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foulé par des satellites du despotisme. Le champ de Mars, qui devroit désormais changer ce nom en celui de champ de la Liberté, peut à peine suffire, malgré sa vaste enceinte, à contenir les citoyens travailleurs. Tout fermente, tout s'agite, mais sans confusion, ou plutôt on n'y voit que cette belle confusion qui ramene les hommes à une égalité raisonnée. On vole au champ de la Liberté, non piqué par une vaine curiosité, mais poussés par le besoin voluptueux de concourir aux travaux nécessités & nécessaires pour une fête unique dans les fastes de l'univers.

Un sexe aimable anime par son exemple au travail; les pelles, les bêches, les hoyaux, les brouettes sont les instrumens précieux qu'on sollicite de ses voisins, les belles s'en emparent, oublient leur délicatesse ordinaire, travaillent avec une constance incroyable.

Je n'exagere rien. Impatientes de satisfaire leur passion de travailler pour la fête de la patrie, des milliers de citoyennes le disputent en árdeur à des milliers de citoyens. Ici ce sont des citoyennes revêtues de la robe de la médiocrité; là, c'en est d'autres couvertes de l'écharpe de l'opulence, l'aigrette du luxe rayonnant sur leur tête; plus loin, à côté de celles-ci, figurent les haillons de la misere, qu'un régime plus heureux va transformer dans la livrée de la noble médiocrité. On voit, sans aucune distinction ce sexe aimable fouiller la terre, traîner des charriots, se mêler, sans aucun scrupule, avec les forts de la halle, les charbonniers, les porteurs d'eau confondus gaiement avec ces jeunes gens qu'on désigroit autrefois sous le nom de

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petits-maîtres au défaut de bricolles, vous cussiez vu les femmes, celles-là s'en faire avec leurs modestes fichus de coton; celles-ci détacher leur gaze légere, & s'atteler a de lourds chariots avec les banderoles de la volupté.

Plus d'orgueuil, plus de hauteur; le patriotisme met tout de niveau. Les officiers de tout grade marchent à la tête de leurs troupes, une pioche ou une pelle sur l'épaule. Arrivés à l'atelier, ils prêchent d'exemple. Fiers de leur ouvrage, & étonnés de l'immensité de l'édifice, dont ils jetterent les premiers fondemens, les ci-devant gardes-françoises, que j'ai baptisé un des premiers du nom qu'ils portent aujourd'hui, travaillent jour & nuit avec cette ardeur qui anime & animera éternellement les premiers conquérans de la liberté, lorsqu'il s'agit de lui élever un autel. Tous. ces braves, qui, le fer à la main, l'air hagard & terrible, vinrent à bout d'abattre, le 14 juillet 1789, les barrières épouvantables du despotisme, & de renverser les murs cadavereux de la Bastille montrent aux yeux des scélérats & des anti-patriotes que l'ivresse du patriotisme est constant chez nous, & & que l'armée de Cadmus qui sortit de terre, armée de piques, veut jouir des prérogatives attachées à la dignité d'homme.

Les respectables défenseurs de la patrie, les invalides, semblent renaître, & oublier qu'ils sont mutilés: Tel ce grec, dont on a tant préconisé la valeur pour s'être attaché avec les dents à un cabre, après avoir eu les deux bras coupés ; tels les invalides mutilés traînent, ceux-ci de la seule main qui leur reste, ceux-là avec une jambe de bois, les chariots pesans; les suisses, la maison

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du roi, les hommes de tous les états, depuis la houlette jusques au sceptre, tout veut concourir & concourt à disposer le lieu où les François réunis vont jurer à la face de Jehova, sur l'autel de la patrie, dêtre un peuple de freres.

Que l'univers contemple & admire en silence un peuple toujours gai affermir sa liberté, sans rien perdre de l'amabilité de son caractere; qu'il contemple & s'étonne que la moralité puisse modifier, à son gré gré, une machine compliquée de 25 millions de rouages. S'il est un incrédule, je l'exhorte à venir contempler avec moi les mouvemens du champ de la Liberté. Il y verra creuser d'une main également libre & gaie & le tombeau éternel du despotisme ministériel, de la féodalité, des distinctions outragantes pour l'homme & l'humanité, & ériger sur les bases inébranlables de l'égalité raisonnée, l'autel de la liberté, soutenu immuablement par un souverain au cœur doux & loyal, quoiqu'armé de 50 millions de bras. Des écrivains que je dédaigne de qualifier nous font craindre.Ces ames mercenaires semblent envier à un peuple nouvellement libre le bonheur & la volupté des jouissances honnêtes & nationales; ils nous parle de menées, de cabales. A entendre ces déclamateurs effrénés, nous marchons sur un volcan dont l'explosion doit nous envelopper. Qu'ils apprennent que les nations sont immortelles, qu'ils sachent que les malheurs qu'ils nous pronostiquent n'anéantiroient pas un peuple de 25 millions d'hommes; qu'ils apprennent que s'il existe des méchans, ils sont ilsolés, & qu'une contre révolution est impossible dans l'ordre des choses naturelles.

La même main qui a conduit la révolution au point où elle est, la conduira à son terme. La Providence achevera son ouvrage. Oui, c'est la Providence, car qui que ce soit ne peut se flatter d'avoir combiné les effets de l'heureuse insurrec tion d'une masse d'hommes de 25 millions. Le crime & le mensonge ont servi d'instrumens à la Providence. Ici la vengeance des grands contre les grands, là les menées à la soif de l'or toujours fourbes, toujours fausses dans leurs moyens, sont venus contre leur volonté, & presque sans le savoir, aboutir par des chemins détournés & tortueux, dans la voie large & splandide de la liberté & de la patrie. Depuis, les satellites, du crime ont beau faire, ils se trouvent enchaînés au char de la patrie. Je dis enchaînés, parce que chez un peuple libre il n'y a d'esclaves que les suppots du despotisme & du crime.

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Séance du 8 juillet 1790.

Sur l'invitation des électeurs de Paris, l'assemblée a arrêté d'envoyer une députation au Te Deum qu'ils feront chanter le 13 juillet.

Parmi les adresses dont M. Regnault a lu l'extrait, s'en trouve une de la communauté des cordonniers d'Orléans. Ils supplient l'assemblée d'agréer, comme une preuve de leur dévouement, la réfutation qu'ils ont faite de la délibération des catholiques de Nismes. Des cordonniers sont assez bons théologiens pour réfuter ces nouveaux peres de l'église.

D'après les représentations de M. le président, l'assemblée a pris l'arrêté suivant, destiné à être imprimé & affiché aussi-tôt.

« L'assemblée nationale regrettant de ne pou voir, d'après la multiplicité de ses travaux, admettre en détail toutes les députations particulieres des différens corps qui envoient des députés à la fédération du 14 juillet, déclare qu'elle ne recevra qu'une seule députation au nom de toutes les gardes nationales de France, une au nom de toutes les troupes de ligne à pied, une au nom de toutes les troupes à cheval, & une au nom des différens corps réunis de la marine royale & marchande. >>

Sur le rapport de M. Vernier, l'assemblée a autorisé la ville de Louviers à faire un emprunt de 20 mille livres pour employer à des ouvrages publics le grand nombre d'ouvriers qu'elle renferme.

M. Boislandry a continué ensuite son rapport sur la fixation des sieges épiscopaux. L'assemblée a décrété ce qui suit :

<«<Celui du département de la Drome à Valence.

Celui du Celui du Çelui du Celui du Celui du Celui du Celui du

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de la Lozere du Gars.

de l'Hérault

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de Rhône & Loire
du Puy-de-Dome.
du Cantal.

de Haute-Loire

Celui du de l'Ardeche

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Celui du

de l'Isere

à Grenoble,

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qua

tre-vingt-trois départemens du royaume, & qui

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