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Dunning mages

5.24-40 40529

3 V.

INTRODUCTION.

M. le baron Félix de Beaujour, en fondant un prix quinquennal pour l'auteur du meilleur ouvrage sur le commerce de Marseille, manifesta l'intention de doter notre ville d'une série d'écrits renfermant l'histoire désormais non interrompue de ses transactions commerciales, l'exposé toujours plus complet de ses besoins et de ses vœux, la défense persévérante de ses intérêts et de ses droits, la collection des documens statistiques les plus propres à guider et à éclairer les opérations de ses négocians. Il savait que ces documens, pour être réellement utiles, pour être autre chose qu'un objet de curiosité, devaient être sans cesse complétés par la publication de documens et de faits nouveaux. En pareille matière, un chiffre ne prend une signification que de sa comparaison avec d'autres chiffres. Les tableaux des importations et des exportations du port de Marseille de 1826 à 1832, que j'ai donnés dans la première édition de cet ouvrage, ont offert sans doute quelque intérêt au moment où ils ont été publiés; mais aujourd'hui ils ont besoin, pour être appréciés, d'être comparés avec ceux de 1833 à 1841.

Cette comparaison leur donne une signification nouvelle : on voit alors le degré de prospérité ou de souffrance de chaque branche de commerce et d'industrie; s'il y a langueur et décadence, on en recherche les causes pour en trouver le remède; s'il y a progrès, on en étudie les élémens pour le maintenir et le développer. Dans tous les cas, chacun a sous les yeux des renseignemens au▾

thentiques qui, en faisant connaître le mouvement de chaque marchandise, l'état des relations avec chaque contrée, pendant un assez grand nombre d'années, offrent une base certaine aux spéculations.

On le voit, la pensée qui a présidé à la fondation du prix-Beaujour est une pensée éminemment utile dont notre ville doit garder un souvenir reconnaissant. C'est maintenant aux écrivains laborieux à la rendre féconde. Certes, il serait fâcheux qu'elle demeurât stérile. Frappé de la beauté du sujet, encouragé, excité par le fondateur lui-même, je me dévouai, il y a quinze ans, à une tâche longue et difficile, bien au-dessus de mes forces. Mon essai fut largement encouragé et récompensé. Le prix lui fut décerné; publié, il a été accueilli avec une telle faveur que je me suis vu bientôt dans l'impossibilité de satisfaire aux demandes dont je n'ai pas cessé d'être honoré. J'espérais que ce succès serait un encouragement à des plumes habiles, que notre histoire commerciale trouverait un auteur digne d'elle, que les documens que j'avais réunis avec tant de peine, seraient continués et complétés. Mon attente a été trompée. Le second prix quinquennal est encore à décerner; le troisième aussi.

Ce résultat m'a plus affligé que surpris. L'œuvre imposée par M. de Beaujour exige des travaux sans nombre et de patientes recherches. Les documens demandés n'existent pour ainsi dire pas; il faut les créer avec les élémens que l'on trouve dans diverses administrations. Par exemple : le gouvernement publie tous les ans un volumineux tableau du commerce de la France avec les colonies et les puissances étrangères, mais il n'y a rien sur la valeur des importations et des exportations de notre port, rien sur ses rapports avec chaque puissance (1). Pour en avoir les chiffres exacts, il faut nécessairement relever séparément sur les états de la douane de Marseille, les quantités sorties pour chaque destination, les quantités entrées de chaque provenance, y ajouter les taux d'évaluation

(1) Il n'y est question relativement à Marseille que du mouvement de l'entre pòt, du transit et de la navigation.

qui servent au tableau général publié par l'administration centrale multiplier par ce taux toutes les quantités et additionner les produits de ces innombrables multiplications autant de fois qu'il y a de pays en relation avec Marseille. Ce travail, seulement pour le commerce d'une année, exige cinq ou six mois (1). On conçoit quel découragement doit saisir un concurrent en présence des nombreuses veilles qu'exige la production de ce seul document.

Venu à Marseille pour y passer au sein de ma famille l'hiver de 1840-41, témoin des regrets exprimés par les personnes qui s'étaient associées à la pensée de M. le baron Félix de Beaujour, pressé par mon éditeur, je me décidai à rentrer dans une carrière de travaux et de recherches dont j'espérais être sorti pour toujours. Je consentis à publier une seconde édition de mon ouvrage, complétée par les documens recueillis depuis 1832 jusqu'en 1841.

C'était, pour ainsi dire un second ouvrage à entreprendre. Depuis l'impression de la première édition, bien des faits ont surgi. Notre industrie s'est enrichie de nouvelles branches et a subi de nombreuses modifications; la vapeur s'est fait une large place dans notre navigation; la banque a été créée, de graves questions ont préoccupé notre ville; les docks, les ports auxiliaires, l'agrandissement des quais et des bassins, le chemin de fer, l'avant-port, le projet de fondation d'un palais de commerce, etc., etc., ont appelé l'attention publique. Voilà autant de nouveaux sujets de chapitres. Mon aperçu historique devait aussi recevoir de nombreux développemens par suite des communications de pièces intéressantes et inédites que j'avais obtenues dans divers dépôts scientifiques et dans plusieurs archives de Paris: le sixième livre, concernant les améliorations, demandait à être traité avec plus de détail.

Je ne me suis pas laissé décourager par l'immensité de la tâche. J'ai renoncé pour un temps qui ne pouvait être moindre de deux ans, au repos et aux joies de la famille. Je me suis voué à un long

(1) Le gouvernement lui-même, servi par un si grand nombre d'employés, ne peut publier les documens sur une année que lorsque l'année suivante touche à sa fin.

et pénible travail sans intérêt, sans profit, sans pensée d'ambition quelconque. Je n'aspire à rien, pas même à un peu de renommée, qu'il ne faut pas chercher dans des œuvres aussi arides et dont le titre, si non le sujet, est tout local. Je n'ai qu'un désir, qu'un espoir: être utile à mes concitoyens.

Voici le plan, le but et la division de cet ouvrage :

Il est composéde trois volumes et comprend six livres.

Le premier livre renferme des considérations rétrospectives sur le commerce de Marseille, depuis sa fondation jusqu'en 1840. C'est un aperçu général complété dans les livres suivans par l'histoire spéciale de nos institutions commerciales et de chacune des branches du commerce et de l'industrie de notre ville.

Un fait ressort de cet aperçu, fait simple et logique, mais bon à rappeler : c'est qu'à toutes les époques de trouble et de guerre, Marseille s'est rapidement appauvrie, dépeuplée, et que le retour de la paix, de l'ordre et de la sécurité, en ramenant le travail (tant celui-ci est fécond), a toujours fait rentrer dans son sein, la richesse à grands flots. On remarquera aussi que toutes les fois que les fautes de Marseille ou celles du gouvernement ont ruiné son commerce ou arrêté son essor, à l'instant même les villes de l'Italie, nos vieilles rivales, ont hérité de sa puissante prospérité et se sont enrichies de ses dépouilles.

En témoignage de ce fait, j'ai jeté, élargissant l'horizon de cet aperçu historique, quelques vues sur le commerce des républiques italiennes, sur Jacques Coeur, et autres grandes existences créées par le commerce de la Méditerranée, sur les ministres qui ont le plus contribué au progrès industriel, tels que Sully, qui attribuait. la décadence des monarchies au négligement du commerce, Colbert, qui fit de Marseille le premier port commercial de la Méditerranée et donna à la France le sceptre de l'industrie.

J'ai fait connaître les formes successives de notre gouvernement local, chose qui exerce plus d'influence qu'on ne le croit généralement sur le commerce d'une grande cité.

Le dernier chapitre du livre premier est le plus développé. J'y ai

parlé avec quelque extension de la navigation en général et particulièrement de celle à la vapeur avec le Levant, l'Italie, Alger, la Corse, l'Atlantique et l'océan Indien, par Suez et Bourbon. Tous les documens statistiques qui peuvent servir à faire connaître la situation de notre ville, les progrès de son port et la valeur de ses importations et exportations de 1832 à 1839 y ont trouvé place(1). L'activité commerciale s'y manifeste en outre par l'augmentation du nombre des patentés; la richesse publique, par l'accroissement des constructions, des consommations et des revenus publics; la moralité des classes ouvrières par les recettes de la caisse d'épargne; la prudence et la probité des négocians, par le petit nombre des faillites.

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Des tableaux officiels disent l'effectif de la marine marseillaise, le nombre de ses armemens de 1740 à 1840.

J'ai exposé ensuite les causes de la cherté relative de la navigation française, et démontré la nécessité de fortifier et de développer la marine à la vapeur, magnifigue invention, comparable sous le rapport politique à celle de la poudre; sous le rapport commercial, à celle de la boussole.

Le livre second traite des institutions locales: de la franchise du port, des moyens de la remplacer et particulièrement des docks ; des divers régimes de douanes sous lesque's notre commerce a vécu; de la Chambre de Commerce; du tribunal de commerce; des prud'hommes ; de l'intendance sanitaire; de la banque; et des courtiers.

Le commerce maritime est le principal et pour ainsi dire le seul commerce de Marseille, car c'est lui qui alimente toutes ses industries, soit en leur amenant les matières premières, soit en leur procurant des débouchés. C'est lui qui répand dans son sein le travail et la richesse. Il est la source de sa prospérité; dès qu'il s'arrête

(1) Un seul commerce fléchit, le transit: résultat des interruptions si fréquentes et si prolongées de la navigation du Rhône, de l'élévation des,frais qui grèvent la marchandise à Marseille, et du perfectionnement des voies de communication

chez nos rivaux.

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