solliciter la délibération de l'assemblée à ce sujet,

J'envoie copie de la présente lettre à sa majesté, par M. de Montmorin, & à M. de la Fayette.

Signé L. PH. JOSEPH D'ORLÉANS.

M. de la Fayette a dit :

D'après ce qui s'est passé entre M. d'Orléans & moi au mois d'octobre dernier, & les motifs qui m'ont engagé à le déterminer à se charger d'une mission particuliere auprès de sa majesté britannique, j'ai cru devoir l'informer que les mêmes motifs subsistent encore; que la tranquillité publique exige son absence. Mes raisons sont fondées sur les alarmes qu'on cherche à répandre, & que je ne partage point.

Il est vrai que j'ai chargé M. de Boinville de ce message; mais comme l'assemblée nationale m'a chargé spécialement de veiller au bon ordre, j'ai cru devoir prévenir jusques à tout prétexte de désordre au moment de ce grand jour de la fédération.

Permettez-moi de dire mon opinion particu liere. Plus je vois approcher la fète de la fédération, plus elle plus elle m'inspire de sécurité ; elle est fondé sur le zele de la garde nationale parisienne qui en donne tous les jours de nouvelles preuves, & sur le patriotisme de nos freres d'armes qui vont se réunir à nous.

Jamais les amis de la constitution n'ont été plus nombreux, jamais nous n'aurons été plus forts, ni plus en sûreté.

On interprêtera ce dire suivant que l'on sera affecté pour ou contre. Les uns le trouveront

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