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retrouve en nature dans la succession du donataire. Ces mots en nature, prêtent à bien des difficultés. D'abord, si elle a été aliénée soit à titre gratuit, soit par donation, il n'y a pas lieu à retour successoral. Mais si elle a été aliénée à titre onéreux, comme en cas de vente, le donateur pourra revendiquer la créance du prix, aux lieu et place de la chose qui n'existe plus en nature. Si, par exemple, le prix consistait en une rente, l'ascendant succéderait à la rente. Mais si le prix a été payé en partie, l'ascendant succède à la portion qui reste due, sans pouvoir prétendre à celle qui a été payée du vivant du donataire.

Quant à l'action en reprise dont parle la loi, il est bon de dire que l'on entend par là tous les moyens qui peuvent rendre nulles une vente, une donation, etc.

CHAPITRE VI

DES SUCCESSIONS IRRÉGULIÈRES

Les successeurs irréguliers sont : 1° les enfants naturels; 2° le conjoint survivant; 3° l'Etat; 4° les pères et mères naturels; les frères et sœurs de l'enfant naturel.

SECTION I

Des enfants naturels.

Les enfants naturels dont la filiation est légalement prouvée sont successeurs irréguliers de leur père et de leur mère, mais ils ne peuvent prétendre à aucun droit dans la succession des parents de leurs père et mère. Dans la succession de leur père ou de leur mère, ils viennent en concours avec les héritiers légitimes, s'il y en a, ou ils viennent seuls s'il n'en existe pas. La part qui leur est dévolue varie suivant la qualité des héritiers avec lesquels ils concourent. Elle est calculée sur la part que l'enfant devrait avoir s'il était légitime. Concoure-t-il

avec des descendants légitimes, l'enfant naturel a droit au tiers de ce qu'il aurait s'il était légitime. Exemple: Je suis héritier de mon père, et j'ai un frère naturel consanguin. Celui-ci aurait, s'il était légitime, la moitié de la succession; mais il n'aura, vu sa qualité, que le tiers de cette moitié, soit un sixième de l'héritage. - Autre cas : Nous sommes trois frères, deux légitimes et un naturel. Qu'aura ce dernier? Le tiers du tiers, soit un neuvième.

En concours avec des ascendants ou des frères et sœurs et descendants d'eux, l'enfant naturel a droit à moitié de ce qu'il aurait s'il était légitime, soit la moitié de la succession, puisqu'il aurait le tout s'il était légitime.

Concoure-t-il avec des collatéraux ordinaires, il a droit aux trois quarts de ce qu'il aurait, s'il était légitime.

Si l'enfant naturel a reçu une libéralité du père ou de la mère, le montant de cette libéralité est imputé sur sa part. Il ne faut pas confondre cette imputation avec le rapport dont il sera parlé plus tard l'imputation est obligatoire, tandis que l'héritier peut être dispensé du rapport par un testament ou par une clause de donation.

SECTION II

Des enfants incestueux ou adultérins.

§ 1. DES ALIMENTS.

Les enfants naturels, incestueux ou adultérins n'ont pas droit de succession proprement dit; ils ne peuvent que demander des aliments, d'où il résulte : 1° que toute donation faite à un enfant adultérin ou incestueux, par son père ou par sa mère, serait nulle si elle excédait les limites d'un secours alimentaire; 2° que l'enfant adultérin ou incestueux serait exclu de la succession de ses père et mère, même par l'Etat. Aussi, dans la pratique, on

élimine par mille moyens cette disposition barbare, que condamnent tous les auteurs et tous les hommes d'affaires.

« Ces aliments, dit l'article 763, sont réglés, eu égard aux facultés du père ou de la mère, au nombre et à la qualité des héritiers légitimes.»-« Lorsque le père ou la mère de l'enfant adultérin ou incestueux lui auront fait apprendre un art mécanique, ou lorsque l'un d'eux lui aura assuré des aliments de son vivant, l'enfant ne pourra élever aucune réclamation contre leur succession.» (Art. 764.)

§ 2.

A QUI EST DÉvolue la suCCESSION DES ENFANTS

NATURELS?

Enfants adultérins ou incestueux. Qui recueille la succession des enfants naturels? Avant de répondre à la question, il convient d'abord de se demander s'il s'agit d'enfants adultérins ou incestueux. Dans ce cas, le règlement de la succession sera fort simple. Il ne saurait être question des ascendants mêmes des pères et mères, car la loi prohibe la reconnaissance de la filiation adultérine ou incestueuse. Il ne saurait être question davantage des collatéraux. Les seuls héritiers qui puissent prétendre à la succession d'un adultérin ou d'un incestueux sont donc: 1° les descendants légitimes ou naturels; 2o à défaut de descendants, le conjoint; 3° à défaut de conjoint, l'Etat. Dans ces trois cas, le droit commun est applicable. Enfants naturels simples. Si l'enfant naturel a été reconnu par ses père et mère, ou l'un d'eux, voici dans quel ordre ses parents seront appelés à sa succession: 1° ses descendants légitimes ou naturels; 2° ses père et mère légalement connus; 3° ses frères ou sœurs naturels; 4o son conjoint survivant; 5° l'Etat. Nous ne parlerons que des trois premières espèces d'héritiers: ce qui pourrait être dit du conjoint et de l'Etat n'a rien de particulier.

§ 3.

DESCENDANTS LÉGITIMES OU NATURELS.

Ils viennent à l'exclusion de tous autres, même des père et mère du défunt. La loi n'a établi aucune règle spéciale en ce qui concerne les descendants de l'enfant naturel; il y a donc lieu de suivre le droit commun en ce qui les concerne.

§ 4. PÈRE ET MÈRE NATURELS.

<< La succession de l'enfant naturel décédé sans postérité est dévolue au père ou à la mère qui l'a reconnu, ou par moitié à tous les deux, s'il a été reconnu par l'un et par l'autre. » (Art. 765.) Que la reconnaissance soit volontaire ou forcée, il n'y a pas à distinguer.

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«En cas de predécès des père et mère de l'enfant naturel, les biens qu'il en avait reçus passent aux frères ou sœurs légitimes, s'ils se retrouvent en nature dans la succession; les actions en reprise, s'il en existe, ou le prix de ces biens aliénés, s'il en est encore dû, retournent également aux frères et sœurs légitimes. Tous les autres biens passent aux frères et sœurs naturels, ou à leurs descendants. » (Art. 766.)

Les frères et sœurs naturels d'un enfant naturel sont les enfants nés hors mariage du même père et de la même mère que lui; ses frères et sœurs légitimes sont les enfants légitimes de son père ou de sa mère. On remarque de suite que l'expression de frères légitimes est assez singulière, et l'on ne comprend guère que des en fants naturels puissent avoir des parents légitimes. Cependant, pour éviter des longueurs et des phrases inutiles, le législateur s'est servi de termes qui, bien que bizarres, sont assez compréhensibles.

Quand un enfant naturel meurt sans postérité et sans

laisser ni père ni mère qui lui survivent, sa succession revient à ses frères naturels, à l'exclusion de ses frères légitimes. Le droit de succession que la loi accorde aux frères et sœurs naturels, s'étend aussi à leurs descendants.

Droit de retour successoral accordé aux frères et sœurs légitimes de l'enfant naturel. — En enlevant aux frères et sœurs légitimes de l'enfant naturel décédé le droit de venir à sa succession, la loi leur a accordé à titre de compensation un droit de retour successoral analogue à celui dont il a été parlé au titre de l'adoption. Ce droit de retour s'applique aux biens que l'enfant naturel a reçus de ses père et mère soit à titre de donation, soit même à titre de succession. Le but du retour est de faire rentrer les biens que l'enfant naturel tient de ses père et mère, dans la famille d'où ils sont sortis. Les biens que l'enfant naturel a reçus de son père ne peuvent donc être repris que par les enfants légitimes de ce père, et de même les enfants légitimes de la mère pourront seuls reprendre les biens venant de celle-ci.

Le droit de retour successoral ne peut s'ouvrir qu'autant que l'enfant naturel est mort sans postérité, et que les choses à lui données par ses père et mère, ou l'un d'eux, ou recueillies dans leur succession se retrouvent encore en nature. En cas d'aliénation, les frères et sœurs légitimes succéderaient seulement au droit de reprise (il existe toujours en cas de non exécution des conditions de l'aliénation), ou à la créance du prix qui pourrait être encore dû; le tout à la charge de contribuer aux dettes du défunt. Il faut en outre que le père et la mère de l'enfant naturel soient décédés tous les deux. La présence de l'un d'eux empêche donc le retour successoral des frères légitimes, même pour les biens qui proviennent du chef de son conjoint prédécédé.

Le droit de retour successoral est accordé aux frères

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