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Le mariage serait-il contracté avec dispense d'âge, que l'émancipation serait également acquise de plein droit. Mais s'il y avait nullité du mariage, les actes passés pendant sa durée seraient également nuls, sauf en cas de mariage putatif, où l'émancipation produirait néanmoins tous ses effets à l'égard de l'époux de bonne foi.

SECTION III

Émancipation expresse.

L'émancipation expresse résulte de la volonté formellement exprimée par les personnes qui ont le pouvoir d'émanciper le mineur.

<< Il pourra être émancipé par son père, ou, à défaut de père, par la mère, lorsqu'il aura atteint l'âge de quinze ans révolus. Cette émancipation s'opérera par la seule déclaration du père ou de la mère, reçue par le Juge de paix assisté de son greffier. » (Art. 477.)

« Le mineur resté sans père ni mère pourra aussi, mais seulement à l'âge de dix-huit ans accomplis, être émancipé, si le Conseil de famille l'en juge capable. En ce cas, l'émancipation résultera de la délibération qui l'aura autorisée, et de la déclaration que le Juge de paix, comme président du Conseil de famille, aura faite dans le même acte que le mineur est émancipé. » (Art. 278.)

Le droit d'émancipation appartient donc d'abord au père, il n'est dévolu à la mère qu'à défaut du père. Ce droit elle peut l'exercer lors même qu'elle n'est pas tutrice.

Le pouvoir d'émancipation appartient au père et à la mère naturels, car ils sont investis de la puissance paternelle dont le droit d'émancipation n'est qu'un attribut.

Quand le père et la mère sont morts ou dans l'impossi

bilité d'exercer la puissance paternelle, le droit de provoquer l'affranchissement du mineur n'appartient pas au tuleur seul. « Mais lorsqu'il n'aura fait aucune diligence pour l'émancipation du mineur, et qu'un ou plusieurs parents ou alliés de ce mineur, au degré de cousin germain ou à des degrés plus proches, le jugeront capable d'être émancipé, ils pourront requérir le Juge de paix de convoquer le Conseil de famille pour délibérer à ce sujet. Le Juge de paix devra déférer à cette requisition.» (Art. 479.)

Que l'émancipation ait lieu, sur la réquisition des père et mère, ou qu'elle résulte d'une délibération du Conseil de famille, elle devra, dans l'un comme dans l'autre cas, être constatée sur les registres de la justice de paix.

SECTION IV

Du curateur à l'émancipation.

Le mineur émancipé ne peut faire certains actes sans l'assistance d'une personne qu'on appelle son curateur. Le curateur est toujours nommé par le Conseil de famille, le père et la mère n'ont jamais le droit de le désigner.

Il y a des différences extrêmes entre le tuteur et le curateur. Le tuteur administre les biens du mineur, la loi frappe ses biens personnels d'une hypothèque légale; le curateur n'a pas l'administration des biens du mineur, elle reste à ce dernier; de plus les biens du curateur ne sont pas frappés d'hypothèque légale.

1° L'émancipation affranchit le mineur de la puissance paternelle et de l'autorité tutélaire. Elle met fin à la jouissance légale du père sur les biens de ses enfants. Le mineur échappe au droit de garde, au droit de correction, il peut disposer de sa personne, choisir tel do

micile qu'il lui plaira, s'enrôler dans l'armée de terre ou de mer, s'il est dans les conditions voulues par les lois militaires.

2o Le mineur émancipé passera les baux dont la durée n'excédera point neuf ans; il recevra ses revenus, en donnera décharge, et fera tous les actes qui ne sont que de pure administration, sans être restituable contre ces actes, dans tous les cas où le majeur ne le serait pas luimême. (Art. 182.)

Ce droit d'administration ne doit être outrepassé. Ainsi, par exemple, un mineur émancipé conviendrait dans un bail que ses loyers ou fermages seraient payés à l'avance et plusieurs années à l'avance, une telle clause acceptée par le preneur serait nulle et l'émancipé serait restituable.

3o Le mineur émancipé peut, avec la seule assistance de son curateur, recevoir son compte de tutelle, intenter une action immobilière ou y défendre, recevoir un capital mobilier et en donner décharge, intenter une action en partage, accepter une donation.

Certains actes lui sont formellement interdits, tels sont: Les donations entre vifs, le testament, si le mineur n'a pas seize ans accomplis, le compromis.

4° Il ne pourra accepter ou répudier une succession sans autorisation.

De même, l'acquiescement à une action immobilière ne lui est permis que sous certaines conditions.

5. Il ne peut faire aucun emprunt, sous aucun prétexte, sans une délibération du conseil de famille, homologuée par le tribunal.

6° Toute aliénation de ses immeubles, toute hypothèque sur ses biens doivent être autorisées.

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7° Les obligations qu'il aurait pu contracter par voie d'achats ou autrement, seront réductibles en cas d'excès. Les tribunaux prendront, à ce sujet, en considé

ration la fortune du mineur, la bonne ou la mauvaise foi des personnes qui auront contracté avec lui, l'utilité ou l'inutilité des dépenses. » (Art. 481.)

SECTION V

De la révocation de l'émancipation.

Le mineur émancipé, qui abuse de cette faveur particulière, peut être privé de l'émancipation dont il se montre indigne. Mais il faut pour cela que les engagements qu'il a contractés aient été réduits en vertu d'un jugement. Or, cette réduction ne peut avoir lieu que sur sa demande, et ni les parents, ni le conseil de famille ne peuvent la demander.

« Dès le jour où l'émancipation aura été révoquée, le mineur rentrera en tutelle et y restera jusqu'à sa majorité accomplie » (Art. 486.)

Cette règle toutefois recevrait une exception dans le cas où le mineur se marierait, car la qualité d'époux est incompatible avec celle de mineur.

D'autre part, si le ci-devant émancipé avait encore ses père et mère, ce n'est pas en tutelle qu'il rentrerait, mais en puissance paternelle, ce qui est bien différent.

Maintenant, qui sera chargé de la tutelle du mineur auquel l'émancipation aurait été retirée ? Au survivant de ses père et mère, s'il existe, à son défaut aux ascendants les plus proches, et enfin, à défaut de ceux-ci, à un tuteur choisi et nommé par le Conseil de famille.

SECTION VI

Du mineur commerçant.

« Le mineur émancipé qui fait un commerce, est ré

puté majeur pour les faits relatifs à ce commerce, dit l'article 487 du Code civil. En nous transportant à l'article 2 du Code de commerce, nous trouvons cette autre disposition « Tout mineur émancipé de l'un ou de l'autre sexe, âgé de dix-huit ans accomplis, qui voudra profiter de la faculté que lui accorde l'article 487 du Code civil, de faire le commerce, ne pourra en commencer les opérations ni être réputé majeur quant aux engagements par lui contractés pour fait de commerce : 1. S'il n'a été préalablement autorisé par son père ou par sa mère, en cas de décès ou interdiction ou absence du père, ou, à défaut du père et de la mère, par une délibération du conseil de famille, homologuée par le tribunal civil; 2° Si, en outre, l'acte d'autorisation n'a pas été enregistré et affiché au tribunal de commerce du lieu où le mineur veut établir son domicile. »

Ainsi l'émancipation ordinaire ne suffit pas, car elle peut avoir lieu avant dix-huit ans, tandis que l'émancipation commerciale ne peut devancer cet âge. L'autorisation prescrite par la loi peut avoir lieu par acte sousseing-privé, mais, en ce cas, le greffier du tribunal de commerce exige la légalisation de la signature du père ou de la mère. Si l'autorisation émane du conseil de famille, comme c'est un acte authentique reçu par le juge de paix, la légalisation est superflue et inutile. Cette autorisation est-elle révocable dans le cas où le jeune homme ou la jeune personne en abuserait? On admet généralement l'affirmative, mais avec cette restriction que la décision des parents ou du Conseil de famille pourrait être déférée aux tribunaux.

Dans ce cas encore, quid de la publicité? On fera bien de faire publier la révocation dans les journaux pour ne pas laisser les tiers dans l'ignorance d'une situation qui pourrait être préjudiciable à leurs intérêts et dont ils pourraient se prévaloir contre la famille.

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