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Sur la seconde, le retrait lignager doit-il être supprimé en général ? J'examinerai d'abord s'il est compatible avec nos mœurs actuelles, s'il protege l'agriculture & le commerce, enfin, s'il est avantageux aux familles. Ouvrez Tacite : vous y verrez que les Francs l'apporterent de la Germanie. Parmi eux, tous les individus d'une même famille soutenoient la querelle de la famille on se battoit pour la possession d'un champ, pour l'enlevement d'une fille, & de-là les familles étoient des especes de républiques. Est-il étonnant qu'elles eussent adopté un usage qui empêchoit les biens de passer en une autre famille? De-là encore l'exclusion des filles parce qu'elles ne pouvoient figurer dans ces combats. Consultez Montesquieu, il vous dira que le retrait lignager est une institution vicieuse. Voyez les coutumes qui l'admettent : ne l'ontelles pas marqué du sceau de la réprobation, en disposant que l'omission de la moindre formalité seroit fatale au retrayant? D'où vient cet accord, si ce n'est du préjudice qu'il cause à la société ? Votre comité s'est décidé en conséquence à vous en proposer l'abolition.

Aucun membre n'a réclamé, & l'assemblée a décrété le projet du comité en ces termes :

DÉCRET.

« L'assemblée nationale, sur le rapport de son comité de féodalité, a décrété & décrete ce qui suit. 1°. Le retrait lignager est aboli; 2o. toutes demandes en retrait lignager qui n'auront pas été adjugées ou consenties avant la publication du présent décret, sont annullées ; & il ne sera statué que sur les dépens. >

Votre comité, a continué, M. Merlin, vous propose en même tems de comprendre dans cette abolition celle d'un droit connu en Flandre & Artois sous le nom de droit d'écart, escart, ou boute-dehors. C'est un droit de bourgeoisie, par lequel, si l'héritier n'est pas bourgeois de la même ville que le décédé, il revient à la commune de la ville où le fonds est situé, une portion quelconque de ce fonds, d'un septieme, d'un dixieme ou d'un douzième, selon l'usage suivi dans cette ville. Il ne faut pas de grands efforts pour prouver que de pareils droits sont infiniment préjudiciables à la vente des biens & même injustes, car ils ne sont pas une émanation de la propriété fonciere. Tous les auteurs hollandois, allemands & flamands sont d'accord là-dessus. C'est un lien imaginé jadis pour resserrer là confédération entre les habitans' de la même ville. D'après ces considérations, le projet de décret que je vous présente pourra faire l'article 3 du décret précédent. L'assemblé y a consenti & a généralisé son dé cret sur la demande de M. Martineau.

DÉCRE T.

« L'assemblée nationale supprime également le droit connu dans les départemens du Nord du Pas-de-Calais & du bas-Rhin, sous le nom de droit d'écart, escart ou boute-dehors, & tous autres droits de même naturé sous quelque dénomination que ce soit qui pourroient être établis dans d'autres parties du royaume ; & éteint toutes procédures qui auroient ces droits pour objet. ». La suite à demain.

LE HODEY.

Suite de la Séance du 17 juillet 1790.

M. de Batz a fait un rapport, au nom du comité de liquidation. Je vais donner les articles tels qu'ils ont passé, sauf à revenir sur les débats.

DÉCRET.

« L'assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, sur la nécessité de fixer d'une maniere précise les pouvoirs de ce comité, & de déterminer les fonctions qui lui sont attribuées, a décrété ce qui

suit:

ART. I. L'assemblée nationale décrete comme principe constitutionnel, que nulle créance arriérée ne peut être admise parmi les dettes de l'état qu'en vertu d'un décret de l'assemblée nationale, sanctionné par le roi.

II. En exécution du décret sanctionné du 23 janvier & de la décision du 15 février dernier, aucunes créances arriérées ne seront présentées à l'assemblée nationale, pour être définitivement reconnues ou rejetées qu'après avoir été soumises à l'examen du comité de liquidation, dont les délibérations ne pourront être prises que par les deux tiers au moins des membres de ce comité ; & lorsque le rapport du comité devra être fait à l'assemblée, il sera imprimé & distribué huit jours avant d'être mis à l'ordre du jour. Néanmoins les vérifications & appuremens des comptes dont les chambres des comptes ou autres tribunaux peuvent être saisis actuellement, conTome XIII, No. 24.

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tinueront provisoirement & jusqu'à la nouvelle organisation des tribunaux & l'établissement des regles fixées sur la comptabilité, à s'effectuer comme ci-devant, suivant les formes prescrites.

III. Aucune créance rejetée par les ordonnateurs, arrêts du conseil, chambres des comptes & autres tribunaux, ne pourra être présentée au comité de liquidation.

IV. Le garde des sceaux sera tenu de donner au comité de liquidation connoissance & état exact de toutes les instances actuelles, concernant la vérification, appurement & liquidation des créances sur le trésor public, à quelque titre que ce puisse être.

V. La chambre des comptes fera pareillement remettre audit comité un tableau de toutes les parties de comptabilité, dont la vérification & appurement sont actuellement à l'examen de ce tribunal.

VI. Tous administrateurs, ordonnateurs, magistrats & autres personnes publiques, seront tenus de fournir les documens & instructions qui leur seront demandés par le comité.

:

seront

VII. Tous les créanciers qui prétendent être employés dans l'état de la dette arriérée tenus de se faire connoître dans les délais suivans dans deux mois, à compter de la publication du présent décret, pour les personnes qui habitent le royaume; une année pour celles qui sont en deçà du cap de Bonne-Espérance, & trois années pour celles qui habitent au delà dù cap. Tous ceux qui, dans ce delai, n'auroient pas justifié au comité de liquidation soit de leurs titres duement vérifiés, soit de l'action

qu'ils auroient dirigée devant les tribunaux qui en doivent connoître, pour en obtenir la vérification, seront déchus de plein droit de leurs répétitions sur le trésor public.

VIII. L'objet du travail du comité de liquidation, sera l'examen & la liquidation des demandes formées contre le trésor public qui sont susceptibles de contestation & de difficultés.

IX. Le comité de liquidation présentera à l'assemblée nationale ses observations sur la nature de toutes les créances arriérées sur lesquelles l'assemblée nationale aurà à prononcer. Il vérifiera particuliérement si les créances arriérées comprises dans les états certifiés valables qui doivent lui être remis, en exécution de l'article 7 du décret du 22 janvier dernier, ont été duement vérifiées, ou jugées & apurées, dans les formes prescrites par les réglemens & ordon

nances.

X. Il sera tenu registre de toutes les décisions qui auront été portées sur l'admission, rejet ou réduction des diverses portions de la dette arriérée, afin que, dans aucun tems & sous aucun prétexte, les porteurs de titres rejetés ou réduits ne puissent renouveller leurs prétentions.

XI. Conformément à l'article 9 du décret du 22 janvier dernier, les délibérations du comité sur l'admission, rejet ou réduction des diverses parties de la dette arriérée, ne seront que de simples avis; aucune portion de créance présentée au comité de liquidation, ne pouvant être placée sur le tableau de la dette liquidée, qu'après avoir été soumise au jugement de l'assemblée nationale & à la sanction du roi. »

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