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M. l'évêque d'Autun, a continué M. de la Rochefoucault, proposa, , proposa, le 13 de ce mois, sur l'article 14 du projet de décret que je venois de vous soumettre, des observations d'une telle importance que le comité a cru devoir s'en occuper avec celui des finances. Je vais donc soumettre à la discussion les autres articles en réservant celui-là pour être l'objet d'un décret particulier.

Après la lecture du premier article, (Voyez N° 20, page 310.) M. Martineau a observé qu'on ne pouvoit encore s'occuper d'une pareille opération, lorsque la désignation des biens représentés par les assignats n'étoit pas faite, lorsqu'on ne spécifioit pas quelle espece de biens vouloit conserver l'assemblée nationale. Cette réserve ne regarde sans doute que les forêts, mais l'étendue n'en est pas désignée. Il a conclu à l'ajournement.

En conséquence, la discussion s'est ouverte sur l'ajournement.

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Comment a dit M. Reubell, vous avez décrété que vous ne vendriez que pour 400 millions à la fois ; & aujourd'hui, sans avoir achevé cette premiere operation, sans l'avoir même entamée ; car quand la vente seroit consommée vis-à-vis des municipalites, elle ne seroit encore que fictive, on vient vous proposer de vendre la totalité. Cela n'est pas admissible. D'ailleurs le comité n'est établi que pour l'aliénation de 400 millions.

Le décret du 14 mai, a répondu M. le rapporteur, nous charge, par l'article 2, de recevoir les soumissions des particuliers, & nous en avons une foule sur lesquelles on nous presse de donner une réponse décisive.

A cela la réponse me paroît simple. Ces de

mandes peuvent & doivent se porter sur les 400 millions décrétés, puisque les municipalités n'acherent que pour revendre.

Quoiqu'il en soit, M. l'abbé Maury a demandé la parole & a dit: L'opération qu'on vous propose est le chef-d'oeuvre de l'agiotage. On ne peut rien faire de plus désastreux pour la nation. Voici le secret: Les agioteurs sont ruinés quand les effets publics sont au pair. Que faut-il pour eux ? Il faut que les effets haussent & baissent. Or, les effets n'ont pas varié depuis un mois, & les agioteurs sont à l'aumône.

Je n'ai pas l'honneur d'être le confident de M. l'évêque d'Autun, & cependant je vais vous révéler tous ses secrets.

A ces mots, une partie du côté gauche se souleve. M. Alquier demande la parole. Le trouble regne dans l'assemblée. M. le président cherche à rétablir le calme. Je n'ai rien entendu, dit-il, qui exige le rappel à l'ordre. Il ne s'agit que d'un ajournement, répond M. d'André ; que l'opinant se renferme dans la question. Alors M. le président lui recommande de s'y borner, & l'orateur continue :

Qu'ont dit les agioteurs en voyant cette stagnation? Mettons tous les biens nationaux en vente, & les effets qui perdent dix pour cent sur la place, seront reçus en paiement comme les assignats, qui ne perdent que trois pour cent. Cette opération donnera à tous une grande activité, & si les autres effets publics ne montent pas au taux des assignats, ceux-ci descendront au leur.

Le comité de liquidation n'a pas encore instruit l'assemblée du montant de la dette publique..

Pourquoi? On est intéressé à couvrir cette partie d'un voile impénétrable. Mais bientôt il vous sera fait un rapport sur cet objet ; & des membres de ce comité m'ont assuré que cette dette alloit à sept milliards.

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Le côté gauche crie à l'imposture : il demande que le comité soit entendu. Je vous somme M. le président, s'écrie M. le Déist, député du département du Morbihan, de mettre cette motion aux voix. Enfin l'abbé Maury a bien de la peine à obéir à un décret qui lui ordonne de céder la place à M. l'abbé Gouttes. On auroit presque pu lire sur son visage : j'ai jetté de l'inquiétude dans quelques esprits foibles.

J'ai eu d'autant plus lieu d'être surpris de l'assertion, dit ce bon curé, qu'ayant été secrétaire de ce comité depuis qu'il est établi, & président depuis quinze jours, & assistant régulièrement à ses séances, j'affirme qu'aucun membre du comité ne peut savoir ce qu'a avancé M. 1abbé Maury. Je demande qu'il nomme ses garans.

On demande que je nomme, a repris M. l'abbé Maury: Hé bien ! M. de Batz, rapporteur du comité, m'a dit que la dette n'étoit pas encore liquidée, mais qu'il prévoyoit avec douleur qu'elle s'élevoit à sept milliards. Il me l'a dit en presence. de plusieurs personnes. C'est de là que je pars pour dire qu'il seroit injuste d'hypothéquer, sur les biens nationaux, une partie de la dette sacrifier l'autre.

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De plus, les biens ecclésiastiques sont aussi le gage des frais du culte : c'est encore le produit de agiotage que de Nvrer ce fondement de la tranquillité publique à l'incertitude des événemens.

Voici le sophisme qu'a fait le comité de liqui dation: Nous réduirons à cinq pour cent les emprunts viagers, & nous donnerons aux créanciers ce taux. L'emprunt viager est un pari fait par le gouvernement avec le prêteur; mais l'emprunt sur les o tètes de Geneve n'est plus la même chose. Il est démontré qu'il doit durer 42 ans, & rapporter 7 fois les fonds. Un pareil emprunt étoit-il faisable? Eh! on nous propose encore aujourd hui de donner des capitaux pour l'éteindre. Les annuités sont un moyen très-moral de le rembourser. Vous en viendrez à bout en dix ans, & vous ne perdrez pas vos capitaux. Déchirez des contrats faits avec des prêteurs aussi usuraires. Ne consacrez pas les usures d'un ministre emprunteur. A présent que ces usuriers craignent que la nation; n'ouvre les yeux, ils veulent vous arracher vos capitaux, ou plutôt des biens-fonds, tandis que vous pouvez vous libérer avec les revenus de ces biens. J'insiste pour avoir un état prochain des rentes viageres. Il y en a pour 105 millions, dont 95 appartiennent aux étrangers. Jugez quelle masse énorme de propriétés ils absorberoient; elle seroit égale au revenu d'une grande province. Quel intérêt puis-je avoir à vous dire ces vé rités? Aucun. Pourquoi cette défaveur?...

Là voici, M. Maury: c'est qu'on ne compte pas sur votre conversion, & que le patriotisme ne croît pas comme le champignon.

Impatient de faire connoître à l'assemblée la fausseté des assertions de M. l'abbé Maury, M. Broglie, qui avoit interrompu plusieurs fois l'orateur, est monté à la tribune pour dire: M. Batz, admis au comité de liquidation depuis Tome XIII. No. 2. B

huit jours, ne peut avoir sur la dette de l'état des connoissances plus certaines que les membres qui y ont été dès sa création. Je suis étonné qu'on se permette de pareilles assertions, & que sur des apparences vagues on ose porter la dette à sept millards. S'il est utile de faire connoître à la nation la profondeur de sa plaie, il est juste & raisonnable de ne pas l'exagérer. Il est inhumain de jeter de l'inquiétude dans l'esprit des créanciers.

Cette maxime est fort bonne dans la bouche d'un patriote; mais dans la bouche d'un abbé à qui l'assemblée vient de retrancher 35 mille liv. de rentes, elle ne vaut le diable. D'ailleurs la plaie saigne encore. Rappellez-vous, MM. Broglie & autres, que c'est hier que vous avez décrété le traitement des bénéficiers de la classe de M. Maury; rappellez-vous, sur-tout, qu'il a voiture, maitresse, & 800 fermiers, votre surprise cessera.

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M. Anson a parlé aujourd'hui 'assez clairement, il a dit: Je vois toujours avec douleur qu'on vous effraie sur la dette de l'état ; ma douleur est d'autant plus profonde que l'on affecte de méconnoître ici une dette qui est connue de toute l'Europe.

Nous ne la connoissons pas, crioit-on à la droite d'ailleurs ; nous voulions avoir le plaisir d'entendre M. Maury. Quel plaisir ! est-ce un plaisir, grand dieu ! que celui qui doit coûter des larmes à des millions d'hommes. Rougissez, représentans de la nation, vous qui avez osé sourire un instant à l'assertion d'un homme ulcéré. Qui que vous soyez, vous êtes François ;

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