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égard faire une distinction. La loi ayant subordonné l'exercice de ce droit à certaines conditions, à l'observation de certaines formes, un décret ou un arrêté pris en dehors de ces conditions et de ces formes pourrait être attaqué, de ce chef, pour excès de pouvoirs devant le Conseil d'État. Ainsi, si un décret de dissolution n'était pas motivé, s'il n'était pas pris en conseil des ministres, il pourrait être annulé. (Dans ce sens Cons. d'Ét. 31 janvier 1902, Vezzani1.)

Il en scrait de même d'un arrêté préfectoral de suspension non motivé.

Mais l'appréciation des motifs qui ont déterminé la mesure ne saurait être soumise au Conseil d'État par la voie contenticuse (Cons. d'Ét. 25 juin 1857, Collard; 26 février 1872, Montpezat-Bétracq; 22 janvier 1875, Dumont; 4 juin 1875, Allard; 31 mai 1878, Doubet), à moins que, comme dans l'espèce citée plus haut (Vezzani), les motifs ne renferment une illégalité.

Bien que la loi limite le droit de suspension au cas d'urgence, nous croyons que l'appréciation de l'urgence échappe, comme les motifs mêmes de la décision, à l'appréciation du Conseil d'État.

284. On se demandait autrefois si un conseil municipal

1. Dans cette espèce, le décret était attaqué pour deux motifs. Il n'aurait pas été pris en Conseil des ministres ; il était exclusivement motivé sur ce que les élections municipales avaient été irrégulières. Le Conseil d'État, en déclarant qu'il n'était pas besoin de statuer sur le premier grief, a annulé le décret attendu « que si étendues que soient les attributions dévolues au Président de la République par l'article 43, elles ne peuvent être exercées en vue d'obtenir le redressement d'irrégularités qui se seraient produites au cours des opérations électorales et dont la connaissance a été réservée par la loi à la juridiction administrative.» (Revue générale d'administration, 1902, t. I, p. 282.)

Dans une autre espèce (Arrêt du 10 mars 1864, Darnaud), le préfet avait composé la commission municipale nommée par l'arrêté de suspension pour remplacer le conseil municipal d'un nombre de membres inférieur au minimum légal.

Par arrêt du 28 novembre 1891, le Conseil d'État a également annulé pour excès de pouvoirs un arrêté du gouverneur du Sénégal portant dissolution du conseil municipal de Saint-Louis, dont l'élection avait été précédemment annulée. (Revue générale d'administration, 1892, t. I, p. 46.)

démissionnaire, mais dont la démission n'avait pas été acceptée, pouvait être suspendu ou dissous et on résolvait la question affirmativement, attendu que la démission n'avait pas pour effet de dégager les conseillers de leurs fonctions tant qu'elle n'avait pas été acceptée par l'autorité supérieure. (Cons. d'Ét. 10 mars 1864, Darnaud; 13 février 1869, Tirard.) La même solution s'impose aujourd'hui, bien que la démission ait plutôt le caractère d'un acte unilatéral, et que repréfet n'ait plus à l'accepter, mais seulement à en accuser réception (art. 60, n° 417). La démission n'étant définitive que quand il en a été accusé réception, ou qu'un mois s'est écoulé depuis l'envoi itératif de la démission par lettre recommandée, le conseil est encore en fonctions tant que ces conditions ne sont pas remplies. Telle paraît être la jurisprudence du Conseil d'État (24 novembre 1884, Autry; 9 janvier 1885, Chéragas).

285. Ajoutons, bien que cela soit évident, que la suspension et la dissolution ne peuvent frapper que l'ensemble du conseil municipal et ne sauraient atteindre des conseillers pris isolément, ce qui constituerait de véritables révoca

tions.

ART. 44.

Délégation spéciale remplaçant le conseil municipal en cas de dissolution ou d'absence de conseil.

LOI DU 5 AVRIL 1884.

En cas de dissolution d'un conseil municipal ou de démission de tous ses membres en exercice, et lorsqu'aucun conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions.

Dans les huit jours qui suivent la dissolution ou l'acceptation de la démission, cette délégation spéciale est nommée par décret du Président

LOI MUNICIPALE. - I.

LOI DU 5 MAI 1855, ART. 13.

En cas de suspension, le préfet nomme immédiatement une commission pour remplir les fonctions du conseil municipal dont la suspension a été prononcée.

En cas de dissolution, la commission est nommée soit par l'Empereur, soit par le préfet, suivant la distinction établie au 1er de l'article 2 de la présente loi.

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Le nombre des membres de cette commission ne peut être inférieur à la moitié de celui des conseillers municipaux.

La commission nommée en cas de dissolution peut être maintenue en fonctions jusqu'au renouvellement quinquennal.

LOI DU 24 Juillet 1867, art. 22.

La commission nommée en cas de dissolution d'un conseil municipal, conformément à l'article 13 de la loi du 5 mai 1855, peut être maintenue en fonctions pendant trois ans.

286. En cas de suspension ou de dissolution d'un conseil municipal, l'ancienne législation autorisait le Gouvernement à nommer une commission municipale, dont l'effectif ne pouvait être inférieur à la moitié du nombre des membres du conseil municipal. Cette commission qui, en cas de dissolution, pouvait rester en fonctions jusqu'au renouvellement quinquennal ou du moins pendant trois ans, d'après la loi du 24 juillet 1867, avait exactement les mêmes pouvoirs que le conseil municipal. Elle pouvait voter des emprunts et engager, pour de longues années, les finances municipales.

Le législateur a voulu remédier à cet abus.

287.

Le projet voté en 1877 par la Chambre des députés réduisait la durée des pouvoirs de la commission municipale à six mois en cas de dissolution. La commission, que le conseil municipal fût suspendu ou dissous, n'avait que les droits d'un

administrateur provisoire, restreints aux actes urgents; ses membres devaient, en outre, remplir les conditions d'éligiblité exigées des conseillers municipaux.

Le projet présenté en 1882 et qui est devenu la loi actuelle, ne prévoyait la nomination d'une commission municipale qu'en cas de dissolution. Il maintenait les restrictions apportées aux pouvoirs de cette commission; mais le nombre de ses membres pouvait descendre au tiers de l'effectif légal du conseil (séance du 12 février 1883).

Dans l'intervalle des deux délibérations, la commission de la Chambre des députés a modifié son système et substitué un seul délégué à la commission municipale, pour éviter les difficultés que rencontre souvent la constitution d'une commission municipale. La Chambre a adopté ce nouveau système (séance du 6 juillet 1883), en autorisant l'administration à prendre te délégué en dehors des éligibles ou des habitants de la com

mune.

Mais le Sénat a craint qu'une seule personne ne pût suffire aux devoirs multiples que lui imposerait la double délégation des pouvoirs du maire (dont l'art. 87 l'investit) et des pouvoirs du conseil municipal, et il a porté à trois le nombre minimum des délégués; ce nombre peut, dans les villes dont la population dépasse 35,000 âmes, être porté à 4, 5, 6 ou 7.

288. Les délégués sont nommés par le Président de la République. L'un d'eux est désigné comme président de la délégation, un autre peut recevoir le titre de vice-président. Le président de la délégation et, à son défaut, le vice-président, remplit les fonctions de maire (art. 87, voir no 716), tandis que la délégation fait fonctions de conseil municipal.

Ils doivent être nommés dans les huit jours qui suivent la dissolution ou l'acceptation de la démission du conseil.

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1. Cette expression n'est plus exacte, puisque, aux termes de l'article 60, le préfet n'a plus à accepter les démissions, mais seulement à en accuser réception.

Ils doivent remplir les conditions d'éligibilité aux fonctions municipales. Par conséquent, un receveur particulier ne pourrait être nommé délégué. (Décis. Int. 7 septembre 1895, BassesPyrénées 1.)

Les délégués peuvent être remplacés au cours de leur mandat par d'autres commissaires. C'est l'application du principe, qu'à moins d'exceptions formellement écrites dans la loi, l'autorité qui nomme a le droit de mettre fin aux fonctions. (Décisions ministérielles des 1er mars 1886, Quarante; 15 octobre 1889, Orchain.) Du reste, on admettait autrefois qu'une commission municipale pouvait être suspendue et remplacée par une autre commission. (Cons. d'Ét. 27 février 1880, Daux.)

Le recours pour excès de pouvoirs est admis contre les décrets instituant une délégation spéciale. (Cons. d'Ét. 27 novembre 1891, Saint-Louis du Sénégal; 26 décembre 1891, Saint-Julien-Beychevelle.)

289. Ses pouvoirs, dit la loi, sont limités aux actes de pure administration conservatoire et urgente. En aucun cas, ils ne peuvent engager les finances municipales au delà des ressources disponibles de l'exercice courant. Ils ne peuvent, ni préparer le budget, ni recevoir les comptes du maire ou du receveur, ni modifier le personnel ou le régime de l'enseignement public. Des explications échangées dans la séance de la Chambre du 12 mai 1877, il ressort qu'en matière financière les pouvoirs des délégués se bornent à disposer des crédits inscrits au budget de l'exercice en cours, y compris le crédit des dépenses imprévues et les fonds restés libres, sur l'exercice courant, par suite du non-emploi de certains crédits; en

1. Nous remarquons cependant qu'à Marseille, le trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône a été nommé membre de la délégation spéciale chargée d'administrer provisoirement la ville (juin 1902). Faut-il voir dans cette nomination un revirement de jurisprudence? ou bien l'éligibilité aux fonctions municipales n'estelle exigée que du président de la délégation qui remplit les fonctions de maire ?

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