Page images
PDF
EPUB

Dans son mémoire, M. Richet formulait déjà les propositions suivantes : « 1o On ne peut admettre que les phénomènes somnambuliques, magnétiques ou hypnotiques soient dus à la simulation : l'existence du somnambulisme provoqué est un fait aussi certain et aussi indiscutable que l'existence de l'épilepsie ou de la fièvre typhoïde;

2o Les passes magnétiques, les excitations faibles de toute nature, agissent aussi bien, et même mieux, que la fixation d'un objet brillant, pour déterminer le somnambulisme;

་་

3o Les phénomènes que l'on observe se montrent aussi dans les diverses intoxications ou perversions du système nerveux central. Elles consistent principalement en deux phénomènes : l'hallucination et l'automatisme. >>

[graphic][merged small]

Par ce travail, la première en date des publications de l'Ecole de Paris sur l'hypnotisme, M. Richet plaçait la question sur un terrain rigoureusement scientifique. En 1883, il complétait les recherches précédentes dans un volume paru sous ce titre L'homme et l'intelligence. Là, insistant sur la possibilité de provoquer chez les sujets plongés dans l'état de somnambulisme des variations de la personnalité, il donnait à ces changements de personnalité le nom d'objectivation de types.

M. Richet un des premiers a reconnu le rôle que l'hypnotisme est appelé à jouer comme procédé d'investigation psychologique; et il l'a fait dans les termes suivants :

"L'hypnotisme est un admirable appareil de vivisection psychologique. Grâce aux travaux des médecins et des physiologistes qui ont étudié l'hypnotisme, nous connaissons l'inconscient, nous savons que cet inconscient, accomplit silencieusement des opérations intellectuelles merveilleuses, et il est évident qu l'étude approfondie de l'écriture automatique amènera à con

naître cet insconscient surprenant qui est en nous, et qu'on avait jusqu'ici à peine soupçonné...

Les organisateurs du premier Congrès de l'hypnotisme voulant rendre hommage aux grands services rendus par M. Charles Richet l'avaient désigné comme l'un des présidents d'honneur du Congrès, le second Congrès lui a conféré le même titre, faible témoignage de nos sentiments de respectueuse sympathie et de notre reconnaissance.

Récemment, M. Richet a publié dans la Revue scientifique un remarquable article sur l'Avenir de la psychologie. Il y démontre que le premier problème de psychologie est la physiologie de la cellule nerveuse, mais il entrevoit aussi pour la psychologie de plus vastes horizons. Il envisage la multiplicité de ses applications pratiques, la voyant enfin appliquée à la justice, à l'éducation et à la morale, c'est-à-dire instituée à la base même de la vie sociale. En un mot, selon M. Richet, dont nous partageons absolument l'opinion, c'est la psychologie qui doit fixer la morale.

Après vous avoir exposé à grands traits l'oeuvre des précurseurs, et avant d'aborder la deuxième partie de cette conférence, qui a pour sujet l'œuvre de Charcot à la Salpêtrière et de Dumontpallier à la Fitié, permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur une physionomie intéressante. Il s'agit d'un homme qui occupe, par l'originalité de ses travaux, une place à part dans l'histoire de l'hypnotisme. Luys, connu déjà par d'importants travaux sur l'anatomie du cerveau, s'est livré dès 1878 à de nombreuses études sur l'hypnotisme. Il étudia surtout les réactions émotionnelles chez les sujets hypnotisés, et se préoccupa d'augmenter, par la création d'appareils ingénieux, la profondeur des états d'hypnotisme. Dans les dernières années de sa vie, il fit à la Charité de multiples et retentissantes démonstrations d'hypnotisme. Un tableau de Moreau de Tours a reproduit une scène de fascination dans laquelle se trouvent réunis les principaux sujets soumis à ces expériences. Luys fut un des trois membres désignés, en 1877, par la Société de biologie pour vérifier les travaux de Burq sur la métallothérapie. C'est à la suite des rapports de cette commission que l'on commença dans les hôpitaux de Paris les recherches sur l'hypnotisme, et Luys fut, parmi les médecins des hôpitaux, un des premiers à entrer dans cette voie. Deux de ses élèves les docteurs Bottey et Descourtis ont apporté d'utiles contributions à l'étude de l'hypnotisme.

Quelques-uns des travaux de Luys ont donné lieu à des critiques un peu vives. Cela n'empêche pas que par ses recherches, son enseignement et ses publications, il ait joué un rôle appréciable dans l'évolution de l'hypnotisme. Nous lui savons particulièrement gré d'avoir offert à notre musée de psychologie son matériel d'enseignement et les appareils qu'il avait imaginés pour faciliter la production de l'hypnose.

CHARCOT.

Malgré tous ces efforts individuels, l'enseignement officiel semblait devoir encore rester longtemps fermé à l'étude de l'hypnotisme, lorsque enfin, en 1878 entre en scène la puissante personnalité de Charcot. Il étudie à la Salpêtrière l'hypnotisme chez les grandes hystériques et trouve dans ces malades un précieux instrument d'investigation expérimentale. Les recherches de la Salpêtrière, conduites avec une méthode rigoureuse et abordant la question par le côté clinique et nosographique, déterminent vers les études d'hypnotisme un mouvement d'opinion considérable.

[graphic][subsumed][merged small]

Charcot, par sa méthode rigoureuse, a rendu le double service d'établir la valeur des phénomènes somatiques impossibles à simuler, et d'assurer à l'hypnotisme droit de cité dans l'enseignement officiel.

Il commença par étudier d'une façon minutieuse les symptômes et les signes objectifs de la grande hystérie; puis amené à observer les états d'hypnotisme que présentent spontanément ces malades, il aborda enfin l'étude expérimentale de l'hypnotisme. Charcot, se conformant à sa méthode personnelle d'investigation, se préoccupa avant tout de rechercher les signes diagnostiques, physiques et facilement appréciables des divers états nerveux produits. Ses études ayant porté uniquement sur des sujets notoirement

atteints d'hystérie, les faits observés furent rangés par lui sous la dénomination d'hypnotisme hystérique.

Les principaux auteurs dont les travaux ont été inspirés par l'Ecole de la Salpêtrière sont : Ladame (1881), Bourneville et Regnard (1878 et 1879), Tamburini et Sepilli (1882), Paul Richer (1885), Féré et Binet (1887), Gilles de la Tourette (1889), Pitres (1891) et Babinski (1891).

L'Allemagne ne resta pas non plus indifférente à ce mouvement scientifique. Un physiologiste de Breslau, Heidenhain se livra en 1880 à d'intéressantes recherches sur l'hypnotisme expérimental. Il fut suivi dans cette voie par quelques-uns de ses compatriotes parmi lesquels il convient de citer: Grützner, Berger, Baümler et surtout Preyer.

Les principales règles de la méthode de Charcot ont été notées par M. le Dr Paul Richer, dans ses Etudes cliniques sur la grande hystérie, qui constituent un véritable monument destiné à marquer l'entrée de l'hypnotisme dans l'enseignement officiel. On ne saurait trop rappeler ces règles fondamentales.

[graphic][ocr errors][merged small]

Un expérimentateur qui s'en écarterait courrait le risque de s'égarer dès le début de ses recherches. Elles sont les suivantes :

1° Choisir comme matière de l'expérimentation des sujets dont les conditions, physiologiques et pathologiques parfaitement connues soient les mêmes; 2o Soumettre les diverses conditions expérimentales à un déterminisme rigoureux.

3o Procéder du simple au composé, du connu à l'inconnu;

40 Se mettre en garde contre la simulation, en recherchant partout et toujours, mais particulièrement dans les phénomènes d'ordre psychique, le signe physique facile à constater, et qui par sa nature même devient un criterium certain et une preuve indiscutable de la réalité des faits observés;

5° S'attacher surtout aux cas simples, c'est-à-dire dans lesquels les différents phénomènes apparaissent avec le plus de netteté, et plus isolés les uns des autres;

6o Rechercher, suivant la méthode des nosographes, à classer les divers phénomènes en séries naturelles, de façon à établir dans ce grand groupe de faits réunis sous le nom d'hypnotisme, plusieurs subdivisions.

Ces règles s'appliquaient aux formes caractéristiques de l'hypnotisme qu'on observe dans le cours des manifestations de la grande hystérie et qu'on a désignées assez justement sous le nom de grand hypnotisme.

En effet, tous les auteurs de la Salpêtrière étaient d'accord pour prétendre que les effets des excitations physiques sont très différents selon qu'on les applique à des sujets hystériques ou à des sujets normaux. En un mot, les hystériques seraient seuls susceptibles, selon eux, de tomber dans des élats spéciaux, nettement caractérisés par des symptômes somatiques particuliers,

[graphic][merged small]

et cela par la seule action de l'hypnotisme ou par des excitations sensorielles exercées dans cet état.

Ainsi, pour les élèves de la Salpêtrière, la fixation prolongée d'un objet brillant, la compression des globes oculaires, lorsqu'on soumet un sujet hystéro-épileptique à ces manoeuvres, auraient pour effet de plonger ce sujet dans la période de l'hypnotisme désignée sous le nom de léthargie. Celte période étant essentiellement caractérisée par la résolution des membres, par de l'analgésie complète de la peau et des muqueuses, mais surtout par l'apparition d'un phénomène somatique fixe: l'hyperexcitabilité neuro-musculaire. Lorsqu'on excite mécaniquement à travers la peau les muscles, les tendons ou les nerfs moteurs des sujets, on voit se produire des contractures intenses des muscles excités. Ces contractures seraient remarquables par leur résistance aux tractions, leur permanence et la facilité avec laquelle elles cèdent sous l'influence des mêmes excitations qui les ont produites, ou bien d'excitations analogues portant sur les muscles antagonistes.

« PreviousContinue »