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ment au divorce, ces droits sont annulés, et les tiers ne peuvent arguer de leur ignorance puisque la demande en divorce est publiée dans les journaux ainsi que le jugement qui le prononce.

S'il est bien entendu que l'époux donateur est obligé de respecter les droits acquis par des tiers sur les biens donnés, il a toujours néanmoins le droit de recourir contre son conjoint jusqu'à concurrence de la valeur des objets aliénés ou de la diminution de valeur résultant des charges, hypothèques ou servitudes dont les biens ont été grevés.

Si l'époux coupable perd tous les avantages que son conjoint a pu lui faire, l'époux qui a obtenu le divorce à son profit conserve au contraire les avantages qui lui ont été faits « L'époux qui aura obtenu le divorce conservera tous les avantages à lui faits par l'autre époux, encore qu'ils aient été stipulés réciproques, et que la réciprocité n'ait pas lieu. » (Art. 300.)

Quant aux libéralités faites pendant le mariage elles sont toujours révocables, et la loi nouvelle dit que l'époux qui a obtenu le divorce les conserve. Pourrait-on en conclure que le mari coupable serait déchu de ce droit de révocation? Personne, je crois, ne l'admettra et ne pourra soutenir qu'un testateur ne pourra pas refaire, modifier ou anéantir son testament, et on ne serait pas davantage fondé à soutenir que si la libéralité avait été consentie sous une autre forme, elle ne pourrait être révoquée. La révocation est de droit absolu en ces matières, et la loi du divorce n'y a rien changé.

CHAPITRE III

DE LA SÉPARATION DE CORPS

PRÉLIMINAIRES

La séparation de corps, avons-nous dit (page 97), est l'état de deux époux que la justice a dispensés de l'obligation de vivre en commun que le mariage leur imposait.

Les rédacteurs du Code civil estimèrent qu'il fallait admettre un double remède aux infortunes conjugales et ils autorisèrent tout à la fois le divorce et la séparation de corps: le divorce pour ceux dont la conscience ne répugne point à la rupture d'un lien que d'autres considèrent comme sacré et éternel; la séparation de corps pour ceux dont les croyances religieuses repousseraient le divorce. Ils évitèrent ainsi d'exposer aux supplices éternels de l'enfer conjugal les ménages mal assortis. Aussi la séparation de corps a pu être appelée le Divorce des catholiques.

SECTION I

Des causes de la séparation de corps.

Les causes qui peuvent motiver une demande en sépaparation de corps sont les mêmes que celles qui peuvent motiver le divorce: l'adultère, les excès, les sévices ou injures graves, la condamnation de l'un des époux à une peine afflictive et infamante.

SECTION II

Qui peut intenter la demande en séparation de corps?

L'action en séparation de corps, comme l'action en divorce, est essentiellement personnelle; les époux seuls pourraient l'exercer, les héritiers jamais.

Pourrait-elle l'être par le tuteur au nom de l'interdit? L'article 307, § 2, va nous répondre: « Le tuteur de la personne judiciairement interdite peut, avec l'autorisation du conseil de famille, présenter la requête el suivre l'instance à fin de séparation. » Si le tuteur de l'interdit était son conjoint, c'est évidemment au subrogé-tuteur qu'il appartiendrait d'agir.

L'interdit légal peut, lui aussi, demander sa séparation. Et son tuteur n'aurait pas besoin d'être autorisé par le conseil de famille. Quand il s'agit d'un interdit judiciairement, c'est-à-dire d'un incapable en fait et en droit, l'intervention du conseil de famille est une garantie requise par la loi.

SECTION III

Des causes d'extinction de l'action
en séparation de corps.

L'action en séparation de corps s'éteint par la mort de l'un des époux.

Si elle survient pendant le procès, les héritiers peuventils suivre l'instance? Non.

Une autre cause encore met obstacle à la continuation de l'instance; c'est la reconciliation des époux, s'ils ont repris la vie commune. Mais il y a des distinctions à faire si la femme ignorait certains faits qu'elle a appris postérieurement à sa rentrée au domicile commun; si elle y a été attirée par surprise, par violence, les juges doivent considérer plutôt l'intention et la volonté que le fait matériel lui-même.

Quant à la réciprocité des torts, elle n'est pas toujours un moyen de faire écarter la demande. Y a-t-il adultère de la femme, si le mari s'y prêtait complaisamment, il ne pourrait guère se prévaloir de ce grief pour demander sa

séparation de corps. Les jurisconsultes disent en latin <«< qu'il ne peut invoquer sa propre turpitude » ; quant aux injures, il y a lieu pour les magistrats de voir si elles n'ont point été égales de part et d'autre et s'il n'y a pas lieu de renvoyer les parties dos à dos.

SECTION IV

Procédure en matière de séparation de corps.

§ 1.

DU TRIBUNAL COMPÉTENT.

Le tribunal civil compétent est celui du lieu dans l'arrondissement duquel se trouve le domicile commun des époux.

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Le demandeur débute au procès en présentant une requête au président du tribunal civil, avec les pièces à l'appui, s'il y en a. Mais il n'est pas nécessaire qu'il la présente en personne, et le transport de ce magistrat au domicile de l'époux demandeur ne sera jamais nécessaire. En réponse à cette requête, le président du tribunal rend une ordonnance portant que les époux comparaîtront devant lui au jour qu'il indiquera pour la tentative de conciliation. La loi n'exige pas cette fois que la citation à comparaître soit notifiée par un huissier commis. C'est une nouvelle différence avec le divorce.

Les parties sont tenues de comparaître en personne, dans le cabinet du président, au Palais de Justice, ou dans sa demeure, si cela lui convient, sans pouvoir se faire assister d'avoués ni de conseils. Le magistrat fera aux époux ou à l'un d'eux, si le défendeur ne se présente pas, toutes les représentations qu'il croira propres à opérer un rapprochement; s'il ne peut y parvenir, il

rendra une seconde ordonnance portant: « Qu'attendu qu'il n'a pu concilier les parties, il les renvoie à se pourvoir, sans citation préalable au bureau de conciliation. » Pour comprendre ce dernier membre de phrase, il faut savoir qu'aucune affaire ne peut être portée devant les tribunaux sans qu'il y ait eu, devant le juge de paix, une tentative de conciliation; le texte que nous signalons a pour but de dispenser le demandeur en séparation de corps de cette formalité.

« Il autorisera par la même ordonnance la femme à procéder sur sa demande (c'est-à-dire à plaider, à suivre son procès) et à se retirer provisoirement dans telle maison dont les parties seront convenues ou qu'il indiquera d'office; il ordonnera que les effets journaliers à l'usage de la femme lui seront remis. » (Art. 878, Code de procédure.)

Si la femme veut changer de résidence pendant le cours de l'instance, elle devra se faire autoriser par le président du tribunal. Et si elle abandonnait, sans l'autorisation de ce magistrat, la résidence qui lui aurait été assignée et sans motif valable, elle pourrait se voir refuser le droit de poursuivre plus loin sa demande et s'entendre déclarer déchue des bénéfices de l'ordonnance rendue en sa faveur.

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Comme en matière de divorce, les mesures provisoires relatives à la garde des enfants, à la pension alimentaire, sont réglées par le président; il n'y a donc qu'à se reporter à ce que nous avons dit à ce sujet au chapitre du divorce. Quant à la provision ad litem, c'est-à-dire aux avances nécessaires à la femme pour éclairer ses hommes d'affaires et subvenir aux autres frais du procès, elle ne peut être accordée que par le tribunal.

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