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Au lieu de recourir aux excitations sensorielles lentes, si l'on emploie des excitations brusques, telles que le bruit inattendu d'un coup de gong, l'apparition soudaine d'une lumière éblouissante, l'effet obtenu serait l'état de catalepsie. Dans cette période, l'hyperexcitabilité neuro-musculaire a disparu. Elle a fait place à une plasticité musculaire très caractéristique, grâce à laquelle les muscles peuvent conserver, sans fatigue appréciable, les attitudes variées dans lesquelles on les place.

Le fait d'exercer une pression sur le vertex d'un sujet placé dans l'une des deux périodes précédentes aurait pour effet de provoquer la période dite de somnambulisme, dans laquelle le sujet reprend une partie de son activité intellectuelle et musculaire, et dans laquelle on a observé souvent une hype

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racuité remarquable de tous les sens (ouïe, vue, odorat, goût). Le toucher lui-même participe à cette hyperexcitabilité qui se traduit par ce fait que la plus légère excitation de la peau amène la contracture des muscles sousjacents. On aurait dans la période de somnambulisme de l'hyperexcitabilité cutanéo-musculaire par opposition à l'hyperexcitabilité neuro-musculaire de la période de léthargie.

L'étude de ces trois périodes a vivement surexcité la curiosité des expérimentateurs; mais, bientôt, la plupart de ceux qui ont cherché à vérifier l'existence des phénomènes somatiques, décrits par M. le professeur Charcot, ont déclaré qu'ils ne pouvaient interpréter la production de ces phénomènes que par l'intervention de la suggestion. De là des discussions sans fin qui

se sont renouvelées dans tous les Congrès et dans toutes les réunions où la question de l'hypnotisme a été remise sur le tapis. Mais, malgré les efforts tentés par MM. les professeurs Grasset, Tamburini et quelques autres, pour arriver à trouver un terrain de conciliation pour les deux doctrines en présence, le différend persiste encore.

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Nous n'en voulons pour preuve que l'affirmation formulée par M. le professeur Pitres, de Bordeaux, qui s'exprime ainsi : « Les phénomènes somatiques du grand hypnotisme ne sont pas des créations artificielles surajoutées par voie de suggestion aux phénomènes psychiques de l'hypnose expérimentale. La léthargie, la catalepsie, le somnambulisme, sont des états distincts dont la réalité clinique ne saurait être légitimement contestée. Mais ces états ne se montrent avec toute leur netteté que dans l'hypnotisme provoqué chez les hystériques.»

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D'ailleurs dans ses Leçons cliniques sur l'Hystérie et l'Ilypnotisme, M. Pitres a reproduit en les contrôlant les enseignements fondamentaux donnés par Charcot à la Salpêtrière. Comme Charcot, il arrive à la conclusion qu'il existe des rapports d'étroite parenté entre l'hystérie et l'hypnofisme.

Un autre élève de Charcot, M. le docteur Babinski, a également soutenu la même thèse et affirmé que la division du grand hypnotisme en trois états distincts: léthargie, catalepsie et somnambulisme, est légitime. Dans son travail, M. Babinski fait tendre toute son argumentation à la démonstration de ce fait que les phénomènes hypnotiques sont de même essence que les

phénomènes hystériques et que des liens intimes unissent l'hypnotisme à l'hystérie.

Un remarquable tableau dû au pinceau du peintre A. Brouillet, transmettra à la postérité, avec une grande fidélité, le souvenir des célèbres leçons de Charcot sur l'hypnotisme. Dans ce tableau sont groupés presque tous les hommes éminents, élèves de Charcot, dont les travaux ont contribué à la gloire de l'Ecole de la Salpêtrière.

Charcot qui s'était surtout livré à l'étude des phénomènes somatiques de l'hypnotisme n'avait pas insisté beaucoup sur sa valeur curative et sur son rôle en thérapeutique. Peu de temps avant sa mort, il synthétisa dans une curieuse brochure ayant pour titre : La foi qui guérit, toutes les conséquences thérapeutiques qui se dégageaient des études expérimentales auxquelles il avait donné un si brillant essor.

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Alors même qu'ils appartenaient à des écoles rivales de celle de la Salpêtrière, tous les savants adonnés à l'étude de l'hypnotisme rendaient hommage à la puissance de son esprit et à son immense valeur scientifique.

Il avait été le premier président d'honneur acclamé par le premier Congrès international de l'hypnotisme en 1889, et la Société d'hypnologie et de psychologie l'avait placé au premier rang des hommes dont elle réclamait le patronage.

A la mort de Charcot, l'Ecole de la Salpêtrière était représentée par une pléiade de disciples éminents. C'est à M. le professeur Raymond qu'échut l'honneur de succéder au maître. Nous sommes heureux de reconnaître que

Charcot a trouvé en lui un vaillant continuateur. Sous son impulsion, l'hypnotisme, qui avait été, dans l'oeuvre de Charcot, presque exclusivement physiologique et expérimental est devenu franchement psychologique et thérapeutique. En acceptant de présider les assises de ce Congrès, où l'hypnotisme apparaît surtout sous la forme psychologique et curative, notre savant maître oriente nos travaux dans une voie féconde. M. le professeur Raymond ne s'est pas borné à nous apporter l'appui de son autorité et de sa parole éloquente, il nous convie à visiter les divers laboratoires de son important service, à la Salpêtrière. Demain ses chefs de clinique nous feront les honneurs de la maison où l'illustre Charcot a accompli sa grande œuvre scientifique. Qu'il me permette de le remercier vivement d'une bienveillance dont il m'a déjà personnellement donné tant de marques, et dont sa présence ici est une nouvelle preuve.

DUMONTPALLIER.

Le deuxième Congrès international de l'hypnotisme devait être présidé par le Dr Dumontpallier. Beaucoup de nos adhérents ont assisté au premier Congrès. Ils se souviennent de l'autorité et de l'impartialité avec lesquelles il dirigea les travaux de ces assises mémorables. Les nouveaux venus me sauront gré de leur rappeler la part considérable qu'il a prise dans l'étude de l'hypnotisme:

En 1876, le Dr Burq demandait à la Société de Biologie de vouloir bien nommer une Commission chargée d'étudier les résultats de l'application des métaux à la surface cutanée.

Charcot, Luys, Dumontpallier furent désignés pour composer cette Commission. Nommé rapporteur, Dumontpallier se mit à l'œuvre pendant deux ans, et travailla avec énergie dans le service de Charcot, à la Salpêtrière. Après une étude minutieuse, il affirma l'exactitude des faits avancés.

Mais, en même temps qu'il vérifiait les faits énoncés par Burq, des phénomènes nouveaux lui étaient révélés.

Sur les sujets soumis aux applications métalloscopiques, M. Gellé, qui avait été appelé à collaborer aux travaux de la Commission, remarqua que, du côté où l'acuité auditive était normale au début de l'expérience, cette acuité auditive, à la fin, avait diminué dans une mesure sensiblement proportionnelle à celle dont elle avait augmenté dans le côté malade sur lequel on avait opéré avec le métal.

En présence de ce résultat, Dumontpallier voulut voir ce qui avait lieu du côté de la sensibilité générale. L'application du métal sur le côté anesthésique lui permit de constater que la sensibilité, en même temps qu'elle revenait sur ce côté, disparaissait du côté opposé dans les points homologues. Il proposa à la Commission le mot de transfert pour désigner ces phénomènes, terme qui fut adopté et qui a reçu, depuis, la consécration de l'usage. Les recherches de M. Landolt sur la sensibilité oculaire vinrent confirmer de tous points ce que M. Gellé avait constaté pour l'ouïe, et ce que Dumontpallier avait vu pour la sensibilité générale. Quand on rendait la vue à gauche, on la faisait perdre à droite, et cela suivant des degrés déterminés.

Dumontpallier, poursuivant ses études sur l'anesthésie des hystériques, ne tarda pas à reconnaître que les plaques métalliques de Burq pouvaient, dans toutes ces expériences, être remplacées par différents agents physiques. Les mêmes résultats pouvaient être obtenus au moyen de l'aimant,

de courants électriques faibles, de vibrations sonores et, en un mot, de tous les agents décrits sous le nom d'oesthesiogènes; les excitations mécaniques faibles et répétées ayant également une action analogue.

C'est ainsi que les recherches métalloscopiques de Burq attirèrent l'attention de Dumontpallier sur les modifications de la sensibilité déterminées par les diverses excitations périphériques.

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Les conclusions des rapports de Dumontpallier sur la métalloscopie eurent un retentissement considérable.

Dans le cours de ses expériences, Dumontpallier avait été successivement conduit à étudier le rôle joué par les agents physiques dans la production des phénomènes de l'hypnotisme. Il arriva à cette conclusion que les manifestations observées dans les états profonds de l'hypnotisme procédaient des modifications périphériques déterminées sur la peau et sur les organes des sens par les agents physiques. Il en fit la démonstration dans un grand nombre d'expériences, où il agissait avec le vent d'un soufflet ordinaire, la chaleur, le froid, les courants électriques, la lumière solaire directe ou réfléchie, les raies du spectre, le son, etc., etc. Toutes ces expériences

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