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que j'avois dit à leurs camarades, & j'ajoutai: » Je vous ordonne, soldats, au nom du serment » que vous avez fait à la nation, à la loi & au >> roi, de vous rendre à votre quartier, où vous >> recevrez mes ordres ; ce n'est point au milieu. » d'une rue & par une insurrection que vous » obtiendrez de moi une réponse : obéis ez. » Des cris presque unanimes dirent non; toujours calme, je répétai une seconde fois le même ordre on me répondit encore non. J'eus beau dire que je n'étois pas accoutumé à obéir à mes subordonnés, qu'ils pouvoient me casser, mais non me faire plier, les non fur nt toujours répétés. Un appointé de la compagnie de Vaubersay sortit du rang, s'avançe vers moi, & me dit : « Nous » savons que vous voulez faire rentrer au régi»ment les gens qui ont voulu nous faire du mal, » mais f. . . . ils n'y rentreront pas. » Ces propos étoient accompagnés de gestes menaçans & dangereux. Un des officiers qui étoient près de moi m'avertit que d'autres ramassoient des pierres alors je fis un pas en arriere, je dis à moi, Messieurs les officiers ; je tirai mon épée, & la portant en l'air comme pour faire un commandeme nt, je criai: obéissez, soldats, à la voix de votre chef. Au mouvement que nous fimes pour mettre l'épée à la main, les soldats se jeterent les uns sur les autres des deux côtés de la rue; plusieurs tomberent, & d'autres crierent aux armes & coururent à leur quartier. Quelques coquins ont prétendu avoir été blessés par moi; je donne ma parole que la chose est de toute fausseté.

M. le chevalier d'Iversay me pressoit d'ac

corder quelque chose au des r du calme, je répondis que déjà déterminé a ne jamais plus rien accorder, j'accorderois pourtant tout ce que je pourrois au desir, non de sauver des soldats aussi coupables, mais de braves & bons officiers prêts à perdre le fruit de leurs longs services; & voici quel fut mon dernier mot, on jugera si je ne cédois pas tout ce que je pouvois : « L'ancien adjudant qui paroît être la

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principale pierre d'achoppement, m'a fait » dire qu'il ne vouloit pas reparoître, on n'en » entendra donc plus parler; celui qui a été » nommé par les soldats, assistera à la pres>>tation de mon serment civique comme » sergent-major dans la compagnie de laquelle » on l'a tiré, & je vous donne ma parole » que je le recevrai demain à la parade; » quant au retour des officiers à leur com>pagnie, je ne céderai pas sur ce point. ». M. le chevalier d'Iversay, & plusieurs officiers, partirent pour le quartier, mais ils revinrent bientôt me dire qu'il n'y avoit aucun espoir de voir exécuter mes ordres.

Vers les neuf heures & demie, il vint une cinquantaine d'hommes armés pour renforcer la garde des drapeaux. M. le marquis d'Aguilar vint encore à bout de les faire retourner à leur caserne; personne ne manqua à l'appel. Le II au matin on vint me dire que les choses étoient toujours dans le même état:

,

A six heures du soir vinrent chez moi l'adjudant & un sergent-major, de la part du régiment, m'inviter à me rendre au quartier ; j'envoyai chercher M. d'Iversay, & je me préparai à partir

que

malgré les avis multipliés qui me venoient de toute part, qu'on m'attendoit au quartier pour m'assassiner. M. de Chollet arriva au moment où j'allois partir; il me dit des choses infiniment fortes, pour me dissuader d'aller au quartier; & comme j'insistois, il finit par me dire d'après la certitude où il étoit que ma vie étoit menacée, il m'ordonnoit de rester où j'étois; après lui avoir fait toutes sortes d'objections, je lui ai répondu que je savcis obéir; M. d'Iversay a été au quartier porter cette nouvelle ; & nous avons appris que la forme de l'invitation des compagnies du quartier à celle de la citadelle, avoit été conçue en ces termes : « Les compagnies de la » citadelle sont priées d'assister au spectacle » qu'on se prépare de leur donner au quartier. >>

J'ai appris deux heures après, que les soldats avoient député l'adjudant à la citadelle pour chercher de nouvelles cartouches, de maniere à en donner 14 de plus par homme. Les deux adjudans sont venus chez moi; ils m'ont encore parlé de retourner au quartier. Je leur ai dit que j'attendois l'exécution de mon dre, et les ai congédiés.

or

Le général et le maire m'ont engagé à partir, croyant, disoient-ils, , que ma présence pouvoit devenir dangereuse à la tranquillité des citoyens.

Dans ce moment, voyant que ma présence ne pouvoit plus être d'aucune utilité ayant reçu la réquisition de la municipalité ci-jointe, je me suis déterminé à abandonner à leur des'tinée des soldats rebelles & parjures, contre lesquels j'ai offert mes forces personnelles à

la municipalité, en proposant de m'enrôler volontaire dans une des compagnies de la garde nationale. Ne pouvant servir ici la chose publique, je retourne à mon poste de représentant de la nation, &c.

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On a avancé qu'on avoit trouvé les cravates dans mes malles; le fait est faux; je les portois dans mon sein. Je ne crois pas être coupable de l'avoir fait. Je demande d'être jugé par un conseil ds guerre.

Voilà les faits exposés par M. de Mirabeau mais il faut entendre les parties adverses. Quant à moi, cette affaire me paroît de nature à laisser l'homme qui n'a pas été témoin oculaire dans la plus grande incertitude; seulement je dirai, parce que je le crois, qu'il est à présumer que huit cents hommes ont rarement tort. Voici une adresse relative à cette affaire.

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M. Siu, médecin, député de la garde nationale de Perpignan: Messieurs, je suis chargé de la part du corps des officiers, & des volontaires citoyens de Perpignan, de vous porter le tribut de son admiration & de sa reconnoissance; je suis encore chargé de vous rendre le témoignage le plus authentique du patriotisme, de la bonne conduite, des vertus civiles & militaires des régimens de Touraine & de Vermandois, pendant le long espace de tems qu'ils ont été en garnison dans notre ville. Nos cœurs sont pénétrés de la maniere dont ces vertueux militaires se sont constamment conduits envers nous, & ce sentiment que la garde nationale me charge de manifester, est partagé par toute la ville & par tout ce qui fut autrefois province de Roussillon.

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On vous présentera un tableau où le désordre l'insubordination, l'infraction à la regle, paroîtront sous des couleurs qui inculperoient ce brave régiment de Touraine, & terniroient sa gloire. Mais pour apprécier ces mouvemens & les motifs qui les ont déterminés, il est important de vous faire connoître tout ce qui les a précédé. Le brave régiment de Touraine a été témoin perdant plus d'une année du terrible choc des opinions dans notre ville; il a vu les bons citoyens ne pouvant élever qu'une voix foible, odieusement persécutés, calomniés, victimes des manoeuvres les plus perfides; il a vu une assembiée patriotique, contre laquelle on armot indignement le fanatisme civil & religieux; il a vu des protestations indécentes contre vos sages décrets, dont deux mille exemplaires étoient déja prêts, & ont été saisis; il a vu les préparatifs de ce jour qui devoit répandre & coopérer avec la journée fatale de Nismes & de Montauban ; il a éte temoin de la maniere dont les bons. citoyens ont prévenu cet attentat en dissipant l'assemblée qui devoit le commencer. Le régiment enfin a distingué les bons d'avec les méchans; il a résisté avec intrépidité aux caresses, aux insinuations; il falloit bien que le cœur de ces braves soldats s'armât de defiance, ils n'ignoroient pas que le royaume voisin étoit plein de fugitifs, de gens dangereux; tout donnoit l'éveil au patriotisme. Enfin Touraine voit les mêmes personnes dont il connoissoit & désapprouvoit les principes, être à la tête & porter les flambeaux d'une fête nocturre qu'on donne à son colonel. Il voit une foule tumultueuse secouant la torche de la

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