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tout ascendant a forcément un héritier né au moment de la donation, sans quoi il ne pourrait être ascendant.

Que décider au cas où il aurait été stipulé que la donation, faite hors d'un contrat de mariage, serait irrévocable, même au cas de survenance d'enfant? Que cette clause serait nulle et non avenue, comme contraire à une disposition formelle de la loi.

SECTION III

Du don manuel.

Tous les actes de libéralité entre vifs ne sont pas assujettis aux formes solennelles dont il a été ci-dessus parlé. Le don manuel notamment, c'est-à-dire la remise. de la main à la main d'une chose, est valable sans formalités ni écritures. Sur les dons manuels, qui autrefois étaient appelés de main chaude, le Code civil est muet, mais ils n'existent pas moins dans la pratique; aussi la jurisprudence et la doctrine ont-elles dû intervenir pour les réglementer. Néanmoins, quelque claires et précises qu'aient pu être leurs explications, il n'en est pas moins des cas particuliers, des espèces, comme disent les juristes, qui sont tellement embarrassants que les décisions des tribunaux sont assez souvent contradictoires en ce qui les concerne.

En voici quelques-uns, qui fixeront mieux le lecteur que toutes les théories sur la nature de ces difficultés.

1o Les dons manuels de titres au porteur, faits sans fraude par un donateur ayant la capacité de disposer au profit d'un donataire ayant la capacité de recevoir, sont valables, malgré l'inobservation des formalités prescrites par la loi, pourvu que la tradition réelle (c'est-à-dire la remise effective) des objets donnés ait été faite par le donateur, avec l'intention de se dépouiller actuellement et irrévocablement. (Cour d'appel de Lyon, 2 mars 1876.)

2o De même, le don manuel peut avoir pour objet des titres au porteur, alors même que le donateur s'en est réservé l'usufruit; il en est ainsi surtout quand le donateur a laissé au donataire la libre disposition des titres à la seule charge de lui payer une somme annuelle représentant les intérêts de ces valeurs à l'époque de la donation. (Cour d'appel de Dijon, 12 mai 1876.)

3o La Cour de Paris juge, de son côté, que le don de valeurs mobilières avec réserve par le donateur d'en percevoir les intérêts jusqu'à sa mort est un don de nue-propriété ne pouvant faire l'objet d'une donation manuelle.

Preuve du don manuel. — 1o La preuve du don manuel est soumise aux règles générales en matière de preuve, et ne peut être faite par témoins, si le don excède la valeur de cent cinquante francs. Ainsi décide la Cour de Paris, par son arrêt du 25 mars 1876.

La simple allégation par une domestique du défunt que son maître lui a fait un don manuel de titres au porteur, la veille de sa mort, et qu'elle les a déposés dans un meuble de ce dernier, dont elle les a retirés le lendemain du décès, n'est pas suffisante pour justifier l'application de la règle « en fait de meubles, possession vaut titre. » Seulement, en pareil cas, la domestique peut être admise à prouver par témoins la vérité des faits qu'elle allègue. (Cour d'appel de Paris, 9 août 1875.)

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Le testament est un acte, révocable jusqu'au décès, par lequel une personne (le testateur) dispose pour le temps

où il n'existera plus de tout ou partie de ses biens. Par cet acte, on dispose donc de sa fortune pour le temps où l'on ne pourra plus en jouir soi-même ; et l'on remarque, immédiatement, d'après cette définition, quelles différences énormes existent dans les conditions de validité des donations entre vifs et des testaments: dans les premières, il faut le dessaisissement immédiat et irrévocable; dans les dispositions testamentaires, au contraire, le testateur ne se dépouille de rien et sa volonté de faire bénéficier telle ou telle personne de ses libéralités reste incertaine et variable jusqu'au jour où la mort l'aura rendue immuable.

Révocation. La révocation d'une libéralité testamentaire a lieu soit par un testament postérieur, soit par un acte notarié quelconque portant déclaration du changement de volonté. Cette révocation peut même être tacite comme dans le cas, par exemple, où le testateur aurait aliéné de son vivant la chose léguée. D'autre part, si cette chose avait péri, le légataire serait encore privé du bénéfice de la libéralité. Exemple: Je donne à Paul le troupeau de moutons de ma ferme de Chaluze, et une épizootie le fait périr; quand on retrouvera dans mes papiers ou chez mon notaire cette expression de ma volonté, Paul ne pourra rien réclamer à mes héritiers ou légataires, car par le fait de nature, cette disposition en sa faveur est nulle et non avenue.

Caducité. Les dispositions testamentaires sont caduques, en d'autres termes mort-nées ou non avenues, si celui en faveur de qui elles étaient faites n'a pas survécu au donataire.

§ 2.

COMBIEN Y A-T-IL D'ESPÈCES DE TESTAMENTS?

La loi française admet trois manières d'exprimer ses dernières volontés; de là, trois sortes de testaments, qui sont :

1o Le testament olographe;

2o Le testament authentique ou par acte public;

3o Le testament mystique.

Quelle qu'en soit la forme, un testament ne peut être fait dans un même acte par deux ou plusieurs personnes; tout testament qui contiendrait des dispositions multiples de dernière volonté serait absolument nul.

SECTION II

Du testament olographe.

On appelle testament olographe celui qui est écrit par le testateur lui-même. Ses conditions de validité sont des plus simples; les voici: Il doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur. Mais si ces trois conditions, d'écriture, de date, de signature, sont suffisantes, elles sont essentielles ; et l'omission d'une seule d'entre elles entraînerait la nullité de l'acte testamentaire. Ainsi le testament olographe serait nul, s'il renfermait des mots écrits par une main étrangère, s'il n'était pas signé, s'il ne portait pas de date. C'est une erreur généralement accréditée que le testament olographe, ou sous-seing privé, doit être écrit sur papier timbré. Il n'en est rien, seulement il est bon de savoir que l'emploi du papier ordinaire exposerait les légataires au paiement d'une amende pour défaut de timbre. Voici, pour ceux qui voudraient tester sous forme olographe, comment se rédigent ordinairement ces sortes d'actes.

FORMULE OU MODÈLE D'UN TESTAMENT OLOGRAPHE.

Je soussigné, Jean-Charles Bureau, propriétaire, demeurant au Creusot, département de Saône-et-Loire,

Ai fait mon testament ainsi qu'il suit :

J'institue pour mon légataire universel M. André Larue, mon neveu, maréchal-des-logis, au treizième escadron du train des Équipages militaires, en garnison à Moulins, département

de l'Allier, auquel je lègue l'universalité de mes biens, meubles et immeubles, sans aucune exception ni réserve. Il aura la pleine propriété et la libre jouissance de tout ce qui fait l'objet des présentes, dès l'instant de mon décès.

Le tout écrit de ma main, au Creusot, le sept juin mil huit cent quatre-vingt-dix.

(Signature.)

Souvent les testaments sont précédés d'une invocation pieuse, mais cet usage, bien qu'encore très suivi, tend de plus en plus à disparaître. Parfois encore, le testateur constate qu'il est sain d'esprit, et que sa volonté est libre et réfléchie, mais tout cela n'ajoute aucune valeur à l'acte. Le testateur a beau se délivrer un certificat de lucidité, cela n'empêche pas les héritiers présomptifs, au détriment desquels le testament est fait, de contester la lucidité intellectuelle du testateur, ou d'alléguer la captation.

La manière la plus simple de faire un testament olographe est encore de recourir à la forme épistolaire dont voici un exemple.

FORMULE OU MODÈLE DE TESTAMENT PAR LETTRE MISSIVE

A Monsieur Alfred Duchêne, boulevard Saint-Germain, no 174, à Paris.

Mon cher ami,

Ne voulant pas me laisser surprendre par la mort, bien que je la suppose encore lointaine, avant de te donner une preuve de mes sentiments affectueux, je te lègue ma propriété de Manlay, canton de Liernais (Côte-d'Or), avec tous les meubles, effets mobiliers, agricoles ou autres, le cheptel et tout ce qui s'y trouve ou en dépend. Tu en auras la propriété et la jouissance à partir du jour de mon décès.

Ton ami et cousin bien affectionné,

JEAN DUCHENE.

Fait à Vichy, le sept décembre mil huit cent quatre-vingt-dix.

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