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perquisitions dans les papiers de son mari pour y chercher des révélations compromettantes, et des moyens et éléments de preuve à l'appui de sa demande en divorce. Quant à la preuve testimoniale elle peut être administrée par tous les moyens possibles; en voici un exemple:

Attendu, dit la cour de Nancy (31 décembre 1885), qu'il est établi, par les enquêtes et autres documents du procès, que D... a eu, durant le mariage, des relations. intimes avec une femme, à Bâle, en Suisse; attendu qu'il en résulte pour lui une maladie qui l'a obligé à se rendre à Strasbourg pour s'y faire soigner, etc...

L'aveu même de l'une des parties est un moyen de preuve admis par les tribunaux : « Attendu, dit un autre arrêt de la cour de Nancy, que X... a été trouvé en flagrant délit d'adultère avec une femme C... avec laquelle, de son propre aveu, il entretenait auparavant des relations intimes, etc... » Mais l'aveu ne peut être invoqué comme preuve qu'autant qu'il ne résulte pas d'un écrit confidentiel. C'est ce qui a été reconnu par un jugement du tribunal civil de la Seine du 3 février 1885, intervenu dans une espèce où les aveux invoqués contre l'une des parties avaient été puisés dans un mémoire qui n'était pas destiné à la publicité.

«En ce qui concerne les aveux consignés dans ce document:

» Attendu que X... s'y accuse lui-même d'avoir, une certaine nuit, où il prétend que sa femme était au théâtre avec son amant, cédé à une mauvaise pensée, d'être entré dans la chambre de la nièce de sa femme, et d'avoir porté la main sur elle; mais qu'il ajoute qu'à la voix de celle-ci la raison lui était revenue et qu'il s'était éloigné aussitôt, repentant de son action;

» Attendu qu'il avoue lui-même qu'il avait eu des intentions coupables à l'égard d'une autre nièce, qu'il

était allé avec elle dans la salle commune d'un restaurant, lui avait donné rendez-vous pour l'après-midi mais qu'il ne s'y était pas rendu ;

» Attendu que rien dans l'enquête ni dans les documents de la cause ne vient à l'appui de ces faits qui ne sont que des aveux consignés dans le mémoire dont il est question, etc. »

§ 2.

A. Excès.

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EXCÈS, SÉVICES, INJURES GRAves.

Les excès sont des actes de violence, exercés par l'un des époux contre l'autre et qui peuvent mettre la vie en danger ou compromettre la santé de celui qui en est la victime.

B. Sévices. Les sévices consistent dans les mauvais traitements, les voies de fait qui, sans menacer la vie ou la santé, rendent la vie commune insupportable. La gravité des sévices est variable selon le milieu social des époux.

C. Injures graves. Ici nous devons avouer notre incompétence pour donner une définition. Aussi nous contenterons-nous de mettre sous les yeux de nos lecteurs des décisions judiciaires, des espèces, comme on dit dans la langue spéciale du Palais, qui les fixeront sur ce qu'il faut entendre sur ce mot.

1° Constitue une injure grave suffisante pour motiver le divorce, le fait de se marier lorsqu'on s'est précédemment rendu coupable d'un délit pouvant entraîner une condamnation; alors même que les poursuites et la condamnation sont postérieures à la célébration du mariage. (Tribunal civil de la Seine, 14 janvier 1889.)

2o L'abandon par la femme du domicile conjugal et le refus de le réintégrer peuvent être considérés comme une injure grave et autoriser une demande en divorce par le mari, lorsque rien ne le motive. Les tribunaux

doivent rechercher si le refus de la femme est justifié par les agissements du mari. (Agen, 21 avril 1887.)

3° Il n'y a pas refus caractérisé de la femme, lorsqu'elle subordonne son retour à des conditions qui sont reconnues légitimes et en harmonie avec la situation qu'elle doit avoir dans le ménage commun, et que réclament son éducation, son caractère et sa dignité personnelle. (Chambéry, 20 mars 1888.)

40 Une condamnation correctionnelle encourue par l'un des époux, par exemple, une condamnation à cinq ans de prison pour vol, peut être considérée comme constituant à l'égard de son conjoint une injure suffisante pour obtenir le divorce. (Trib., Cambrai, 16 juin 1887.)

5° L'abstention persistante et volontaire de la part du mari de remplir le devoir conjugal constitue une injure grave, de nature à justifier de la part de la femme une demande en divorce. Et la femme peut être admise à prouver que son mari n'a jamais eu de rapports avec elle, et que son état physique est le même qu'avant le mariage. (Trib., Beauvais, 28 mai 1886.) (1).

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CONDAMNATION DE L'UN DES ÉPOUX A UNE PEINE
AFFLICTIVE ET INFAMANTE.

Il y a des peines qui sont tout à la fois afilictives et infamantes, telles sont: les travaux forcés à perpétuité, la déportation, les travaux forcés à temps, la détention, la réclusion.

D'autres sont seulement infamantes: tels le bannissement et la dégradation civique.

Le bannissement est une peine politique; la dégradation civique a souvent le même caractère, quand elle est

(1) Toutes ces espèces sont tirées du savant recueil La Gazette du Palais.

prononcée comme peine principale. Le législateur de 1884 a considéré avec raison que la condamnation à l'une de ces deux peines ne suppose pas chez celui qui en est frappé un degré de perversité et de turpitude qui le rend indigne d'être chef de famille.

Si un Français a été condamné en pays étranger par un tribunal criminel, le jugement dont il s'agit pourrat-il servir de base à une demande en divorce? Voici ce que répond le tribunal de Pontarlier, le 1er mars 1887:

<< Les jugements criminels des tribunaux étrangers n'ont en France ni force exécutoire, ni force probante. En conséquence un tribunal français ne peut pas s'appuyer sur le jugement d'un tribunal criminel suisse, qui a condamné un Français, pour prononcer le divorce contre lui. »

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2° Les héritiers le peuvent-ils ? non. La nouvelle loi est formelle. Et bien plus, le décès de l'un des conjoints anéantit le jugement de divorce, si ce décès survient avant que le jugement définitif n'ait été exécuté par la transcription sur les registres de l'état civil.

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3o Pour les interdits, de grandes difficultés se présentent, et les controverses à ce sujet seraient trop longues à exposer, même sommairement. Il nous suffira de dire qu'il y a une distinction à établir entre l'interdit légal et l'interdit judiciaire le premier peut demander le divorce avec l'assistance de son tuteur; l'autre est incapable de tout acte judiciaire, mais son tuteur pourra demander la séparation de corps. Si c'est le conjoint qui est tuteur, le subrogé-tuteur le remplacera.

4° Les étrangers domiciliés en France ne peuvent s'adresser aux tribunaux français pour faire prononcer leur divorce, même lorsqu'il est autorisé par les lois de leur pays. Point de controverses possibles.

SECTION III

Quel est le tribunal compétent pour
prononcer le divorce.

La loi va nous le dire « La demande en divorce ne pourra être formée qu'au tribunal de l'arrondissement dans lequel les deux époux auront leur domicile. >> (Art. 234.)

Cela est fort bien si les époux ont un domicile commun; mais le législateur n'a-t-il pas omis un cas assez fréquent: celui où la femme a un domicile parfaitement distinct et personnel, ce qui arrive lorsqu'elle est séparée de corps ? Ne faut-il pas appliquer ici la règle générale en vertu de laquelle tout défendeur doit être assigné par-devant le tribunal de son domicile. L'affirmative ne saurait être douteuse. Mais quand l'instance est une fois engagée, le défendeur aurait beau changer de domicile que le tribunal ne pourrait être dessaisi.

CHAPITRE II

PROCÉDURE DU DIVORCE

SECTION I

Procédure sommaire et spéciale lorsque l'un des époux à été condamné à une peine afflictive et infamante.

La procédure du divorce est assez compliquée, mais les détails dans lesquels nous allons entrer ne sont point

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