ouvrage, il est telle notice qui en attribue à Daelman deux autres, à savoir un « traité recherché » De actibus humanis et des Thèses sur le système de la grâce en réponse à Jean Opstraet, « Louvain, 1706. » Mais le De actibus humanis est certainement celui qui fait partie intégrante de la Theologia, où il occupe sa place naturelle suivant le plan connu du Docteur angélique; et les Thèses sur le système de la grace semblent bien être aussi les Theses et les Quæstiones qui figurent dans le même ensemble, en guise d'appendice complémentaire au traité De gratia. Aux diverses parties de la Theologia les éditeurs ont joint des Discours de circonstance, que Daelman a prononcés pour la plupart à l'occasion de promotions théologiques. Dans ces harangues officielles et solennelles, l'orateur quitte parfois, bien que rarement, le domaine de la théologie pour celui de l'histoire, et l'on sent facilement qu'il est alors moins à l'aise et moins informé que sur son terrain habituel; il y parle du reste un latin qui vise manifestement à s'élever au-dessus du latin théologique ordinaire, mais dont l'élégance n'est pas toujours égale à elle-même. De Ram, De laudibus quibus veteres Lovaniensium theologi efferri possunt, Louvain, 1848; De Smet, art. Daelman, dans la Biographie nationale publiée par l'Académie royale de Belgique, Bruxelles, 1873, t. IV b; Piron, Algemeene levensbeschryving der mannen en vrouwen van Belgie, Malines, 1860. J. FORGET. DAGN Placide, bénédictin, né à Sæll le 7 juillet 1745, mort le 2 août 1817, appartenait à l'abbaye de Fiecht en Tyrol, y enseigna la théologie et y remplit les fonctions de prieur. On a de lui : Godescalcus ab errore prædestinatorum vindicatus, in-8°, Inspruck, 1777; Paraphrasis vaticinii Jacobæi de perennitate sceptri Juda, cum assertionibus ex universa theologia dogmatica publice propugnandis in ascelerio benedictino Georgimontano, in-8°, Inspruck, 1783. Hurter, Nomenclator, 1895, t. III, col. 593; Scriptores ord. S. Benedicti qui 1750-1880 fuerunt in imperio AustriacoHungarico, in-4, Vienne, 1881, p. 54. B. HEURTEBIZE. prédications et ses ouvrages de controverse contre les docteurs catholiques. Il fut modérateur au synode national de Loudun (1659), le dernier que les Réformés aient tenu avec la permission du roi. En cette qualité, il reçut communication de l'interdiction que Louis XIV faisait aux Réformés de tenir désormais des synodes nationaux, et s'efforça en vain de faire rapporter cette décision. Il mourut à Paris, le 15 avril 1670. DAGUERRE Jean, théologien français, né à Larresorre en 1709, mort le 25 février 1785. Malgré la pauvreté de ses parents, il alla étudier la théologie à Bordeaux sous le Père Chourio, jésuite. Revenu dans son pays, il fut vicaire à Anglet, puis à Bayonne. Il prêcha avec succès des missions dans le diocèse et entreprit d'y établir un séminaire. Il réussit dans cette œuvre difficile et le séminaire de Larresorre fut terminé en 1733; il en fut le directeur jusqu'à sa mort. Il fonda en outre à Hasparren un monastère de femmes auquel il donna en les modifiant légèrement les règles des religieuses de la Visitation. Il publia: Abrégé des principes de morale et des règles de conduite qu'un prêtre doit suivre pour bien administrer les sacrements, in-12, Poitiers, 1773. D'autres éditions de cet ouvrage parurent en 1819 et 1823 complétées et revues par M. l'abbé Lambert, vicaire général de Poitiers. Daillé eut, de son temps, une véritable réputation d'orateur et de théologien; Balzac l'estimait « un grand docteur »; d'après Patin « ceux de la Religion disaient que, depuis Calvin, ils n'avaient pas eu de meilleure plume que M. Daillé. » Bossuet avait fait vingt-deux pages d'extraits de ses ouvrages en vue de les réfuter. Picot, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique pendant le xv siècle, 3 édit., 1855, t. v, p. 471. Comme théologien, son attitude par rapport à l'autorité des saints Pères est remarquable. Dès ses premières publications, il lui consacre un traité spécial, destiné à prouver que les Pères ne peuvent estre juges des controverses aujourd'hui agitées entre ceux de l'Église romaine et les protestants: 1° parce qu'il est, sinon impossible, au moins très difficile, de sçavoir nettement et précisément quel a esté leur sentiment sur icelles; 2° parce que leur sentiment (posé qu'il fust certainement et clairement entendu) n'estant pas infaillible, ni hors de danger d'erreur, il ne peut avoir une autorité capable de satisfaire l'entendement, qui ne peut ni ne doit croire en matière de religion que ce qu'il sçait estre assurément véritable. » Traité de l'emploi, préface. Il reconnaît cependant qu'on doit respecter et étudier les ouvrages des saints Pères, << argumentant de ce que nous y trouverons négativement plutôt que positivement. » Cette thèse fut attaquée non seulement par les controversistes catholiques, mais par les anglicans Pearson, Beveridge, Cave, Worton. Cf. Rébelliau, Bossuet historien, p. 50. Daillé y revint dans son livre La foy fondée sur les sainctes Écritures, où il prétend prouver que tous les dogmes chrétiens sont explicitement contenus dans la Bible, ou du moins peuvent se déduire logiquement des doctrines scripturaires. Dans ses dernières années, entrainé par le mouvement d'études patristiques qui des anglicans avait passé aux calvinistes français, il reconnut << que les Pères peuvent être ouïs, non comme juges, mais comme témoins de la tradition de l'Église de leur temps, et que les écrivains des trois premiers siècles sont la première et principale partie de ceste enqueste ». Réplique aux deux livres, c. II. Et il consacre plusieurs ouvrages importants à prouver que les dogmes et les pratiques romaines furent inconnus à l'Église des trois premiers siècles, ou mème positivement réprouvés par elle. Cf. Réplique aux deux livres, C. V-XXXVII, et les ouvrages indiqués ci-dessous. Rébelliau, Bossuet historien, p. 52. B. HEURTEBIZE. DAILLÉ Jean, DALLAEUS, prédicateur et théologien calviniste, naquit à Châtellerault le 6 janvier 1594. Après avoir fait ses études à Saint-Maixent, Poitiers, Châtellerault, Saumur, il fut choisi par DuplessisMornay pour précepteur de ses deux petits-fils, et fit en leur compagnie de nombreux voyages à l'étranger; il se lia d'amitié à Venise avec Fra Paolo Sarpi et Asselineau. Rentré en France en 1621, il se fit recevoir ministre, fut choisi en 1626 par le consistoire de Paris pour pasteur de l'église de Charenton. Il occupa ce poste pendant quarante-quatre ans, célèbre par ses Il n'existe pas d'édition des œuvres complètes de Daillé. Ses principaux traités sont : Traité de l'emploi des saints Pères pour le jugement des différends qui sont aujourd'hui en la religion, Genève, 1632; trad. latine, Genève, 1636, 1655, 1686; Londres, 1675; Apologie pour les Églises réformées où est prouvée la nécessité de leur séparation d'avec l'Église romaine, Charenton, 1633, 1641; trad. anglaise, 1653; trad. latine, Amsterdam, 1652; Genève, 1677; La foy fondée sur les sainctes Écritures, Charenton, 1634, 1661; trad. latine, Genève, 1660, 1677; De la créance des Pères sur le fait des images, Genève, 1641; trad. latine, 1642; De pœnis et satisfactionibus humanis, Amsterdam, 1649; De jejuniis et quadragesima, Deventer, 1654, 1657; Disputatio de 2 Latinorum ex unctione sacramentis, confirmatione et extrema unctione, Genève, 1659; Disputatio de sacramentali sive auriculari Latinorum confessione, Genève, 1661; Réplique de Jean Daillé aux deux livres que Messieurs Adam et Cottiby ont publiez contre lui, Genève, 1662; Adversus Latinorum de cultus religiosi objecto traditionem, Genève, 1664; Exposition de l'institution de la saincte cène, Genève, 1664; De cultibus religiosis Latinorum, Genève, 1671. Vingt volumes de sermons furent imprimés en divers lieux, de 1644 à 1670. Bayle, Dictionnaire, art. Daillé; [A. Daillé], Les deux derniers sermons de M. Daillé, prononcez à Charenton le jour de Pasques, sixième avril 1670, et le jeudy suivant, avec un abrégé de sa vie et le catalogue de ses Euvres, Charenton, 1670; Haag, La France protestante, t. IV, p. 180 sq.; Rébelliau, Bossuet historien du protestantisme, Paris, 1892; Recolin, Daillé, dans l'Encyclopédie des sciences religieuses; Vinet, Histoire de la prédication réformée au xvir siècle, Paris, 1860, P. 182 sq.; Kirchenlexikon, t. v, col. 1311-1342; Realencyclopädie, t. IV, p. 427-428. J. DE LA SERVIERE. DAINEFF, DAINEFFE Grégoire, né à Liége, docteur en théologie de l'ordre des ermites de SaintAugustin, enseigna dans l'abbaye de Saint-Hubert. Il vécut dans la première moitié du XVIIe siècle. On a de lui: Epitome historiarum vitæ monasticæ sancti Augustini, imprimé avec un ouvrage de Jean Gonzalez de Critana De institutione et antiquitate familiæ S. Augustini, Anvers, 1612. Il composa également : Tractatus de triplici mundo, divino, angelico el humano; la le partie de ce traité De mundo divino a seule été publiée, in-fol., Liége, 1639. Valère André, Bibliotheca Belgica, in-8", Louvain, 1643, p. 299; Hurter, Nomenclator, 3 édit., 1907, t. III, col. 633. B. HEURTEBIZE. DALBIN Jean, théologien français, né à Toulouse vers 1590, fut archidiacre de la cathédrale de cette ville. Controversiste, il a publié : Discours et avertissements salutaires au simple et très chrétien peuple de France pour connaitre les bons et fidèles évangélisateurs des faux prophètes par une conférence des Écritures saintes et anciens docteurs faite avec les ministres de l'évangélique réformation touchant le fait et la vocation légitime, in-8°, Paris, 1566; Six livres du sacrement de l'autel prouvé par des textes d'Écriture sainte, autorité des anciens docteurs et propres témoignages des adversaires de l'Église catholique, in-8°, Paris, 1566; Opuscules spirituels, in-8°, Paris, 1567; La marque de l'Église, in-8°, Paris, 1568. B. HEURTEBIZE. DALGAIRNS John Dobrée naquit dans l'ile de Guernesey le 21 octobre 1818, fit ses études à Oxford, où il fut reçu maitre ès arts, et devint scholar au collège d'Exeter. Entré dans le mouvement anglo-catholique d'Oxford, il publia dans l'Univers une lettre, datée du dimanche de la Passion 1841, sur les partis de l'Eglise anglicane. Elle est reproduite dans le Dictionnaire des conversions de Migne, Paris, 1852, col. 443448. Il collabora à la traduction anglaise de la Catena aurea de saint Thomas sur les Évangiles, qui parut avec une préface de Newman, 4 vol., Oxford, 1841-1845. Bientôt après, il se joignit à Newman et se retira auprès de lui à Littlemore. Il collabora à sa collection des Lives of the English Saints, et y publia une vie de saint Etienne Harding, Londres, 1844, qui eut plusieurs éditions, et qui fut traduite en français, Tours, 1848, et en allemand, Mayence, 1865, et celles des saints Hélier, Gilbert, Aelred. Il écrivit dans le British Critic des articles sur Dante, les jésuites et l'histoire de la Vendée. Le 29 septembre 1845, il abjura l'anglicanisme à Aston-Hall entre les mains du P. Dominique, passioniste italien; il précédait Newman de quelques jours. En 1845, il était à Langres pour se préparer au sacerdoce auprès de l'abbé Jovain; il y fut ordonné prêtre en 1846 et rejoignit Newman à Rome. Il entra avec lui à l'Oratoire de saint Philippe de Néri, et fut un des premiers membres de la congrégation oratorienne d'Angleterre constituée en 1847. Il avait pris en religion le nom de Bernard. A partir du mois de mai 1819, il demeura à la maison de Londres, employé au saint ministère et à la prédication, sauf un séjour de trois ans à Birmingham (octobre 1853 à octobre 1856), jusqu'à sa mort, le 8 avril 1876. Il en avait été le supérieur de 1863 à 1865. Il publia beaucoup d'articles dans la Dublin Review, entre autres, The German Mystics of the fourteenth century, 1858, qui fut publié à part, et dans la Contemporary Review, 1874, t. XXIV, p. 321 sq., un essai : The Personality of God. Les deux écrits, tout remplis d'onction, qui l'ont rendu célèbre, sont: 1° The devotion to the Sacred Heart of Jesus, avec une introduction sur l'histoire du jansénisme, in-8°, Londres, 1853; 2o The Holy Communion, its philosophy, theology and practice, in-12, Dublin, 1861, dont une traduction allemande a paru à Mayence, en 1862, et la version française par l'abbé Godard, forme 2 in-12, Paris, 1863, sous le titre La sainte communion. Dictionnaire des conversions de Migne, Paris, 1852, col. 412448, 977-979; Kirchenlexikon, t. II, col. 340-341; The dictionary of national biography, Londres, 1888, t. XIII, p. 388-389; J. Gillow, A bibliographical dictionary of the English catholics from the breach with Rome in 1534 to the present time, Londres, 1885-1902, t. II. E. MANGENOT. DAM. I. Définition. II. Preuves. III. Gravité. IV. Durée. V. Inégalités de la peine du dam en enfer. VI. La peine du dam en purgatoire. VII. Dans les limbes. VIII. Sur la croix, Notre-Seigneur a-t-il souffert la peine du dam? I. DEFINITION. Le mot dam, du latin damnum, perte, dommage, et, par suite, peine, souffrance, signifie, dans le langage théologique, la peine essentielle et principale due au péché. La peine du dam se distingue de la peine du sens, et cela, dit saint Thomas, de trois manières différentes, selon que l'on considère Dieu qui l'inflige, ou le pécheur qui la subit, ou, enfin, la faute dont elle est le châtiment. 10 Si l'on considère Dieu qui l'inflige, la peine du dam embrasse toute peine dont Dieu est l'auteur par ie simple retrait qu'il fait de sa présence et de ses bienfaits, tandis que la peine du sens est l'effet d'une action afflictive et positive de Dieu. Ainsi, par exemple, la privation de la grâce sanctifiante et des dons surnaturels qui l'accompagnent, se ramène à la peine du dam envisagée sous ce premier rapport. Hujus pœnæ Deus causa est, non quidem agendo aliquid, sed potius non agendo. Pœna vero sensus est quæ per aliquam actionem infligitur, et hujus, etiam agendo, Deus est auctor. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. II, dist. XXXVII, q. ш, a. 1. 2o Par rapport au pécheur qui la subit, la peine du dam est toute peine consistant formellement en une privation, que cette privation soit accompagnée de souffrance, ou non; car il n'est pas de l'essence de la peine en général de causer toujours la douleur. Pour que la notion de peine soit réalisée, il suffit d'une opposition à la volonté que les théologiens appellent habituelle, comme serait, par exemple, la peine provenant de la privation d'un bien dont on souffrirait, si on la connaissait, tandis qu'on n'en souffre point, parce que, de fait, on ne la connait pas, ou on ne s'en aperçoit pas. Cf. S. Thomas, Quæst. disp., De malo, q. 1, a. 5, 6; q. v, a. 3, ad 3um, Telle est la peine du dam pour les enfants morts sans baptême, ou pour les adultes, qui, au moment de la mort, n'auraient aucune faute grave, en dehors du péché originel. La privation éternelle de la vision béatifique est assurément un très grand malheur pour eux; mais ils n'en souffrent pas positivement, car l'absence de la justice originelle ne les prédisposait pas à cette vision béatifique qui dépasse infiniment les forces et les exigences de la nature humaine. En outre, ils ignorent qu'ils étaient surnaturellement destinés à la possession de Dieu, cette vérité étant l'objet de la révélation, et cette connaissance venant à l'homme 30 Enfin, si l'on considère la faute dont elle est le châtiment, la peine du dam est celle qui correspond à la faute, en tant que par elle le pécheur se détourne de Dieu, souverain bien; par suite, la peine du dam est infinie, puisqu'elle est la perte irrémédiable de Dieu qui est le bien infini. La peine du sens correspond à la faute, en tant que par elle le pécheur se tourne vers la créature, pour mettre en elle sa fin dernière, et en jouir en dehors de l'ordre, ou plutôt contrairement à l'ordre fixé par la loi éternelle. Cf. S. Augustin, Contra Faustum, 1. XXII, c. XXVIII, P. L., t. XLII, col. 419; S. Thomas, Sum. theol., IIa II, q. xx, a. 3; q. XXXIV, a. 1; Salmanticenses, op. cit., tr. XIII, De vitiis et peccatis, disp. XVII, dub. Iv, § 1-3, n. 90-108, t. vIII, p. 389-397; Suarez, loc. cit., c. IV, n. 4, t. II, p. 973. La peine du sens, correspondant à la conversion désordonnée du pécheur vers la créature qui est finie, est elle-même finie, quelque terrible qu'elle paraisse. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia II, q. LXXXVII, a. 4; III Suppl., q. xcix, a. 1. seconde partie de la sentence, in ignem æternum, Prise dans la signification spéciale qu'on lui donne communément, la peine du dam indique donc le damnum par excellence, ou le dommage le plus grand que l'homme puisse subir, c'est-à-dire l'exclusion définitive de la vie éternelle, la perte irrémédiable de la béatitude suprême, la privation de la vision béatifique et de la possession de Dieu, la mors secunda, dont parle l'Apocalypse, XXI, 8, cette mort éternelle que la mort elle-même ne peut finir, comme s'expriment saint Augustin, De civitate Dei, 1. XIX, c. XXVIII, P. L., t. XLI, col. 656, et saint Grégoire le Grand, Moral., 1. IX, c. LXVI, P. L., t. LXXV, col. 915. Par suite, chez les adultes, damnés pour des péchés personnels, la peine du dam indique aussi le supplice le plus épouvantable que la créature puisse endurer. C'est dans cette peine du dam que consiste essentiellement l'enfer, toutes les autres peines n'étant, par rapport à elle, que comme des accidents qui en découlent. Cf. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, De novissimis, part. I, sect. IV, a. 3, n. 643, 9 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. ix, p. 317. II. PREUVES. La peine du dam est nettement indiquée par les paroles que prononcera le souverain juge au jour du jugement dernier Discedite a me, maledicti, in ignem æternum. Matth., xxv, 41. Si lá - Saint Jean, Apoc., XXI, 11, 23, 24; XXII, 4, 5, accentue ce contraste entre la lumière incréée et l'infernale nuit. Il décrit combien le divin soleil, contemplé face à face, fait resplendir de sa propre clarté l'immortelle Jérusalem, où tout, pour mieux refléter cette incomparable lumière, est de l'or le plus pur, du cristal le plus transparent, et dont les murs eux-mêmes ne sont formés que des pierres les plus précieuses. Une pureté sans tache est requise pour habiter cette cité resplendissant sous la divine lumière qui la traverse de toutes parts. Apoc., XXI, 27. Et une voix se fait entendre: FORIS canes et venefici, et impudici, et homicidæ, et idolis servientes, et omnis qui amat et facit mendacium. DEHORS tous les ouvriers d'iniquité. Apoc., xxii, 15. C'est bien là encore l'indication de la peine du dam: l'exclusion des maudits, chassés par Dieu loin de sa face, et séparés de lui pour l'éternité. Cette sévère sentence est souverainement équitable, car il est de toute justice que ceux qui se sont volontairement détournés de Dieu par le péché mortel, restent séparés de lui. Cf. S. Thomas, Sum. theol., Ia II, q. LXXXVII, a. 4; Contra gentes, 1. III, c. CXLIV. Quoique plongés dans de si épaisses ténèbres, les damnés ne sont pas cependant privés de l'usage de leurs facultés naturelles d'appréhension et de volition, ni des notions acquises, ou même infuses, qui leur servent à mieux connaître leur extrême misère et à la ressentir davantage. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. L, q. II, a. 2, q. 1; Sum. theol., IIa II, q. v, a.2, ad 3um; III Suppl., q. LXXXVIII, a. 1; Compendium theolog., c. CLXXVI; Suarez, De angelis, 1. VIII, c. vI, n. 9-10, t. I, p. 979-982. III. GRAVITÉ. La peine du dam est incomparablement la plus terrible de toutes les peines de l'enfer. Auprès d'elle, le tourment méme du feu éternel, si atroce soit-il, n'est presque rien. Cf. S. J. Chrysostome, Ad populum Antioch., homil. xvII, super Matth., P. G., t. LVII, col. 263; S. Pierre Chrysologue, Serm., CXXII, P. L., t. LII, col. 534 sq.; Suarez, De angelis, 1. VIII, c. IV, n. 8, Opera, t. I, p. 974; S. Alphonse de Liguori, Corso di meditazioni, 2 in-8°, Turin, 1891, t. II, p. 580. Cette peine dépasse infiniment tout ce que l'intelligence est capable de concevoir ici-bas, et tout ce que le angage humain sait exprimer. Elle ne peut se mesurer, dit saint Bernard, que par l'infinité même de Dieu dont elle est la privation, hæc enim tanta pœna, quantun ille, et, par conséquent, elle est grande à proportion que Dieu est grand. » Cf. Bourdaloue, Carême, Sermon sur l'enfer, Euvres complètes, 16 in-8°, Paris, 1822, t. III, p. 68. Depuis longtemps les anciens Pères avaient parlé de même : hæc est tanta pana quantus ipsemet Deus. S. Augustin, De civitate Dei, 1. XXI, c. iv, P. L., t. XLI, col. 711 sq. Le supplice du dam est d'autant plus insupportable que les maudits connaissent mieux combien est grand et captivant le bien qu'ils ont perdu. A cette pensée, dont ils ne peuvent se détourner, et qui les obsède, s'allume en eux un désir immense et à jamais inassouvi de l'éternelle béatitude. Mais cette infinie beauté de Dieu qui les attire par ses charmes, fait, par sa pureté sans tache, ressortir davantage leur honteuse laideur morale. Conscients de ce contraste qui les accable, ils sont à eux-mêmes un spectacle si repoussant, qu'ils préféreraient subir tous les tourments de l'enfer, plutôt que de paraitre en ce hideux état, en présence du Dieu infiniment saint, et dans la société des élus, qu'ils haïssent pourtant d'une haine inextinguible. Cf. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, De novissimis, sect. iv, a. 3, n. 670, t. Ix, p. 328. Ils se voient donc obligés, malgré les tendances les plus irrésistibles de leur être, à fuir Dieu, souverain bien, qui seul pourrait satisfaire leur soif insatiable de bonheur. Et ce Dieu, pour lequel ils se sentent faits, cette beauté suprême qui les attire et les repousse à la fois, cet objet de leur amour à jamais perdu, ils sont contraints, dans des transports d'une rage infernale, à le détester, le blasphémer et le maudire. C'est le tourment d'un cœur passionné d'amour et rongé par la haine de l'être qu'il adore, car, dit saint Thomas, les damnés ne souffriraient pas autant de la peine du dam, s'ils n'aimaient Dieu en quelque façon. In IV Sent., I. IV, dist. XXI, q. 1, a. 1, q.; Compend. theolog., c. CLXXIV. Cette peine est donc la souffrance atroce de l'amour contrarié, méprisé, transformé en furie, et constamment au paroxysme de la rage et du désespoir. Cf. S. Augustin, In Ps. CII, n. 8; De civitate Dei, 1. XXI, c. III, P. L., t. XXXVII, col. 1322; t. XLI, col. 710; S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. L, q. 11, a. 1, q. v; Sum. theol., IIa II", q. XXXIV, a. 1; Bellarmin, De purgatorio, 1. II, c. XIX, t. u, p. 403. Les damnés souffrent donc comme une espèce de déchirement de l'âme elle-même, tirée en divers sens la fois, par des forces opposées et également puissantes. C'est comme un écartellement spirituel, torture bien plus affreuse que celle qu'ils ressentiraient, si leur corps était écorché vif, ou coupé en morceaux; car, autant les facultés de l'âme sont supérieures à celles du corps, autant est plus douloureux le déchirement profond par lequel elle est séparée d'elle-même, en étant séparée de Dieu, qui devait être l'âme de son ame, et la vie de sa vie. Voir Prat, Origène, Paris, 1907, p. 96-97. Tanto aliquid magis dolet de aliquo læsivo, quanto magis est sensitivum. Unde læsiones quæ fiunt in locis maxime sensibilibus, sunt maximum dolorem causantes. Et quia totus sensus corporis est ab anima, ideo si in ipsam animam aliquid læsivum agat, de necessitate oportet quod maxime affligatur... Et ideo oportet quod pœna damni, etiam minima, excedat omnem pœnam, etiam maximam, hujus vitæ. S. Thomas, In IV Sent., 1. IV, dist. XXI, q. 1, a. 1. Cf. Pesch, Prælectiones dogmaticæ, tr. III, De novissimis, part. I, sect. Iv, a. 3, n. 643, t. 1x, p. 317. De ce déchirement intérieur de l'âme entière, naît une douleur intense dont aucun supplice de la terre ne peut donner la moindre idée. Cf. S. Thomas, In IV Sent., 1. I, dist. XLVIII, a. 3. q. 1; Cont. gentes, 1. III, c. CXLI; Compendium theolog., c. CLXXIV-CLXXVIII. Pour infliger au pécheur le tourment le plus formidable qui puisse être, Dieu n'a qu'à se retirer complètement de lui. Cf. Suarez, De angelis, I. VIII, c. IV, n. 8, t. II, p. 975. De même qu'il dit au juste : C'est moi qui serai ta récompense, et elle sera immense, car rien n'est plus grand, ni meilleur que moi, Gen., xv, 1; de même il dit au réprouvé : C'est moi qui serai ton supplice, et je le serai en m'éloignant de toi, car il n'y a rien de plus terrible, dans les trésors de ma colère, que cette complète séparation de moimême. Alors suivant l'énergique expression de saint Augustin, Confess., 1. XIII, c. vIII, P. L., t. XXXII, col. 848, se creuse dans l'âme réprouvée un abîme sans fond de ténèbres et de lamentables misères; vide affreux qui la torture bien plus que la faim dévorante, Ps. LVIII, 7; vide angoissant qui éternellement la tue, sans la faire mourir; car Dieu a fait l'âme humaine tellement grande que, pour remplir sa capacité infinie, et pour satisfaire son désir illimité de jouissances, il ne faut rien moins que Lui. Sans Lui, il ne reste en elle que la capacité infinie de souffrir. Defluxit angelus, defluxit anima hominis, et indicaverunt abyssum universæ spiritualis creaturæ in profundo tenebroso... In ipsa miseria inquietudinis defluentium spirituum, et indicantium tenebras suas nudalas veste luminis tui, satis ostendis quam magnam creaturam rationalem feceris, cui nullo modo sufficit ad beatam requiem quidquid te minus est, ac per hoc, nec ipsa sibi. S. Augustin, loc. cit. C'est le dénuement total, l'isolement infini. Tenebrosa abyssus ipsi sibi est universa mens creata, propter infinitatem quam habet, non actus seu capacitatis, seu potentiæ. Væ autem ei, iterumque væ, si in hanc abyssalem vacuitatem defluat et in eo profundatur. Billot, Tractatus de novissimis, q. III, thes. Iv, § 1, in-8°, Rome, 1902, p. 77. Le langage humain est aussi impuissant pour dire ce qu'est l'enfer, que pour dépeindre le bonheur du ciel. L'œil de l'homme n'a point vu, son oreille n'a point entendu, son cœur n'a point compris ce que Dieu à préparé de supplices à ceux qui l'offensent, comme de félicités à ceux qui l'aiment. Is., LXIV, 4; I Cor., II, 9. L'enfer nous est aussi inconnu que le ciel. Objection. La peine du dam ne parait pas devoir être aussi grande, car, tant que nous vivons sur la terre, nous ne jouissons pas de la vision béatifique, et cependant nous n'en sommes pas à ce point affligés. Réponse. Pour l'homme vivant sur la terre, ne pas voir Dieu est une simple négation d'un bien qui ne lui est pas encore actuellement dù, et dont la possession est seulement possible; mais, pour le damné, c'est une vraie privation d'un bien dont il a faim et soif, et dont il ne saurait se passer sans souffrir immen sément. Nous connaissons sur la terre, infiniment moins que les damnés, le souverain bien qui est Dieu. D'autre part, nous avons, dans la vue et la possession des créatures qui nous entourent, bien des moyens de nous distraire de la pensée du bien suprême, et de calmer en quelque façon, notre désir inné de bonheur. Nous IV. DURÉE. L'éternité de la peine du dam a été, L'Église a solennellement condamné cette erreur à diverses reprises. Cf. IIe concile de Constantinople, Ve œcuménique, tenu en 553, anathema IX, Mansi, Concil., t. IX, col. 395; Denzinger, Enchiridion, n. 187; voir ORIGÉNISME AU VI SIÈCLE; IIe concile de Nicée, VII œcuménique, tenu en 787; Mansi, t. XII, col. 1037; IVe concile œcuménique de Latran, en 1215; Decretal., 1. I, tit. 1, De summa trinitate et fide catholica, c. 1, Firmiter, Denzinger, n. 356; Décret d'Innocent IV, en 1250, Decretal., 1. III, tit. XLII, De baptismo et ejus effectu, c. III, Majores, Denzinger, n. 341; concile de Trente, sess. VI, c. XIV, XXV; sess. XIV, can. 5; sess. XVII, c. XXVII-XXVIII, Denzinger, n. 690, 793. Cf. Fr. Diekamp, Die origenist. Streitigkeiten, in-8', Munster, 1897, p. 67 sq. Les textes de la sainte Écriture ne laissent pas le moindre doute à ce sujet. Toutes les fois qu'il y est fait mention du châtiment des damnés dans la vie future, il y est dit que ce châtiment n'aura pas de fin. Discedite a me, maledicti, in ignem æternum. Matth., XXV, 41, 46. Si le feu est éternel, la peine du dam doit l'être aussi, car la malédiction ou la réprobation, discedite a me, maledicti, doit durer autant que le feu lui-même, qui n'est qu'une conséquence de cette malédiction. Tant que les damnés brûleront dans ce feu, ils seront retenus loin de Dieu. Donc la malédiction pèsera éternellement sur eux, et toujours ils auront à supporter la peine du dam. C'est d'ailleurs dans celle-ci que consiste essentiellement l'enfer. Si les peines secondaires sont éternelles, comment la peine principale ne le serait-elle pas? A la peine du dam, et en premier lieu à elle, s'appliquent donc tous les passages de l'Écriture qui présentent comme éternels les châtiments des damnés, au même titre que sont éternelles les récompenses des élus. Qui dormiunt in terræ pulvere evigilabunt, alii in vitam æternam, alii in opprobrium; et, comme portent le texte grec et le texte hébreu, in abominationem et contemptum æternum, εἰς ὀνειδισμὸν καὶ αἰσχύνην αἰώνιον, της γης. Dan., XII, 2. La peine éternelle du dam est clairement indiquée aussi par saint Paul Panas dabunt in interitu æternus, a facie Domini et a gloria virtutis ejus, δίκην τίσουσιν ὄλεθρον αἰώνιον ἀπὸ προσώπου του Κυρίου καὶ ἀπὸ τῆς δόξης τῆς ἰσχύος αὐτοῦ : ils subiront des peines éternelles loin de la face du Seigneur. II Thess., 1, 9. Cf. Apoc., XIV, 11; XIX, 3; xx, 10. Sans doute, le mot éternel, aluvios en grec, en hébreu, a quelquefois dans l'Ancien Testament un sens moins rigoureux, et il désigne, alors, une période de longue durée, quoiqu'elle doive avoir cependant une fin. Mais, dans ces cas, la restriction s'impose par la considération du contexte, à tel point que ces cas peuvent être précisément envisagés comme des exceptions. Si, dans certaines circonstances particulières, un mot est susceptible d'un sens impropre et limité, on aurait tort d'en conclure, en règle générale, qu'on doit toujours le prendre dans ce sens incomplet. On ne le peut que s'il y a des raisons spéciales de le faire, manifestant l'intention de l'auteur à ce sujet. Autrement il faudrait renoncer à toute clarté dans le langage humain, car il n'y a guère de mots, qui, outre leur sens propre et naturel, ne puissent aussi recevoir un sens métaphorique et figuré. Donc, pour garder à un mot son sens propre, il n'est pas besoin de raisons spéciales; il en faut, au contraire, pour le détourner du sens propre que l'usage et le consentement commun lui ont constamment donné. Cf. Passaglia, De æternitate pœnarum, in-8°, Rome, 1855, p. 10. Or, dans les textes précités, il n'y a aucun motif de prendre le mot <«< éternel » dans un sens métaphorique. Cf. Passaglia, op. cit., p. 14 sq. Il y en a plutôt pour lui laisser son sens propre, à moins de supposer que, dans la même phrase, le même mot soit pris une fois dans le sens propre, et une autre fois dans le sens métaphorique. Tous conviennent, en effet, que lorsqu'il s'agit de la |